Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 9 octobre 2014, 13-20.878

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-10-09
Cour d'appel de Besançon
2013-05-14

Texte intégral

Donne acte à la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs (la caisse) du désistement partiel de son pourvoi en tant qu'il est dirigé à l'encontre du ministre chargé de la sécurité sociale ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Besançon, 14 mai 2013) que Mme X..., employée depuis 1998 en qualité d'agent de fabrication par la société CML innovative technologies (l'employeur), a souscrit, le 26 juin 2008, une déclaration de maladie professionnelle, accompagnée d'un certificat médical faisant état d'une tendinite de l'épaule gauche secondaire à des gestes répétitifs au travail ; que la caisse ayant refusé de prendre en charge l'affection déclarée, Mme X... a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la caisse fait grief à

l'arrêt de dire que l'affection déclarée doit être prise en charge au titre du tableau n° 57 A des maladies professionnelles, alors, selon le moyen : 1°/ que si l'expert désigné en application des articles L. 141-1 et suivants du code de la sécurité sociale est compétent pour se prononcer sur les contestations d'ordre médical, il ne lui appartient pas, en revanche, seules les constatations d'ordre médical étant de son ressort, de se prononcer sur l'exposition aux risques à raison des gestes que l'assuré accomplis dans le cadre du poste de travail qu'il occupe ; qu'à supposer que le rapport de l'expert médical nommé par le premier juge et dressé à raison de l'exécution provisoire dont le jugement a été assorti, compte des éléments quant à l'exposition aux risques, il ne pouvait en aucune façon fonder la décision des juges du fond pour échapper à la compétence de l'expert médical ; que ce point de vue, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation des articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; 2°/ qu'eu égard à son objet et à l'autorité qui lui est attachée, l'avis de l'expert médical ne peut être assimilé à l'avis qu'émet un technicien dans le cadre d'une mesure prescrite conformément au droit commun ; que de deux choses l'une : ou bien l'avis est émis dans le champ de compétence de l'expert médical et il s'impose aux parties et aux juges ; ou bien il est émis en dehors du champ de compétence de l'expert médical et dans ce cas, il n'a aucune autorité et ne peut être invoqué ; que tel était le cas en l'espèce ;

qu'en décidant

le contraire, les juges du fond ont violé les articles L. 141-1 et L. 141-2 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article L. 161-1 lire L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; Mais attendu qu'appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve produits aux débats, parmi lesquels figurait le rapport de l'expertise médicale ordonnée en application de l'article L. 141-1 du code de la sécurité sociale qui ne s'imposait pas en l'absence de différend d'ordre médical entre la caisse et l'assurée, la cour d'appel a pu, sans encourir les griefs du moyen, déduire qu'il était établi que l'intéressée, atteinte d'une affection prévue au tableau n° 57 A des maladies professionnelles, dans sa rédaction applicable, avait été exposée au risque comme ayant effectué des travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen

:

Attendu que la caisse fait le même grief à

l'arrêt, alors, selon le moyen, qu'à supposer que l'assurée ait été exposée aux risques, en toute hypothèse, la présomption ne pouvait jouer, par référence au tableau n° 57 A, dans sa rédaction applicable, que pour autant que la demande de prise en charge soit intervenue dans un certain délai décompté du jour de la cessation de l'exposition aux risques ; que ce point était dans le débat ; qu'en s'abstenant de préciser si tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ;

