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Tribunal administratif de Poitiers, 3ème Chambre, 24 juin 2024, 2202949

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Poitiers
  • Numéro d'affaire :
    2202949
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : Mme Bréjeon
  • Avocat(s) : CABINET FREGET GLASER § ASSOCIES
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés le 24 novembre 2022, le 28 novembre 2022 et le 12 octobre 2023, la SAS Edunao, représentée par Me Peyret, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision par laquelle le Centre national d'enseignement à distance (CNED) a implicitement rejeté sa demande de communication de documents administratifs relatifs à différents marchés conclus depuis 2014 par l'établissement en matière d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle ; 2°) d'enjoindre au CNED de lui communiquer l'ensemble de ces documents, le cas échéant sous les réserves mentionnées par la commission d'accès aux documents administratifs (CADA) dans son avis n° 20224629 du 22 septembre 2022, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge du CNED la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : -les documents dont elle a demandé la communication au CNED sont communicables, sous réserve des secrets protégés par la loi ; - sa demande de communication ne présente pas de caractère abusif au sens de l'article L. 311-2 du code des relations entre le public et l'administration. Par des mémoires en défense enregistrés le 28 juin 2023 et le 28 février 2024, le CNED, représenté par l'AARPI Fréget Glaser et Associés, conclut au rejet de la requête, et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Edunao au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la demande de communication de la société Edunao revêt un caractère abusif dès lors que, d'une part, y accéder aurait pour effet de perturber le bon fonctionnement de ses services, au regard du volume des documents sollicités et de la charge de travail liée à son traitement, et, d'autre part, il existe un climat de tension entre la société Edunao et lui ; - ne sont pas communicables, d'une part, les bons de commande des marchés visés par la demande de la société Edunao et les commandes qu'il a adressées à l'UGAP, dont la divulgation porterait atteinte au secret des affaires, et, d'autre part, certaines pièces constitutives du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC, qu'il ne détient pas. Par une ordonnance du 29 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 mars 2024. Un mémoire produit par la société Edunao, enregistré le 2 juin 2024, postérieurement à la clôture de l'instruction, n'a pas été communiqué. Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ; - le décret n° 2006-975 du 1er août 2006 portant code des marchés publics ; - le code de justice administrative. Cette affaire, qui relève du 4° de l'article R. 222-13 du code de justice administrative, a été renvoyée en formation collégiale en application de l'article R. 222-19 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Gibson-Théry, - les conclusions de Mme Bréjeon, rapporteure publique, - les observations de Me Peyret, représentant la société Edunao, et de Me Glaser, représentant le CNED.

Considérant ce qui suit

: 1. Par un courrier du 25 avril 2022 et réceptionné le 28 avril suivant, la société Edunao a sollicité du CNED la communication, en application des articles L. 311-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration, de l'ensemble des documents administratifs relatifs aux différents marchés conclus depuis 2014 par l'établissement et portant sur les prestations d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle, comprenant notamment les marchés conclus avec la société KTM Advance puis, en dernier lieu, les marchés référencés n° 2018DG15, n° 2021DG04 et n° 2021DG35, expurgés le cas échéant des informations couvertes par le secret des affaires, ainsi que l'ensemble des pièces ayant permis au CNED de confier ces prestations à un ou plusieurs prestataires au travers du marché multi-éditeurs conclu par l'Union des groupement d'achats publics (UGAP), en ce compris notamment les commandes adressées par le CNED à l'UGAP, le prix global de l'offre du ou des prestataires en cause, le détail des prestations proposées par ces derniers, l'identité de leurs éventuels sous-traitants et les actes de sous-traitance correspondants, et la version finale du cahier des charges contenant l'expression de besoin du CNED. En l'absence de réponse du CNED, la société Edunao a saisi la CADA d'une demande d'avis relative à la communication de ces documents. Par un avis du 22 septembre 2022, la CADA a émis un avis favorable à la communication de certains de ces documents sous réserve de l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires, et un avis défavorable à la communication de certains autres documents. Par sa requête, la société Edunao demande au tribunal d'annuler la décision par laquelle le CNED a implicitement rejeté sa demande de communication de documents administratifs relatifs à différents marchés conclus depuis 2014 par l'établissement en matière d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle. Sur les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article de l'article L. 311-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Sous réserve des dispositions des articles L. 311-5 et L. 311-6, les administrations mentionnées à l'article L. 300-2 sont tenues de publier en ligne ou de communiquer les documents administratifs qu'elles détiennent aux personnes qui en font la