TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 29 juin 2017
3ème chambre 1ère section N° RG : 16/03018
Assignation du 16 février 2016
DEMANDERESSE Société INSTAGRAM LLC, prise en la personne de ses représentants légaux 1601 Willow R Menlo Park 94025 Californie (ETATS UNIS) représentée par Me William KOPACZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1883
DÉFENDERESSES S.A.R.L. L.S DISTRIBUTION, prise en la personne de son représentant légal [...] 77500 CHELLES
Madame Jennifer C Toutes les deux représentées par Me Audrey DUFAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0211
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C Vice-Présidente Julien RICHAUD. Juge Aurélie J. Juge assistée de Léa A. Greffier.
DEBATS À l'audience du 29 mai 2017 tenue en audience publique devant Aurélie J et Julien RICHAUD, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE Les parties au litige et leurs droits
La société INSTAGRAM LLC constituée selon les lois de l'État du Delaware aux États-Unis d'Amérique, exploite sous le nomcommercial « INSTAGRAM » un service de partage de photographies et de vidéos en ligne qu'elle a créé en 2010.
Elle est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque semi-figurative de l'Union européenne n° 012111746 déposée le 3 septembre 2013 sous la priorité d'une marque américaine au 4 mars 2013 et enregistrée le 6 mars 2014 pour désigner les produits et services des classes 9. 38. 41. 42 et 45 :
Madame Jennifer C est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque semi-figurative française n° 14 4 120 597 déposée en couleurs (lettres noires et ombres bleues) le 24 septembre 2014 pour désigner les produits et services des classes 9. 16. 35. 38 et 40:
La SARL LS DISTRIBUTION, dont Madame Jennifer C est la gérante, exploite cette marque, sans toutefois bénéficier d'une licence, sur le site instacoque.com, nom de domaine qu'elle a réservé le 15 décembre 2014, pour commercialiser des coques personnalisées pour appareils mobiles tels que téléphones portables ou tablettes, les internautes pouvant choisir de décorer leurs coques avec leurs propres photographies éventuellement issues de leurs comptes Facebook et Instagram.
La naissance du litige
Estimant que le dépôt de la marque « Instacoque » n° 14 4 120 597 portait atteinte à ses droits antérieurs sur sa marque « Instagram », la société INSTAGRAM LLC a, par courrier de son conseil du 26 novembre 2014, mis en demeure Madame Jennifer C de procéder au retrait de sa marque.
En réponse, Madame Jennifer C :
- déposait en couleurs (lettres noires et ombres bleues) la marque semi-figurative française n° 14 4 140 224 le 8 décembre 2014 pour désigner les produits et services des classes 9, 16. 35. 38 et 40 :
- contestait par courrier de son conseil du 9 décembre 2014 toute atteinte à la renommée de la marque et toute contrefaçon mais proposait « dans un souci d'apaisement » de procéder au retrait de samarque, ce qu'elle ne fît toutefois pas à défaut de résolution amiable du litige.
La société INSTAGRAM LLC faisait dresser par huissier de justice un procès-verbal de constat sur le site internet instacoque.com le 3 mars 2015.
Les prétentions des parties
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 16 février 2016, la société INSTAGRAM LLC a assigné Madame Jennifer C et la S.A.R.L. LS DISTRIBUTION devant le tribunal de grande instance de Paris en atteinte à la renommée de sa marque, en contrefaçon de marque et en atteinte à son nom commercial.
Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 26 avril 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la société INSTAGRAM LLC demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des dispositions articles
L 711-4. L 714-3 et L 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 9 et suivant du Règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne (anciennement Règlement (CE) n° 40/94), modifié par le Règlement 2015/2424 du Parlement Européen et du Conseil du 16 décembre 2015. 2 et 8 de la Convention de l'Union de Paris pour la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 :
- de dire et juger que la société Instagram est recevable et bien fondée en ses demandes ;
- de constater que la marque "Instagram" n° 012111746 de la société Instagram constitue une marque renommée au sens de l'article 9 (2) c) du Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne :
- de dire et juger que le dépôt, l'enregistrement et l'usage de la marque française "ïnstacoque" n° 14 4 120 597. de la marque française "INSTACOQUE" n° 14 4 140 224. de la dénomination du site Internet "ïnstacoque" et du nom de domaine "instacoque.com" portent atteinte à la marque de l'Union européenne renommée "Instagram" n° 012111746 de la société Instagram LLC en ce qu'ils tirent indûment profit et/ou portent préjudice au caractère distinctif et à la renommée de ladite marque de l'Union européenne au sens de l'article 9 (2) c) du Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne :
- de dire et juger que le dépôt, l'enregistrement et l'usage de la marque française "Instacoque" n° 14 4 120 597. de la marque française "INSTACOQUE" n° 14 4 140 224. de la dénomination du site Internet "Instacoque" et du nom de domaine "instacoque.com"constituent une imitation illicite de l'enregistrement de la marque de l'Union européenne "Instagram" n° 012111746 dont est titulaire la société InstagraM. LLC au sens de l'article 9 (2) b) du Règlement (CE) n° 207/2009 sur la marque de l'Union européenne ;
- de dire et juger que le dépôt et l'enregistrement de la marque française "Instacoque" n° 14 4 120 597. de la marque française "INSTACOQUE" n° 14 4 140 224. de la dénomination du site Internet "Instacoque" et du nom de domaine "instacoque.com" portent atteinte au nom commercial Instagram de la société Instagram LLC sur le fondement de l'article 8 de la Convention de l'Union de Paris sur la protection de la propriété industrielle du 20 mars 1883 :
