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CEDH, Cour (Deuxième Section), SCOPPOLA c. ITALIE, 13 mai 2008, 10249/03

Synthèse

  • Juridiction : CEDH
  • Numéro de pourvoi :
    10249/03
  • Dispositif : Recevable
  • Date d'introduction : 24 mars 2003
  • Importance : Moyenne
  • Droit interne : Décret loi n° 341 du 24 novembre 2000
  • État défendeur : Italie
  • Nature : Décision
  • Identifiant européen :
    ECLI:CE:ECHR:2008:0513DEC001024903
  • Lien HUDOC :https://hudoc.echr.coe.int/fre?i=001-87186
  • Avocat(s) : PAOLETTI N., avocat, Rome
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Texte intégral

DEUXIÈME SECTION DÉCISION FINALE SUR LA RECEVABILITÉ de la requête no 10249/03 présentée par Franco SCOPPOLA contre l'Italie La Cour européenne des droits de l'homme (deuxième section), siégeant le 13 mai 2008 en une chambre composée de : Françoise Tulkens, Présidente, Antonella Mularoni, Ireneu Cabral Barreto, Danutė Jočienė, Dragoljub Popović, András Sajó, juges, Vitaliano Esposito, juge ad hoc, et de Sally Dollé, greffière de section, Vu la requête susmentionnée introduite le 24 mars 2003, Vu la décision de la Cour de se prévaloir de l'article 29 § 3 de la Convention et d'examiner conjointement la recevabilité et le fond de l'affaire, Vu la décision partielle du 8 septembre 2005, Vu les observations soumises par le gouvernement défendeur et celles présentées en réponse par le requérant, Après en avoir délibéré, rend la décision suivante :

EN FAIT

Le requérant, M. Franco Scoppola, est un ressortissant italien né en 1940 et actuellement détenu au pénitencier de Parme. Il est représenté devant la Cour par Me N. Paoletti, avocat à Rome. Le gouvernement italien (« le Gouvernement ») est représenté par son agent, M. R. Adam, et par son co-agent adjoint, M. N. Lettieri. A. Les circonstances de l'espèce Les faits de la cause, tels qu'ils ont été exposés par les parties, peuvent se résumer comme suit. Le 2 septembre 1999, à l'issue d'une bagarre avec ses enfants, le requérant tua sa femme et blessa l'un des enfants. Il fut arrêté le 3 septembre. A l'issue de l'enquête, le parquet de Rome demanda le renvoi du requérant en jugement pour meurtre, tentative de meurtre, mauvais traitements infligés aux membres de sa famille et port d'arme prohibé. A l'audience du 18 février 2000 devant le juge de l'audience préliminaire (giudice dell'udienza preliminare - ci-après « le GUP ») de Rome, le requérant demanda à être jugé selon la procédure abrégée, une démarche simplifiée entraînant, en cas de condamnation, une réduction de peine. Tel qu'en vigueur à cette date, l'article 442 § 2 du code de procédure pénale (« le CPP ») prévoyait que, si le crime commis par l'accusé appelait la réclusion criminelle à perpétuité, l'intéressé devait être condamné à une peine d'emprisonnement de trente ans (voir ci-après « Le droit interne pertinent »). Le GUP accepta d'appliquer la procédure abrégée. D'autres audiences eurent lieu les 22 septembre et 24 novembre 2000. Le 24 novembre 2000, le GUP émit un verdict de culpabilité à l'encontre du requérant. Il constata que l'intéressé devait être condamné à la réclusion à perpétuité ; cependant, à cause de l'adoption de la procédure abrégée, il fixa la peine à infliger à trente ans d'emprisonnement. Le 12 janvier 2001, le parquet général près la cour d'appel de Rome se pourvut en cassation contre le jugement du GUP de Rome du 24 novembre 2000. Il affirma que le GUP aurait dû appliquer l'article 7 du décret-loi no 341 du 24 novembre 2000, entré en vigueur le jour même du prononcé du jugement de condamnation. Après des modifications introduites par le Parlement, ce décret-loi avait été converti en la loi no 4 du 19 janvier 2001. Le parquet observa notamment que l'article 7 précité avait modifié l'article 442 du CPP et prévoyait qu'en cas de procédure abrégée la réclusion à « perpétuité » devait remplacer la réclusion à « perpétuité avec isolement diurne » lorsqu'il y avait « concours d'infractions » (concorso di reati) ou « délit continué » (reato continuato - voir ci-après « Le droit interne pertinent »). Le 5 février 2001, le requérant interjeta appel. Comme il y avait deux recours devant deux juridictions de degré différent, le pourvoi en cassation du parquet fut transformé en appel et la cour d'assises d'appel de Rome fut déclarée compétente pour la suite de la procédure (article 580 du CPP). Par un arrêt du 25 septembre 2001, dont le texte fut déposé au greffe le 10 janvier 2002, la cour d'assises d'appel condamna le requérant à la réclusion à perpétuité. Elle observa qu'avant l'entrée en vigueur du décret-loi no 341 de 2000, l'article 442 § 2 du CPP était interprété dans le sens que la réclusion perpétuelle devait être remplacée par une peine de trente ans de prison, et ce indépendamment de la possibilité d'appliquer l'isolement diurne en conséquence d'un concours d'infractions. Suivant cette approche, le GUP avait fixé la peine par rapport à l'infraction la plus grave, sans se pencher sur la question de savoir s'il fallait ordonner l'isolement diurne en raison du constat de culpabilité prononcé pour les autres chefs d'accusation dirigés contre le requérant. Cependant, le jour même du prononcé du jugement du GUP, le décret-loi no 341 de 2000 était entré en vigueur. S'agissant d'une règle de procédure, elle trouvait à s'appliquer à tout procès en cours selon le principe tempus regit actum. La cour d'appel rappela par ailleurs qu'aux termes de l'article 8 dudit décret-loi, le requérant aurait pu retirer sa demande d'adoption de la procédure abrégée et se faire juger selon la procédure ordinaire. Le requérant n'ayant pas fait pareil choix, la décision de première instance aurait dû tenir compte de la réglementation des peines survenue entre-temps (regime premiale sopravvenuto). Le 18 février 2002, le requérant se pourvut en cassation. Il allégua que les infractions qui lui étaient reprochées n'auraient pas dû être sanctionnées par la réclusion criminelle à perpétuité. Par un arrêt déposé au greffe le 20 janvier 2003, la Cour de cassation rejeta le pourvoi du requérant. Le 18 juillet 2003, le requérant introduisit un recours extraordinaire pour erreur de fait (article 625bis du CPP). Il allégua, entre autres, que sa condamnation à la prison à vie à la suite des modifications