demande, dans les conditions prévues par le présent livre ". Le dernier alinéa de l'article L. 311-2 du même code dispose que : " L'administration n'est pas tenue de donner suite aux demandes abusives, en particulier par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique ". L'article L. 311-6 de ce code prévoit que : " Ne sont communicables qu'à l'intéressé les documents administratifs : 1° Dont la communication porterait atteinte à la protection de la vie privée, au secret médical et au secret des affaires () ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Lorsque la demande porte sur un document comportant des mentions qui ne sont pas communicables en application des articles L. 311-5 et L. 311-6 mais qu'il est possible d'occulter ou de disjoindre, le document est communiqué au demandeur après occultation ou disjonction de ces mentions ". 3. Les articles L.311-1 à L. 311-6 du code des relations entre le public et l'administration consacrent un droit à la communication des documents administratifs qui ne se confond pas avec un droit d'accès aux informations contenues dans ces documents. 4. La personne qui demande la communication de documents administratifs n'a pas à justifier de son intérêt à ce que ceux-ci lui soient communiqués. En revanche, lorsque l'administration fait valoir que la communication des documents sollicités, en raison notamment des opérations matérielles qu'elle impliquerait, ferait peser sur elle une charge de travail disproportionnée au regard des moyens dont elle dispose, il revient au juge de prendre en compte, pour déterminer si cette charge est effectivement excessive, l'intérêt qui s'attache à cette communication pour le demandeur ainsi, le cas échéant, que pour le public. 5. Il résulte de l'instruction que, par son avis du 22 décembre 2022, la CADA a émis, concernant les cinq marchés au titre desquels la société Edunao demande la communication de divers documents, un avis défavorable à la communication tant des échanges du CNED avec les candidats lors des négociations, lorsqu'elles ont eu lieu, dans le cadre de la passation de ces marchés, qu'au détail des prestations proposées par les prestataires titulaires du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC. En revanche, elle a émis un avis favorable, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires, à la communication des cahiers des clauses particulières des marchés ainsi que des marchés subséquents dans leur version définitive, des procès-verbaux d'ouverture des candidatures et des offres ou du nom des soumissionnaires, des rapports d'analyse des offres comprenant les éléments de notation et de classement, des rapports de présentation afférents, des offres de prix globales des soumissionnaires, des bons de commande, avenants et actes de sous-traitance, et, concernant les pièces constitutives du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC, des commandes adressées par le CNED à l'UGAP, de l'identité des éventuels sous-traitants et actes de sous-traitance correspondants et de la version finale du cahier des charges contenant l'expression de besoin du CNED. En outre, la CADA a indiqué être favorable à la communication du dossier de candidature de l'attributaire de chacun des cinq marchés considérés, contenant les formulaires de candidature et de déclaration du candidat, sous réserve de l'occultation des mentions protégées par le secret des affaires et le secret de la vie privée, en ciblant à ce titre l'extrait Kbis. Dans ce cadre, la CADA a précisé que n'étaient pas communicables, s'agissant de tous les soumissionnaires, les mentions relatives aux moyens techniques et humains, à la certification de système qualité, aux certifications tierces parties et aux certificats de qualification concernant la prestation demandée, ainsi que toute mention concernant le chiffre d'affaires, les coordonnées bancaires et les références autres que celles qui correspondent à des marchés publics, ni, dans le cadre de l'analyse des offres, les mentions relatives aux détails techniques et financiers des offres de toutes les entreprises, et les notes et classements des entreprises non retenues. Il résulte, enfin, de l'avis de la CADA, que, concernant les actes de sous-traitance, ne sont communicables que les actes et formulaires des sous-traitants dont le paiement direct a été agréé par le CNED, sous les réserves précédemment mentionnées. 6. Le CNED fait valoir que la demande de communication formulée par la société Edunao porte sur un volume important de documents, qu'il estime à 2 600 pages au total, impliquant une charge de travail trop lourde pour la direction en charge des achats et notamment le service des marchés publics, qui perturberait le bon fonctionnement de ses services, et que seul le climat de tension régnant entre lui et la société Edunao, se traduisant par l'engagement de trois procédures contentieuses à son encontre, explique la demande de la société requérante, qui revêt ainsi un caractère abusif. 