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Tribunal administratif de Montreuil, 4ème Chambre, 10 février 2023, 2000129

Mots clés
préjudice • réintégration • reclassement • saisie • service • astreinte • condamnation • réexamen • requête • rétroactif • emploi • mutation • pouvoir • rapport • requis

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
  • Numéro d'affaire :
    2000129
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : M. Colera
  • Nature : Décision
  • Avocat(s) : SCP EVODROIT
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête enregistrée le 6 janvier 2020, Mme D B, représentée par Me Dutheil-Lecouvé, demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté du 11 février 2019 par lequel la directrice de l'EHPAD (établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes) F l'a placée en position de congé maladie ordinaire à compter du 1er juin 2016 ; 2°) d'enjoindre à cette même autorité, dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de procéder à sa réintégration sur un poste d'infirmière à temps plein à compter du 1er juin 2016, de reconstituer sa carrière en ce qui concerne le bénéfice de ses droits à l'avancement et à la retraite, enfin et de procéder au paiement de son plein traitement à compter du 1er juin 2016 ; 3°) de condamner l'EPHAD F à lui verser une somme de 26 300 euros de dommages-intérêts se décomposant en 16 300 euros de préjudice financier et 10 000 euros de préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence ; 4°) de mettre à la charge de l'EPHAD F une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation : - l'arrêté attaqué n'est pas motivé ; - il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le comité médical avait émis un avis favorable pour une réintégration avec aménagement d'horaires et qu'elle a été placée en position de congé maladie. En ce qui concerne les conclusions indemnitaires : - l'arrêté attaqué du 11 février 2019 ainsi que l'arrêté du 1er juin 2016 annulé par un jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 2018 constituent des fautes de l'administration ; - elle a subi un premier préjudice financier correspondant au manque à gagner lié à la période durant laquelle elle a été placée en demi-traitement et qui peut être évalué à la somme de 16 000 euros ; - elle a subi un second préjudice financier correspondant aux frais qu'elle a exposés en contractant un emprunt pour compenser les périodes où elle était sans revenus et qui peut être estimé à la somme de 300 euros ; - elle a subi un préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence qui peuvent être évalués à la somme de 10 000 euros. Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée à l'EPHAD F le 24 novembre 2021. L'établissement n'y a pas répondu. Par des courriers en date du 21, 22 et 23 décembre 2022 ainsi que 2 janvier 2023, des pièces et informations complémentaires ont été demandées aux requérants sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative. L'EPHAD F s'est abstenu d'y répondre. Mme B y a répondu par des mémoires et productions réceptionnées les 21 et 27 décembre 2022 ainsi que 5 janvier 2023, lesquels ont été communiqués à L'EPHAD F, sur le fondement de ces mêmes dispositions. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ; - le décret 88-386 du 19 avril 1988 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. L'hôte, rapporteur ; - et les conclusions de M. Colera, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme B, , exerçait ses fonctions, à la suite de sa mutation le 10 juin 2010, au sein de l'EHPAD F à C. Elle a été placée en congé de maladie de longue durée à partir du 6 août 2011, congé qui a été renouvelé à plusieurs reprises jusqu'au 2 février 2015. Par décision du 1er juin 2016, la directrice de l'EHPAD F l'a placée en position de disponibilité d'office à compter de cette date. Par un jugement en date du 2018, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé la décision du 1er juin 2016 pour vice de procédure et enjoint à l'EHPAD F de réexaminer sa situation administrative. Par une nouvelle décision en date du 11 février 2019, la directrice de cet établissement a placé la requérante en position de congé maladie ordinaire avec effet rétroactif à compter du 1er juin 2016. Mme B demande l'annulation de cette décision du 11 février 2019. Elle demande également la condamnation de l'EHPAD F à lui verser, en raison des fautes résultant de l'illégalité de la décision du 11 février 2019 en litige dans la présente espèce et de celle de la décision du 1er juin 2016 annulée par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise, la somme de 26 300 euros de dommages-intérêts, se décomposant en 16 300 euros de préjudice financier et 10 000 euros de préjudice moral et de troubles dans les conditions d'existence. Elle demande enfin qu'il soit enjoint à l'EHPAD F de procéder à sa réintégration sur un poste d' à temps plein à compter du 1er juin 2016, de reconstituer sa carrière en ce qui concerne le bénéfice de ses droits à l'avancement et à la retraite, enfin de procéder au paiement de son plein traitement à compter du 1er juin 2016. I- Sur les conclusions aux fins d'annulation : 2. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. /Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé. " 3. L'article 30 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière prévoit que " Le bénéficiaire d'un congé de longue maladie ou de longue durée ne peut reprendre ses fonctions à l'expiration ou au cours dudit congé que s'il est reconnu apte, après examen par un spécialiste agréé et avis favorable du comité médical compétent () ". Aux termes de l'article 31 du même décret : " Si, au vu de l'avis du comité médical compétent et, éventuellement, de celui du comité médical supérieur, dans le cas où l'autorité investie du pouvoir de nomination ou l'intéressé juge utile de le solliciter, le fonctionnaire est reconnu apte à exercer ses fonctions, il reprend son activité, éventuellement dans les conditions prévues à l'article 32 ci-après () ". Aux termes de l'article 32 de ce décret : " Le comité médical consulté sur la reprise des fonctions d'un fonctionnaire qui avait bénéficié d'un congé de longue maladie ou de longue durée peut formuler des recommandations sur les conditions d'emploi de l'intéressé, sans qu'il puisse être porté atteinte à sa situation administrative () " Enfin, aux termes de son article 35 : " Le fonctionnaire ne pouvant, à l'expiration de la dernière période de congé de longue maladie ou de longue durée, reprendre son service est soit reclassé dans un autre emploi, soit mis en disponibilité, soit admis à la retraite après avis de la commission de réforme. " I.A- En ce qui concerne la légalité externe : 4. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir () ". 5. Il résulte des dispositions du décret du 19 avril 1988 précitées que la réintégration dans ses fonctions d'un agent bénéficiant d'un congé de longue maladie constitue un droit dans les conditions que fixent ces dispositions. Tout refus de réintégration opposé à un agent doit alors être motivé en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. 6. Alors que la décision attaquée du 11 février 2019 a été prise à la suite de l'injonction de réexamen prononcée par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 2018 annulant la décision de l'EHPAD F en date du 1er juin 2016 plaçant la requérante en disponibilité et que celle-ci avait obtenu un avis favorable du comité médical pour une réintégration avec adaptation de poste le 11 mai 2016, réitéré le 12 décembre 2017, cette décision du 11 février 2019 doit être regardée comme refusant une nouvelle fois la réintégration de Mme B. Elle devait par conséquent être motivée. Or, elle se borne à viser les textes applicables et ne comporte aucune motivation en fait. Le moyen tiré du défaut de motivation doit donc être accueilli. I.B- En ce qui concerne la légalité interne : 7. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, Mme B, qui bénéficiait, en dernier lieu, d'un avis favorable du comité médical pour une réintégration avec aménagement de poste en date du 12 décembre 2017, ne pouvait être placée en position de congé de maladie ordinaire. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit, pour ce qui concerne cette branche, être accueilli. 8. En revanche, contrairement à ce que soutient la requérante, elle ne bénéficiait d'aucun droit à être réintégré sur un poste adapté. L'administration avait pour seule obligation de réexaminer la possibilité de réintégrer la requérante sur un poste aménagé et en cas d'impossibilité, de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Dès lors, le moyen tiré de l'erreur de droit doit, pour ce qui concerne cette branche, être écarté. 9. Il résulte de tout ce qui précède que l'arrêté du 11 février 2019 par lequel la directrice de l'EHPAD F a placé Mme B en position de congé maladie ordinaire à compter du 1er juin 2016 doit être annulé. II- Sur les conclusions indemnitaires : 10. En premier lieu, Mme B soutient qu'elle a subi un préjudice financier de 16 000 euros lié au fait qu'elle n'a été rémunérée qu'à demi-traitement et un autre préjudice financier de 300 euros lié au fait qu'elle a dû recourir à un emprunt. Selon elle, ces préjudices trouvent leur origine dans l'illégalité de la décision du 1er juin 2016 annulée par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 2018 et dans l'illégalité de la décision du 11 février 2019, attaquée dans le cadre de la présente instance. Or, il