introduites par le décret-loi no 431 de 2000 s'analysait en une violation des articles 6 et 7 de la Convention. Par un arrêt du 14 mai 2004, dont le texte fut déposé au greffe le 28 octobre 2004, la Cour de cassation déclara le recours extraordinaire du requérant irrecevable. Elle observa que l'intéressé ne dénonçait pas des erreurs de fait commises par les juridictions internes mais visait, pour l'essentiel, à remettre en question l'appréciation des points de droit émanant de la Cour de cassation. B. Le droit interne pertinent La procédure abrégée est régie par les articles 438 et 441 à 443 du CPP. Elle se fonde sur l'hypothèse que l'affaire peut être tranchée en l'état (allo stato degli atti) lors de l'audience préliminaire. La demande peut être faite, oralement ou par écrit, tant que les conclusions n'ont pas été présentées à l'audience préliminaire. En cas d'adoption de la procédure abrégée, l'audience a lieu en chambre du conseil et est consacrée aux plaidoiries des parties. En principe, les parties doivent se baser sur les pièces figurant dans le dossier du parquet. Si le juge décide de condamner l'accusé, la peine infligée est réduite d'un tiers. Les dispositions internes pertinentes sont décrites dans l'arrêt Hermi c. Italie ([GC], no 18114/02, §§ 27-28, CEDH 2006-...). La Cour a donné un aperçu des dispositions régissant la procédure abrégée dans son arrêt Fera c. Italie (no 45057/98, 21 avril 2005). A l'époque des faits visés par la requête Fera, la procédure abrégée n'était pas admise pour les crimes entraînant la réclusion criminelle à perpétuité. En effet, par un arrêt no 176 du 23 avril 1991, la Cour constitutionnelle avait annulé la disposition du CPP prévoyant cette possibilité car elle était allée au-delà de la délégation de pouvoirs que le Parlement avait donnée au Gouvernement pour l'adoption du nouveau CPP. Par la loi no 479 du 16 décembre 1999, le Parlement a réintroduit la possibilité de faire bénéficier de la procédure abrégée l'accusé encourant une condamnation à perpétuité. L'article 30 de cette loi est ainsi libellé : Article 30 « Les modifications suivantes sont introduites à l'article 442 du CPP : (...) b) au paragraphe 2, après la première phrase est ajoutée la [seconde et dernière phrase] suivante: « la réclusion à perpétuité est remplacée par un emprisonnement de trente ans ». Le décret-loi no 341 du 24 novembre 2000, entré en vigueur le même jour et converti en loi no 4 du 19 janvier 2001, a donné une interprétation authentique de la seconde phrase du paragraphe 2 de l'article 442 du CPP. Il a également introduit un troisième paragraphe à cette disposition. Dans le chapitre dudit décret-loi intitulé « interprétation authentique de l'article 442 paragraphe 2 du CPP et dispositions en matière de procédure abrégée dans les procès pour les infractions punies par la réclusion à perpétuité » figurent les articles 7 et 8, ainsi libellés : Article 7 « 1. A l'article 442, paragraphe 2, [seconde et] dernière phrase, du CPP, le membre de phrase « peine de réclusion à perpétuité » doit être interprété comme faisant référence à la réclusion à perpétuité sans isolement diurne. 2. A l'article 442, paragraphe 2, du CPP est ajoutée, à la fin, la phrase suivante : « La peine de réclusion à perpétuité avec isolement diurne, dans l'hypothèse d'un concours d'infractions ou d'un délit continué, est remplacée par la réclusion à perpétuité. » Article 8 « 1. Dans le cadre des procédures pénales pendantes à la date d'entrée en vigueur du présent décret-loi, lorsqu'il peut être fait ou qu'il a été fait application de la perpétuité avec isolement diurne, si la procédure abrégée a été demandée (...), l'accusé peut retirer sa demande dans un délai de trente jours à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi de conversion du présent décret-loi. Dans cette hypothèse, les poursuites reprennent selon la procédure ordinaire en l'état où elles se trouvaient au moment où la demande a été faite. Les actes d'instruction éventuellement accomplis peuvent être utilisés dans les limites établies par l'article 511 du CPP. 2. Lorsque, en raison d'un recours du ministère public, il est possible d'appliquer les dispositions figurant à l'article 7, l'accusé peut retirer la demande dont il est question à l'alinéa 1 dans un délai de trente jours à compter du moment où il a eu connaissance du recours du ministère public ou, si celui-ci a été fait avant l'entrée en vigueur de la loi de conversion du présent décret-loi, dans un délai de trente jours à compter de cette dernière date. Il est fait application des dispositions des deuxième et troisième phrases de l'alinéa 1 (...). » GRIEF Invoquant l'article 7 de la Convention, le requérant allègue que sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité a violé le principe nullum crimen sine lege.