7. D'une part, si le CNED invoque le grand nombre de documents concernés par la demande de communication, non précisément identifiés et dont certains datent de neuf années, impliquant un travail de sélection et de numérisation, il résulte de l'instruction que le CNED a pu, toutefois, identifier les cinq marchés correspondant à la demande, au titre desquels un seul candidat a soumis une offre pour deux d'entre eux, deux candidats ont déposé une offre dans le cadre de deux autres procédures et cinq candidats ont proposé une offre pour le dernier marché. En outre, il résulte de l'article 56 du code des marchés publics de 2006 applicable aux marchés passés antérieurement à la réforme de la commande publique ayant conduit à la généralisation de la dématérialisation des procédures de marchés publics depuis le 1er octobre 2018, qu'à partir du 1er janvier 2012, pour les achats de fournitures de matériels informatiques et de services informatiques d'un montant supérieur à 90 000 euros Hors Taxes (HT), les pouvoirs adjudicateurs étaient tenus de mettre à disposition des candidats un profil d'acheteur permettant la remise électronique des candidatures et des offres. Dès lors, si la demande d'Edunao suppose, ainsi que le soutient le CNED, un travail d'occultation manuelle pour tenir compte du secret des affaires et du secret de la vie privée, cette occultation ne concerne pas les documents contractuels rédigés par le CNED et issus du dossier de consultation des entreprises, que sont les cahiers des clauses particulières et les marchés subséquents. Elle porte, ainsi, sur cinq procès-verbaux, cinq rapports d'analyse et cinq rapports de présentation rédigés dans le cadre de ces procédures, nécessairement dématérialisées, au titre desquelles peu de candidats ont remis une offre, ainsi que, notamment, sur la candidature de l'attributaire de chacun des cinq marchés, les bons de commande, actes de sous-traitance des sous-traitants agréés et avenants conclus dans le cadre de leur exécution. Dans ces conditions, en dépit du temps à passer pour occulter les éléments protégés par le secret des affaires et le secret de la vie privée tels que la CADA les a mentionnés dans son avis précité, et malgré le petit nombre de quatre agents composant le service des marchés publics du CNED, dont le suivi de l'exécution relève, au demeurant et en principe, hormis pour la passation des éventuels avenants, des directions opérationnelles qui en ont demandé la passation et de la direction financière, la demande de communication de la société Edunao ne peut être regardée comme représentant une charge de travail excessive au regard des moyens dont le CNED dispose pour y répondre. Enfin, si les pièces constitutives du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC sont, sous les réserves précitées, communicables par principe, la demande adressée au CNED ne saurait être satisfaite que dans la mesure où ces documents sont effectivement détenus par le CNED. 8. D'autre part, s'il est constant que la société Edunao a assigné à trois reprises le CNED devant le tribunal administratif de Poitiers, notamment pour contester le rejet d'une offre qu'elle lui avait soumise, et que sa demande de communication de documents a été formulée moins d'un mois après le rejet de son référé précontractuel par ordonnance du 1er avril 2022, ces circonstances sont insuffisantes, au regard de son droit à la communication des documents administratifs détenus par le CNED, alors qu'elle n'a pas à justifier de son intérêt à les obtenir, pour regarder cette demande de communication comme abusive. Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte : 9. En raison du motif qui la fonde, l'annulation de la décision par laquelle le CNED a implicitement rejeté la demande de communication présentée par la société Edunao implique nécessairement, compte tenu de l'absence de changements de circonstances de droit ou de fait y faisant obstacle, que le CNED communique à la société requérante, sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, les documents relatifs aux marchés conclus depuis 2014 par l'établissement en matière d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle, dont la liste apparaît dans l'avis du 22 mars 2022 de la CADA, sous les réserves expressément mentionnées par la commission, rappelées au point 5 du présent jugement, et à la condition que le CNED dispose des documents s'agissant du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC. Il y a lieu d'enjoindre au CNED de procéder à cette communication dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par la société Edunao. Sur les frais liés au litige : 10.Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Edunao, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par le CNED au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CNED une somme de 1 300 euros au titre des frais exposés par la société Edunao et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1 : La décision implicite du CNED de refus de communication opposée à la société Edunao est annulée. Article 2 : Il est enjoint au CNED de communiquer à la société Edunao les documents relatifs aux marchés conclus depuis 2014 par l'établissement en matière d'hébergement, d'infogérance et de tierce maintenance applicative de ses plateformes Moodle, sous les réserves expressément mentionnées par la CADA, et à la condition que le CNED dispose des documents s'agissant du marché multi-éditeurs conclu par l'UGAP avec la société SCC, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Le CNED versera à la société Edunao une somme de 1 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Edunao et au centre national d'enseignement à distance. Délibéré après l'audience du 6 juin 2024, à laquelle siégeaient : M. Cristille, président, Mme Thèvenet-Bréchot, première conseillère, Mme Gibson-Théry, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 juin 2024. La rapporteure, Signé S. GIBSON-THERY Le président, Signé P. CRISTILLE La greffière, Signé N. COLLET La République mande et ordonne au préfet de la Vienne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Pour le greffier en chef, La greffière, N. COLLET

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