Logo pappers Justice
Logo pappers Justice

Tribunal administratif de Lyon, 7ème Chambre, 26 janvier 2024, 2205271

Mots clés
service • retrait • ressort • sanction • mutation • rapport • requête • pouvoir • qualification • statut • produits • soutenir • relever • harcèlement • procès-verbal

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
  • Numéro d'affaire :
    2205271
  • Rapporteur : M. Pineau
  • Nature : Décision
Voir plus

Résumé

Vous devez être connecté pour pouvoir générer un résumé. Découvrir gratuitement Pappers Justice +

Suggestions de l'IA

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juillet 2022 et 26 octobre 2023, Mme B A épouse C, représentée par la SELARL Hestée Avocats (Me Trigon), demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler l'arrêté du 13 mai 2022 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé le retrait de ses fonctions de principale du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville, l'a affectée au sein du rectorat de l'académie de Lyon, à compter de sa notification et l'a affectée en qualité de principale de collège au sein du collège Louise de Savoie de Pont-d'Ain, à compter du 1er septembre 2022 ; 2°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - sa requête est recevable, dès lors que l'arrêté attaqué du 13 mai 2022 constitue une décision faisant grief susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; en effet : • le nouvel établissement au sein duquel elle a été affectée à compter du 1er septembre 2022 se situe à 53 kilomètres de son domicile, ce qui représente entre 57 et 45 minutes de temps de trajet et un coût économique supérieur au trajet qu'elle effectuait auparavant pour se rendre au collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville qui se situe à 13 kilomètres de son domicile ; • ce changement d'affectation lui impose de quitter le territoire de la commune où elle était précédemment affectée ; • les conditions de notification de l'arrêté en litige le 25 mai 2022 ont été particulièrement humiliantes et douloureuses ; - l'arrêté contesté du 13 mai 2022 constitue une sanction disciplinaire déguisée ; en effet : • les termes utilisés par l'inspectrice d'académie (IA) - directrice académique des services de l'éducation nationale (DASEN) de l'Ain dans sa lettre du 4 mars 2022 et la soudaineté de l'application de cette mesure sont de nature à révéler le caractère punitif de la mesure en litige ; • son comportement ayant été considéré comme fautif du fait de difficultés relationnelles de nature à engendrer des risques psycho-sociaux à l'égards de personnels placés sous son encadrement, l'administration ne pouvait édicter à son encontre qu'une sanction disciplinaire, sauf à cautionner un management par le harcèlement moral ; - cet arrêté est entaché de vices de procédure, dès lors qu'il n'a pas été précédé des garanties disciplinaires d'usage, et notamment de la saisine d'une commission administrative paritaire (CAP), d'une procédure contradictoire plus étayée ainsi que de la communication de l'ensemble des pièces de son dossier, au nombre desquels figurent les procès-verbaux d'audition des témoins ; - il est entaché d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'aucune faute ne peut lui être reprochée ; - à supposer que l'arrêté attaqué du 13 mai 2022 puisse être qualifié de mesure prise dans l'intérêt du service, il est entaché de plusieurs illégalités ; en effet : • la procédure préalable à son édiction est irrégulière, dès lors qu'il n'a pas été précédé d'un avis de la CAP, que les procès-verbaux des témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête administrative n'ont pas été versés à son dossier administratif et que cette enquête est entachée de partialité ; • les dix-neuf témoignages qu'elle avait produits à l'appui de ses observations le 5 mai 2022 n'ont pas été étudiés et sont à peine cités dans l'arrêté en litige ; • le retrait de ses fonctions de principale du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville n'est pas justifié par l'intérêt du service. Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2023, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que : - les moyens soulevés par Mme C, tirés de ce que l'arrêté contesté du 13 mai 2022 serait entaché d'un vice de procédure, faute d'avoir été précédé de la mise en œuvre d'une procédure disciplinaire, et d'une erreur de qualification juridique des faits, en l'absence de faits passibles de sanction disciplinaire, sont inopérants, dès lors que cet arrêté ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée mais constitue une mesure prise dans l'intérêt du service ; - les autres moyens soulevés par la requérante sont pas fondés. La requête a été communiquée au recteur de l'académie de Lyon qui n'a pas produit d'observations. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ; - le décret n° 82-451 du 28 mai 1982 ; - le décret n° 2001-1174 du 11 décembre 2001 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience, à laquelle la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques et le recteur de l'académie de Lyon n'étaient ni présents, ni représentés. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gueguen ; - les conclusions de M. Pineau, rapporteur public ; - et les observations de Me Trigon, représentant Mme C.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme C, personnel de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, a été affectée en qualité de principale de collège au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville à compter du 1er septembre 2018. À la suite de " signalements " relatifs à la dégradation des conditions de travail au sein dudit établissement adressés aux services du rectorat de l'académie de Lyon par certains personnels de cet établissement et des représentants syndicaux entre les années 2018 et 2021, lors de la rentrée scolaire 2021-2022, le recteur de l'académie de Lyon a confié à une inspectrice d'académie (IA) - inspectrice pédagogique régionale (IPR) et au directeur des ressources humaines adjoint de cette académie une " mission d'enquête " afin de " faire un point circonstancié sur l'ambiance de travail au collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville ". Faisant notamment suite à la remise d'un rapport d'enquête en date du 28 octobre 2021, par une lettre du 4 mars 2022, l'inspectrice d'académie (IA) - directrice académique des services de l'éducation nationale (DASEN) de l'Ain a sollicité du recteur de l'académie de Lyon l'engagement d'une procédure de retrait des fonctions de Mme C afin de " redonner au collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville un contexte ordinaire de fonctionnement, dans l'intérêt du service ". Par une lettre du 22 mars suivant, le recteur de l'académie de Lyon a saisi le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de sports d'une " demande urgente " ayant le même objet. Par une lettre du 30 mars 2022, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de sports a informé Mme C de l'engagement à son encontre d'une procédure de retrait de ses fonctions dans l'intérêt du service, sur le fondement des dispositions de l'article 23 du décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale. Après avoir consulté son dossier administratif le 26 avril 2022, l'intéressée a présenté ses observations le 5 mai suivant. Enfin, par un arrêté du 13 mai 2022, dont la requérante demande au tribunal de prononcer l'annulation, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé le retrait de ses fonctions de principale du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville, l'a affectée au sein du rectorat de l'académie de Lyon à compter de sa notification et l'a affectée en qualité de principale de collège au sein du collège Louise de Savoie de Pont-d'Ain à compter du 1er septembre 2022. 2. En premier lieu, Mme C soutient que l'arrêté contesté du 13 mai 2022 par lequel le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports lui a retiré ses fonctions de principale du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville et a prononcé sa mutation d'office dans l'intérêt du service au sein du rectorat de l'académie de Lyon à compter du 25 mai suivant puis au sein du collège Louise de Savoie de Pont-d'Ain à compter du 1er septembre 2022, constitue une sanction disciplinaire déguisée qui aurait dû être précédée des " garanties disciplinaires d'usage " et est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'aucune faute ne pouvait lui être reprochée. 