COUR D'APPEL
D'ANGERS
CHAMBRE A - CIVILE
LE/TD
ARRET
N°:
AFFAIRE N° RG 21/00189 - N° Portalis DBVP-V-B7F-EYNZ
jugement du 25 Novembre 2020
TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP du MANS
n° d'inscription au RG de première instance 18/03121
ARRET DU 18 JUIN 2024
APPELANTE :
Madame [E] [S] [R] [F]
née le 04 Juin 1985 à [Localité 4]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Isabelle ROUCOUX, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 16716 et par Me
Nicolas MASSON, avocat plaidant du barreau de Paris
INTIME :
Monsieur [G] [I]
né le 02 Septembre 1969 à [Localité 2]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Me
Jean-baptiste RENOU de la SCP
HAUTEMAINE AVOCATS, avocat au barreau du MANS - N° du dossier 20181258 et par Me
Xavier TERMEAU, avocat plaidant du barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 15 Avril 2024 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme [M] qui a été préalablement entendux en son rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame MULLER, conseillère faisant fonction de présidente
M. WOLFF, Conseiller
Mme ELYAHYIOUI, vice-présidente placée
Greffière lors des débats : Monsieur DA CUNHA
ARRET :
contradictoire
Prononcé publiquement le 18 juin 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article
450 du code de procédure civile ;
Signé par Mme ELYAHYIOUI, vice présidente placée pour la présidente empêchée et par M. DA CUNHA, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
~~~~
FAITS ET PROCÉDURE
Un 'contrat de mise en exploitation d'un poney' a été conclu entre Mme [E] [F] et M. [G] [I] le 5 septembre 2015, et portant sur la ponette Shalimar de Lamelie, appartenant à la première. Il était convenu que la fille du second, Mme [O] [I], fasse évoluer la ponette en compétition et concours et que l'exploitant prenne en charge tous les frais d'exploitation de l'animal.
La ponette a été restituée le 13 juillet 2016.
Au début de l'année 2017, Mme [F] a mis M. [I] en demeure de l'indemniser au regard de l'état de santé de la ponette après restitution.
Suivant courrier recommandé du 6 mars 2017, M. [I] a mis en demeure Mme [F] de lui payer une somme forfaitaire de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour les préjudices de jouissance, moral et financier subis suite à la rupture anticipée du contrat de mise en exploitation.
Par exploit du 19 octobre 2017, Mme [F] a fait assigner M. [I] devant le tribunal d'instance de Bordeaux. Elle s'est ensuite désistée de sa demande.
Suivant acte d'huissier du 12 juin 2018, elle a de nouveau fait assigner le même mais devant le tribunal de grande instance du Mans en réparation tant des dommages subis du fait de l'impossibilité de valoriser la ponette Shalimar de Lamelie et des frais de vétérinaire que du préjudice de perte d'image de son élevage.
Par jugement du 25 novembre 2020, le tribunal judiciaire du Mans a :
- condamné M. [G] [I] à payer à Mme [E] [F] la somme de 4.962 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté Mme [E] [F] du surplus de ses demandes,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné M. [G] [I] à payer à Mme [E] [F] la somme de 3.500 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile,
- débouté M. [G] [I] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles,
- condamné M. [G] [I] aux entiers dépens.
Suivant déclaration déposée au greffe de la cour le 28 janvier 2021, Mme [F] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a 'Débouté Mme [F] du surplus de ses demandes, à savoir que Mme [F] a été débouté d'une grande partie de sa demande de dommages et intérêts, sollicitant la somme de 16086 euros le tribunal ne lui a octroyé que celle de 4962 euros et subsidiairement, en ce qu'il a débouté Mme [F] de sa demande subsidiaire d'ordonner une expertise vétérinaire judiciaire et de désigner tel expert qu'il plaira au tribunal avec mission habituelle en la matière et notamment celle de convoquer les parties, se faire communiquer tous les éléments vétérinaires de la ponette Shalimar de Lamélie, procéder à un examen clinique de l'animal, déterminer si les soins apportés par l'emprunteur à l'animal sont conforme aux prescriptions vétérinaire et si la reprise de l'entraînement n'a pas été précipitée, déterminer la date d'apparition de la pathologie de tendinite dont souffre Shalimar de Lamélie, déterminer les préjudices subis par le propriétaire de l'animal au regard de sa pathologie et de ses évolutions, établir un pré rapport et permettre aux parties d'établir des dires avant la rédaction du rapport définitif, précisant à l'intimé que l'appel est fondé sur les pièces versées en première instance et sur les nouvelles pièces qui seront versées dans le cadre de cet appel' (sic).