résulte de la lecture du jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 2018 que la décision de l'EHPAD F en date du 1er juin 2016 a été annulé pour un vice de procédure. Si la requérante soutient que cette décision était également intrinsèquement illégale dès lors qu'elle bénéficiait d'un avis favorable du comité médical pour une réintégration avec aménagement de poste, cette circonstance n'avait, ainsi qu'il a été dit au point 8, pas pour conséquence d'obliger l'administration à la réintégrer, mais seulement de l'obliger à examiner la possibilité d'une réintégration avec aménagement de poste et en cas d'impossibilité, de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Il en va de même, en ce qui concerne la décision du 11 février 2019 attaquée dans le cadre de la présente instance, même si elle est annulée pour erreur de droit. Mme B n'établit pas, ni du reste ne soutient, que l'administration, dans les deux cas, n'a pas procédé à ce réexamen et qu'elle pouvait bénéficier effectivement d'un poste aménagé ou encore, si tel n'était pas le cas, qu'elle ne l'a pas invitée à présenter une demande de reclassement. Dès lors, le lien de causalité entre les fautes de l'administration et les préjudices financiers allégués n'est pas établi. 11. En second et dernier lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral subi par Mme B du fait de l'illégalité de la décision attaquée dans le cadre de la présente instance et de l'illégalité de la décision annulée par le jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 2018 en le fixant à la somme de 1 000 euros. 12. Il résulte de tout ce qui précède que l'EHPAD F doit être condamné à verser à Mme B une somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral subi.. III- Sur les conclusions aux fins d'injonction : 13. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de son article L. 911-2 : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision intervienne dans un délai déterminé. ". Enfin, aux termes de son article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ". 14. En premier lieu, Mme B demande qu'il soit enjoint à l'EHPAD F de la réintégrer avec effet rétroactif le 1er juin 2016. Or, ainsi qu'il a été dit au point 8, si l'arrêté du 11 février 2019 est annulé, l'administration n'avait pour autant aucune obligation de réintégrer la requérante, mais seulement celle d'examiner la faisabilité de sa demande de réintégration avec aménagement de poste et le, cas échéant, de l'inviter à présenter une demande de reclassement. Au surplus, il ressort des propres écritures de la requérante qu'elle a quittée l'EHPAD F le 1er janvier 2019. Il s'ensuit que les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EHPAD F de la réintégrer doivent être rejetées. 15. En deuxième lieu, pour les mêmes raisons qu'évoquées au point 8 ci-dessus, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EHPAD F de procéder à la reconstitution de la carrière de Mme B doivent être écartées. Au surplus, il résulte de l'instruction, notamment d'une attestation du directeur des ressources humaines du 2020 que la carrière de Mme B a été reconstituée par le Centre hospitalier de Saint-Denis, lequel a avancé à la CNRACL, pour le compte de l'EHPAD F, la somme représentant les cotisations de retraite. 16. En troisième et dernier lieu, pour les mêmes raisons qu'évoquées au point 8 ci-dessus, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'EHPAD F de verser à Mme B son plein traitement à compter du 1er juin 2016, doivent être écartées. Au surplus ces conclusions ont déjà été formulées dans le cadre des conclusions indemnitaires. IV- Sur les frais liés au litige : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ". 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'EHPAD F, le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme B, au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : l'arrêté du 11 février 2019, par lequel la directrice de l'EHPAD F a placé Mme B en position de congé maladie ordinaire à compter du 1er juin 2016 est annulé. Article 2 : L'EHPAD F est condamné à verser à Mme B la somme de 1 000 (mille) euros au titre du préjudice moral subi. Article 3 : L'EHPAD F versera une somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros à Mme B, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme D B et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes F. Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient : - Mme Salzmann, présidente, - Mme de Bouttemont, première conseillère, - M. L'hôte, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023. Le rapporteur,La présidente,F. L'hôteM. ELe greffier,T. Népost La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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