CEDH, Cour (Cinquième Section Comité), B.M. c. FRANCE, 14 janvier 2014, 7305/10

Chronologie de l'affaire

CEDH
14 janvier 2014
Tribunal administratif de Paris
8 septembre 2009

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    7305/10
  • Dispositif : Radiation du rôle
  • Date d'introduction : 4 février 2010
  • Importance : Faible
  • État défendeur : France
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Paris, 8 septembre 2009
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2014:0114DEC000730510
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-140945
  • Avocat(s) : BIJU-DUVAL J.-M.
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Résumé

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Texte intégral

CINQUIÈME SECTION DÉCISION Requête no 7305/10 B.M. contre la France La Cour européenne des droits de l'homme (cinquième section), siégeant le 14 janvier 2014 en un comité composé de : Angelika Nußberger, présidente, André Potocki, Paul Lemmens, juges, et de Stephen Phillips, greffier adjoint de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 4 février 2010, Vu la mesure provisoire indiquée au gouvernement défendeur en vertu de l'article 39 du règlement de la Cour, Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par la requérante, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

FAITS ET PROCÉDURE

1. La requérante, Mme B.M., déclare être de nationalité nigériane. Elle est née en 1989 et réside à Paris. Le président de la section a accédé à la demande de non-divulgation de son identité formulée par la requérante (article 47 § 3 du règlement). Elle a été représentée devant la Cour par Me J.-M. Biju-Duval, avocat à Paris. 2. Le gouvernement français (« le Gouvernement ») a été représenté par son agent, Mme E. Belliard, directrice des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères. 3. Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. 1. Quant à l'enrôlement de la requérante dans un réseau de traite des êtres humains (faits exposés par la requérante) 4. La requérante allègue être née et avoir grandi dans l'Etat d'Edo au Nigeria. Au début de l'année 2008, elle rencontra une femme qui lui indiqua que sa fille, vivant en Espagne, pourrait l'aider sur place à trouver un emploi dans l'informatique. Cette femme mit la requérante en contact avec un individu qui se chargea des modalités de son départ. La requérante explique qu'avant son départ, elle dut subir une cérémonie de rituel vaudou dite « juju ». 5. A l'été 2008, elle partit pour le Bénin puis pour le Togo où elle prit seule l'avion pour Paris. A son arrivée à l'aéroport, elle fut placée durant quatre jours en zone d'attente avant d'être libérée par le juge des libertés et de la détention (JLD). A sa sortie du tribunal, elle fut prise en charge par une femme qui au bout d'un mois lui intima l'ordre de se prostituer. La requérante se prostitua, avec d'autres femmes nigérianes, sous les menaces constantes, craignant pour la vie de ses parents et pour sa propre vie. 6. Suite à des rapports sexuels forcés sans préservatif, la requérante subit un avortement en août 2009. C'est à ce moment qu'elle décida de quitter le réseau malgré ses craintes d'être retrouvée et les menaces contre sa famille au Nigeria. 2. Quant à la mesure de renvoi prononcée à l'encontre de la requérante 7. Après avoir été libérée par le juge des libertés et de la détention, la requérante se présenta à la préfecture le 13 janvier 2009 afin d'y demander l'asile sur la base de tensions familiales. Le 9 février 2009, le préfet refusa son admission au séjour au titre de l'asile et décida du traitement de sa demande en procédure prioritaire. Sa demande d'asile politique fut rejetée le 6 mars 2009 au motif du caractère confus et non crédible de ses déclarations. Le 26 mars 2009, la requérante fit appel de cette décision auprès de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) changeant substantiellement son récit. Elle fonda alors sa demande sur le harcèlement dont elle aurait fait l'objet au Nigeria entre 2005 et 2007 de la part de son employeur. En août 2009, s'étant extraite du réseau de prostitution, elle compléta sa demande d'asile avec des télécopies envoyées par son conseil et faisant état des allégations de traite et des craintes y relatives. Cependant, son recours fut rejeté par une ordonnance du 30 octobre 2009, notifiée le 6 novembre 2009 et au sein de laquelle aucune référence ne fut faite aux nouvelles déclarations de la requérante. 8. Le 12 novembre 2009, elle effectua un recours en rectification d'erreur matérielle contre la décision de la CNDA. 9. Entre-temps, le 14 avril 2009, la requérante se vit notifier un refus de séjour et un arrêté préfectoral portant obligation de quitter le territoire. Par une ordonnance du 8 septembre 2009, le tribunal administratif de Paris rejeta le recours de la requérante. 10. Le 13 janvier 2010, la requérante fut interpellée et placée en garde à vue sur le fondement du refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. La requérante allègue que le consulat du Nigeria émit un laissez-passer. Ce fait est contesté par le Gouvernement défendeur. 11. Le 4 février 2010, la requérante saisit la Cour et formula une demande de mesure provisoire sur le fondement de l'article 39 de son règlement. Le même jour, le président de la chambre à laquelle l'affaire fut attribuée décida d'indiquer au gouvernement français, en application de la disposition précitée, qu'il était souhaitable de ne pas expulser la requérante vers le Nigeria pour la durée de la procédure devant la Cour. Le 11 février 2010, le préfet de police de Paris assigna la requérante à domicile dans le département de Paris. 12. Le 27 septembre 2012, la CNDA après avoir rapporté sa précédente décision, examina au fond les nouvelles déclarations de la requérante et statua ainsi : « Considérant [...] que les déclarations de [la requérante], devant la Cour, si elles ont permis d'établir qu'elle se livrait à titre personnel à la prostitution, n'ont pas en revanche été suffisamment crédibles pour permettre d'affirmer qu'elle aurait été victime d'un réseau de prostitution ; que notamment ses propos s'agissant des modalités de son départ supposé de ce réseau ont été particulièrement peu convaincants et peu crédibles ; que les persécutions et craintes qu'elle exprime de ce chef, ne peuvent donc être tenues pour fondées ; que l'attestation de l'association « les Amis du bus des femmes » du 28 août 2012, les documents médicaux relatifs à un avortement, les rapports et décisions juridictionnelles, ainsi qu'un jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 10 novembre 2011 condamnant des souteneurs - et dans lequel elle n'apparaît pas -, qu'elle produit au dossier, sont dépourvus de valeur probante ; que dès lors, ni les pièces du dossier, ni les déclarations faites à huis clos, ne permettent de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes énoncées, ni au regard des stipulations de la convention de Genève, ni au regard des dispositions de l'article L 712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, le recours doit être rejeté. » GRIEFS 13. Invoquant les articles 3 et 4 de la Convention, la requérante allègue qu'un renvoi vers le Nigeria l'exposerait à des traitements contraires à ces dispositions et au risque d'être réintégrée de force au réseau de prostitution. 14. Invoquant l'article 13, combiné aux articles 3 et 4, la requérante se plaint de ce que la CNDA n'a pas pris en compte ses déclarations relatives au réseau de traite des femmes et des risques toujours encourus au Nigeria.