Par conclusions déposées le 10 août 2021, M. [I] a formé appel incident de cette même décision.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 20 mars 2024 et l'audience de plaidoiries fixée au 15 avril de la même année conformément aux prévisions d'un avis du 22 février 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 13 novembre 2021, Mme [F] demande à la présente juridiction de :
Vu les articles
1880 et suivants du Code civil,
Vu les articles
1927 et
1928 du Code civil,
- rejeter toute conclusion contraire comme injuste et en tout cas mal fondée,
- infirmer le jugement du tribunal judiciaire du Mans en ce qu'il n'a pas fait droit à la totalité de ses demandes,
- déclarer que M. [I] est contractuellement responsable de la tendinite de la ponette,
- le condamner en conséquence à lui payer la somme de 20.566,40 euros,
- le débouter de son appel incident et de l'intégralité de ses demandes,
- le condamner à lui payer la somme de 6.000 euros en application de l'article
700 du Code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 26 mars 2024, l'appelante a également sollicité, après constat de la recevabilité de cette demande, le rejet des pièces et conclusions signifiées le 19 mars par son contradicteur, comme étant tardives et ne permettant pas de respecter le contradictoire.
Aux termes de ses dernières écritures déposées le 19 mars 2024, M. [I] demande à la présente juridiction de :
- infirmer dans l'ensemble de ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire du Mans le 25 novembre 2020,
- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamner Mme [F] à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article
700 du Code de procédure civile,
- condamner Mme [F] aux entiers dépens.
Ces prétentions correspondent à celles d'ores et déjà formées aux termes de ses écritures du 10 août 2021.
Par conclusions déposées le jour de l'audience, il a été sollicité :
- le rejet des demandes de Mme [F] tendant à voir écarter des débats les pièces et conclusions qu'il a signifiées le 19 mars,
- le rabat du prononcé de la clôture et la fixation d'un calendrier de procédure.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé, en application des dispositions des articles
455 et
494 du Code de procédure civile, aux dernières écritures, ci-dessus mentionnées.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
Sur les conclusions déposées le 19 mars 2024 :
En droit, les articles
15 et
16 du Code de procédure civile disposent notamment que : 'Les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense',
'Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement (...)'.
Par ailleurs, le premier alinéa de l'article
803 du Code de procédure civile prévoit que : 'L'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue ; la constitution d'avocat postérieurement à la clôture ne constitue pas, en soi, une cause de révocation'.
Aux termes de ses dernières écritures dites d'irrecevabilité des conclusions, l'appelante indique que son contradicteur a déposé des écritures nouvelles 'contenant des éléments de fait supplémentaires et une argumentation différente ainsi que 5 nouvelles pièces', la veille de la clôture, ne lui permettant pas d'apporter la réplique nécessaire 'alors même que tant l'argumentaire développé que les pièces communiquées devaient pouvoir être examinés par elle'. L'appelante souligne que cette production tardive est d'autant moins justifiée que certaines des attestations dernièrement produites sont datées du mois d'août 2021 et que ses propres écritures ont été déposées le 13 novembre 2021, ce qui correspond au dernier acte de procédure pris par les parties. Elle conclut donc que cette communication, la veille de la clôture de pièces détenues de longue date caractérise une 'attitude (...) totalement déloyale', l'intimé faisant la démonstration d'une 'véritable volonté de [la] mettre dans l'impossibilité de pouvoir répliquer'.
