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Tribunal administratif d'Amiens, 2ème Chambre, 22 février 2024, 2200664

Mots clés
sanction • ressort • révocation • pouvoir • requête • rapport • recours • harcèlement • impartialité • service • soutenir • violence • astreinte • nullité • préjudice

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
  • Numéro d'affaire :
    2200664
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Rejet
  • Rapporteur : M. Beaujard
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Réunion, 9 décembre 2020
  • Avocat(s) : SELARL CLEMENT-DELPIANO
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Résumé

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Partie demanderesse
Personne physique anonymisée
défendu(e) par STIENNE-DUWEZ Virginie
Partie défenderesse

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête enregistrée le 22 février 2022, Mme B D C, représentée par Me Stienne-Duwez, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 23 décembre 2021 par laquelle le directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne a prononcé à son encontre la sanction de la révocation ; 2°) d'enjoindre à la maison de retraite départementale de l'Aisne de la réintégrer dans ses fonctions dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de la maison de retraite départementale de l'Aisne la somme de 2 400 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - le conseil de discipline a été irrégulièrement saisi par M. A, directeur de l'établissement public, mis en cause par ses soins dans une autre procédure, en méconnaissance du principe d'impartialité ; - la procédure est viciée dès lors que le conseil de discipline s'est tenu près de 8 mois après sa saisine en méconnaissance des dispositions de l'article 10 du décret no 89-822 du 7 novembre 1989 ; - elle n'a pas reçu préalablement au conseil de discipline notification de la liste de ses membres qui était par ailleurs irrégulièrement composé en méconnaissance de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 ; - l'avis rendu par le conseil de discipline ne lui a pas été communiqué, elle n'a pas été informée de son droit au recours auprès du Conseil supérieur de la fonction publique hospitalière en méconnaissance des dispositions des articles 11 et 12 du décret 89-822 du 7 novembre 1989 ; - la matérialité des faits reprochés n'est pas établie dès lors que l'enquête administrative a été réalisée par M. A qui a une animosité particulière à son égard, en méconnaissance du principe d'impartialité, que tous les témoins utiles n'ont pas été entendus et que les faits rapportés par ses collègues ont fait l'objet d'une plainte pour dénonciation calomnieuse ; - à les supposer établis, les faits reprochés ne justifiaient pas la sanction de révocation ; - la décision attaquée est entachée de détournement de procédure et de pouvoir dès lors qu'elle n'a eu pour objet que de sanctionner la dénonciation de faits de harcèlement moral commis à son encontre. Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2022, la maison de retraite départementale de l'Aisne, représentée par Me Clément, conclut au rejet de la requête et, en outre, à ce que Mme D C lui verse une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé. Mme D C a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2022. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 ; - la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ; - loi no 2019-828 du 6 août 2019 ; - le décret no 89-822 du 7 novembre 1989 ; - le décret no 2003-655 du 18 juillet 2003 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Menet, premier conseiller, - les conclusions de M. Beaujard, rapporteur public, - et les observations de Mme D C et de Me Denis pour la maison de retraite départementale de l'Aisne.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme D C a été recrutée en qualité d'attachée d'administration hospitalière titulaire, exerçant ses fonctions à la maison de retraite départementale de l'Aisne depuis le 11 mars 2011. Par décision du 23 décembre 2021, dont Mme D C demande l'annulation, le directeur de la maison de retraite départementale de l'Aisne a prononcé la sanction de la révocation à son encontre. Sur les conclusions à fin d'annulation : En ce qui concerne la légalité externe : 2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D C a dénoncé des faits de harcèlement moral de la part de sa direction qui ont été écartés par un jugement de la présente juridiction du 9 décembre 2020 (no 1802316) confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 26 avril 2022 (no 21DA01777). La plainte de l'intéressée dirigée contre le directeur de l'établissement public de l'époque a été classée sans suites par une décision du ministère public près le tribunal judiciaire de Laon le 14 juin 2019. Le dossier de la requérante ne contient aucune pièce permettant de caractériser une animosité particulière ou une impartialité de la part de la direction de l'établissement public à l'égard de Mme D C. Ni les nombreux échanges de courriels entre Mme D C et la direction, ni la teneur de l'enquête administrative produits en défense ne caractérisent une quelconque atteinte au principe d'impartialité. La requérante n'est donc pas fondée à soutenir que la procédure a été viciée à ce titre. 