EN DROIT

Le requérant estime que sa condamnation à la réclusion criminelle à perpétuité a violé l'article 7 de la Convention. Cette disposition se lit ainsi : « 1. Nul ne peut être condamné pour une action ou une omission qui, au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d'après le droit national ou international. De même il n'est infligé aucune peine plus forte que celle qui était applicable au moment où l'infraction a été commise. 2. Le présent article ne portera pas atteinte au jugement et à la punition d'une personne coupable d'une action ou d'une omission qui, au moment où elle a été commise, était criminelle d'après les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées. » A. L'exception de non-épuisement formulée par le Gouvernement Le Gouvernement excipe du non-épuisement des voies de recours internes, alléguant que le requérant n'a pas soulevé son grief devant la Cour de cassation. L'intéressé se serait en effet borné à affirmer que la peine applicable aux infractions qui lui étaient reprochées n'était pas la réclusion criminelle à perpétuité. Le requérant s'oppose à cette thèse. Il observe que, dans son pourvoi en cassation, il a contesté sa condamnation à une peine perpétuelle. Par ailleurs, le juge peut même conclure d'office à la violation du principe de légalité des peines. Enfin, dans son recours extraordinaire pour erreur de fait, il a invoqué la violation des articles 6 et 7 de la Convention. La Cour rappelle que la règle de l'épuisement des voies de recours internes vise à ménager aux Etats contractants l'occasion de prévenir ou de redresser les violations alléguées contre eux avant que ces allégations ne lui soient soumises (voir, parmi beaucoup d'autres, Selmouni c. France [GC], no 25803/94, § 74, CEDH 1999-V, et Remli c. France, arrêt du 23 avril 1996, § 33, Recueil des arrêts et décisions 1996-II). Dans le cadre du mécanisme de protection des droits de l'homme, cette règle doit s'appliquer avec une certaine souplesse et sans formalisme excessif. En même temps, elle oblige, en principe, à soulever devant les juridictions nationales appropriées, au moins en substance, dans les formes et délais prescrits par le droit interne, les griefs que l'on entend formuler par la suite au niveau international (voir, parmi beaucoup d'autres, Azinas c. Chypre [GC], no 56679/00, § 38, CEDH 2004-III, et Fressoz et Roire c. France [GC], no 29183/95, § 37, CEDH 1999-I). En l'espèce, les doléances du requérant devant la Cour portent, pour l'essentiel, sur l'infliction de la peine de réclusion criminelle à perpétuité. Or dans son pourvoi en cassation, se fondant sur les dispositions pertinentes du droit interne, l'intéressé a soutenu que cette sanction ne pouvait pas lui être infligée. De plus, dans son recours extraordinaire pour erreur de fait, il a soutenu que sa condamnation à la prison à vie à la suite des modifications introduites par le décret-loi no 341 de 2000 violait les articles 6 et 7 de la Convention. Dans ces circonstances, la Cour estime que le requérant a soulevé devant la Cour de cassation, au moins en substance, les griefs qu'il entendait formuler par la suite au niveau international, et qu'il a fait un usage normal des recours qui lui ont paru efficaces. Il s'ensuit que l'exception de non-épuisement formulée par le Gouvernement ne saurait être accueillie. B. Le fond du grief 1. Arguments des parties a) Le requérant Le requérant fait observer qu'il avait demandé à être jugé selon la procédure abrégée parce que, à l'époque, le texte de l'article 442 § 2 du CPP prévoyait que, dans l'hypothèse d'une condamnation à perpétuité, la peine serait réduite à trente ans d'emprisonnement. Il ajoute que cette disposition était interprétée de sorte que les termes « condamnation à perpétuité » désignaient toute peine d'emprisonnement à vie, avec ou sans isolement diurne. Cependant, à la suite d'un pourvoi en cassation du procureur général, la peine prononcée en première instance a été aggravée et transformée en réclusion criminelle à perpétuité. Comme cela s'est produit sur la base d'une disposition entrée en vigueur en cours de procédure, le requérant estime avoir été condamné à une peine qui n'était pas prévue par la loi au moment où il a accepté d'être jugé selon la procédure abrégée. Le requérant note que l'article 442 du CPP a un effet direct sur la sévérité de la sanction à infliger ; dès lors, en droit italien il doit être considéré comme une disposition de droit pénal, et non une disposition de procédure. Au moment où il a demandé l'adoption de la procédure abrégée, le requérant a conclu un accord avec l'Etat par lequel il renonçait à une partie des garanties du procès équitable en échange, en cas de condamnation, du remplacement de la peine de réclusion à perpétuité par une condamnation à trente ans d'emprisonnement. L'Etat n'a cependant pas respecté cet accord, violant ainsi les principes du procès équitable. Le requérant souligne que la dernière audience devant le GUP de Rome a débuté le 24 novembre 2000 à 10 h 19. Le GUP a prononcé son jugement immédiatement après l'audience. Le même jour, le décret-loi no 341 a été publié au Journal officiel et est entré en vigueur. Le Journal officiel est paru dans le courant de l'après-midi. Le requérant en déduit que, lorsque le GUP a prononcé son jugement, le décret-loi no 341 de 2000 n'existait pas encore et ne pouvait pas être connu ; ses dispositions ont donc été appliquées de manière rétroactive. Le requérant affirme que l'article 7 de la Convention englobe le principe selon lequel, si la loi en vigueur au moment de la commission de l'infraction et les lois ultérieures sont différentes, il faut appliquer la loi la plus favorable à l'accusé. En l'espèce, le législateur italien a essayé d'éviter l'application de ce principe en