N° RG 18/00212
Décision du
Tribunal de Grande Instance de LYON
Au fond
du 07 décembre 2017
RG : 17/00072
ch n°9
SA CIC-LYONNAISE DE BANQUE
C/
Y...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
1ère chambre civile B
ARRET DU 25 Septembre 2018
APPELANTE :
La SA LYONNAISE DE BANQUE (CIC LYONNAISE DE BANQUE), agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés [...]
Représentée par la SELAS AGIS, avocats au barreau de LYON
INTIMÉ :
M. Z... Y...
né le [...] à CLUSES (74)
, [...] ETATS-UNIS
Représenté par la SCP DESBOS BAROU & ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
* * * * * *
Date de clôture de l'instruction : 26 Juin 2018
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 02 Juillet 2018
Date de mise à disposition : 25 Septembre 2018
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Françoise CARRIER, président
- Michel FICAGNA, conseiller
- Florence PAPIN, conseiller
assistés pendant les débats de Myriam MEUNIER, greffier
A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article
785 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa
2 du code de procédure civile,
Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ D L'AFFAIRE
Suivant offre préalable de crédit acceptée le 25 octobre 2014, la société CIC LYONNAISE DE BANQUE a consenti à M. Z... Y... un prêt immobilier de 862 137 CHF destiné à financer l'achat d'un appartement à AMBILLY.
Suivant contrat du 4 mars 2015, elle lui a consenti un second prêt immobilier d'un montant de 96 300 CHF destiné à financer des travaux d'amélioration dans cet appartement.
Plusieurs échéances étant demeurées impayées à compter du mois de juin 2016, la société CIC LYONNAISE DE BANQUE a prononcé la déchéance du terme et, par acte du 2 novembre 2016, fait assigner M. Z... Y... devant le tribunal de grande instance de LYON en paiement du solde des crédits.
Par conclusions d'incident notifiées le 28 mars 2017, M. Z... Y... a soulevé l'incompétence de la juridiction française au profit des juridictions suisses au motif qu'à la date de l'assignation, il était domicilié en Suisse.
Par ordonnance du 7 décembre 2017, le juge de la mise en état a déclaré le tribunal de grande instance de LYON incompétent au profit des juridictions suisses et condamné le CIC LYONNAISE DE BANQUE à payer à M. Z... Y... la somme de 500 € en application de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par acte du 9 janvier 2018, la société CIC LYONNAISE DE BANQUE a interjeté appel de cette décision.
Au terme de conclusions notifiées le 20 juin 2018, elle demande à la cour de réformer l'ordonnance déférée, de déclarer le tribunal de grande instance de LYON compétent et de condamner M. Z... Y... à lui payer la somme de 3 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens avec faculté de distraction au profit de Me X....
Elle fait valoir :
- que la convention de LUGANO ne trouve pas à s'appliquer dès lors que M. Z... Y... n'était plus domicilié en Suisse mais aux Etats-Unis lorsqu'il a constitué avocat et lorsqu'il a soulevé son exception d'incompétence,
- que même si M. Z... Y... demeurait en Suisse lors de l'assignation, la convention de LUGANO ne trouve plus à s'appliquer au moment où le juge statue, ce dernier demeurant désormais aux Etats-Unis ,
- que la décision d'incompétence ne s'impose pas aux juridictions suisses qui peuvent à leur tour se déclarer incompétentes,
- qu'en tout état de cause, les contrats de prêts étaient exécutés en France puisque les montants empruntés ont été crédités sur le compte détenu par M. Z... Y... dans ses livres et que les remboursements étaient prélevés sur ce compte,
- que M. Z... Y... étant domicilié aux Etats-Unis, en l'absence de convention bilatérale, les juridictions françaises sont seules compétentes pour juger de l'exécution d'obligations contractées en France avec un ressortissant français, conformément aux articles
14 et
15 du code civil.