En conséquence. - de prononcer la nullité de la marque française "Instacoque" n° 14 4 120 597 et de la marque française "INSTACOQUE" n° 14 4 140 224 ;
- d'ordonner, en application des dispositions de l'article
R 714-3 du code de la propriété intellectuelle, l'inscription du jugement à intervenir au Registre National des Marques, sur réquisition de Madame ou Monsieur le greffier ou de la société Instagram LLC ;
- d'ordonner à Madame C et à la société LS DISTRIBUTION de radier le nom de domaine "Instacoque.com" et de justifier auprès de la société Instagram, LLC de réflectivité de ses démarches auprès du prestataire de services ayant procédé à la réservation dudit nom de domaine, et ce. sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir:
- de faire interdiction à la société LS DISTRIBUTION et Madame C d'utiliser, sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit, y compris à titre de marque, de dénomination sociale, de nom commercial, d'enseigne et de nom de domaine, directement ou par l'intermédiaire d'un tiers, y compris d'une personne morale, le signe "Instacoque" ou tout signe similaire portant atteinte aux droits antérieurs que la société Instagram, LLC détient sur ses marques et dénomination sociale, et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé un délai d'un mois à compter de la signification du jugement à intervenir :
- de condamner in solidum la société LS DISTRIBUTION et Madame C à verser à la société Instagram LLC la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice porté au caractère distinctif et à la renommée de sa marque de l'Union européenne "Instagram" n° 012111746 et en raison du profit indûment tiré par les défenderesses de la renommée et du caractère distinctif de la marque "Instagram" n° 012111746. au sens de l'article 9.2.c du règlement sur la marque de l'Union européenne :- de condamner in solidum la société LS DISTRIBUTION et Mademoiselle C à verser à la société Instagram LLC la somme de 20 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de l'imitation illicite de son enregistrement de marque de l’Union européenne "Instagram" n° 012111746 ;
- de condamner in solidum la société LS DISTRIBUTION et Madame C à verser à la société Instagram LLC. la somme de 10 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile :
- de condamner in solidum la société LS DISTRIBUTION et Madame C aux entiers dépens dont distraction sera ordonnée au profit de Maître William James KOPACZ, Avocat, conformément aux dispositions de l'Article
699 du code de procédure civile ;
- de se réserver la liquidation des astreintes prononcées :
- de débouter Madame C et la société LS DISTRIBUTION de leurs demandes.
En réplique, dans leurs dernières écritures notifiées par la voie électronique le 22 mai 2017 auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION demandent au tribunal, au visa des articles 9 (1 ) b et 9 (1) c du Règlement sur les marques communautaires et L 717-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle de :
- dire et juge que la société « INSTAGRAM » ne saurait s'approprier légitimement le terme « INSTA » ;
- dire et juger que les marques « ÏNSTACOQUE » 14 4120597 et 144140224 et leurs exploitations ne portent pas atteinte à la marque « INSTAGRAM » n° 012111746 :
- dire et juger que les marques « INSTACOQUE » 14 4120597 et 144140224 et leurs exploitations ne portent pas atteinte au nom commercial « INSTAGRAM » :
en conséquence, - débouter la société INSTAGRAM de l'intégralité de ses demandes :
- condamner la société INSTAGRAM à verser à Madame Jennifer C et la société LS DISTRIBUTION la somme de 5.000 euros chacun en application de l'article
700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation :
- condamner la société INSTAGRAM aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 mai 2017.Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article
467 du code de procédure civile.
MOTIFS DU JUGEMENT
1°) Sur l'atteinte à la renommée de la marque semi-figurative de l'Union européenne « INSTAGRAM » n° 012111746
Moyens des parties
Au soutien de ses prétentions, la société INSTAGRAM LLC expose que sa marque est l'une des marques les plus célèbres en France et dans le monde dans le domaine du partage et d'édition en ligne de photos et rappelle qu'une marque renommée est protégée, même en l'absence de risque de confusion, pour des produits et services similaires ou non similaires, lorsque le défendeur tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou qu'il porte préjudice au caractère distinctif ou à la renommée de cette dernière. Elle souligne l'existence d'un lien étroit entre son activité et celles des défenderesses puisque les coques qu'elles vendent peuvent être personnalisées avec des photographies téléchargées à partir du compte Instagram du propriétaire du téléphone et précise que les signes en débat, écrits avec la même typographie pour la marque n° 14 4 120 597, sont similaires visuellement, phonétiquement et conceptuellement, les lettres d'attaque « INSTA », suggérant la rapidité ou la vitesse, étant dominantes quand « COQUE » est descriptif du produit proposé. Elle en déduit que le profit des défenderesses est augmenté par le fait que leurs coques d'appareils mobiles sont spécialement conçues pour inclure des photographies publiées sur son application Instagram et que l'enregistrement et l'utilisation des marques « Instacoque » par les défenderesses nuisent considérablement au caractère distinctif de sa marque qui est d'autant plus dévalorisée que le public associera voire confondra les marques en débat. Elle ne développe aucune argumentation spécifique au nom de domaine et au site internet.
