AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société civile immobilière résidence du Château, dont le siège est ... à Bihorel-les-Rouen (Seine-Maritime), agissant poursuites et diligences de son représentant légal, M. Philippe L..., gérant, en cassation d'un jugement rendu le 6 août 1991 par le tribunal d'instance de Rouen, au profit :
1 / de Mme Ginette Y...,
2 / de Mme Michèle A...,
3 / de M. Bruno E...,
4 / de Mlle Carole F..., demeurant tous quatre ... (Seine-Maritime),
5 / de Mlle Anne-Marie C..., demeurant ... de Beaumont à Rouen (Seine-Maritime),
6 / de M. Z...,
7 / de Mme Z..., demeurant ensemble ... à Bois-Guillaume (Seine-Maritime),
8 / de Mme Joëlle N..., demeurant ... (Seine-Maritime),
9 / de M. Raoul B...,
10 / de Mme Raoul B..., demeurant ensemble 5, square des Alouettes à Bonsecours (Seine-Maritime),
11 / de M. François I...,
12 / de Mme Francine D...,
13 / de M. Thierry K...,
14 / de Mme Thierry K...,
15 / de M. Gérard X...,
16 / de Mme Gérard X...,
17 / de M. Eric H...,
18 / de Mme Eric H...,
19 / de M. Didier M...,
20 / de M. Jérôme G...,
21 / de M. Michel J..., demeurant tous ... (Seine-Maritime), défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 3 mai 1994, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Villien, conseiller rapporteur, MM. Douvreleur, Capoulade, Deville, Mlle Fossereau, MM. Chemin, Fromont, conseillers, Mme Cobert, M. Chapron, conseillers référendaires, M. Vernette, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Villien, les observations de la SCP Delaporte et Briard, avocat du société civile immobilière résidence du Château, les conclusions de M. Vernette, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Vu l'article
L. 35-4 du Code de la santé publique, ensemble l'article
1134 du Code civil ;
Attendu que les propriétaires des immeubles édifiés postérieurement à la mise en service de l'égout auquel les immeubles doivent être raccordés peuvent être astreints par la commune, pour tenir compte de l'économie par eux réalisée en évitant une installation d'évacuation ou d'épuration individuelle réglementaire, à verser une participation s'élevant au maximum à 80 % du coût de fourniture et de pose d'une telle installation ;
Attendu selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Rouen, 6 août 1991), statuant en dernier ressort, que la société civile immobilière résidence du Château (la SCI) a fait construire un groupe d'immeubles qu'elle a vendus par lots en l'état futur d'achèvement ;
qu'ayant, en 1988, payé au syndicat intercommunal d'assainissement de l'agglomération rouennaise le montant de l'indemnité de raccordement de ces immeubles à l'égout, mise en recouvrement par la commune de Bonsecours, la SCI a assigné en paiement de leur participation à cette redevance seize copropriétaires de la résidence du Château ayant acquis leurs lots entre 1984 et 1986 ;
Attendu que, pour débouter la SCI de ses demandes, le jugement retient que la "taxe de raccordement" à l'égout constitue une dette personnelle du promoteur, titulaire du permis de construire et que la clause des actes définitifs de vente, selon laquelle le prix mentionné dans l'acte ne tient pas compte de l'éventualité de la "taxe de raccordement" au tout-à -l'égout qui pourra être réclamée, n'a pas de valeur contraignante à l'égard d'acquéreurs non-professionnels, faute d'être suffisamment claire ;
Qu'en statuant ainsi, alors que le fait générateur de la redevance n'est pas le permis de construire mais l'opération même de raccordement, et qu'en conséquence les débiteurs de la redevance étant les propriétaires de l'immeuble au jour du raccordement, leur représentation éventuelle par la société ne dispensait pas de procéder à la répartition conformément à la loi et aux actes de vente, le Tribunal, qui a dénaturé les termes clairs et précis de ces actes a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 6 août 1991, entre les parties, par le tribunal d'instance de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal d'instance du Havre ;
Condamne les défendeurs, envers la société civile immobilière résidence du Château, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du tribunal d'instance de Rouen, en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du huit juin mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.