Aux termes de ses dernières écritures dites d'incident de procédure, l'intimé expose avoir signifié ses dernières écritures au fond le 19 mars en 'prenant le soin d'indiquer dans son message RPVA qu'il n'était naturellement pas opposé à un report de la clôture afin de permettre à son contradicteur de répliquer'. Il précise avoir été avisé par erreur d'une date d'audience de plaidoiries au mois de novembre 2024, ce qui permettait aisément d'envisager le report qu'il mentionnait et qui n'a aucunement été sollicité par l'appelante. Il sollicite donc la révocation de l'ordonnance de clôture ainsi que la fixation d'un calendrier de procédure aux fins de permettre à l'appelante de présenter son argumentaire en réplique conformément aux prévisions de l'article
912 du Code de procédure civile.
Sur ce :
En l'espèce, il doit être souligné qu'antérieurement au mois de mars courant, les dernières écritures déposées dataient du mois de novembre 2021, l'intimé ayant pour sa part dernièrement conclu le 10 août 2021.
Cependant et alors même que l'avis de clôture et de fixation a été adressé le 22 février 2024, l'intimé a communiqué de nouvelles écritures le 19 du mois suivant et partant la veille de la clôture annoncée. Or ces nouvelles conclusions comprennent des développements plus importants quant aux éventuelles problématiques de santé présentées par l'animal ainsi que leurs préexistence et incidence. De plus ces écritures s'accompagnent également de la production de six nouvelles pièces.
Une telle communication, près de trois ans après le dernier dépôt d'écritures, la veille d'une clôture annoncée près d'un mois plus tôt, ne peut aucunement s'analyser en une communication en temps utile par l'intimé des moyens de fait et de droit sur lesquels il fonde ses prétentions, ainsi que des éléments de preuve qu'il produit, permettant à sa contradictrice d'organiser sa défense, quand bien même cette dernière a pu prendre des écritures pour exposer cette difficulté.
S'agissant de la demande de révocation de l'ordonnance de clôture et de renvoi de l'affaire à une audience postérieure et quelles que soient les éventuelles erreurs d'information quant à la date des débats, il ne peut qu'être souligné, ainsi que le fait valablement observer l'appelante, que son contradicteur a transmis, au cours du mois de mars 2024, cinq attestations dont il disposait depuis la fin août 2021 et un document qu'il affirme être la copie d'un site internet. Ainsi les écritures que l'intimé a dernièrement prises avaient vocation d'une part à répliquer à des écritures qui lui avaient été transmises au mois de novembre 2021 et d'autre part à intégrer des éléments dont il disposait depuis la fin de l'été 2021.
Dans ces conditions, la demande en révocation de l'ordonnance de clôture doit être rejetée, l'ancienneté des éléments ci-avant mentionnés excluant toute notion de cause grave au sens de l'article 803 ci-avant repris et les écritures déposées courant mars 2024 par l'intimé doivent être déclarées irrecevables ainsi que les pièces qu'il a communiquées dans les mêmes conditions de délais et désormais numérotées 9 à 14.
Sur le principe de responsabilité :
En droit, les articles
1875,
1876,
1880 et
1884 du Code civil disposent notamment que :
'Le prêt à usage est un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi',
'Ce prêt est essentiellement gratuit',
'L'emprunteur est tenu de veiller raisonnablement à la garde et à la conservation de la chose prêtée. Il ne peut s'en servir qu'à l'usage déterminé par sa nature ou par la convention ; le tout à peine de dommages-intérêts, s'il y a lieu',
'Si la chose se détériore par le seul effet de l'usage pour lequel elle a été empruntée, et sans aucune faute de la part de l'emprunteur, il n'est pas tenu de la détérioration'.
Le premier juge rappelant tant les dispositions légales relatives au prêt à usage que les stipulations du contrat a relevé que :
- l'entrée de la ponette dans les écuries de l'exploitant est intervenue le 5 septembre 2015, sans que ne soit réalisée l'expertise vétérinaire pourtant conventionnellement prévue,
- le seul examen médical de l'animal avant sa remise à l'exploitant et produit aux débats, date du 26 mai 2015 et fait état d'un bon état général, d'une absence de boiterie, mais le professionnel relève des signes de dorsalgie modérée outre que l'aplomb des pieds antérieurs est à surveiller et nécessite des fers particuliers,
- une attestation du maréchal ferrant intervenu sur la ponette établit que celle-ci présentait des molettes sur deux membres au mois de septembre 2015, sans pour autant qu'une boiterie ne soit constatée avant le mois de mai suivant,
- lors de l'examen vétérinaire intervenu quatre jours après la restitution du poney, un bon état général de l'animal est relevé même s'il est constaté la présence d'une molette tendineuse importante sur l'antérieur gauche pour autant sans boiterie.