En réplique, Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION exposent que les signes en cause présentent des différences majeures sur les plans visuel, phonétique et conceptuel, l'identité des séquences d'attaques « INSTA », diminutif des termes « installer » ou « instantané », n'impliquant pas nécessairement l'imitation, et ce d'autant moins qu'elles sont usuellement utilisées par des tiers dans la vie des affaires. Elles ajoutent que la police « Billabong » utilisée pour la marque n° 14 4 120 597 est libre de droit quand celle de la marque n° 14 4 140 224 n'a rien de commun avec celle de la marque de la société INSTAGRAM LLC. Elles contestent toute substituabilité des produits en cause et l'identité du public pertinent et soutiennent que leur activité, qui repose sur l'utilisation de modules offerts par la société INSTAGRAM LLC, contribue à entretenir sinon à accroître sa renommée, aucun risque de confusion dans l'esprit du public n'étantétabli. Elles opposent enfin l'absence de démonstration des préjudices allégués.
Appréciation du tribunal
À titre liminaire, le tribunal constate que la renommée de la marque semi-figurative de l'Union européenne n° 012111746 n'est pas contestée. Il ne sera pas statué sur ce point, les demandes de « constat » n'étant pas des prétentions au sens de l'article
4 du code de procédure civile. Il n'est pas non plus contesté que les marques et signes en débat soient tous exploités.
a) Sur la réalité de l'atteinte
En application de l'article 9§1 et 2c du règlement (CE) n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque de l'Union européenne tel que modifié à droit constant par le Règlement (UE) n° 2015/2424 du 16 décembre 2015 : « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif. 2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque : c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans l'Union et que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l'Union européenne ou leur porte préjudice.
Dans son arrêt du 23 octobre 2003, Adidas-Salomon AG. Adidas Bénélux BV et Fitnessvvorld Trading Ltd. la CJUE alors CJCE a dit pour droit que la protection conférée par l'article 5§2 de la directive 89/104 n'est pas subordonnée à la constatation d'un degré de similitude tel entre la marque renommée et le signe qu'il existe, dans l'esprit du public concerné, un risque de confusion entre ceux-ci et qu'il suffit que le degré de similitude entre la marque renommée et le signe ait pour effet que le public concerné établisse un lien entre le signe et la marque.
Dans son arrêt du 27 novembre 2008 Intel Corporation Inc. c. CPM United Kingdom Ltd. elle a dit pour droit que l'article 4§4a) de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988 doit être interprété en ce sens que l'existence d'un lien, au sens de l'arrêt du 23 octobre 2003 Adidas-Salomon et Adidas Bénélux, entre la marque antérieure renommée et la marque postérieure doit êtreappréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce, parmi lesquels :
- le degré de similitude entre les marques en conflit étant précisé que plus celles-ci sont similaires, plus il est vraisemblable que la marque postérieure évoquera, dans l'esprit du public pertinent, la marque antérieure renommée :
- la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné ;
- l'intensité de la renommée de la marque antérieure ;
- le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure :
- l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public qui est à elle seule suffisante bien qu'elle ne soit pas exigée, le lien n'étant pas la confusion.
Elle précisait que le fait que la marque postérieure évoque la marque antérieure renommée dans l'esprit du consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, équivaut à l'existence d'un lien entre les marques en conflit et définissait les conditions à remplir non cumulativement pour que la reproduction ou l'imitation d'une marque renommée engage la responsabilité civile de son auteur ou justifie l'annulation de la marque postérieure : l'atteinte doit être de nature à porter préjudice au caractère distinctif ou à la renommée de la marque ou entrainer un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque. Elle ajoutait que l'existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, mais que, s'agissant de l'atteinte constituée par le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure dans la mesure où ce qui est prohibé est l'avantage tiré de cette marque par le titulaire de la marque postérieure, l'existence de cette atteinte doit être appréciée dans le chef du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque postérieure est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
Aux termes de la jurisprudence communautaire :
- l'atteinte au caractère distinctif de la marque, également désigné sous les termes de « dilution ». de « grignotage » ou de « brouillage ». est constituée dès lors que se trouve affaiblie l'aptitude de cette marque à identifier les produits ou les services pour lesquels elle estenregistrée et utilisée comme provenant du titulaire, l'usage de la marque postérieure entraînant une dispersion de l'identité de la marque antérieure et de son emprise sur l'esprit du public. À cet égard, la preuve que l'usage de la marque postérieure porte ou porterait préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure suppose que soient démontrés une modification du comportement économique du consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels la marque antérieure est enregistrée consécutive à l'usage de la marque postérieure ou un risque sérieux qu'une telle modification se produise dans le futur ». le fait que le titulaire de la marque postérieure tire ou non un réel avantage commercial du caractère distinctif de la marque antérieure étant en revanche indifférent (même arrêt. §29 et 78) :
- l'atteinte à la renommée de la marque est constituée lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être ressentis par le public d'une manière telle que la force d'attraction de la marque antérieure s'en trouverait diminuée ce qui est le cas lorsque ces derniers possèdent une caractéristique ou une qualité susceptibles d'exercer une influence négative sur l'image d'une marque antérieure renommée, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque demandée, la seule existence d'un lien entre les services désignés par les marques en conflit n'étant ni suffisante ni déterminante (TPI. 22 mars 2007. Sigla c. OHMI - Elleni Holding. §39 et 67) ;
- le profit que l'usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure englobe les cas où il y a exploitation et parasitisme manifestes d'une marque célèbre ou une tentative de tirer profit de sa réputation : il couvre le risque, qui n'est pas le risque de confusion, que l'image de la marque renommée ou les caractéristiques projetées par cette dernière soient transférées aux produits désignés par la marque demandée, de sorte que leur commercialisation serait facilitée par cette association avec la marque antérieure renommée (même arrêt, §40). À ce titre, le profit tiré par un tiers du caractère distinctif ou de la renommée de la marque peut se révéler indu, même si l'usage du signe identique ou similaire ne porte préjudice ni au caractère distinctif ni à la renommée de la marque ou, plus généralement, au titulaire de celle-ci (CJCE, 18 juin 2009. l'Oréal c. Beïlure. §43).