3. Une mesure revêt le caractère d'une sanction disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent. 4. En l'espèce, d'une part, Mme C n'établit ni même n'allègue, à l'appui de son moyen tiré du détournement de procédure, que l'arrêté en litige entraine une dégradation de sa situation professionnelle, alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'intéressée, personnel de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale ayant vocation à occuper principalement des fonctions de cheffe d'établissement ou à se voir confier d'autres fonctions concourant à l'exécution du service public de l'éducation, notamment dans les services déconcentrés, a d'abord été affectée, à compter du 25 mai 2022, au sein de l'école académique de la formation continue (EAFC) de Lyon, et a ensuite " de nouveau été nommée sur des fonctions de cheffe d'établissement, dans un collège relevant de la même catégorie financière que le collège Roger Poulnard " de Bâgé-la-Ville, sans " aucune modification substantielle de la nature des fonctions exercées ", avec " les mêmes perspectives d'avancement ou de promotion que celles qui étaient les siennes auparavant ". Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le retrait des fonctions et la mutation d'office de la requérante aurait entrainé une dégradation significative de sa situation professionnelle. 5. D'autre part, contrairement à ce que soutient Mme C, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aurait entendu la sanctionner à raison de son " comportement " considéré comme fautif du fait de " pratiques managériales " et de " difficultés relationnelles de nature à engendrer des risques psychosociaux " à l'égard des personnels qu'elle était chargée d'encadrer. En effet, si la requérante fait grief à l'IA - DASEN de l'Ain d'avoir employé le " lexique de la faute susceptible de sanction " ainsi que " plusieurs termes traduis(a)nt la volonté (de lui) imputer () les dysfonctionnements du collège " Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville au sein de la lettre du 4 mars 2022 par laquelle elle avait sollicité du recteur de l'académie de Lyon l'engagement d'une procédure de retrait de ses fonctions, cette seule circonstance, à la supposer établie, n'est pas, par elle-même, de nature à démontrer l'intention du ministre de lui infliger une sanction, dès lors, d'une part, que cette lettre a été rédigée par une autorité différente, d'autre part, que la lettre du 30 mars 2022, notifiée à l'intéressée le 5 avril suivant, par laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports l'avait informée de l'engagement d'une procédure de retrait de ses fonctions dans l'intérêt du service, ne révèle aucune intention punitive, l'autorité ministérielle s'étant bornée à relever que les éléments transmis à sa connaissance par le recteur de l'académie de Lyon le 22 mars 2022 " met(taient) en exergue les difficultés de pilotage et de communication (qu'elle rencontrait) au sein de l'établissement et f(aisaient) apparaître l'impossibilité de (l')y maintenir en qualité de principale ", et, enfin, qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué que le ministre aurait entendu porter atteinte à la situation professionnelle de Mme C à raison de manquements constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire. Enfin, l'intéressée ne peut sérieusement soutenir que la " soudaineté de l'application de la mesure " en litige serait de nature à révéler une volonté de la sanctionner alors qu'il ressort des pièces du dossier que l'engagement de la procédure de retrait de ses fonctions a été décidé suite à des entretiens conduits au cours des mois de décembre 2021 et janvier 2022 et durant lesquels Mme C s'était vue proposer un changement d'affectation par les services du rectorat de l'académie de Lyon. Ainsi, la requérante n'est pas fondée à soutenir que par l'édiction de la mesure contestée, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports aurait entendu la sanctionner. 6. Par suite, Mme C n'étant pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté du 13 mai 2022 constituerait une sanction disciplinaire déguisée, les moyens tirés des vices de procédure et de l'erreur de qualification juridique des faits, tel qu'articulés, sont inopérants et ne peuvent qu'être écartés. 7. En deuxième lieu, les conditions dans lesquelles une enquête administrative est diligentée au sujet de faits susceptibles de donner ultérieurement lieu à l'engagement d'une procédure de retrait de fonctions, sur le fondement des dispositions de l'article 23 du décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale, et de mutation d'office, dans l'intérêt du service, sont, par elles-mêmes, sans incidence sur la régularité de cette procédure. Ainsi, si Mme C soutient que " seule une poignée de personnes (auraient) été entendues " lors de la " mission d'enquête " diligentée au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville à la rentrée scolaire 2021-2022, dont " principalement des personnes à charge qui exprimaient des reproches " à son encontre alors qu'elle avait