Dans ces conditions, il a été retenu que si un échange de SMS entre la propriétaire et la cavalière courant avril 2016 faisait état de l'existence de molettes, il n'en demeurait pas moins qu'aucune boiterie de l'animal n'est relevée avant sa remise à l'exploitant pas plus que n'était diagnostiquée de tendinite avant cette date, et cela alors même que les antérieurs du poney avaient été radiographiés.
Le juge a par ailleurs observé que le premier diagnostic établissant la présence de molettes synoviales tendineuses sur les deux antérieurs résultent d'examens orthopédiques des 12 mai et 13 juin 2016, une boiterie en ligne droite au trot étant relevée uniquement en mai. Cependant, il a été retenu que la date d'apparition de cette pathologie tendineuse chronique n'est pas établie et, à cet égard, il a été considéré que la réalisation d'une expertise vétérinaire sur pièces ne permettrait pas d'apporter des éléments déterminants, l'examen de l'animal plusieurs années plus tard étant par ailleurs dénué de signification. Il a donc été considéré que la détérioration de l'état de santé de l'animal avait été constatée à compter du mois d'avril 2016.
Sur les suites de ce constat, il a été souligné que si l'examen orthopédique du mois de juin 2016 avait mis en évidence une évolution favorable des lésions, il prescrivait un programme de reprise d'activité sportive tout en préconisant l'absence de passage à l'étape suivante en cas de boiterie apparente. Or, il a été observé qu'un témoin a pu attester qu'au cours des championnats de France du mois de juillet 2016, il avait constaté que la ponette présentait de grosses mollettes aux antérieurs qui étaient au surplus anormalement chauds au toucher alors même que l'animal était au repos. Par ailleurs, il a été souligné que les diverses attestations produites établissent qu'au retour de l'animal chez sa propriétaire, celui-ci présentait de nouveau une boiterie au trot et son état de santé a justifié d'un arrêt d'activité sportive pendant sept mois. Dans ces conditions et dès lors que la ponette pouvait avoir une activité sportive lors de son arrivée chez l'exploitant, il a été retenu l'existence d'une détérioration de son état de santé. Dans ces conditions et au regard d'une présomption de faute, il a été considéré que la responsabilité de l'exploitant était engagée dès lors :
- qu'il n'était pas démontré que le changement de ferrure décidé par la propriétaire soit à l'origine de la détérioration de l'état de santé de l'animal,
- que si une fragilité préexistait, elle ne correspond aucunement à un cas fortuit ou de force majeure de nature à l'exonérer de sa responsabilité,
- qu'il ne justifiait pas avoir respecté les stipulations du contrat quant aux formes de l'information devant être délivrée à la propriétaire s'agissant de l'état préoccupant de la ponette,
- qu'il a maintenu la participation de l'animal aux épreuves du championnat de France poney alors même que la dégradation de l'état de santé de la ponette était visible.