La société INSTAGRAM LLC est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque semi-figurative de l'Union européenne n° 012111746 enregistrée le 6 mars 2014 pour désigner les produits et services des classes 9. 38, 41, 42 et 45 comportant l'élément verbal « Instagram » :La marque n'est semi-figurative qu'à raison de sa police particulière, qui ressemble effectivement à la police « Billabong » sans lui être identique ainsi que le révèle la comparaison opérée par la
demanderesse (page 48 de ses écritures : lettre I inscrite dans la
marque et dans la police). Contrairement à ce que soutient la société INSTAGRAM LLC, la marque constitue pour le public pertinent un ensemble indivisible qui ici ne comporte aucun élément dominant : le signe étant un néologisme insusceptible du découpage artificiel auquel elle se livre, rien ne permet de considérer la séquence faite des cinq premières lettres plus distinctive ou dominante que celle composée des quatre dernières, sa typographie spécifique étant également importante.
- Sur les marques « INSTACOQUE » n° 14 4 120 597 e 114 4 140 224
Madame Jennifer C est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur les marques suivantes comportant l'élément verbal « ïnstacoque » :
-la marque semi-figurative française n° 14 4 120 597 déposée en couleurs (lettres noires et ombres bleues) le 24 septembre 2014 pour désigner les produits et services des classes 9. 16. 35, 38 et 40 :
- la marque semi-figurative française n° 14 4 140 224 déposée en couleurs (lettres noires et ombres bleues) le 8 décembre 2014 pour désigner les produits et services des classes 9, 16, 35. 38 et 40 :
- La marque n° 14 4 120 597 reprend une police presque identique à celle de la marque de la société INSTAGRAM LLC avec une unique différence tenant à la typographie de la lettre "s", légèrement distincte en ce qu'elle est issue de la police « Billabong ». S'ajoutent à cette variation de détail un jeu d'ombres très léger et difficilement perceptible ainsi qu'une étoile en guise d'astérisque. À la différence du signe constituant la marque de l'Union européenne n° 012111746, l'élément verbal est un néologisme aisément scindable puisque le terme « coque » est un nom commun et est purement descriptif en ce qu'il renvoie aux « étuis de protection pour téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques : accessoires, à savoirhousses, coques. [...] destinés à être utilisés avec des téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques : étuis de transport destinés à être utilisés avec des téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques : étuis et sacs destinés à être utilisés avec des téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques » en classe 9. aux « services de vente en ligne et en magasin d'étuis de protection, housses, coques. [...] en classe 35 et aux services « d'impression, en particulier impression d'images numériques sur des étuis pour téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques : préparation de matériels et produits personnalisés destinés notamment à être utilisés avec des téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques, à savoir téléphones mobiles, tablettes, ordinateurs portables, mini PC. et/ou autres dispositifs électroniques, ainsi que d'étuis de protection, housses, coques. [...] destinés à être utilisés avec des téléphones mobiles, tablettes et/ou autres dispositifs électroniques, à savoir service d'impression, d'impression de dessins, d'impression lithographique, de gravure, de photogravure, de tirage photographique, de coloration, de sérigraphie, de soudure, de teinture, de dorure, de chromage ou de reliure » en classe 40. De ce fait, la séquence d'attaque « INSTA » est ici dominante tant visuellement que conceptuellement et la juxtaposition de celle-ci et de « coque » renvoie à l'idée d'un service « instantané » ou d'un produit « installé » sur une coque d'appareil mobile. Les signes sont ainsi très similaires.
La marque n° 14 4 140 224 se compose du même élément verbal mais présente une typographie sans rapport avec celle de la marque de l'Union européenne n° 012111746. À l'aune de cette différence significative et de l'analyse de l'élément verbal déjà livrée, les signes sont faiblement similaires.
