Cour d'appel d'Amiens, 2EME PROTECTION SOCIALE, 28 novembre 2022, 21/02802

Mots clés A.T.M.P. : Demande d'un employeur contestant une décision d'une caisse · maladie · société · procédure civile · risque · professionnelle · employeur · sécurité sociale · recours · ressort · caisse · statuer · preuve · tableau · questionnaire

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Amiens
Numéro affaire : 21/02802
Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Président : Mme Jocelyne RUBANTEL

Texte

ARRET

N°979

S.A.S.U. [3]

C/

Caisse CPAM DE L'ARTOIS

COUR D'APPEL D'AMIENS

2EME PROTECTION SOCIALE

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2022

*************************************************************

N° RG 21/02802 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDTW - N° registre 1ère instance : 19/00641

JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ARRAS EN DATE DU 12 avril 2021

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

La S.A.S.U. [3] agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée et plaidant par Me BRANLY substituant Me Thierry DOUTRIAUX de la SELARL SOLUCIAL AVOCATS, avocat au barreau de LILLE, vestiaire : 0244

ET :

INTIMEE

La CPAM DE L'ARTOIS agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée et plaidant par Me Véronique SOUFFLET de la SELARL CHIVOT-SOUFFLET, avocat au barreau d'AMIENS

DEBATS :

A l'audience publique du 16 Juin 2022 devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 28 Novembre 2022.

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Audrey VANHUSE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Mme [K] [I] en a rendu compte à la Cour composée en outre de :

Mme Jocelyne RUBANTEL, Président,

Mme Chantal MANTION, Président,

et Mme Véronique CORNILLE, Conseiller,

qui en ont délibéré conformément à la loi.

PRONONCE :

Le 28 Novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Jocelyne RUBANTEL, Président a signé la minute avec Mme Mélanie MAUCLERE, Greffier placé.

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DECISION

Mme [G] [S], salariée de la SASU [3] en qualité de couturière, a le 25 novembre 2018, régularisé une déclaration de maladie professionnelle, soit un canal carpien gauche, relevant du tableau 57C, sur la base d'un certificat médical initial du 13 novembre 2018.

Par courrier du 16 janvier 2019, la SASU [3] a formulé des réserves.

Après instruction du dossier, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois (ci-après la CPAM) a notifié à la société, le 15 février 2019, un accord de prise en charge au titre de la législation professionnelle.

La SASU [3] a contesté l'opposabilité de cette décision devant la commission de recours amiable puis, suite à une décision de rejet, devant le tribunal judiciaire d'Arras, lequel par jugement du 12 avril 2021 a :

- débouté la SASU [3] de l'intégralité de ses demandes, en ce compris sa demande de condamnation de la CPAM de l'Artois au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré opposable à la SASU [3] la décision de la CPAM de l'Artois du 15'février 2019 de prise en charge de la pathologie déclarée le 20 novembre 2018,

- condamné la SASU [3] à verser à la CPAM de l'Artois la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la SASU [3] aux dépens.

La SASU [3] a interjeté appel de cette décision le 28 mai 2021, suite à la notification du 30 avril 2021.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 16 juin 2022.

Par conclusions, visées par le greffe et soutenues oralement à l'audience, la SASU [3] prie la cour :

A titre principal, de':

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes, déclaré opposable la décision de prise en charge de la pathologie et l'a condamnée à verser la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- annuler la décision de rejet de la commission de recours amiable,

- lui déclarer inopposable la décision reconnaissant la qualification de maladie professionnelle,

A titre subsidiaire, de':

- inscrire le sinistre sur le compte spécial,

En tout état de cause, de':

- condamner la CPAM de l'Artois à payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la CPAM de l'Artois aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses demandes, la société SASU [3] développe en substance, les éléments suivants :

- L'affection de l'assurée ne remplit pas les conditions du tableau n° 57 et n'a pas directement été causée par le travail habituel dans la mesure où elle a occupé des fonctions de couturière chez d'autres employeurs et qu'elle n'a pas vocation, à effectuer des mouvements prolongés d'extension ou de flexion du poignet.

De plus, le document unique d'évaluation des risques de l'année 2017 ne décrit aucun geste ni aucune posture qui seraient prolongés et n'identifie ainsi aucun des travaux listés au tableau n°57 et elle estime qu'en cas de doute sur l'origine professionnelle de la maladie, il y aurait lieu de diligenter une expertise médicale judiciaire. Elle soutient que lorsqu'elle a consulté le dossier il n'y avait ni lettre de réserves ni certificats médicaux de prolongation, ce qui procède d'un refus manifeste de la CPAM de l'Artois de tenir compte des observations de l'employeur et donc de respecter le principe du contradictoire.

Elle fonde sa demande tendant à l'inscription de la maladie au compte spécial sur le fait que l'assurée a exercé la profession de couturière dans plusieurs entreprises différentes et qu'il est, par conséquent, impossible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué l'affection et souligne qu'il est légitime de considérer que l'assurée a contracté sa maladie au cours de ses seize années d'activité professionnelle chez d'autres employeurs plutôt qu'au cours de ses dix mois d'activité au sein de la SASU [3], d'autant plus qu'à la date du litige, ce sinistre n'avait pas encore impacté le taux de cotisation.

