LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. S... a intégré le groupe Thomson CSF le 6 juin 1979 et occupait en dernier lieu les fonctions de commercial export au sein de la société Thales air systems ; qu'il a été licencié le 5 août 2010 ; que les parties au contrat de travail ont signé un protocole d'accord transactionnel le 13 septembre 2010 ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique, en ce qu'il critique le chef du dispositif rejetant les demandes au titre de l'intéressement et de la participation, de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour préjudice financier :
Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes, alors, selon le moyen, que la transaction emporte renonciation des parties signataires à faire valoir en justice les droits et prétentions sur lesquels porte l'accord intervenu ; que ses effets sont limités aux droits et prétentions qui ont été envisagés au moment de la signature de l'acte, nonobstant la formule de renonciation très large qui peut y figurer ; qu'il ressortait du préambule du protocole transactionnel, ainsi que de son article 2, que seule la question du licenciement prononcé et de l'indemnisation du préjudice causé par son caractère abusif avait été évoquée par les parties ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les demandes du salarié au motif qu'aux termes de la transaction il aurait déclaré être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief à l'encontre de son employeur, quand cette renonciation ne valait qu'au regard de la demande sur laquelle il avait été transigé en réparation du préjudice moral et professionnel relatif à la rupture abusive du contrat et non au regard des demandes de rappels de salaires relatifs aux erreurs commises par la société dans le paiement de sommes dues au titre du préavis, des congés payés, de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé les articles
2048 et
2049 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant relevé que les articles 3 et 5 du protocole transactionnel disposaient que le salarié déclarait abandonner de manière définitive toutes autres demandes qu'il aurait formées ou qu'il pourrait former aux fins d'indemnisation ou de rémunération quel que puisse en être le fondement et que les parties renonçaient réciproquement, de façon expresse et irrévocable, à tous droits, demandes ou actions, pouvant résulter de quelque manière et pour quelque raison que ce soit des relations ayant existé entre eux ainsi que de leur cessation, la cour d'appel a exactement décidé que les demandes étaient irrecevables ;
Mais sur le moyen unique, en ce qu'il critique le chef de dispositif rejetant la demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement :
Vu l'article
455 du code de procédure civile ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande, la cour d'appel retient que le protocole transactionnel a été exécuté entièrement ;
Qu'en statuant ainsi, sans s'expliquer sur les modalités et l'assiette de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement contestées par le salarié, dont le montant n'avait pas été fixé dans la transaction, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. S... de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, l'arrêt rendu le 23 mai 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société Thales air systems aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, condamne la société Thales air systems à payer à M. S... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt février deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. S....
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré M. S... irrecevable en ses demandes à l'encontre de la société Thales air systems ;
AUX MOTIFS QUE « sur l'irrecevabilité des demandes soulevée par la SA Thalès air systems :
Vu les articles
2052,
1134 et
1156 du code civil ;
Que le litige porte sur l'assiette de calcul de l'indemnité de licenciement de l'appelant ;
Que le protocole d'accord transactionnel signé le 13 septembre 2010 entre M. S... et la SA Thalès air systems après avoir fait un commémoratif des positions des parties et rappelé notamment que M. S... considérait son licenciement disproportionné et abusif mentionne notamment en son article deux : "M. S... accepte expressément cette indemnité et reconnaît que celle-ci couvre, de façon définitive, tous les dommages qu'il a été amené à invoquer à quelque titre et pour quelque cause que ce soit, pouvant être en relation avec l'exécution ou la résiliation de son contrat de travail" ;
Que l'article trois énonce : "M. S... accepte les modalités qui viennent d'être décrites et déclare, en conséquence, abandonner de manière définitive toutes autres demandes qu'il aurait formées ou qu'il pourrait former aux fins d'indemnisation ou de rémunération quel que puisse en être le fondement" ;
Qu'enfin l'article cinq indique : "La société Thalès air systems et M. S... reconnaissent que les dispositions qui précèdent règlent tous les comptes entre les parties, sans aucune exception, du fait de l'exécution comme de la procédure de résiliation du contrat de travail les liant.
En conséquence, et sous réserve de la bonne exécution du présent accord, la société Thalès air systems et M. S... renoncent réciproquement, de façon expresse et irrévocable, à tous droits, demandes ou actions, pouvant résulter de quelque manière et pour quelque raison que ce soit des relations ayant existé entre eux ainsi que de leur cessation.
En exécution du présent accord, M. S... accepte de se désister de toutes instances qu'il aurait pu introduire auprès des juridictions prud'homales territorialement compétentes ou de toutes autres instances judiciaires" ;
Qu'aux termes de la transaction, M. S... a déclaré être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief quelconque à l'encontre de la SA Thalès air systems du fait de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail ;
Qu'en l'espèce, l'appelant [celui-ci] a déclaré aux termes du protocole transactionnel : "abandonner de manière définitive toutes autres demandes qu'il aurait formées ou qu'il pourrait former aux fins d'indemnisation ou de rémunération quel que puisse en être le fondement" ;
Que dès lors, le protocole ayant été exécuté entièrement, M. S... est irrecevable en ses demandes et le jugement déféré confirmé ».
1/ ALORS QUE la transaction emporte renonciation des parties signataires à faire valoir en justice les droits et prétentions sur lesquels porte l'accord intervenu ; que ses effets sont limités aux droits et prétentions qui ont été envisagés au moment de la signature de l'acte, nonobstant la formule de renonciation très large qui peut y figurer ; qu'il ressortait du préambule du protocole transactionnel, ainsi que de son article 2, que seule la question du licenciement prononcé et de l'indemnisation du préjudice causé par son caractère abusif avait été évoquée par les parties ; qu'en déclarant néanmoins irrecevables les demandes du salarié au motif qu'aux termes de la transaction il aurait déclaré être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief à l'encontre de son employeur, quand cette renonciation ne valait qu'au regard de la demande sur laquelle il avait été transigé en réparation du préjudice moral et professionnel relatif à la rupture abusive du contrat et non au regard des demandes de rappels de salaires relatifs aux erreurs commises par la société dans le paiement de sommes dues au titre du préavis, des congés payés, de la participation et de l'intéressement, la cour d'appel a violé les articles
2048 et
2049 du code civil ;
2/ ALORS QUE si l'une des parties à la transaction n'exécute pas ses obligations, l'autre partie peut en réclamer l'exécution forcée ; qu'aux termes du protocole transactionnel, il avait été prévu que M. S... percevrait « au terme de son contrat de travail (
) en plus de son indemnité transactionnelle, l'indemnité conventionnelle de licenciement due en application de la convention collective de la métallurgie » ; qu'en le déboutant de sa demande de paiement d'un complément d'indemnité conventionnelle de licenciement au motif qu'il aurait abandonné de manière définitive toutes autres demandes aux fins d'indemnisation ou de rémunération, quand il ne demandait que l'exécution d'un engagement prévu par la transaction, l'assiette de calcul retenue par la société Thalès air systems n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, la cour d'appel a violé l'article
1184 du code civil ;
3/ ALORS QU'en se bornant à affirmer que le protocole aurait été exécuté entièrement, de sorte que M. S... serait irrecevable en ses demandes, sans indiquer ce qui lui permettait de conclure que la somme accordée à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement aurait correspondu à la somme réellement due au regard des dispositions de l'article 29 de la convention collective des ingénieurs et cadres de la métallurgie, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle et a méconnu les exigences de l'article
455 du code de procédure civile.