Concernant l'analyse comparée des produits et services, la CJUE alors CJCE a précisé dans son arrêt Canon c. Metro-Goldwyn-Mayer du 29 septembre 1998 que, pour apprécier la similitude entre les produits ou services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou services, ces facteurs incluant, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire.
Dans ce cadre, l'identité, la similitude ou la différence entre les produits et services visés à l'enregistrement de chaque marque, les marques n° 14 4 120 597 et 14 4 140 224 désignant des services et produits identiques, peut être ainsi appréciée :
- les produits de la classe 9 sont différents, les logiciels désignés par la marque de l’Union européenne n° 012111746 n'ayant rien de commun avec les produits visés en classe 9 par les marques attaquées (périphériques, étuis et sacoches) ;- les produits et services des classes 16 et 35 ne sont similaires d'aucun des produits visés à l'enregistrement de la marque de l'Union européenne n° 012111746 qui ne désigne pas ces dernières. Le fait que la publicité puisse être opérée par des moyens de télécommunication n'a aucune pertinence : le moyen mis techniquement en œuvre pour fournir un service n'en affecte ni la nature ni la destination et n'implique en soi aucune complémentarité du point de vue du consommateur de ces services. Il en va de même du lien global fait par la demanderesse entre « des produits et services liés à l'informatique et aux services en ligne ayant recours aux ordinateurs et aux télécommunications » : d'une part des produits ne sont pas similaires à des services sauf à établir une nette complémentarité, ce qui n'est pas le cas ici, et d'autre part ce simple « lien » est bien trop ténu, dans un contexte de numérisation de la société, pour établir une quelconque similitude ;
- les services de la classe 38 sont identiques (« fourniture d'accès à des bases de données », « transmission de fichiers numériques » et « transmission de messages et d'images assistée par ordinateur » versus « fourniture d'accès à des bases de données électroniques, services de partage de photographies et de partage de données, à savoir, transmission électronique de fichiers photographiques numériques et services de télécommunications, à savoir transmission électronique de données, messages, illustrations graphiques, images et informations ») ;
- les services de la classe 40, non visés par la marque de l'Union européenne n° 012111746, sont différents, les services d'impression, de gravure, de sérigraphie ou de photogravure, d'impression et de préparation de matériels et produits personnalisés n'étant ni identiques ni similaires au logiciel, qui est un produit, aux services de partage de photographies et de données et aux services d'hébergement.
-
Ainsi, seuls les services de la classe 38 (« fourniture d'accès à des bases de données », « transmission de fichiers numériques » et « transmission de messages et d'images assistée par ordinateur ») sont identiques.
Ces services étant courants et à destination d'un public de masse, le public pertinent, commun aux trois marques, est un consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé peu sensible aux détails. Il est ici identique pour apprécier l'atteinte de nature à porter préjudice au caractère distinctif ou à la renommée de la marque et le profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque.Au regard de la similarité des signes en débat, celle-ci étant très forte pour la marque n° 14 4 120 597 et plus faible pour la marque n° 14 4 140 224, et de l'identité partielle des services visés ainsi que de la notoriété incontestée de la marque de 1*Union européenne n° 012111746, le consommateur commun des produits et services visés aux enregistrements des marques postérieures fera le lien entre les marques litigieuses, celles de Madame Jennifer C évoquant directement et certainement celle de la société INSTAGRAM LLC. Madame Jennifer C ne peut d'ailleurs contester de bonne foi cette analyse puisque ses marques sont effectivement exploitées par la SARL LS DISTRIBUTION pour permettre aux internautes de personnaliser leurs coques de téléphone en utilisant des photographies provenant notamment de leur compte Instagram ainsi que le précise à de nombreuses reprises le site instacoque.com (procès-verbal de constat du 3 mars 2015 en pièce 9 en demande) : ce lien a à l'évidence guidé son choix de l'élément verbal de ses deux marques et de la typographie de la plus ancienne pour permettre immédiatement au consommateur de comprendre la nature du service offert par la SARL LS DISTRIBUTION comme un prolongement nouveau du service proposé par la société INSTAGRAM LLC. Le rapprochement ainsi opéré par le consommateur permet à Madame Jennifer C, et à la SARL LS DISTRIBUTION qui exploite ses marques, de tirer sans effort ni frais profit de la renommée de la marque de l'Union européenne n° 012111746 pour attirer et éventuellement faciliter son acte d'achat.
Pour autant, si le profit indu tiré de la renommée de la marque et de son caractère distinctif est caractérisé pour les deux marques attaquées, une distinction doit être opérée pour le préjudice causé à la renommée ou au caractère distinctif de la marque de la société INSTAGRAM LLC. Tandis que la quasi identité de typographie pour la marque n° 14 4 120 597 induit un risque évident d'association, soit au sens de l'article 9§2b in fine du Règlement, un risque de confusion dont il est une composante, le public pertinent pouvant croire à une déclinaison autorisée des services proposés par la société INSTAGRAM LLC ce qui caractérise une atteinte à la distinctivité de la marque, la différence très nette des polices pour la marque n° 14 4 140 224 exclut à elle seule cette association. En effet, le consommateur percevra alors immédiatement l'utilisation libre par un tiers de l'application Instagram à des fins qui lui sont propres et qui ne sont pas envisagées par la société INSTAGRAM LLC qui ne démontre pas concernant cette seconde marque que le comportement du consommateur soit effectivement modifié ou susceptible de l'être ou que la force d'attraction de sa marque serait diminuée, rien n'indiquant que les services et produits visés à l'enregistrement et offerts par la SARL LS DISTRIBUTION soient de nature à nuire à son image à raison de leur nature ou de leur qualité.