Mais attendu

que l'arrêt retient que toutes les conditions fixées au tableau n° 57 A des maladies professionnelles sont réunies de sorte que l'intéressée bénéficie de la présomption d'imputabilité sans qu'il soit besoin de demander l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles ; Que par ces seuls motifs, alors qu'il ne résultait pas des conclusions de la caisse et de l'employeur que la condition de délai de prise en charge de la maladie déclarée était contestée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs et la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf octobre deux mille quatorze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par Me Foussard, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs. PREMIER MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement du 26 mars 2012, annulé la décision de la commission de recours amiable du 17 février 2009 et décidé que la maladie de Madame X..., déclarée le 26 juin 2008, visait une affection du tableau n°57A et devait être prise en charge au titre des maladies professionnelles ; AUX MOTIFS QU' « ainsi que le rappelle à bon droit la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, pour qu'une maladie professionnelle soit reconnue d'origine professionnelle, trois conditions sont nécessaires : - les lésions doivent être répertoriées dans un tableau défini à l'article L46l-l du Code de la sécurité sociale ; - la victime doit être exposée au risque : ainsi, l'activité du demandeur doit être inscrite dans ledit tableau, c'est-à-dire dans une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle ; - la demande de prise en charge doit être effectuée dans les délais fixés ; que la caisse primaire reconnaît que Mme Maryse X... est atteinte de la maladie inscrite au tableau 57 A, ce qui, selon elle, rendait inutile expertise technique, le médecin désigné n'étant au demeurant pas compétent aux fins d'établir le lien entre l'activité professionnelle et la maladie, seul son avis sur la désignation de la maladie pouvant être donné ; qu'elle maintient que l'exposition au risque n'est pas rapportée et que Mme X... ne peut pas bénéficier de la présomption ni demander la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ce que l'intéressée conteste en tous points, en soutenant notamment que la présomption d'imputabilité impose que l'assuré apporte la preuve qu'l est atteint de l'une des affections prévues aux différents tableaux et qu'il est exposé de façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par ces tableaux, le terme habituel ne pouvant être limité à une notion de durée mais devant s'entendre en termes de fréquence, de même qu'il n'implique ni la permanence, ni la continuité, une faible exposition professionnelle ne permettant pas d'écarter l'origine professionnelle ; que s'il est vrai que l'expertise technique ordonnée par le Tribunal ne s'imposait pas, dès lors qu'il n'existait pas de différend d'ordre médical entre la caisse et il résulte néanmoins de cette expertise que si la concernée correspond bien au tableau 57 A, comme l'avait retenu le médecin-conseil de la caisse, le médecin expert a toutefois précisé, d'une part, que les causes de cette pathologie, à savoir une tendinopathie de l'épaule gauche compliquée d'une rupture du tendon sus-épineux avec réparation chirurgicale et douleurs séquellaires, sont la surutilisation tendineuse par la répétition multiple de mouvements identiques qui aboutit à une dégénérescence des fibres tendineuses, lesquelles peuvent se rompre, d'autre part, que les postes décrits par Mme X... correspondent bien à cette définition, cette description faisant apparaître que bien que droitière, l'intéressée a sollicité ses épaules à égalité (saisie des pièces à gauche, dégagement à droite) et que de plus l'utilisation d'un appareillage destiné à soulager du coude gauche apparue préalablement à la rupture tendineuse de l'épaule, a inévitablement impacté le fonctionnement de cette épaule par modification des amplitudes physiologiques ; que ces renseignements sont repris par Mme X... pour établir qu'elle était bien exposée au risque ce que le consultant désigné, M. Y..., n'a pas écarté, puisque, ainsi que le relève avec pertinence l'appelante, celui-ci n'a pas précisé que Mme X... n'était pas exposée au tableau 57 A et que s'il ressort de son rapport que les sollicitations de l'épaule gauche au sein de la société CML ne constituaient pas une part prépondérante de son travail au cours de la période 1998 -2008, et que l'épaule gauche n'était pas soumise à des mouvements forcés, il a toutefois précisé que durant la même période, l'épaule gauche n'était pas soumise à une répétition de sollicitation importante et qu'il y avait alternance de plusieurs gestes de faible amplitude, cette conclusion ne permettant pas d'exclure, comme l'a fait le tribunal, qu'il n'y avait pas de travaux répétitifs, étant relevé que le médecin du travail, entendu par le consultant, a précisé que les chargements et déchargements ponctuels des bacs pouvaient faire travailler l'épaule gauche de Mme X..., cette dernière précisant que ces gestes ont été répétés durant 10 années ; qu'il n'est donc nul besoin de demander l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dès lors que les investigations menées par le Tribunal permettent de retenir que a bien été exposée au risque, de sorte que toutes les conditions sont réunies pour que bénéficie de la présomption d'imputabilité, celle-ci étant bien atteinte d'une affection prévue au tableau 57A dans sa rédaction alors en rigueur, et ayant effectué les travaux visés par ce tableau à savoir : "travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule", étant rappelé que le caractère habituel de ces travaux n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante du salarié » ; ALORS QUE, PREMIEREMENT, si l'expert désigné en application des articles L.141-1 et suivants du Code de la sécurité sociale est compétent pour se prononcer sur les contestations d'ordre médical, il ne lui appartient pas, en revanche, seules les constatations d'ordre médical étant de son ressort, de se prononcer sur l'exposition aux risques à raison des gestes que l'assuré accomplis dans le cadre du poste de travail qui l'occupe ; qu'à supposer que le rapport de l'expert médical nommé par le premier juge et dressé à raison de l'exécution provisoire dont le jugement a été assorti, compte des éléments quant à l'exposition aux risques, il ne pouvait en aucune façon fonder la décision des juges du fond pour échapper à la compétence de l'expert