EN DROIT

15. Le Gouvernement demande la radiation de la requête du rôle de la Cour, alléguant qu'en l'absence de laissez-passer consulaire il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. Il invoque l'article 37 § 1 de la Convention aux termes duquel : « A tout moment de la procédure, la Cour peut décider de rayer une requête du rôle lorsque les circonstances permettent de conclure (...) c) que, pour tout autre motif dont la Cour constate l'existence, il ne se justifie plus de poursuivre l'examen de la requête. Toutefois, la Cour poursuit l'examen de la requête si le respect des droits de l'homme garantis par la Convention et ses Protocoles l'exige. » 16. Ainsi, le Gouvernement précise que les autorités consulaires nigérianes n'ont pas reconnu la requérante comme étant une de leurs ressortissantes, et n'ont donc pas délivré le laissez-passer nécessaire à la mise en œuvre de la décision administrative de renvoi. 17. Il allègue que l'absence de laissez-passer consulaire fait obstacle à ce que la requérante soit éloignée à destination du Nigeria. Selon le Gouvernement, le litige n'a plus lieu d'être et il n'estime pas nécessaire de formuler des observations sur des griefs qui sont devenus sans objet. 18. La requérante s'oppose à cette demande de radiation. Elle soutient, au contraire, qu'elle a bien été reconnue par les autorités nigérianes comme une de leurs ressortissantes. 19. L'affirmation du Gouvernement selon laquelle la requérante ne sera pas reconduite vers le Nigeria dans les circonstances actuelles, suffit à la Cour pour conclure que celle-ci ne court plus de risque de subir des traitements contraires aux articles 3 et 4 de la Convention. 20. En tout état de cause, la Cour observe que si la mesure d'éloignement devait être mise à exécution, ou si une nouvelle mesure de ce type devait être prise, des recours seraient ouverts à la requérante dans le cadre desquels sa situation pourrait être à nouveau examinée. En outre, elle pourrait saisir la Cour d'une nouvelle demande d'application de l'article 39 du règlement. 21. Quant à la question de la radiation du grief que la requérante tire de l'article 13 combiné avec les articles 3 et 4, la Cour remarque d'abord que le point de savoir si elle doit ou non rayer une requête du rôle est indépendant de la question de savoir si un requérant conserve ou non la qualité de « victime » au sens de l'article 34 (El Majjaoui et Stichting Touba Moskee c. Pays-Bas (radiation) [GC], no 25525/03, § 28, 20 décembre 2007, Pisano c. Italie (radiation) [GC], no 36732/97, §§ 37-50, 24 octobre 2002). Il s'ensuit que si un requérant peut continuer à se prétendre victime d'une violation alléguée de l'article 13 combiné avec l'article 3 même après avoir obtenu le statut de réfugié (Gebremedhin [Gaberamadhien] c. France, no 25389/05, § 56, CEDH 2007-II), le maintien de la qualité de victime n'interdit pas la radiation de la requête (P.M. c. France (déc.), no 25074/09, 25 mai 2010, et aussi I.A.A. c. France (déc.), no 54605/10, 12 mars 2013). 22. La Cour observe que le grief que la requérante tire de l'article 13 combiné avec les articles 3 et 4 tient principalement au fait que la CNDA n'avait pas pris en compte l'ultime version de son récit. 23. Or la Cour note que le 27 septembre 2012, la CNDA, après avoir rapporté sa précédente décision, a finalement examiné au fond les nouvelles déclarations de la requérante. 24. Eu égard à ce qui précède, la Cour estime qu'il ne se justifie plus, conformément à l'article 37 § 1 c) de la Convention, de poursuivre l'examen de la requête. Elle constate par ailleurs qu'aucun motif particulier touchant au respect des droits de l'homme garantis par la Convention n'exige la poursuite de l'examen de la requête en vertu de l'article 37 § 1 in fine de la Convention. 25. Partant, la Cour conclut qu'il y a lieu de rayer l'affaire du rôle. 26. L'application de l'article 39 du règlement prend ainsi fin.

Par ces motifs

, la Cour, à l'unanimité, Décide de rayer la requête du rôle en application de l'article 37 § 1 de la Convention. Stephen Phillips Angelika Nußberger Greffier adjoint Présidente