- Sur le nom de domaine instacoque.com et le site internet auquel il permet l'accèsL'article 9 du règlement ne prévoyant que le pouvoir du titulaire d'interdire « de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services », l'usage du signe à titre de nom de domaine appelle une précision quant à sa relation avec les produits et services.
Dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002, la CJUE alors CJCE a précisé que le titulaire d'une marque enregistrée ne peut, en application de l'article 5§1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques devenue la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.
En effet, la fonction essentielle de la marque étant de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance, le titulaire de la marque doit, pour que cette garantie de provenance puisse être assurée, être protégé contre les concurrents qui voudraient abuser de la position et de la réputation de la marque en vendant des produits indûment pourvus de celle-ci. À défaut d'atteinte aux fonctions de ses droits, l'utilisation du signe est, au plan du droit des marques, libre.
Et dans son arrêt Céline SARL c. Céline SA du 11 septembre 2007, la CJUE alors CJCE a dit pour droit que l'usage, par un tiers qui n'y a pas été autorisé, d'une dénomination sociale, d'un nom commercial ou d'une enseigne identique à une marque antérieure, dans le cadre d'une activité de commercialisation de produits identiques à ceux pour lesquels cette marque a été enregistrée, constitue un usage que le titulaire de la marque est habilité à interdire conformément à l'article 5§la de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des États membres sur les marques, s'il s'agit d'un usage pour des produits qui porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque. Elle précisait qu'il en était ainsi lorsque le signe est utilisé par le tiers pour ses produits ou ses services de telle manière que les consommateurs sont susceptibles de l'interpréter comme désignant la provenance des produits ou des services en cause puisqu'en pareil cas, l'usage du signe est susceptible de mettre en péril la fonction essentielle de la marque de garantie que tous les produits ou services qu'elle désigne ont été fabriqués ou fournis sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité. Rappelant qu'une dénomination sociale, un nom commercial et une enseigne n'ont pas en soi pour finalité de distinguer des produits ou des services puisqu'ils ont respectivement pour objet d'identifier une société ou de signaler un fonds de commerce, elleindiquait qu'il y a usage « pour des produits » au sens de l'article 5§1 de la directive lorsqu'un tiers appose le signe constituant sa dénomination sociale, son nom commercial ou son enseigne sur les produits qu'il commercialise et, même en l'absence d'apposition, s'il utilise le signe de telle façon qu'il s'établit un lien entre le signe constituant la dénomination sociale, le nom commercial ou l'enseigne du tiers et les produits commercialisés ou les services fournis par le tiers. Cette décision est applicable au nom de domaine qui a, en ligne, la fonction d'une enseigne.
Aux termes du procès-verbal de constat du 3 mars 2015, la SARL LS DISTRIBUTION exploite le site internet instacoque.com accessible via le nom de domaine qu'elle a réservé pour proposer aux internautes de personnaliser leur coque de téléphone portable avec des photographies notamment issues de leur compte InstagraM. Cette prestation correspond d'ailleurs aux services de la classe 38 déjà analysés. Ainsi, le signe « INSTACOQUE », dans une police distincte pour le nom de domaine et dans une typographie identique sur le site internet lui-même, est utilisé dans la vie des affaires et, puisqu'il permet d'accéder à la présentation et à la vente de produits et services sur des pages sur lesquelles il est à nouveau reproduit pour déterminer leur origine commerciale, « pour » ceux-ci au sens de l'article 9 du Règlement. Ces usages sont faits à titre de marque.
L'analyse comparée des signes et des critères pertinents étant transposable à l'usage du signe dans le nom de domaine et sur le site lui-même, ces utilisations tirent indûment profit de la notoriété de la marque de l'Union européenne n° 012111746 et, lorsque la typographie est la même, portent préjudice au caractère distinctif de cette dernière.
b) Sur les mesures réparatrices
-Sur la nullité des marques françaises n° 14 4120 597 et 14 4140 224
Conformément à l'article
L 711-4 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et à L 711- 4, la décision d'annulation ayant un effet absolu et étant, une fois devenue définitive, transmise à l'INPI pour inscription sur ses registres par le greffe ou l'une des parties en application de l'article
R 714-3 du même code.
Et, en application de l'article
L 711-4 c et d du code de propriété intellectuelle, ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle. La liste, introduite par l'adverbe « notamment », n'étant pas limitative, la marque renommée peut servir de fondement à une demande d'annulation en dehors de sa spécialité.L'atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne n° 012111746 étant établie, la nullité des marques n° 14 4 120 597 et 14 4 140 224 sera prononcée.
- Sur la réparation des atteintes
Conformément à l'article
L 717-1 du code de la propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire.
