Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 7 juin 2021 et 28 septembre 2021, l'Union départementale des associations familiales de la Moselle, agissant en qualité de tutrice de M. A B, représenté par Me Szturemski, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 26 avril 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Moselle a refusé la prise en charge des frais de séjour de ce dernier au titre de l'aide sociale à l'hébergement, ainsi que la prise en charge de sa participation au tarif dépendance, à compter du 20 janvier 2021 ;
2°) d'enjoindre au président du conseil départemental de la Moselle d'admettre
M. B au bénéfice de l'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement et pour la prise en charge de sa participation au tarif dépendance, à compter du 20 janvier 2021 ;
3°) de mettre à la charge du département de la Moselle une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B remplit les conditions légales d'admission à l'aide sociale, ses ressources n'étant pas suffisantes pour faire face aux frais d'hébergement ;
- il convient, pour l'appréciation de ses ressources, de prendre en compte les revenus du capital et non le capital lui-même.
Par des mémoires en défense, respectivement enregistrés les 8 septembre 2021 et 20 janvier 2022, le président du conseil départemental de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par l'Union départementale des associations familiales de la Moselle n'est fondé.
Le président du tribunal a désigné M. Stéphane Dhers en application de l'article
R. 222-13 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article
R. 732-1-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 2023 le rapport de
M. Dhers, magistrat désigné.
Les parties n'étant ni présentes, ni représentées.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B, né le 31 mai 1959, placée sous la tutelle de l'Union départementale des associations familiales de la Moselle, réside depuis le 20 janvier 2021 au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " Le Moulin de Domevre " situé à Vaxy. Une demande d'aide sociale pour la prise en charge de ses frais d'hébergement a été déposée au nom de M. B pour le 20 janvier 2021. Par une décision du 22 mars 2021, le président du conseil départemental de la Moselle a refusé d'admettre M. B au bénéfice de l'aide sociale. Par un courrier notifié le 6 avril 2021, l'Union départementale des associations familiales de la Moselle a présenté un recours administratif préalable au nom de M. B contre cette décision. Par une décision du 26 avril 2021, le président du conseil départemental de la Moselle a confirmé son refus de prise en charge des frais d'hébergement de M. B au motif que sa situation financière ne justifie pas une prise en charge au titre de l'aide sociale. L'Union départementale des associations familiales de la Moselle demande au tribunal d'annuler cette décision. L'association requérante doit être regardée comme demandant également l'admission de M. B au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. M. B est décédé le 3 octobre 2022 et, à la date de la notification de son décès au tribunal, l'affaire était en état d'être jugée. Il y a donc lieu d'y statuer.
Sur le bien-fondé de la demande d'aide sociale :
2. Aux termes de l'article
L. 113-1 du code de l'action sociale et des familles : " Toute personne âgée de soixante-cinq ans privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit d'une aide à domicile, soit d'un accueil chez des particuliers ou dans un établissement () ". Aux termes de l'article
L. 132-1 de ce code : " Il est tenu compte, pour l'appréciation des ressources des postulants à l'aide sociale, des revenus professionnels et autres et de la valeur en capital des biens non productifs de revenu, qui est évaluée dans les conditions fixées par voie réglementaire () ". Aux termes de l'article
L. 132-3 de ce code : " Les ressources de quelque nature qu'elles soient à l'exception des prestations familiales, dont sont bénéficiaires les personnes placées dans un établissement au titre de l'aide aux personnes âgées ou de l'aide aux personnes handicapées, sont affectées au remboursement de leurs frais d'hébergement et d'entretien dans la limite de 90 %. Toutefois les modalités de calcul de la somme mensuelle minimum laissée à la disposition du bénéficiaire de l'aide sociale sont déterminées par décret. La retraite du combattant et les pensions attachées aux distinctions honorifiques dont le bénéficiaire de l'aide sociale peut être titulaire s'ajoutent à cette somme. ". Aux termes de l'article L. 231-4 de ce code : " Toute personne âgée qui ne peut être utilement aidée à domicile peut être accueillie, si elle y consent, dans des conditions précisées par décret, soit chez des particuliers, soit dans un établissement de santé ou une maison de retraite publics, soit dans un établissement privé. En cas d'admission dans un établissement public ou un établissement privé, habilité par convention à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale, le plafond des ressources () sera celui correspondant au montant de la dépense résultant de l'admission () ". Aux termes de l'article
R. 132-1 de ce code : " Pour l'appréciation des ressources des postulants prévue à l'article
L. 132-1, les biens non productifs de revenu, à l'exclusion de ceux constituant l'habitation principale du demandeur, sont considérés comme procurant un revenu annuel égal à 50 % de leur valeur locative s'il s'agit d'immeubles bâtis, à 80 % de cette valeur s'il s'agit de terrains non bâtis et à 3 % du montant des capitaux. ". Aux termes de l'article R. 231-6 du même code : " La somme minimale laissée mensuellement à la disposition des personnes placées dans un établissement au titre de l'aide sociale aux personnes âgées, par application des dispositions des articles
L. 132-3 et L. 132-4 est fixée, lorsque l'accueil comporte l'entretien, à un centième du montant annuel des prestations minimales de vieillesse, arrondi à l'euro le plus proche. Dans le cas contraire, l'arrêté fixant le prix de journée de l'établissement détermine la somme au-delà de laquelle est opéré le prélèvement de 90 % prévu audit article L. 132-3. Cette somme ne peut être inférieure au montant des prestations minimales de vieillesse. ".