Aux termes de ses dernières écritures, l'appelante indique qu'en application des dispositions des articles
1880 et
1884 du Code civil 'l'emprunteur, tenu de l'obligation de restituer le bien prêté dans le même état que celui dans lequel il est reçu, est responsable de toute détérioration survenue pendant la jouissance du bien, sauf à démontrer qu'elle résulte d'un cas fortuit ou qu'il n'a commis aucune faute'. A ce titre elle soutient que la ponette n'a pas été restituée en l'état dans lequel elle se trouvait à sa remise, dès lors qu'elle souffrait d'une tendinite incorrectement soignée et qui n'était pas relevée avant son prêt. L'appelante affirme que toute allégation d'un état antérieur est 'vouée à l'échec' dès lors que les aplombs et molettes constatés nécessitaient uniquement la pose de fers adaptés et que l'examen vétérinaire du mois de mai 2015 ne constate aucune anomalie des tendons à la différence de celui du 17 juillet 2016 constatant une molette tendineuse importante sur l'antérieur gauche. Par ailleurs, elle souligne que l'ensemble des examens vétérinaires postérieurs établit une 'cicatrisation imparfaite de lésions anciennes' démontrant donc que son contradicteur 'a surutilisé la ponette pour permettre à sa fille de concourir au championnat de France'. Elle en déduit que les pièces médicales produites 'démontrent non seulement que la tendinite de la ponette est apparue lorsque l'animal était confié au défendeur, mais surtout que ce dernier a mal soigné cette pathologie, aggravant son état'. Au demeurant, elle souligne que le défaut de soin est caractérisé par l'état de la ponette lors des championnats de France de 2016, qui a fait l'objet d'un témoignage mentionnant un animal 'privé de soins, amorphe, et au surplus privé d'eau, en plein été'.
Aux termes de ses uniques écritures recevables, l'intimé affirme qu'il 'est établi par les examens médicaux pratiqués sur le poney que celui-ci avait les tendons fragiles et souffrait de tendinites chroniques et donc anciennes avant sa prise de possession'. A ce titre, il expose que :
- la consultation vétérinaire du 26 mai 2015 préconisait une surveillance de l'aplomb des pieds antérieurs qui nécessitaient par ailleurs un parage en pince, fers bien ajustés avec plaques ouvertes
- le maréchal ferrant intervenu au dépôt de l'animal précise qu'il présentait déjà des molettes sur les deux membres
- l'échographie pratiquée le 12 mai 2016 confirme le diagnostic de tendinopathie chronique
- l'examen vétérinaire du 14 septembre 2016 conclut également à l'existence d'une tendinite bilatérale chronique des fléchisseurs profonds.
Par ailleurs, l'intimé soutient n'avoir commis aucune faute, ayant toujours suivi les instructions qui lui avaient été délivrées par la propriétaire (soins, ferrures même lorsque les demandes de l'appelante contrariaient les recommandations du vétérinaire, pose d'argile et d'huiles essentielles) et avoir systématiquement avisé celle-ci de l'évolution de la ponette transmettant notamment les documents médicaux. Au demeurant, il souligne que sa contradictrice ne lui a formulé aucun reproche s'agissant de sa prise en charge au cours de celle-ci, lui laissant même l'animal en suite des championnats de France de juillet 2016 et cela jusqu'au 13 de ce même mois. En outre, il souligne que les examens médicaux pratiqués tant le 13 juin 2016 qu'en suite de la restitution de l'animal le 17 juillet 2016 ne retrouvent aucune boiterie, qui n'est médicalement constatée que le 30 août suivant, elle est donc survenue postérieurement à la restitution et ne peut lui être imputée.
Enfin, s'agissant de la boiterie de la ponette, l'intimé indique :
- que le fait qu'aucune boiterie ne soit constatée au pas, au mois de juillet 2016, ne signifie pour autant pas qu'une telle difficulté existerait au trot, or la preuve d'une boiterie au jour de la restitution de l'animal incombe à l'appelante,
- que les attestations produites par sa contradictrice ne sauraient contredire les constatations des vétérinaires intervenus et en tout état de cause, M. [U] mentionne une boiterie constatée le 30 août et Mme [V] précise avoir fait un constat identique au retour de l'animal à l'élevage, soit postérieurement au 30 août 2016, puisqu'avant cette date la ponette se trouvait chez le maréchal ferrant de la propriétaire,
- ne pouvoir être tenu pour responsable de la dégradation de l'état de l'animal postérieurement à sa restitution.
Sur ce :
En l'espèce, le contrat litigieux stipule notamment que 'le propriétaire confie à l'exploitant, qui accepte par le présent contrat, l'entretien physique et moral du poney, l'entraînement en compétition du poney (...) Shalimar de Lamélie destiné à l'usage de (...) CSO [concours de saut d'obstacles] catégorie poney (...).