Par ailleurs, les dispositions des articles L 716-8 à
L 716-15 du code de propriété intellectuelle sont applicables aux atteintes portées au droit du propriétaire d'une marque communautaire en vertu de l'article
L 717-2 du même code
En application de l'article
L716-14 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière : 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Et. en vertu de l'article
L 716-15 du code de propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.
À la différence du droit interne qui situe l'atteinte à la renommée de la marque et sa réparation dans la responsabilité délictuelle de droit commun, le droit communautaire intègre celle-ci dans le régimeapplicable à la contrefaçon, ce qui commande l'application de ces dispositions.
Les atteintes constituant des actes de contrefaçon au sens de l'article 9 du règlement, les mesures d'interdiction demandées seront ordonnées sous astreinte conformément à l'article
L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution au regard de la résistance de Madame Jennifer C, gérante de la SARL LS DISTRIBUTION, qui n'a pas procédé au retrait de sa première marque en dépit de sa proposition. Le débat ne portant pas sur le nom commercial, l'enseigne ou la dénomination sociale de la SARL LS DISTRIBUTION, les autres demandes d'interdiction, par ailleurs trop générales puisqu'elles visent tout usage alors que le titulaire d'une marque de l'Union européenne ne peut interdire que des usages dans la vie des affaires pour des produits ou services, soit à titre de marque, seront rejetées.
Injonction sera également faite sous astreinte à la SARL LS DISTRIBUTION, Madame Jennifer C n'ayant procédé à la réservation qu'en sa qualité de gérante ainsi que le confirme le Whois produit (pièce 7 en demande), de procéder à la radiation du nom de domaine instacoque.com.
En revanche, la société INSTAGRAM LLC, qui se dispense de l'analyse de tous les postes de préjudice économique, ne fournit pas le moindre élément permettant de quantifier le préjudice qu'elle allègue et qu'elle n'explicite d'ailleurs qu'en termes très généraux achevés par une affirmation sans portée (page 61 de ses écritures : « Un risque de confusion constitue en soi un préjudice et un préjudice pour la demanderesse. Instagram »), la preuve du principe du préjudice ne dispensant pas d'apporter celle de sa mesure. Le seul préjudice indemnisable qu'elle subit et qui est établi en sa mesure réside dans l'atteinte au caractère distinctif de sa marque, dévalorisée par sa banalisation, peu important à ce titre que d'autres opérateurs économiques usent de la séquence « INSTA ». Il sera réparé par l'allocation d’une somme de 5 000 euros que Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION, qui ont concouru ensemble à la réalisation du dommage puisque la première est le titulaire des marques exploitées par la seconde, ce que personne ne conteste, seront condamnées in solidum à lui payer.
2°) Sur la contrefaçon de la marque semi-figurative de l'Union européenne n° 012111746
La société INSTAGRAM LLC n'explique pas quel intérêt elle a à solliciter à titre additionnel la réparation de l'atteinte à la renommée de sa marque puis de la contrefaçon par imitation de la même marque par les mêmes signes alors que le régime indemnitaire est identique. Aucun moyen n'étant opposé par Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION, sa demande sera néanmoins examinée quoiqu'elle se heurte d'emblée à la prohibition de la double réparation d'un même dommage.Conformément aux articles 9 « droit conféré par la marque de l'union européenne » net 9 ter « date de l'opposabilité du droit aux tiers »du Règlement (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 modifiant notamment le Règlement CE n° 207/2009 du 26 février 2009 sur la marque communautaire entrés en vigueur le 23 mars 2016 conformément à son article 4, la marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif opposable aux tiers à compter de la publication de l'enregistrement de la marque. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires, d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée ou d'un signe identique ou similaire à la marque de l'Union européenne pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services
En vertu des dispositions combinées des articles 14 « application complémentaire du droit national en matière de contrefaçon » (non modifié). 101 « droit applicable » (modifié formellement) et 102 « sanctions » (modifié formellement) des Règlements (UE) 2015/2424 du 16 décembre 2015 et CE n° 207/2009 du 26 février 2009, si les effets de la marque communautaire sont exclusivement déterminés par les dispositions du règlement, les atteintes à une marque de l'Union européenne et leurs sanctions sont régies par le droit national concernant les atteintes à une marque nationale.
À cet égard, conformément à l'article
L 717-1 du code de propriété intellectuelle, constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9. 10. 11 et 13 du règlement (CE) 40/94 du Conseil du 20 décembre 1993 sur la marque communautaire désormais dite de l'Union européenne.
Et, conformément à 1 * article
L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l'article
L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2.
L 713-3 et
L 713-4 du même code.
En vertu de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.Enfin, aux termes de l'article
L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres conformément au principe posé par l'arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984 comme en application directe du droit communautaire, le risque de confusion doit faire l'objet d'une appréciation abstraite par référence au dépôt d'une part en considération d'un public pertinent correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d'autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d'exploitation mais également par comparaison des services et produits visés dans l'enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.
La contrefaçon s'appréciant par référence à l’enregistrement de la marque, les conditions d'exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes : seules doivent être prises en compte les conditions d'exploitation du signe litigieux et de commercialisation des services et produits argués de contrefaçon à l'égard desquels sera examinée la perception du public pertinent.