auparavant " dénoncé " leurs " insuffisances professionnelles ", rendant ainsi " ladite enquête partiale ", cette circonstance est, par elle-même, sans incidence sur la régularité de la procédure préalable à l'édiction de l'arrêté contesté du 13 mai 2022, le rapport de cette mission, versé au dossier administratif de l'intéressée et soumis au débat contradictoire, constituant une pièce du dossier au vu de laquelle le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports s'est prononcé et dont il appartenait à ce dernier, au vu de ce débat, d'apprécier la valeur probante. Au surplus, il ressort des pièces versées au débat d'une part, que ladite mission d'enquête a recueilli une douzaine de témoignages, dont au moins deux à décharge, et d'autre part, que la requérante, ainsi qu'elle l'a fait, était en droit de produire des témoignages utiles à sa défense dans le cadre de la procédure contradictoire, plus d'une dizaine de témoignages ayant ainsi été produits à l'appui de ses observations présentées le 5 mai 2022, après consultation, le 26 avril 2022, de son dossier administratif. Par suite, le moyen tiré de la partialité de l'enquête administrative ne peut qu'être écarté. 8. En troisième lieu, en vertu de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même d'obtenir communication de son dossier. 9. Lorsqu'une enquête administrative a été diligentée sur le comportement d'un agent public ou porte sur des faits qui, s'ils sont établis, sont susceptibles de recevoir une qualification disciplinaire ou de justifier que soit prise une mesure en considération de la personne d'un tel agent, l'intéressé doit, en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, être mis à même d'obtenir communication du rapport établi à l'issue de cette enquête, ainsi que, lorsqu'ils existent, des procès-verbaux des auditions des personnes entendues sur le comportement de l'agent faisant l'objet de l'enquête, sauf si la communication de ces procès-verbaux serait de nature à porter gravement préjudice aux personnes qui ont témoigné. 10. En l'espèce, si Mme C soutient que les procès-verbaux des témoignages recueillis dans le cadre de la " mission d'enquête " diligentée au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville à la rentrée scolaire 2021-2022 n'ont pas été " versés " à son dossier administratif, l'empêchant ainsi de " préparer correctement les observations écrites qu'elle a transmises dans le cadre de la procédure contradictoire le 5 mai 2022 ", l'administration fait valoir en défense que de tels procès-verbaux n'existent pas, la " mission d'enquête " ayant " fait le choix de retranscrire directement dans son rapport (du 28 octobre 2021) le contenu des entretiens réalisés (les 18 et 22 octobre 2021) auprès des personnels et ancien personnels de l'établissement plutôt que de dresser, pour chaque entretien réalisé, un procès-verbal ". Au surplus, la requérante, qui a eu accès, dès le 26 avril 2022, à son dossier administratif comportant 237 pièces, au nombre desquelles figuraient notamment ce rapport du 28 octobre 2021 comprenant une synthèse exhaustive de chacun des témoignages recueillis auprès de ces personnels, n'établit ni même n'allègue avoir sollicité en vain la communication d'éventuels procès-verbaux, et il ressort des pièces du dossier que l'intéressée a répondu à ces témoignages aux termes des observations écritures qu'elle a présentées le 5 mai 2022 dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à l'édiction de l'arrêté contesté du 13 mai suivant. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure ne peut qu'être écarté. 11. En quatrième lieu, et ainsi que le fait valoir l'administration en défense, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit n'imposait au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports de saisir la commission administrative paritaire (CAP) compétente pour avis préalablement à l'édiction de l'arrêté attaqué du 13 mai 2022. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure est inopérant et ne peut qu'être écarté. 12. En cinquième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision contestée, ni d'aucune autre pièce du dossier que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports n'aurait pas procédé à un examen sérieux et particulier de la situation personnelle de Mme C. Contrairement à ce que soutient la requérante, il ressort des visas de la décision en litige que le ministre a pris en compte les dix-neuf témoignages qu'elle avait produits à l'appui de ses observations écrites le 5 mai 2022. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit est infondé et doit être écarté. 13. En sixième lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 11 décembre 2001 portant statut particulier du corps des personnels de direction d'établissement d'enseignement ou de formation relevant du ministre de l'éducation nationale : " Les personnels de direction participent à l'encadrement du système éducatif et aux actions d'éducation. A ce titre, ils occupent principalement, en qualité de chef d'établissement ou de chef d'établissement adjoint, les fonctions de direction des établissements mentionnés à l'article L. 421-1 du code de l'éducation, dans les conditions prévues aux articles L. 421-3, L. 421-5, L. 421-8, L. 421-23 et L. 421-25 du même code. () ". Selon les termes de l'article 22 du même décret : " Le ministre chargé de l'éducation procède aux mutations des personnels, en tenant compte, notamment, des résultats de l'entretien professionnel annuel. Les mutations peuvent être prononcées soit sur demande des intéressés, soit dans l'intérêt du service. () ". Enfin, aux termes de l'article 23 de ce même décret : " Tout fonctionnaire pourvu d'une fonction de direction peut se voir retirer cette fonction dans l'intérêt du service. () ". 14. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de vérifier qu'une décision portant retrait de fonctions et mutation d'office dans l'intérêt du service prise sur le fondement des dispositions précitées se fonde sur des faits matériellement exacts, et n'est entachée, ni de détournement de pouvoir, ni d'erreur manifeste d'appréciation, étant précisé que l'intérêt du service s'apprécie à la date de son édiction. 15. Pour prononcer, dans l'intérêt du service, le retrait des fonctions de Mme C, principale du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville depuis le 1er septembre 2018, ainsi que sa mutation d'office au sein du rectorat de l'académie de Lyon à compter la notification de l'arrêté contesté du 13 mai 2022 puis en qualité de principale de collège au sein du collège Louise de Savoie de Pont-d'Ain à compter du 1er septembre suivant, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports s'est fondé sur les dysfonctionnements constatés au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville, la dégradation du climat scolaire en résultant et la circonstance que l'intéressée n'était plus en mesure d'exercer la fonction de principale de cet établissement. 16. À cet égard, il ressort des conclusions du rapport remis le 28 octobre 2021 par la " mission d'enquête " diligentée au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville à la rentrée scolaire 2021-2022 que des " tensions " ont été " décrites par tous les membres de la communauté (éducative) vus lors des entretiens " qui s'étaient déroulés les 18 et 22 octobre 2021, la " majorité " d'entre eux relatant " un pilotage par l'autoritarisme et l'iniquité de traitement des agents et des élèves ", alors que " le management, () la communication et le relationnel de la cheffe d'établissement " étaient " pointés et ressort(aient) comme un frein au bien être dans l'établissement " dont " l'ambiance générale " était également décrite comme n'étant " pas sereine ". Il ressort également de ces mêmes conclusions que " les membres des différentes équipes du collège " auditionnés par l'IA - IPR et le directeur des ressources humaines adjoint du rectorat de l'académie de Lyon " sembl(ai)ent en souffrance, un grand nombre de (leurs) interlocuteurs n'(ayant) pas pu retenir leurs larmes lors de(s) entretiens, y compris des personnels expérimentés " alors que " ceux qui (avaient) pu obtenir une mobilité étai(ent) encore dans un état émotionnel fort et (avaient) du mal à se relever de leurs expériences " au sein de l'établissement. Il ressort en outre des termes de la lettre du 4 mars 2022 par laquelle l'IA - DASEN de l'Ain a sollicité du recteur de l'académie de Lyon, l'engagement d'une procédure de retrait de fonctions à l'encontre de Mme C, que celle-ci s'était vue reprocher des " comportements empreints d'irritabilité, d'emportement ou de colère " par une " pluralité de personnels de l'établissement ", ainsi que des " attitudes méprisantes " et des " propos humiliants ou vexatoires, en direction de certains personnels (non-enseignants) " (sic) de l'établissement, et ce de manière continue depuis le mois de novembre 2018, lesquels comportements et attitudes avaient donné lieu à de nombreux signalements auprès des services du rectorat de l'académie de Lyon et à l'évocation de la situation de l'établissement à chaque séance du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) départemental. Il ressort enfin des termes de cette même lettre que Mme C n'avait " pas reconnu sa responsabilité dans les faits reprochés " lorsqu'elle avait été " invitée à fournir des explications à la directrice des ressources humaines à deux reprises en 2019 et 2021 " puis qu'elle était " demeurée dans le déni de sa responsabilité propre " lorsqu'elle avait été " reçue à deux reprises () aux mois de décembre 2021 et janvier 2022 ", " évoquant tout au contraire la démarche coordonnée des personnels dont elle serait in fine la véritable victime ". 