Le propriétaire remettra à cette date [entrée dans les écuries de l'exploitant] à l'exploitant, qui lui en donnera acte à ce moment par reçu :
1. Une copie du compte-rendu d'expertise vétérinaire du poney, datant de moins de 10 jours (...), la charge financière de cette expertise étant assurée par l'exploitant
2. Le livret signalétique (...).
Dès l'entrée du poney dans ses écuries, l'exploitant devient le gardien au sens du Code civil et de la jurisprudence.
Il s'engage, par le présent contrat à prendre soin du poney désigné en bon père de famille et à tout mettre en oeuvre, selon les usages et les règles de la profession, pour la meilleure mise en valeur de sa carrière, en l'utilisant en fonction de ses possibilités et de son état. (...)
L'exploitant s'engage également à informer le propriétaire de tout événement extraordinaire ou de toute anomalie constatée (...), dans les 24 heures de sa survenue, par [LRAR], en parallèle d'un appel téléphonique en direct. (...)
Tous les frais correspondant à l'exploitation du poney, et pendant toute la durée de celle-ci, sont à la charge de l'exploitant, et en particulier les frais de pension, d'alimentation, de maréchal ferrant, de vétérinaire, d'ostéopathie, de dentiste, de transport (...). L'exploitant a également en charge d'assurer les traitements adéquats nécessaires pour prévenir toute gêne lors de la mise au travail du poney (Tildren, mésothérapie,...) ; ces traitements ayant 1) déjà étaient (sic) prescrits lors d'examens antérieurs ou 2) mis en place lors d'un examen réalisé au cours de la saison d'exploitation du poney, et identifiés comme indispensables pour le bien-être du poney.
Les gains de quelque nature que ce soit, en espèce ou en nature, seront la propriété de l'exploitant et/ou du cavalier par accord entre eux, à l'exception (...).
Toute contestation relative à l'exécution du présent contrat serait du ressort des juridictions compétentes du lieu de l'élevage du poney'.
Il résulte de ce qui précède que cette convention ne prévoit pas de rémunération de l'exploitant, de sorte qu'elle est réputée gratuite.
Par ailleurs, elle emporte remise de la ponette pour être utilisée par l'exploitant, dans ces conditions, le premier juge était fondé à considérer que ce contrat s'analyse en un prêt à usage au sens des dispositions ci-dessus reprises, ce qui au demeurant ne fait l'objet d'aucune contestation de la part des parties.
Au-delà de cette précision, l'appelante affirme en substance 'que l'animal n'a pas été rendu dans l'état dans lequel il a été confié', dès lors que les lésions tendineuses et l'éventuelle boiterie qu'elles impliquent, n'étaient pas antérieures à son dépôt.
Cependant, il doit être souligné qu'en matière de commodat, il n'existe pas de disposition correspondant à l'article
1731 du Code civil posant un principe de bon état des lieux en matière de baux à défaut de constat initial.
Dans ces conditions, les règles de preuve de droit commun s'appliquent quant à l'état du bien remis dans le cadre d'un prêt à usage, de sorte que celui qui invoque son bon état initial doit le prouver.
A ce titre, le 'compte-rendu d'expertise vétérinaire du poney, datant de moins de 10 jours' visé au contrat et devant être réalisé aux frais finaux de l'exploitant n'a jamais été réalisé.
La seule pièce communiquée par l'appelante et antérieure à la remise de l'animal dans le cadre du contrat litigieux, correspond à la copie d'un compte rendu d'examen vétérinaire du 26 mai 2015 pratiqué en raison d'un 'stress en concours et défenses au montoir et au travail rassemblé d'aggravation progressive depuis environ 2 ans' et qui précise à l'examen clinique : 'bon état général, paramètres vitaux normaux
Pieds antérieurs : pinces longues, fin de ferrure, chaleur modérée en paroi
Dos sensible lors des mobilisations/palpations
Absence de boiterie dans toutes les circonstances d'examen
(...)
Radiographies (...) : pieds antérieurs (profils) : aplomb phalangien inversé sur l'AD avec sole mince en talons (...)
Conclusion
Shalimar présente des signes de dorsalgie modérée associés à la présence de lésions d'arthropathie intervertébrale thoracique caudale (sous la selle).