3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du décret du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière : " Le conseil de discipline doit se prononcer dans le délai d'un mois à compter du jour où il a été saisi par le rapport de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'il est procédé à une enquête ". 4. Il ressort des pièces du dossier que la procédure a été engagée à l'encontre de Mme D C suivant un rapport du 23 avril 2021 et que le conseil de discipline a rendu son avis le 3 décembre 2021, excédant le délai d'un mois prévu par les dispositions précitées mais qui n'est pas prescrit à peine de nullité. Dès lors, la circonstance que le conseil de discipline a statué au-delà de ce délai est sans incidence sur la légalité de la procédure. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté. 5. En troisième lieu, aux termes de l'article 83 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le conseil de discipline ne comprend en aucun cas des fonctionnaires d'un grade inférieur à celui du fonctionnaire déféré devant lui, à l'exception des fonctionnaires d'un grade hiérarchiquement équivalent au sens de l'article 20-1 de la présente loi. Il comprend au moins un fonctionnaire du grade de ce dernier ou d'un grade équivalent ". Aux termes de l'article 20-1 de cette même loi, alors en vigueur : " Les corps, grades et emplois de la même catégorie sont classés en groupes et répartis en sous-groupes à l'intérieur de ces groupes. Les corps, grades et emplois d'un même sous-groupe sont hiérarchiquement équivalents pour l'application de la présente section et de l'article 83 de la présente loi. Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article ". Aux termes de l'article 2 du décret du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les corps de fonctionnaires de catégories A, B et C relèvent de dix commissions administratives paritaires distinctes : / 1° Quatre commissions pour les corps de catégorie A ; / () / Chacune de ces commissions est constituée d'un groupe unique, ce dernier étant lui-même constitué de sous-groupes rassemblant les corps, grades et emplois hiérarchiquement équivalents, conformément au tableau annexé ci-après ". À l'annexe de ce décret, il est mentionné pour les corps de catégorie A : " CAP n° 3 : personnels d'encadrement administratif / Groupe unique / Sous-groupe unique : attaché d'administration hospitalière hors classe, attachés principaux d'administration hospitalière, attachés d'administration hospitalière ". 6. Il ressort des pièces du dossier que Mme D C, à l'occasion de la réception, le 4 novembre 2021, du courrier de convocation au conseil de discipline, a reçu notification de l'identité des membres du conseil de discipline. Il ressort des procès-verbaux du conseil de discipline du 3 décembre 2021 qu'ont participé à cette séance, un directeur, un directeur-adjoint qui n'ont pas un grade inférieur à Mme E et deux attachées d'administration hospitalière qui font partie du même sous-groupe hiérarchique que Mme D C. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 83 précitées ne peut qu'être écarté. 7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 7 novembre 1989 : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée ". 8. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du conseil de discipline a été communiqué à Mme D C suivant un courrier recommandé avec accusé de réception délivré le 23 décembre 2021. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions manque en fait et doit être écarté. 9. En dernier lieu, Mme D C ne peut utilement soutenir que la décision attaquée est entachée d'illégalité au motif qu'elle n'a pas reçu l'indication de ce qu'elle pourrait exercer un recours contre cette décision auprès du conseil supérieur de la fonction publique hospitalière dès lors que ce recours avait été abrogé par l'article 32 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique et qu'en tout état de cause la décision attaquée n'était pas plus sévère que celle proposée par le conseil de discipline. Ce moyen doit ainsi être écarté. En ce qui concerne la légalité interne : 10. En premier lieu, aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours ; / Deuxième groupe : / La radiation du tableau d'avancement, l'abaissement d'échelon à l'échelon immédiatement inférieur à celui détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre à quinze jours ; / Troisième groupe : / La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l'échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l'échelon détenu par l'agent, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans ; / Quatrième groupe : / La mise à la retraite d'office, la révocation ". Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes. 11. Pour infliger la sanction de la révocation à Mme D C, l'établissement public a relevé que l'intéressée adoptait régulièrement un comportement délétère, par ailleurs signalé par la médecine du travail, ayant occasionné des souffrances psychiques chez ses collègues justifiant l'octroi de la protection fonctionnelle à un certain nombre d'entre eux et un comportement irrespectueux et insultant à l'égard du directeur de l'établissement public qui, à l'occasion d'un épisode de violence verbale du 4 février 2019, a effectué une déclaration d'accident de service. Il était également retenu que ce même jour, Mme D C avait tenté d'instrumentaliser des résidents, personnes fragiles, pour déstabiliser la direction et l'établissement. Enfin, il était retenu que Mme D C faisait preuve d'insubordination, ne respectait pas ses horaires de travail, s'absentait régulièrement sans justification et se refusait obstinément à réaliser des missions (mise en place du plan bleu et des fiches de protocole) confiées par la direction et pourtant essentielles à la bonne marche de l'établissement. 12. Il ressort des pièces du dossier et particulièrement des nombreux échanges de courriels entre l'intéressée et la direction, des témoignages de ses collègues, du signalement de la médecine du travail et de la déclaration d'accident de service du 4 février 2019 du directeur de l'établissement pour un état anxio-dépressif réactionnel à un épisode de violence verbale de la part de Mme D C, que le comportement globalement délétère de cette dernière est établi. S'agissant particulièrement de l'épisode du 4 février 2019, il ressort de témoignages de collègues que Mme D C a fait croire à des résidents, personnes fragiles, qu'il n'y aurait plus d'activités au sein de l'établissement à cause de la direction et les a poussés à faire part de leur mécontentement auprès de celle-ci. Il ressort des pièces du dossier que les résidents ont été particulièrement touchés par ces manœuvres. Enfin, depuis 2016, Mme D C avait en charge la mise en œuvre du plan bleu (plan global de gestion des risques des établissements médico-sociaux pour faire face à tout type de crises et de situations sanitaires exceptionnelles) et devait également réaliser des fiches de protocoles. L'intéressée s'est obstinément refusée à réaliser ces tâches qui relèvent pourtant de ses missions. Il résulte de tout ce qui précède que les manquements retenus sont caractérisés. 13. Mme D C conteste la matérialité de ces manquements en ce qu'ils auraient été constatés à l'issue d'une enquête administrative entachée d'impartialité, qui n'aurait pas procédé à l'audition de tous les témoins et qu'une plainte a été déposée contre les auteurs des témoignages contre elle. Ainsi qu'il a été énoncé précédemment, il n'est établi aucune animosité particulière ni impartialité de quiconque à l'égard de Mme D C qui aurait permis d'entacher la valeur probante des éléments précités. Mme D C soutient que les éléments factuels attestés par ses collègues sont calomnieux mais ne le démontre pas. Son dépôt de plainte contre personne non dénommée du 9 novembre 2020 auprès du ministère public près le tribunal judiciaire de Laon, dont les suites sont au demeurant inconnues, à raison de faits non spécifiés, ne saurait avoir aucune force probante en l'espèce. Enfin, Mme D C n'indique aucunement quel témoignage prétendument omis aurait permis d'écarter la matérialité des faits reprochés qui ressort de l'ensemble des pièces du dossier. Il résulte de tout ce qui précède que les manquements caractérisés précédemment sont constitutifs de fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire. 14. Ces manquements qui sont des atteintes graves et répétées notamment au devoir de dignité et aux obligations d'effectuer les tâches confiées et d'obéissance hiérarchique sont de nature à justifier la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de Mme D C, qui ne présente ainsi pas de caractère disproportionné. 15. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision en litige est entachée de détournement de pouvoir. Sur les conclusions aux fins d'injonction : 16. Le présent jugement, qui rejette les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure d'exécution de la part de l'administration. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent dès lors également être rejetées. Sur les frais exposés et non compris dans les dépens : 17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la maison de retraite départementale de l'Aisne, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par Mme D C au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme D C la somme demandée par la maison de retraite départementale de l'Aisne au même titre.

D É C I D E :

Article 1 er : La requête de Mme D C est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la maison de retraite départementale de l'Aisne présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B D C et à la maison de retraite départementale de l'Aisne. Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient : M. Boutou, président, M. Menet, premier conseiller, Mme Parisi, conseillère. Rendu public par mise à disposition le 22 février 2024. Le rapporteur, Signé M. Menet Le président, Signé B. Boutou La greffière, Signé A. Ribière La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. No 2200664

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