Au terme de conclusions notifiées le 15 juin 2018, M. Z... Y... demande à la cour de confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance déférée, de débouter la société CIC LYONNAISE DE BANQUE de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il fait valoir :
- que la convention de LUGANO trouve à s'appliquer dès lors que le litige relatif aux emprunts relève de la matière civile et commerciale, que la convention était entrée en vigueur lors de l'assignation et qu'il était domicilié en Suisse lors de cette assignation, comme le démontre l'adresse qui y est mentionnée,
- que la société CIC LYONNAISE DE BANQUE conteste la compétence des juridictions suisses sans désigner quelles seraient les juridictions compétentes au titre du droit international privé,
- qu'à la date de l'assignation, il n'avait pas son principal établissement en France, ce qui exclut toute domiciliation en France au titre du droit français,
- que son domicile était en Suisse, par application du code civil suisse, puisqu'il y résidait depuis plusieurs années et de manière stable lors de l'assignation et que son déménagement ultérieur est sans incidence,
- que la France ne peut être désignée au titre d'une compétence spéciale comme le lieu d'exécution de l'obligation litigieuse, à savoir le paiement des échéances du prêt puisqu'il ne s'agit pas d'une prestation de services au sens de l'article 5.1 b de la convention, et que le lieu d'exécution de l'obligation de paiement est déterminé par la loi française en vertu du Règlement Rome I, soit au domicile du défendeur situé en Suisse,
- que la délivrance d'une somme d'argent en exécution d'un contrat de prêt immobilier ne constitue pas non plus une prestation de services,
- que la domiciliation de ses revenus auprès de la société CIC LYONNAISE DE BANQUE est indifférente en l'absence de lien avec les demandes litigieuses,
- que l'évocation ne peut être ordonnée aux motifs que l'ordonnance du juge de la mise en état ne constitue pas un jugement et que cela reviendrait à le priver du double degré de juridiction.
MOTIFS DE LA DÉCISION
L'assignation a été délivrée à M. Z... Y... à une adresse en Suisse.
Selon l'article
23 du code civil suisse, le domicile est le lieu où la personne réside avec l'intention de s'y établir de sorte que M. Z... Y... doit être considéré comme étant domicilié en Suisse à la date de l'introduction de l'instance et que la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale dite convention de LUGANO signée le 30 octobre 2007 est applicable au litige, s'agissant d'un litige en matière civile.
Le changement de domicile du défendeur en cours de procédure ne remet pas en cause la détermination de la compétence selon les règles édictées par ladite Convention, la situation à prendre en compte étant celle au jour de la délivrance de l'assignation.
Si l'article 2 de la Convention pose le principe de la compétence des juridictions de l'Etat lié par la convention sur le territoire duquel la personne attraite a son domicile, l'article 5 y déroge et dispose qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat lié par ladite convention peut être attraite devant un autre Etat lié par la convention.
Il prévoit ainsi qu'en matière contractuelle, cette personne peut être attraite devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée.
Selon l'article 5 I b), le lieu d'exécution de l'obligation qui sert de base à la demande est [...] pour la fourniture de services, le lieu d'un Etat lié par la présente Convention où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis
La notion de services implique que la partie qui les fournit effectue une activité déterminée en contrepartie d'une rémunération.
Dans un contrat de crédit conclu entre un établissement de crédit et un emprunteur, la prestation de services réside dans la remise au second d'une somme d'argent par le premier en échange d'une rémunération payée par l'emprunteur, en principe, sous forme d'intérêts.
Un tel contrat doit donc être qualifié de contrat de fourniture de services au sens de l'article 5 de la Convention.
Dans le cadre d'un contrat de crédit, l'obligation caractéristique est l'octroi même de la somme prêtée, alors que l'obligation de l'emprunteur de rembourser ladite somme n'est que la conséquence de l'exécution de la prestation du prêteur.
Il y a donc lieu de considérer que le lieu où les services ont été fournis au sens de l'article 5 I b) est, en cas d'octroi d'un crédit par un établissement de crédit, le lieu où le siège de cet établissement est situé de sorte que le juge compétent pour connaître d'une action en paiement dirigée par une banque contre un emprunteur est celui de l'état membre où se situe le siège de cet établissement de crédit, en tant que lieu de l'exécution de l'obligation servant de base à l'action.
Cette interprétation est conforme à celle faite par la cour de justice de l'union européenne des dispositions de l'article 7.1 du règlement (UE) n°1215/2012, libellé dans des termes identiques à ceux de l'article 5 de la Convention.
En l'espèce, le contrat de crédit est conclu avec une banque ayant son siège social en France de sorte que le juge français doit être déclaré compétent.
Il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance déférée, de déclarer le tribunal de grand instance de LYON compétent.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Infirme l'ordonnance déférée ;
Déclare le tribunal de grande instance de LYON compétent ;
Condamne M. Z... Y... à payer à la SA LYONNAISE DE BANQUE la somme de 3 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE