Cour de cassation, Chambre sociale, 19 décembre 2012, 11-19.004

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2012-12-19
Cour d'appel d'Angers
2011-04-05

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Angers, 5 avril 2011), que Mme X... a été engagée par la Société électronique Haut Anjou (SELHA) par contrat de travail à durée indéterminée du 13 juin 2000, en qualité de chef d'équipe, puis d'agent de maîtrise à compter de décembre 2005 ; qu'elle a été licenciée pour faute grave le 3 juillet 2006 ; qu'elle a saisi le conseil de prud'hommes pour contester cette décision et solliciter des dommages intérêts ainsi que le paiement d'heures supplémentaires ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que la salariée fait grief à

l'arrêt de la débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors, selon le moyen : 1°/ que la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombant spécialement à aucune des parties, les juges du fond ne peuvent se fonder sur la seule insuffisance des preuves apportées par le salarié et qui sont de nature à étayer sa demande pour faire échec à un paiement d'heures supplémentaires ; qu'en relevant, pour débouter Mme X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, que les feuilles de présence sur lesquelles elle fonde sa demande ne sont pas probantes et ne garantissent pas qu'elles représentent autant d'heures de travail effectif, la cour d'appel, qui a fait peser exclusivement sur la salariée la charge de la preuve des heures supplémentaires qu'elle a réalisées, a violé l'article L. 212-1-1 du code du travail devenu l'article L. 3171-4 ; 2°/ que les juges du fond ont dûment relevé que Mme X... avait effectué des heures supplémentaires pour le compte de la société SELHA, qu'elle avait été rémunérée à ce titre et que « ceci recoupe les attestations » qu'elle a versées aux débats ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a derechef violé l'article L. 212-1-1 du code du travail devenu l'article L. 3171-4 ; 3°/ qu'en retenant que Mme X... ne se livrait pas « forcément » à un travail effectif au profit de son employeur lorsqu'elle se trouvait dans l'entreprise en dehors de son horaire de travail, la cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif, a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu

que la cour d'appel, qui n'a écarté les éléments apportés par la salariée pour justifier des heures supplémentaires qu'elle déclarait avoir effectuées qu'au vu des éléments contraires fournis par l'employeur n'a fait, sans se prononcer par un motif hypothétique ni inverser la charge de la preuve, qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments produits aux débats ; que le moyen n'est pas fondé ;

Et sur le second moyen

:

Attendu que la salariée fait grief à

l'arrêt de requalifier le licenciement prononcé pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse, alors, selon le moyen : 1°/ que la cour d'appel a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse en retenant qu'elle ne respecterait pas l'horaire collectif de travail en procédant à des enregistrements de son badge, à des heures tardives, correspondant non pas à ses horaires de travail mais à celles de son concubin ; que, par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen en ce que l'arrêt a considéré à tort que Mme X... n'a pas accompli d'heures supplémentaires entraînera nécessairement la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit bien fondé le licenciement disciplinaire de Mme X... fondé sur le motif susvisé, cette dernière considération s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire ; 2°/ que la lettre de licenciement fixe les limites du débat ; que la cour d'appel a expressément relevé que seule l'absence de Mme X... le 6 juin 2006 était réelle et fautive ; qu'en déduisant de cette seule absence le caractère bien fondé du licenciement de Mme X... cependant que la lettre de licenciement lui imputait à faute des absences répétées sans autorisation, la cour d'appel a violé l'article L. 1232-6 du code du travail ; 3°/ qu'une seule absence, sans autorisation, de la part d'un salarié ayant six années d'ancienneté et dont le travail n'a jamais fait l'objet de la moindre observation de son employeur, n'est pas constitutive de faute ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; 4°/ qu'en toute hypothèse, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en ne recherchant pas, cependant qu'elle a relevé pour écarter la faute grave que la société SELHA avait connaissance des comportements fautifs de Mme X... mais n'avait pas procédé à son licenciement immédiatement, à quelle date l'employeur en avait eu connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L. 122-44 du code du travail, devenu l'article L. 1332-4 ;

Mais attendu

, d'abord, que le premier moyen étant rejeté, la première branche du second moyen, qui invoque une cassation par voie de conséquence, est sans objet ; Attendu, ensuite, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni des productions que la salariée se soit prévalue devant les juges du fond de la prescription des faits qui lui étaient reprochés ; que le moyen est nouveau, mélangé de fait et de droit ; Attendu, enfin, qu'en retenant l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement, la cour d'appel n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1235-1 du code du travail ; D'où il suit que, pour partie irrecevable et sans objet, le moyen n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf décembre deux mille douze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Fabiani et Luc-Thaler, avocat aux Conseils, pour Mme X... PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Mme X... de sa demande de condamnation de la Société SELHA à paiement de la somme de 25.641, 96 € à titre de rappel de salaires pour des heures supplémentaires effectuées de 2004 à 2006, de 2.564, 19 € de congés payés afférents, de 11.979, 80 € de rappel de salaires pour heures supplémentaires accomplies de novembre 2003 à décembre 2003 et de 1.197,98 € de congés payés afférents ; AUX MOTIFS QU'en l'espèce, Mme X... étaye sa demande de rappel d'heures supplémentaires par les feuilles de présence qu'a versées la Société SELHA qu'elle accompagne des attestations précitées de Mmes Y..., Z..., A... et B... ; que ces feuilles d'heures de présence ne sont toutefois pas probantes ; qu'elles ne garantissent pas en effet, ainsi qu'il vient d'être démontré, qu'elles représentent autant d'heures de travail effectif de la part de Mme X... ; que cette notion de travail effectif a été définie à l'article L. 3121-1 du code du travail comme le « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à ses occupations personnelles » ; qu'or les éléments réunis par la Société SELHA, de même que les témoignages recueillis au cours de l'enquête conduite par le conseil de prud'hommes amènent à conclure que, même si Mme X... se trouvait dans l'enceinte de l'entreprise en dehors de son horaire de travail, elle ne s'y livrait pas forcément à un travail effectif au profit de son employeur ; que le qualificatif « forcément » a été utilisé car Mme X... a bien été rémunérée certains mois d'heures supplémentaires qu'elle avait accomplies pour le compte de la Société SELHA ; qu'il suffit de se référer aux bulletins de salaire figurant au dossier, retraçant ses années d'exercice professionnel jusqu'à son licenciement ; que Mme X... était payée sur la base, d'abord de 41 heures hebdomadaires, puis de 37, 5 heures hebdomadaires, lois sur la réduction du temps de travail obligent ; que pouvaient s'y rajouter des heures supplémentaires, majorées à raison de 25% voire de 50% (mars avril et juillet 2003, juillet, septembre et octobre 2004, octobre heures supplémentaires et rappel d'heures supplémentaires et décembre 2005, mai 2006) ; que ceci recoupe les attestations de Mme X..., au moins dans le principe qu'elles affirmaient d'un temps de travail de cette dernière qui pouvait dépasser son temps de travail normal, n'étant pas possible d'aller plus loin sur la portée des dites attestations, au regard de leur contradiction avec celles de la Société SELHA ; que le jugement sera infirmé quant aux rappels d'heures supplémentaires et de congés payés afférents accordés, Mme X... étant de fait déboutée de sa demande de voir compléter la dite décision sur la période considérée comme sur la part de congés payés omise ; ALORS QUE, D'UNE PART, la charge de la preuve des heures supplémentaires n'incombant spécialement à aucune des parties, les juges du fond ne peuvent se fonder sur la seule insuffisance des preuves apportées par le salarié et qui sont de nature à étayer sa demande pour faire échec à un paiement d'heures supplémentaires ; qu'en relevant, pour débouter Mme X... de ses demandes en paiement d'heures supplémentaires, que les feuilles de présence sur lesquelles elle fonde sa demande ne sont pas probantes et ne garantissent pas qu'elles représentent autant d'heures de travail effectif, la Cour d'appel, qui a fait peser exclusivement sur la salariée la charge de la preuve des heures supplémentaires qu'elle a réalisées, a violé l'article L.212-1-1 du code du travail devenu l'article L.3171-4 ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, les juges du fond ont dûment relevé que Mme X... avait effectué des heures supplémentaires pour le compte de la Société SELHA, qu'elle avait été rémunérée à ce titre et que « ceci recoupe les attestations » qu'elle a versées aux débats ; qu'en déboutant Mme X... de sa demande, la Cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales s'évinçant de ses propres constatations, a derechef violé l'article L.212-1-1 du code du travail devenu l'article L.3171-4 ; ALORS, ENFIN, QU'en retenant que Mme X... ne se livrait pas « forcément » à un travail effectif au profit de son employeur lorsqu'elle se trouvait dans l'entreprise en dehors de son horaire de travail, la Cour d'appel, qui a statué par un motif dubitatif, a violé l'article 455 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse et d'AVOIR en conséquence débouté Mme X... de sa demande en paiement de 52.064, 82 € pour licenciement abusif ; AUX MOTIFS QUE ne reste dès lors que ce 6 juin 2006 pour lequel, même si Mme X... insinue que le témoignage est un faux, elle ne le démontre pas non plus ; que Mme C... était employée au service ressources humaines de la SELHA, service qui avait d'ores et déjà son attention portée sur les pointages de Mme X... ; que cela ressort des courriels de la responsable du dit service à M. B... sur ce point, courriels tous antérieurs au 6 juin (15 et 22 mai 2006) ; que Mme C... signale la situation à sa responsable peut, dans ce contexte, se comprendre ; que le 6 juin 2006 est un mardi, jour auquel Mme X... finissait son travail à 17 heures 05 ; qu'elle ne peut, du coup, et même si l'on est sur la même commune, être vue revenant du centre ville à l'entreprise à 17 heures 30, sauf effectivement à avoir quitté la dite entreprise avant 17 heures 05, cette heure étant, au surplus, celle où elle quitte son poste et non la société ; que cette absence sur son temps de travail n'a pas été autorisée et elle n'a pas badgé avant 19 heures, comme l'a vérifié Mme D..., responsable du service ressources humaines ; que ce 6 juin 2006, la faute de Mme X... est de fait acquise ; que quant au badgeage ne répondant à aucun travail effectif, la SELHA verse dix attestations qui illustrent ce grief (…) ; que Mme X... produit de son côté cinq attestations tendant à contrecarrer celles de la Société SELHA (…) ; qu'à l'issue de la lecture des pièces de la SELHA ainsi que des investigations menées par le conseil de prud'hommes, il était clair que Mme X... pouvait rester dans l'entreprise, une fois sa journée terminée, sans production aucune de sa part, dans la seule attente de M. B..., son compagnon avec lequel elle repartait ; que les derniers éléments apportés par Mme X... doivent-ils introduire un doute relativement à cette position première, doute qui conformément à l'article L. 1235-1 du code du travail, profite au salarié ; que la question doit être certes posée mais la réponse donnée sera négative ; que M. B..., qui se présente effectivement comme le concubin de Mme X... a fourni une attestation à cette dernière, attestation qui confirme les dires de Mmes Y..., Z... et A... (…) que pourtant, si les propos que M. B... tient correspondaient à la vérité, il est parfaitement incompréhensible qu'il n'ait pas élevé de protestation lorsqu'il a reçu de Mme D..., responsable ressources humaines à la SELHA, les courriers électroniques ciaprès (…), qu'il n'ait pas plus réagi par courrier ou même en saisissant le conseil de prud'hommes, afin de solliciter l'annulation de l'avertissement qui lui a été infligé par la SELHA le 3 juillet 2006 et dont la teneur est celle-ci (…) ; qu'il a au contraire, à la suite de cet avertissement, envoyé le 5 juillet 2006 à 18 heures 04 aux chefs d'équipes le courrier électronique suivant (…) que dès lors, la faute de Mme X... est à nouveau acquise, cette dernière ayant bien pointé (ou badgé) à des heures qui reflétaient son temps de présence dans l'entreprise mais non le travail effectif effectué en contrepartie ; que la définition qui a été donnée de la faute grave ne sera pas reprise, il suffit de s'y reporter ; qu'en l'espèce, la SELHA ne caractérise pas l'existence de cette faute grave à l'encontre de Mme X... ; que la SELHA était effectivement au fait des comportements fautifs de Mme X... (cf. les développements précédents et particulièrement les mails de la responsable du service des ressources humaines) ; que ce n'est pas pour cela qu'elle a engagé la procédure de licenciement à l'encontre de la salariée, n'entamant cette dernière que postérieurement, soit le 9 juin 2006 ; que la décision des premiers juges sera confirmée sur ce point et quant aux conséquences financières qui en découlaient ; qu'en revanche, le licenciement prononcé repose sur une cause réelle et sérieuse ainsi qu'en a décidé le conseil de prud'hommes et Mme X... devra être débouté de sa demande d'indemnité de ce chef ; ALORS QUE, D'UNE PART, la Cour d'appel a requalifié le licenciement pour faute grave de Mme X... en licenciement pour cause réelle et sérieuse en retenant qu'elle ne respecterait pas l'horaire collectif de travail en procédant à des enregistrements de son badge, à des heures tardives, correspondant non pas à ses horaires de travail mais à celles de son concubin ; que, par application de l'article 625 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen en ce que l'arrêt a considéré à tort que Mme X... n'a pas accompli d'heures supplémentaires entraînera nécessairement la cassation de l'arrêt en ce qu'il a dit bien fondé le licenciement disciplinaire de Mme X... fondé sur le motif susvisé, cette dernière considération s'y rattachant par un lien de dépendance nécessaire. ALORS QUE, D'AUTRE PART, la lettre de licenciement fixe les limites du débat ; que la Cour d'appel a expressément relevé que seule l'absence de Mme X... le 6 juin 2006 était réelle et fautive ; qu'en déduisant de cette seule absence le caractère bien fondé du licenciement de Mme X... cependant que la lettre de licenciement lui imputait à faute des absences répétées sans autorisation, la Cour d'appel a violé l'article L.1232-6 du code du travail ; ALORS, DE TROISIEME PART, QU'une seule absence, sans autorisation, de la part d'un salarié ayant six années d'ancienneté et dont le travail n'a jamais fait l'objet de la moindre observation de son employeur, n'est pas constitutive de faute ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles L. 1235-1, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail ; ALORS, ENFIN, QU'en toute hypothèse, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance ; qu'en ne recherchant pas, cependant qu'elle a relevé pour écarter la faute grave que la Société SELHA avait connaissance des comportements fautifs de Mme X... mais n'avait pas procédé à son licenciement immédiatement, à quelle date l'employeur en avait eu connaissance, la Cour d'appel a privé sa décision de toute base légale au regard de l'article L.122-44 du code du travail, devenu l'article L.1332-4.