médical ; que ce point de vue, l'arrêt attaqué encourt la censure pour violation des articles L.141-1 et L.141-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale ; ALORS QUE, DEUXIEMEMENT, eu égard à son objet, et à l'autorité qui lui était attachée, l'avis de l'expert médical ne peut être assimilé à l'avis qu'émet un technicien dans le cadre d'une mesure prescrite conformément au droit commun ; que de deux choses l'une : ou bien l'avis est émis dans le champ de compétence de l'expert médical et il s'impose aux parties et aux juges ; ou bien il est émis en dehors du champ de compétence de l'expert médical et dans ce cas, il n'a aucune autorité et ne peut être invoqué ; que tel était le cas en l'espèce ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé les articles L.141-1 et L.141-2 du Code de la sécurité sociale, ensemble l'article L.161-1 du Code de la sécurité sociale. SECOND MOYEN DE CASSATION L'arrêt infirmatif attaqué encourt la censure ; EN CE QU'il a, infirmant le jugement du 26 mars 2012, annulé la décision de la commission de recours amiable du 17 février 2009 et décidé que la maladie de Madame X..., déclarée le 26 juin 2008, visait une affection du tableau n°57A et devait être prise en charge au titre des maladies professionnelles ; AUX MOTIFS QU' « ainsi que le rappelle à bon droit la caisse primaire d'assurance maladie du Doubs, pour qu'une maladie professionnelle soit reconnue d'origine professionnelle, trois conditions sont nécessaires : - les lésions doivent être répertoriées dans un tableau défini à l'article L46l-l du Code de la sécurité sociale ; - la victime doit être exposée au risque : ainsi, l'activité du demandeur doit être inscrite dans ledit tableau, c'est-à-dire dans une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie professionnelle ; - la demande de prise en charge doit être effectuée dans les délais fixés ; que la caisse primaire reconnaît que Mme Maryse X... est atteinte de la maladie inscrite au tableau 57 A, ce qui, selon elle, rendait inutile expertise technique, le médecin désigné n'étant au demeurant pas compétent aux fins d'établir le lien entre l'activité professionnelle et la maladie, seul son avis sur la désignation de la maladie pouvant être donné ; qu'elle maintient que l'exposition au risque n'est pas rapportée et que Mme X... ne peut pas bénéficier de la présomption ni demander la saisine d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ce que l'intéressée conteste en tous points, en soutenant notamment que la présomption d'imputabilité impose que l'assuré apporte la preuve qu'l est atteint de l'une des affections prévues aux différents tableaux et qu'il est exposé de façon habituelle à l'action des agents nocifs mentionnés par ces tableaux, le terme habituel ne pouvant être limité à une notion de durée mais devant s'entendre en termes de fréquence, de même qu'il n'implique ni la permanence, ni la continuité, une faible exposition professionnelle ne permettant pas d'écarter l'origine professionnelle ; que s'il est vrai que l'expertise technique ordonnée par le Tribunal ne s'imposait pas, dès lors qu'il n'existait pas de différend d'ordre médical entre la caisse et il résulte néanmoins de cette expertise que si la concernée correspond bien au tableau 57 A, comme l'avait retenu le médecin-conseil de la caisse, le médecin expert a toutefois précisé, d'une part, que les causes de cette pathologie, à savoir une tendinopathie de l'épaule gauche compliquée d'une rupture du tendon sus-épineux avec réparation chirurgicale et douleurs séquellaires, sont la surutilisation tendineuse par la répétition multiple de mouvements identiques qui aboutit à une dégénérescence des fibres tendineuses, lesquelles peuvent se rompre, d'autre part, que les postes décrits par Mme X... correspondent bien à cette définition, cette description faisant apparaître que bien que droitière, l'intéressée a sollicité ses épaules à égalité (saisie des pièces à gauche, dégagement à droite) et que de plus l'utilisation d'un appareillage destiné à soulager du coude gauche apparue préalablement à la rupture tendineuse de l'épaule, a inévitablement impacté le fonctionnement de cette épaule par modification des amplitudes physiologiques ; que ces renseignements sont repris par Mme X... pour établir qu'elle était bien exposée au risque ce que le consultant désigné, M. Y..., n'a pas écarté, puisque, ainsi que le relève avec pertinence l'appelante, celui-ci n'a pas précisé que Mme X... n'était pas exposée au tableau 57 A et que s'il ressort de son rapport que les sollicitations de l'épaule gauche au sein de la société CML ne constituaient pas une part prépondérante de son travail au cours de la période 1998 -2008, et que l'épaule gauche n'était pas soumise à des mouvements forcés, il a toutefois précisé que durant la même période, l'épaule gauche n'était pas soumise à une répétition de sollicitation importante et qu'il y avait alternance de plusieurs gestes de faible amplitude, cette conclusion ne permettant pas d'exclure, comme l'a fait le tribunal, qu'il n'y avait pas de travaux répétitifs, étant relevé que le médecin du travail, entendu par le consultant, a précisé que les chargements et déchargements ponctuels des bacs pouvaient faire travailler l'épaule gauche de Mme X..., cette dernière précisant que ces gestes ont été répétés durant 10 années ; qu'il n'est donc nul besoin de demander l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, dès lors que les investigations menées par le Tribunal permettent de retenir que a bien été exposée au risque, de sorte que toutes les conditions sont réunies pour que bénéficie de la présomption d'imputabilité, celle-ci étant bien atteinte d'une affection prévue au tableau 57A dans sa rédaction alors en rigueur, et ayant effectué les travaux visés par ce tableau à savoir : "travaux comportant habituellement des mouvements répétés ou forcés de l'épaule", étant rappelé que le caractère habituel de ces travaux n'implique pas qu'ils constituent une part prépondérante du salarié » ; ALORS QUE à supposer que l'assuré ait été exposé aux risques, en toute hypothèse, la présomption ne pouvait jouer, par référence au tableau n°57A, dans sa rédaction applicable, que pour autant que la demande de prise en charge soit intervenue dans un certain délai décompté du jour de la cessation de l'exposition aux risques ; que ce point était dans le débat ; qu'en s'abstenant de préciser si tel était le cas en l'espèce, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article L.461-1 du Code de la sécurité sociale.