3. Il résulte des dispositions précitées du code de l'action sociale et des familles que seuls peuvent être pris en compte, pour la détermination des ressources d'un postulant à l'aide sociale, d'une part, les revenus tirés des biens qu'il possède, et, d'autre part, s'agissant des biens qu'il possède non productifs de revenu, l'évaluation, effectuée sur la base forfaitaire prévue par les dispositions précitées des articles
L. 132-1 et
R. 132-1 du code de l'action sociale et des familles, des ressources que l'allocataire est supposé pouvoir en retirer à l'exclusion du montant du capital lui-même. D'une part, lorsque le postulant à l'aide sociale dispose, comme en l'espèce, de capitaux qui ont fait l'objet d'un placement sur un livret d'épargne, seuls doivent être pris en considération les revenus de ce placement. D'autre part, s'agissant des biens non productifs de revenu, seuls 3% du montant de ces capitaux doivent être pris en compte, en application des dispositions précitées. Par conséquent, l'Union départementale des associations familiales de la Moselle est fondée à soutenir que c'est à tort que le président du conseil départemental de la Moselle a estimé que, pour apprécier les ressources de M. B, il convenait de prendre en compte la totalité des capitaux détenus sur son assurance-vie, son compte de gestion et son compte courant ainsi que les fonds se trouvant sur son livret bleu.
4. Il résulte de l'instruction que M. B dispose de ressources mensuelles constituées d'une pension de retraite à hauteur de 1 631,80 euros, que les soldes de son compte courant et de son compte de gestion s'élèvent respectivement à 2 712,45 euros et 1 911,64 euros, qu'il est titulaire d'une assurance vie d'un montant de 4 532,74 euros. Ainsi, en application des dispositions précitées, son revenu mensuel doit être évalué à 1 654,68 euros (1 631,80 euros + 2 712,45 euros x 3% / 12 + 1 911,64 euros x 3% / 12 + 4 532,74 euros x 3% / 12), auxquels s'ajoutent les intérêts générés par les capitaux placés sur son livret d'épargne (livret bleu) et qui peuvent être évalués à 77,82 euros pour l'année 2020, tel qu'il ressort de ses relevés de comptes bancaires. Ses frais d'hébergement s'élèvent à 2 057,70 euros. Par suite, sans qu'ait d'incidence à cet égard la circonstance que l'épargne de l'intéressé disponible sur son livret d'épargne pouvait, s'il le désirait, lui permettre de financer momentanément lesdits frais, l'Union départementale des associations familiales de la Moselle est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée, ainsi qu'à demander au tribunal d'admettre M. B à l'aide sociale à l'hébergement en établissement, ainsi qu'à la prise en charge de sa participation au tarif dépendance à compter du 1er février 2021. En l'espèce, il y a lieu de renvoyer le requérant devant le président du conseil départemental de la Moselle afin que ce dernier détermine le montant de l'aide sociale à l'hébergement dont il est en droit de bénéficier.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Dès lors que le présent jugement admet M. B au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement, il n'y a pas lieu d'enjoindre au président du conseil départemental de la Moselle de l'admettre au bénéfice de cette aide.
Sur l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Le département de la Moselle versera à l'Union départementale des associations familiales de la Moselle une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1 : La décision du 26 avril 2021 par laquelle le président du conseil départemental de la Moselle a refusé d'admettre M. B à l'aide sociale à l'hébergement est annulée.
Article 2 : M. B est admis au bénéfice de l'aide sociale à l'hébergement. L'Union départementale des associations familiales de la Moselle, agissant en qualité de tutrice, est renvoyée devant les services du département de la Moselle afin que soit déterminé le montant de l'aide sociale à laquelle M. B a le droit.
Article 3 : Le département de la Moselle versera à l'Union départementale des associations familiales de la Moselle une somme de 1 000 (mille) euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent jugement sera notifié à l'Union départementale des associations familiales de la Moselle, en sa qualité de tutrice de M. A B, et au président du conseil départemental de la Moselle.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juillet 2023.
Le magistrat désigné,
S. Dhers
Le greffier,
P. Souhait
La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,