L'aplomb des pieds antérieurs est à surveiller (parages réguliers en pince).
Conduite à tenir (...) : pieds antérieurs : parer en pince. Fers biens ajustés (rolling) avec plaques ouvertes'.
Ainsi si ce compte rendu, faisant état de dorsalgies peut expliciter la mention au contrat de potentielles mésothérapies, il n'en demeure pas moins que l'examen vétérinaire produit par l'appelante date du mois de mai 2015 et que la ponette a été remise à l'exploitant le 5 septembre suivant soit plus de trois mois plus tard et cela alors même que la convention régularisée entre les parties prévoyait la réalisation d'un examen à 10 jours.
Cette mention du contrat ne peut que souligner le caractère ancien de cet examen vétérinaire, qui est insusceptible de démontrer l'état de l'animal plus de trois mois plus tard et cela alors même qu'il est déjà mentionné une difficulté d'orientation des membres antérieurs de la ponette dont il est démontré qu'ils sont ceux affectés des lésions tendineuses objet de la présente contestation.
Au surplus, l'intimé communique aux débats copie d'une attestation du maréchal ferrant intervenu, entre autres, sur la ponette lors de son arrivée chez l'exploitant et qui indique notamment : 'lorsque la jument Shalimar est arrivée en septembre 2015 elle présentait déjà des molettes sur les deux membres'.
Il doit en outre être rappelé que le contrat régularisé entre les parties, fait état de traitements en cours ou dont la prescription pourrait être de nouveau nécessaire, dès lors qu'il mentionne expressément que 'L'exploitant a (...) en charge d'assurer les traitement adéquats nécessaires pour prévenir toute gêne lors de la mise au travail du poney (Tildren, (...)) ; ces traitements ayant 1) déjà étaient (sic) prescrits lors d'examens antérieurs ou 2) mis en place lors d'un examen réalisé au cours de la saison d'exploitation du poney, et identifiés comme indispensables pour le bien-être du poney'.
De l'ensemble, il résulte que l'appelante fonde ses affirmations quant au bon état de l'animal à sa remise sur un compte rendu d'examen vétérinaire du mois de mai 2015 ne relevant la présence d'aucune molette mais faisant état de difficultés sur les membres antérieurs de l'animal qui au surplus trois mois plus tard seront le support des molettes constatées par un professionnel du soin des
équidés. De plus cet examen de mai 2015 ne prescrit aucun traitement alors même que le contrat liant les parties fait état de la nécessité, présente ou passée et peut-être à venir, de traitement et/ou soin.
Ainsi, l'appelante sur laquelle repose la charge de la preuve de l'état de l'animal au jour de son prêt ne prouve aucunement le bon état (à tout le moins des membres antérieurs de
l'équidé) qu'elle invoque de sorte qu'elle ne peut aucunement démontrer qu'en violation des dispositions du Code civil ci-dessus reprises l'animal lui a été restitué dans un état plus dégradé.
Ses demandes indemnitaires doivent donc être rejetées, et les dispositions du jugement infirmées en ce sens.
Sur les demandes accessoires :
L'appelante qui succombe doit être condamnée aux dépens tant de première instance que d'appel, le jugement étant infirmé en ce sens.
Enfin, l'équité commande de rejeter l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile de sorte que la décision de première instance sera infirmée mais uniquement en ce qu'elle condamne M. [I] à ce titre.
PAR CES MOTIFS
La cour,
REJETTE la demande en révocation de l'ordonnance de clôture et fixation d'un calendrier de procédure ;
DECLARE irrecevables les conclusions déposées le 19 mars 2024 par M. [G] [I] ainsi que les pièces qu'il a communiquées dans les mêmes conditions de délais et numérotées 9 à 14 ;
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire du Mans, sauf en celles de ses dispositions ayant rejeté les demandes des parties ;
Statuant de nouveau de ces chefs et y ajoutant :
REJETTE les demandes indemnitaires formées par Mme [E] [F] ;
REJETTE l'ensemble des demandes fondées sur les dispositions de l'article
700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [E] [F] aux dépens.
LE GREFFIER P/LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE
T. DA CUNHA L. ELYAHYIOUI