recourant à un subterfuge consistant à qualifier le décret-loi no 341 de 2000 de loi d'« interprétation authentique ». Cela ressort clairement des critiques que plusieurs députés ont formulées à l'encontre des dispositions incriminées lors de la conversion du décret-loi. Par ailleurs, si l'on acceptait la thèse du Gouvernement selon laquelle l'article 442 du CPP était une disposition peu claire nécessitant une interprétation officielle, on devrait conclure à une violation de la Convention pour défaut des qualités d'accessibilité et de prévisibilité de la loi pénale. Quant à la faculté, prévue par l'article 8 du décret-loi no 341 de 2000, de retirer la demande d'adoption de la procédure abrégée, le requérant observe qu'au moment de l'entrée en vigueur dudit décret et de sa conversion, il était détenu dans un pénitencier et n'a pas été informé de la faculté en question. Celle-ci n'était nullement mentionnée dans le pourvoi en cassation du parquet. N'étant pas rompu aux arcanes des procédures judiciaires, le requérant n'a pas eu une possibilité réelle de revenir sur ses choix de procédure. b) Le Gouvernement Le Gouvernement observe que les dispositions du code pénal punissant les infractions pour lesquelles le requérant a été condamné n'ont pas été modifiées après le 2 septembre 1999, date de la commission des crimes. En particulier, ces crimes étaient punissables de la réclusion criminelle à perpétuité avec isolement diurne, et la peine imposée par les juridictions nationales n'a pas excédé ces limites. Quant aux dispositions du CPP, elles ne doivent pas entrer en ligne de compte, car « elles n'influencent pas la personne sur le fait de commettre ou pas un crime ». Les règles de procédure sont en effet normalement rétroactives, étant régies par le principe tempus regit actum ; conclure autrement reviendrait à accorder une réduction de peine en conséquence de chaque abrogation ou modification des dispositions du CPP. Par ailleurs, la circonstance que, à la différence de l'article 6, qui s'applique à la « matière pénale », l'article 7 de la Convention se réfère à « l'infraction » démontre que cette dernière disposition concerne uniquement le droit pénal et non les règles de procédure. En tout état de cause, le Gouvernement affirme qu'en l'espèce, il n'y a eu aucune application rétroactive des règles de procédure au détriment du requérant. Il observe à cet égard qu'au moment où les crimes ont été commis (2 septembre 1999), la loi ne prévoyait pas la possibilité de demander l'adoption de la procédure abrégée lorsque les infractions alléguées étaient punies par la réclusion criminelle à perpétuité. Cette possibilité n'a été introduite que par la loi no 479 du 16 décembre 1999. Il est vrai que, lorsque le requérant a introduit sa demande d'adoption de la procédure abrégée (18 février 2000), l'article 442 § 2 du CPP prévoyait que, si la peine à infliger était la réclusion criminelle à perpétuité, le juge devait la réduire à trente ans d'emprisonnement. Cette circonstance, cependant, ne saurait porter atteinte aux droits garantis par la Convention. En effet, le décret-loi no 341 de 2000, lequel précise que dans le cadre de la procédure abrégée la réclusion criminelle à perpétuité avec isolement diurne est remplacée par la prison à vie sans isolement, est entré en vigueur le 24 novembre 2000, c'est-à-dire le jour du prononcé du jugement de condamnation de première instance. Dès lors, il était possible que le requérant ne soit pas au courant de l'existence de ce nouveau texte. Le législateur avait songé à cette éventualité, prévoyant la faculté pour l'accusé de renoncer à la procédure abrégée et de demander à être jugé selon la procédure ordinaire. Cette faculté devait être exercée dans un délai de trente jours à partir de l'entrée en vigueur de la loi de conversion du décret-loi no 341 de 2000, c'est-à-dire avant le 21 février 2001. Le requérant a donc eu presque trois mois pour revenir sur sa décision d'être jugé selon la procédure abrégée, mais il a choisi de ne pas se prévaloir de cette possibilité. Le Gouvernement rappelle également que le 12 janvier 2001 le parquet s'est pourvu en cassation et a demandé la condamnation du requérant à une peine perpétuelle en s'appuyant sur les dispositions du décret-loi no 341 de 2000. Le pourvoi du parquet a été notifié au requérant et à son avocat ; ces derniers ne pouvaient donc pas ignorer l'existence des dispositions du texte incriminé qui, par ailleurs, avait été publié au Journal officiel. 2. Appréciation de la Cour La Cour note tout d'abord que les doléances du requérant ne portent pas exclusivement sur la violation alléguée du principe nulla poena sine lege, tel que consacré par l'article 7 de la Convention, mais également sur la question de savoir si les dispositions introduites par le décret-loi no 341 du 24 novembre 2000 ont porté atteinte aux principes du procès équitable tels que garantis par l'article 6 § 1 de la Convention. Dans ses parties pertinentes, cette disposition se lit comme suit : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal (...) qui décidera (...) du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. » La Cour estime, à la lumière de l'ensemble des arguments des parties, que ces griefs posent de sérieuses questions de fait et de droit qui ne peuvent être résolues à ce stade de l'examen de la requête, mais nécessitent un examen au fond ; il s'ensuit que ces griefs ne sauraient être déclarés manifestement mal fondés, au sens de l'article 35 § 3 de la Convention. Aucun autre motif d'irrecevabilité n'a été relevé. En conséquence, il convient de mettre fin à l'application de l'article 29 § 3 de la Convention.

Par ces motifs

, la Cour, à l'unanimité, Déclare le restant de la requête recevable. Sally Dollé Françoise Tulkens Greffière Présidente