Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 19 janvier 2010, 09-10.627

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-01-19
Cour d'appel de Rouen
2007-10-25

Texte intégral

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu

l'article 1147 du code civil ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, que M. X... a souscrit auprès de La Poste, aux droits de laquelle vient la Banque postale, des parts de fonds communs de placement dénommés "Bénéfic" ; qu'ayant subi une perte de capital, M. X..., reprochant à la Banque postale d'avoir manqué à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil, a fait assigner cette dernière en responsabilité ; Attendu que pour rejeter la demande de M. X..., l'arrêt relève que la notice d'information relative aux fonds commun de placement litigieux, qui avait reçu l'approbation de la Commission des opérations de bourse, avait été remise à M. X... ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi

, sans rechercher si la publicité délivrée par La Poste à M. X... en vue de souscrire les parts de fonds communs de placement litigieux était cohérente avec l'investissement proposé et mentionnait, le cas échéant, les caractéristiques les moins favorables et les risques inhérents aux options qui pouvaient être le corollaire des avantages énoncés, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 octobre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Caen ; Condamne la société Banque postale aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande ; la condamne à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé et signé par Mme Tric, conseiller doyen, en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt. Moyen produit par la SCP Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour M. X.... IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté monsieur X... de sa demande tendant à ce que la responsabilité de La Banque Postale soit engagée pour manquement à son obligation d'information et de conseil et à ce qu'elle soit condamnée à l'indemniser des préjudices subis en conséquence ; AUX MOTIFS QUE La Poste produit aux débats des notices d'information relatives aux divers placements souscrits lesquelles ne comportent pas la signature (de monsieur X...) ; que le tribunal a justement relevé qu'en signant les ordres d'achat et de vente d'OPCVM, monsieur X... a expressément reconnu avoir reçu les notices d'information relatives à ces OPCVM dont il venait d'acquérir les actions et parts, avoir pris connaissance des conditions générales relatives aux transactions de valeurs mobilières et y adhérer sans réserve ; que monsieur X... a ainsi admis avoir été mis en possession des notices d'information contenant les caractéristiques et modalités de fonctionnement des placements effectués ; qu'il s'ensuit qu'il est mal fondé à invoquer en dépit de sa signature n'avoir pas reçu les notices litigieuses ; que monsieur X... souligne non seulement qu'il est profane en matière de placements financiers mais que, né en Algérie en 1963, il est aujourd'hui reconnu comme handicapé par la COTOREP dont il reçoit une allocation, qu'il fait l'objet d'un suivi psychologique, qu'il maîtrise mal le français et n'est pas en capacité de comprendre, à supposer même qu'elles lui ont été délivrées, les termes techniques des notices d'information, ni même les termes des courriers adressés par La Poste ; qu'ainsi monsieur X... reproche moins à la banque de ne pas lui avoir donné l'information suffisante - il admet d'ailleurs avoir reçu des informations régulières sur les placements opérés et les opérations réalisées - que de n'avoir pas reçu une information personnalisée ou du moins qu'il était susceptible de comprendre compte tenu de ses capacités limitées de compréhension ; que La Poste a mis au point un produit financier intitulé Benefic qui est un fonds commun de placement auquel a souscrit monsieur X..., qui a reçu l'agrément de la commission des opérations de bourse et dont la notice d'information a également été approuvée par ladite commission ; qu'elle comporte l'information selon laquelle « la valeur liquidative à l'échéance sera égale à la valeur liquidative de référence (valeur la plus haute constatée durant la période de référence) majorée de 23% et diminuée du pourcentage de baisse éventuelle du CAC 40 ; ainsi si le CAC 40 à l'échéance est inférieur dans une limite de 23% au CAC 40 initial, la valeur liquidative à l'échéance sera au minimum égale à la valeur liquidative de référence majorée de 23% et minorée du pourcentage de baisse du CAC 40 appliquée à la valeur liquidative ; si le CAC 40 à l'échéance est inférieur de plus de 23% au CAC 40 initial, la valeur liquidative à l'échéance sera au minimum égale à la valeur liquidative de référence minorée du pourcentage de la baisse du CAC 40 au-delà de 23 % » ; que ces dispositions étaient suffisamment précises pour être comprises d'un client même profane et peu averti des mécanismes de placement financiers comme se présente monsieur X... ; qu'il ne peut en effet être reproché à la banque l'utilisation des termes techniques appropriés dans un document de portée générale et qui n'est pas destiné à un client particulier ; qu'il faut en outre souligner que monsieur X... bien que se présentant comme peu averti des mécanismes financiers de placement avait, au regard du grand nombre d'opérations réalisées par l'intermédiaire de La Poste, acquis une expérience qui devait le mettre à même d'en comprendre le mode opératoire et de se familiariser avec des termes tels que « valeur liquidative à l'échéance » qui suffisait à la compréhension utile du mécanisme de placement financier Benefic ; que c'est d'ailleurs moins l'information elle-même que le choix des produits financiers que monsieur X... juge peu adapté à sa situation et dont il fait le reproche à La Poste sous l'angle d'un manquement à son devoir de conseil, voire de mise en garde ; que l'obligation de conseil se définit comme l'obligation de guider le client dans ses choix en l'incitant à agir au mieux de ses intérêts ; que l'obligation de mise en garde qui est renforcée lorsque le client est profane est une obligation distincte pouvant être qualifiée d'information ou de conseil sur le risque encouru par le client du fait de l'opération souscrite ; qu'il faut souligner que le mécanisme de fonds commun de placement proposé à monsieur X... est un mécanisme classique d'investissement sur les marchés au comptant pour lequel le client n'encourt aucun risque important en principe ; qu'il ne peut être fait grief à la banque dans ces conditions de ne pas avoir mis en garde son client monsieur X... sur un risque connu de tous, y compris et surtout des clients profanes, méfiants des mécanismes boursiers, concernant les fluctuations des marchés boursiers en général ; que s'agissant du choix spécifique du produit Benefic, La Banque Postale souligne opportunément que le produit Benefic était présenté par les revues de consommateurs comme un produit attractif, que notamment la revue Que Choisir incitait ses lecteurs à délaisser leur traditionnel livret A au profit tels que Benefic dont la revue 60 millions de consommateurs écrivait Benefic limite les risques de perte en cas de chute du CAC 40 ; que dans un contexte d'euphorie boursière, il ne peut être reproché à la banque de ne pas avoir anticipé une chute de plus de 23% du CAC 40 qui constitue une baisse d'une ampleur imprévisible et exceptionnelle ; que La Poste rappelait d'ailleurs à monsieur X..., en réponse à l'inquiétude qu'il exprimait concernant la baisse du capital souscrit, que la durée du placement était de huit années avec une sortie anticipée possible à cinq ans et que les marchés ayant fortement baissé, il ne lui était pas conseillé de vendre ; que monsieur X... n'invoque pas que ce conseil n'était pas approprié ; qu'il en résulte que monsieur X... n'établit pas que La Poste aurait manqué à son obligation d'information, de conseil voire de mise en garde ; que monsieur X... soutient que La Poste l'a incité à souscrire les placements appelés Benefic en lui écrivant « vous avez fait le choix d'un placement qui peut vous rapporter +23% à trois ans… cette performance vous est acquise si le CAC 40 à l'échéance est supérieur ou égal au CAC 40 initial… en cas de baisse du CAC 40 à l'échéance, les techniques de gestion utilisées par les spécialistes de La Poste vous permettent de toute façon de profiter toujours d'une performance supérieure de 23% à celle du CAC à trois ans » ou encore « une rentabilité élevée : + 23% à trois ans que l'euro fasse 0% ou plus, une clarté absolue / Benefic est sans surprise, ses règles sont connues à l'avance » ; que l'utilisation de procédés servant à mettre en valeur un produit au moyen de supports publicitaires ne constitue une publicité mensongère que s'ils contiennent l'allégation de choses fausses ; que le fait pour La Poste de vanter un produit en mettant en valeur les éléments positifs du placement et notamment la rentabilité de plus de 23% en cas de hausse du CAC 40 ne peut être considéré comme une publicité mensongère, d'autant que par ailleurs, ce produit avait été jugé attractif par des associations indépendantes de consommateurs et que hors le cas d'une baisse spectaculaire, il offrait une bonne rentabilité ; il s'ensuit que monsieur X... échoue à faire la preuve des manoeuvres auxquelles se seraient livrée La Poste ou plus précisément son conseiller, et qui auraient tendu à tromper monsieur X... dans le but de déterminer à souscrire le placement Benefic (arrêt, p. 4, § 2 à p. 6, § 6 et p. 8, § 2 à 5) ; 1°/ ALORS QUE la publicité et les informations délivrées par la personne qui propose à son client de souscrire des parts de fonds commun de placement doivent être cohérentes avec l'investissement proposé et mentionner les risques inhérents aux options qui peuvent être le corollaire des avantages énoncés ; que l'obligation d'information qui pèse sur ce professionnel ne peut être considérée comme remplie par la remise de la notice visée par la Commission des opérations de bourse lorsque la publicité et l'information personnalisée ne répondent pas à ces exigences ; qu'en constatant que La Poste avait adressé à monsieur X... des lettres personnalisées qui vantaient le produit Benefic en mettant en valeur ses éléments positifs et ne faisaient pas mention de tous les risques de pertes qui étaient le corollaire des avantages énoncés, mais en jugeant néanmoins que ce dernier avait été informé des risques par les notices d'informations qu'il avait reçues, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et 33 alinéa 2 du règlement n° 89-02 de la Commission des opérations de bourse modifié par le règlement n° 98-04, alors applicable ; 2°/ ALORS QUE le prestataire de services d'investissement a le devoir d'informer son client sur les risques encourus dans les opérations spéculatives qu'il réalise ; que l'étendue de cette obligation envers un client opérant sur les marchés boursiers est fonction du degré d'initiation de celui-ci aux mécanismes des marchés concernés ; qu'en se contentant d'affirmer que monsieur X... avait acquis une expérience en raison du « grand nombre d'opérations réalisées par l'intermédiaire de La Poste », sans préciser le nombre exact, la valeur et la nature de ces opérations ni constater que celles-ci avaient été réalisées avant la date à laquelle La Poste devait conseiller son client et le mettre en garde sur les risques encourus, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du code civil et 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 devenu L 533-4 du code monétaire et financier, en leurs versions applicables ; 3°/ ALORS QUE le prestataire de services d'investissement a le devoir d'informer son client sur les risques encourus dans les opérations spéculatives qu'il réalise ; qu'en écartant tout manquement de La Poste à son obligation d'information et de conseil aux motifs inopérants que les risques boursiers seraient connus de tous, que le produit Benefic avait été recommandé par des revues de consommateurs et qu'il ne pouvait être reproché à La Poste de ne pas avoir anticipé une chute boursière imprévisible et exceptionnelle, ces circonstances n'étant pas de nature à justifier l'absence de conseil adapté que la banque devait délivrer à monsieur X... préalablement à ses engagements pris notamment après la chute boursière en cause, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil et 58 de la loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 devenu L 533-4 du code monétaire et financier, en leurs versions applicables.