17. En l'espèce, Mme C, qui ne conteste pas la matérialité des faits sur lesquels le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports s'est fondé pour édicter l'arrêté contesté du 13 mai 2022, soutient qu'il serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation. Toutefois, la requérante ne saurait utilement se prévaloir à cet égard d'une méconnaissance du principe d'impartialité par la " mission d'enquête " diligentée au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville, dès lors que si la méconnaissance de ce principe, à un stade antérieur à l'engagement de la procédure de retrait de ses fonctions dans l'intérêt du service, est susceptible d'avoir une incidence sur la qualification des faits retenue par l'autorité administrative, elle ne saurait suffire, par elle-même, à caractériser une telle erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, en soutenant qu'elle " ne voit pas en quoi les dysfonctionnements constatés au sein du collège Roger Poulnard (de Bâgé-la-Ville) seraient résolus par le retrait de (ses) fonction(s) " et qu'il est " difficile de comprendre pourquoi (elle) ne serait dorénavant plus en mesure d'exercer " ses fonctions au sein de cet établissement alors qu'elle a été la " seule " à ne pas être " en arrêt maladie malgré les attaques dont elle a été l'objet ", Mme C ne conteste pas utilement que l'intérêt du service était compromis du fait de ses difficultés relationnelles avec un certain nombre de personnels dudit établissement et des risques psycho-sociaux résultant de ses pratiques managériales, alors qu'il lui appartenait, en sa qualité de principale de collège, et ainsi que le fait valoir l'administration en défense, d'assurer la cohésion des agents et de fédérer l'ensemble des personnels autour de sa gouvernance quel que soit leur statut. Enfin, si la requérante soutient que certains dysfonctionnements auraient perduré au sein de l'établissement suite aux mesures dont elle a fait l'objet, cette circonstance, postérieure à l'édiction de l'arrêté contesté du 13 mai 2022, est sans incidence sur sa légalité. Par suite, compte tenu des importantes tensions existant au sein du collège Roger Poulnard de Bâgé-la-Ville dirigée par la requérante et des conflits relationnels ayant opposé l'intéressée à un certain nombre de personnels placés sous son autorité, lesquels étaient de nature à affecter le bon fonctionnement du service, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports a prononcé le retrait des fonctions et la mutation d'office de Mme C dans l'intérêt du service. 18. En dernier lieu, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le retrait des fonctions de Mme C et sa mutation d'office auraient été dictées par d'autres motifs que l'intérêt du service, et notamment par la volonté de " l'institution " de l'" éloigner " de ses fonctions en raison de sa qualité de " lanceur d'alerte ". Par suite, le détournement de pouvoir, à supposer qu'il ait véritablement été allégué par l'intéressée, n'est pas établi. 19 Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête de Mme C doit être rejetée en toutes ses conclusions.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C est rejetée. Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A épouse C et à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques. Copie en sera adressée, pour information, au recteur de l'académie de Lyon. Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient : Mme Baux, présidente, M. Bertolo, premier conseiller, M. Gueguen, conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024. Le rapporteur, C. Gueguen La présidente, A. Baux Le greffier, J-P. Duret La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse, des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Un greffier,

Commentaires sur cette affaire

Pas encore de commentaires pour cette décision.