AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société Mona Lisa, dont le siège est Espace A..., bâtiment E, 13763 Aix-en-Provence, en cassation d'un arrêt rendu le 17 octobre 1994 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale), au profit de M. Y... Lia, demeurant ..., défendeur à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 17 juillet 1997, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen, faisant fonctions de président, M. Boinot, conseiller référendaire rapporteur, MM. Finance, Texier, Lanquetin, conseillers, M. Chauvy, avocat général, Mlle Barault, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Boinot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Mona Lisa, les conclusions de M. Chauvy, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 octobre 1994), que M. X... a passé un contrat intitulé "agent commercial", en date du 17 juillet 1992, avec la société Mona Lisa qui lui donnait mandat, à titre de profession indépendante et habituelle, de la représenter auprès de la clientèle et de négocier la vente de ses produits moyennant une rémunération calculée en pourcentage sur le prix des ventes effectuées ;
que, par lettre du 27 juillet 1993, la société Mona Lisa a mis fin à ces relations contractuelles; que M. X... a alors revendiqué le statut de salarié pour réclamer le versement d'indemnités de rupture; que la cour d'appel statuant sur un contredit formé contre un jugement d'incompétence du conseil de prud'hommes, a déclaré cette juridiction compétente et a décidé d'évoquer l'affaire au fond ;
Sur le premier moyen
:
Attendu que la société Mona Lisa fait grief à l'arrêt d'avoir dit le conseil de prud'hommes compétent, alors, selon le moyen, que, d'une part, il résulte de la note d'information du 7 octobre 1992 et de la lettre de M. Z... à M. X... du 8 juillet 1993 que la société Mona Lisa avait établi une distinction entre les agents commerciaux tenus seulement de rédiger un compte rendu bimensuel d'activité et les VRP salariés, tenus de lui adresser chaque jour un rapport individuel sur chacun des clients visités, rédiger des comptes rendus récapitulatifs hebdomadaires et périodiques; qu'ainsi, en retenant qu'il résultait des notes, instructions et circulaires que la société Mona Lisa imposait aux agents commerciaux chaque soir la rédaction d'un rapport d'activité écrit, pour en déduire l'existence d'un rapport de subordination, la cour d'appel qui a dénaturé par omission ces documents clairs et précis, a violé l'article
1134 du Code civil; alors que, d'autre part, dans le cadre du devoir réciproque de coopération et d'information qui régit les rapports entre le mandant et l'agent commercial, l'obligation faite à ce dernier de rédiger des rapports bimensuels ou même hebdomadaires réguliers n'est pas en elle-même exclusive du statut d'agent commercial lorsque l'agent commercial auquel n'est attribué aucun secteur géographique,
organise son travail librement; qu'ainsi, en statuant comme elle l'a fait sans rechercher si l'obligation d'information existant entre la société Mona Lisa et M. X... n'avait pas été prévue dans l'intérêt commun des deux parties et compte tenu de l'évolution des méthodes de commercialisation, la cour d'appel a entaché sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 4 de la loi n 91-593 du 25 juin 1991 relative aux rapports entre les agents commerciaux et leurs mandants, ensemble l'article
1134, alinéa 3, du Code civil; alors qu'en outre, la note du 15 mars 1993 émanant de la société Mona Lisa n'impose pas aux agents commerciaux la rédaction chaque soir d'un "rapport d'activité écrit"; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a dénaturé ladite note et par suite violé l'article
1134, alinéa 3, du Code civil; et alors qu'enfin, il résulte des stipulations claires et précises de l'article 3 in fine du contrat d'agent commercial que M. X... n'était pas engagé à faire figurer sur ses documents commerciaux sa qualité d'agent commercial; qu'en déduisant l'existence d'un service organisé de ce que les modèles de "lettres de mission" fournis à celui-ci par la société Mona Lisa ne comportaient pas la mention de l'intervention de M. X... en sa qualité d'agent commercial, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1134, alinéa
3 du Code civil, ensemble l'article 1er, alinéa 1, de la loi du 25 juin 1991 ;
Mais attendu que l'arrêt retient que M. X... devait justifier quotidiennement de son activité dans un rapport écrit, outre un rapport écrit hebdomadaire, que de nombreux documents détaillaient très précisément les diligences à accomplir par les commerciaux, qu'ils fussent agents commerciaux, VRP salariés ou salariés, que ces rapports d'activité permettaient d'apprécier très exactement l'activité de M. X..., que des modèles de rapport écrit étaient fournis à M. X... pour être renseignés précisément, que les lettres de mission que M. X... avait la charge d'obtenir de la clientèle et dont les modèles étaient fournis à M. X... par la société Mona Lisa ne comportaient pas la mention de l'intervention de M. X... en sa qualité d'agent commercial, que M. X... agissait dans un cadre prédéterminé par la société Mona Lisa sans possibilité de s'en soustraire et que le mode de rémunération pratiqué ne faisait pas disparaître ce rapport de subordination; qu'ayant ainsi, sans encourir les griefs du moyen, fait ressortir que M. X... avait exécuté son travail sous l'autorité d'un employeur qui avait le pouvoir de lui donner ordres et directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner ses manquements, la cour d'appel en a exactement déduit qu'il avait exercé son activité professionnelle dans un lien de subordination avec la société Mona Lisa; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le second moyen
:
Attendu que la société Mona Lisa fait grief à l'arrêt d'avoir statué sur la demande de M. X..., alors, selon le moyen, qu'en statuant au fond, après avoir décidé de faire usage de son pouvoir d'évocation, sans avoir au préalable invité la société Mona Lisa, qui n'avait pas conclu sur la question du licenciement non jugée en première instance et à laquelle elle a estimé devoir donner une solution définitive, et sans avoir énoncé qu'elle l'avait invitée seulement à s'exprimer sur le fond, la cour d'appel a violé les articles
16 et
89 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que la société Mona Lisa avait conclu au fond ;
Et attendu qu'ayant décidé d'évoquer le fond de l'affaire, la cour d'appel, qui a constaté que le dossier était en état de recevoir une solution définitive, a légalement justifié sa décision; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Mona Lisa aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.