Ce dernier a déjà été défini et les signes comme les produits et services ont été comparés. Ces éléments établissent que :
- la marque n° 14 4 120 597 est très similaire du signe constituant la marque de l'Union européenne n° 012111746 à raison de la reprise presque à l'identique de sa police. Les produits et services étant partiellement identiques, le public pertinent, peu attentif aux détails et mais connaissant très probablement la marque « INSTAGRAM » à raison de sa renommée incontestée, croira que les produits et services proposés sous le signe « instacoque » sont une déclinaison autorisée des services proposés par la société INSTAGRAM LLC ce qui caractérise un risque de confusion. Cette marque est ainsi contrefaisante ;- la marque n° 14 4 140 224 est plus faiblement similaire, les typographies étant très différentes. Celle de la marque de l'Union européenne n° 012111746 étant un élément important du signe la constituant, ce que la société INSTAGRAM LLC rappelle à de nombreuses reprises en soulignant son caractère « atypique », spécial » ou « inhabituel » (pages 8,10,13 et 48 de ses écritures), cette différence majeure, si elle ne peut occulter le lien entre les marques au sens de l'article 9§2c du règlement, suffit à écarter tout risque de confusion dans l'esprit du public pertinent malgré l'identité partielle des services et la renommée de la marque : le consommateur comprendra immédiatement qu'il est confronté à un service susceptible d'utiliser l'application Instagram mais non offert par la société INSTAGRAM LLC ou avec son autorisation.
Aussi, la contrefaçon n'est caractérisée qu'à l'endroit de la marque n° 14 4 120 597. Pour les raisons exposées, le seul préjudice indemnisable dont la mesure est établie est celui résidant dans la dévalorisation de la marque. Celui-ci ayant été réparé, la demande indemnitaire de la société INSTAGRAM LLC sera rejetée, les demandes d'interdiction et de radiation étant pour leur part déjà satisfaites.
3°) Sur l'atteinte au nom commercial
La société INSTAGRAM LLC fonde exclusivement sa demande sur les articles 2 et 8 de la Convention de Paris du 20 mars 1883. Or, le dernier de ces textes ne prévoit que le principe de la protection du nom commercial mais non les moyens de cette dernière que les États membres sont libres de déterminer. En France, cette protection est assurée par la responsabilité délictuelle de droit commun. Ses conditions de mise en œuvre que sont la preuve d'une faute et d'un préjudice causé par celle-ci n'étant pas débattues, les demandes de la société INSTAGRAM LLC seront rejetées.
4°) Sur les demandes accessoires
Succombant au litige, Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, seront condamnées in solidum à payer à la société INSTAGRAM LLC la somme de 4 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article
699 du code de procédure civile.
Compatible avec la nature et la solution du litige, l'exécution provisoire du jugement, nécessaire, sera ordonnée en toutes ses dispositions, à l'exception de celles portant sur les annulations des marques, conformément à l'article
515 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
Dit que Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION ont. par leur action concurrente, porté atteinte à la renommée de la marque de l'Union européenne n° 012111746 de la société INSTAGRAM LLC en exploitant les marques n° 14 4 120 597 et 14 4 140 224 de Madame Jennifer C et en usant du signe « Instacoque » à titre de nom de domaine et sur le site instacoque.com auquel il permet l'accès :
Prononce la nullité de l'enregistrement des marques françaises « INSTACOQUE » n° 14 4 120 597 et 14 4 140 224 de Madame Jennifer C pour tous les produits et services visés :
Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l’INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres :
Condamne in solidum Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION à payer à la société INSTAGRAM LLC la somme de CINQ MILLE euros (5 000 €) en réparation du préjudice causé par ces atteintes ;
Interdit à Madame Jennifer C et à la SARL LS DISTRIBUTION d'utiliser le mot « Instacoque » à titre de nom de domaine et de marque sur quel que support que ce soit sur tout le territoire de l'Union européenne sous astreinte de 50 euros par infraction constatée pendant un délai de 3 mois courant à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification du jugement :
Enjoint à la SARL LS DISTRIBUTION de procéder à la radiation du nom de domaine instacoque.com sous les mêmes conditions d'astreinte mais par jour de retard ;
Se réserve la liquidation de ces astreintes ;
Rejette les demandes de la société INSTAGRAM LLC au titre de la contrefaçon :
Rejette les demandes de la société INSTAGRAM LLC au titre de l'atteinte au nom commercial ;
Rejette les demandes d'interdiction complémentaires présentées par la société INSTAGRAM LLC ;
Rejette la demande de Madame Jennifer C et de la SARL LS DISTRIBUTION au titre des frais irrépétibles :
Condamne in solidum la SARL LS DISTRIBUTION et Madame Jennifer C à payer à la société INSTAGRAM LLC la sommede QUATRE MILLE euros (4 000 €) en application de l'article
700 du code de procédure civile :
Condamne in solidum Madame Jennifer C et la SARL LS DISTRIBUTION à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître William James KOPACZ conformément à l'article
699 du code de procédure civile :
Ordonne l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions à l'exception de celles portant sur l'annulation des marques.