Lors de l'audience du 16 juin 2022, la cour a sollicité une note en délibéré afin d'obtenir la notification des taux de cotisation.

Par courrier du 6 juillet 2022, la SASU [3] a transmis les documents demandés et fait valoir qu'à la date de saisine du tribunal elle n'avait pas encore reçu la notification du taux de cotisation de la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (ci-après la CARSAT) reprenant la pathologie de l'assurée et que de ce fait la présente cour demeure compétente pour statuer sur cette demande d'inscription au compte spécial.

Par conclusions, visées par le greffe le 16 juin 2022 et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de l'Artois prie la cour de':

- dire la société mal fondée en son appel,

- débouter la société de ses fins, moyens et conclusions,

- confirmer le jugement entrepris,

- constater l'irrecevabilité de la demande d'imputation au compte spécial en l'absence de production de la notification du compte employeur,

A défaut, de':

- dire qu'il convient d'appeler la CARSAT en la cause,

En tout état de cause, de':

- condamner la société au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La caisse primaire fait valoir qu'elle a adressé un questionnaire à l'employeur et à l'assurée, qu'il ressort des tâches décrites tant par l'assurée que par la société que les mouvements de préhension de la main font partie intégrante du poste et que l'exigence d'une exposition habituelle n'implique pas que les travaux exposants aient pris une part prépondérante dans l'activité considérée.

Elle soutient que le dossier était complet, et que c'est à l'occasion de la transmission du questionnaire que l'employeur a fait part pour la première fois de ses réserves.

Au surplus, la société a été en mesure de consulter le questionnaire, dans lequel figurait le courrier de réserves, puisque partie intégrante du document.

Elle précise qu'elle ne dispose pas de l'intégralité de ces certificats qui, par ailleurs, n'ont aucune incidence sur la question de l'origine professionnelle de la pathologie et ne peuvent ainsi rendre inopposable la décision de prise en charge.

Pour s'opposer à la demande d'inscription de la maladie au compte spécial, elle constate que l'employeur ne produit pas la notification du taux de cotisation sur laquelle apparaît l'imputation de la maladie litigieuse de sorte qu'il n'est pas possible d'apprécier la recevabilité de cette demande.

Ainsi, elle rappelle que l'imputation au compte employeur est du ressort de la CARSAT.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.


MOTIFS

Sur la demande tendant à l'annulation de la décision de la commission de recours amiable

Si l'article R. 142-10-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par le décret n°96-786 du 10 septembre 1996, subordonne la saisine du tribunal des affaires de sécurité sociale à la mise en 'uvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d'administration de chaque organisme social en application de l'article R. 142-1 du même code, ces dispositions réglementaires ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité ou la nullité de la décision de cette commission qui revêt un caractère administratif.

Il convient ainsi de rejeter la demande d'annulation de la décision de la commission de recours amiable présentée par la SASU [3], sans qu'il y ait lieu de statuer à nouveau sur ce point.

Sur le caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau des maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

En cas de contestation par l'employeur d'une décision de prise en charge, il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de démontrer que les conditions du tableau de maladies professionnelles, dont elle invoque l'application, sont remplies. Tandis qu'il revient à l'employeur, si la présomption est établie, d'apporter la preuve contraire en établissant que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie.

En l'espèce, la maladie déclarée par Mme [S] a été prise en charge par la CPAM de l'Artois le 15 février 2019 au titre du tableau 57 des maladies professionnelles, soit «'affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail'», plus particulièrement au titre du paragraphe C relatif au syndrome du canal carpien.

Le paragraphe C de ce tableau prévoit les conditions cumulatives suivantes':

une désignation de la maladie': «'syndrome du canal carpien'»,

un délai de prise en charge': «'30 jours'»,

une liste limitative des travaux susceptibles de provoquer ces maladies': «'travaux comportant de façon habituelle, soit des mouvements répétés ou prolongés d'extension du poignet ou de préhension de la main, soit un appui carpien, soit une pression prolongée ou répétée sur le talon de la main'».

Il convient de préciser que la désignation de la maladie comme le délai de prise en charge ne sont pas contestés par les parties.

La CPAM de l'Artois a adressé un questionnaire à la salariée, duquel il ressort que':

- elle est salariée de la société, en qualité de couturière, depuis le 27 novembre 2017,

- elle utilise un outil vibrant, à savoir une machine à coudre,

- elle a exercé, avec sa main gauche, sur une durée cumulée de plus ou moins huit heures par jour, des mouvements à l'aide de ses mains et de ses doigts consistant en des prises d'objets en pince, des prises d'objets palmaires en crochet, des mouvements de flexion et d'extension du poignet ainsi que d'adduction et d'abduction dans la zone d'inconfort.

La CPAM de l'Artois a adressé ce même questionnaire à l'employeur, duquel il ressort que la salariée effectuait, quotidiennement, avec sa main gauche':

- des mouvements à l'aide de ses mains et de ses doigts consistant en des prises d'objets en pince, des prises d'objets palmaires, sans indication de durée,

- des mouvements de flexion, d'extension, d'adduction et d'abduction du poignet dans la zone d'inconfort, à raison de six à sept heures par jour.

Dès lors, les questionnaires respectivement établis par la salariée et l'employeur décrivent des mouvements de la main, des doigts et du poignet gauche réalisés de manière habituelle et correspondant aux travaux de la liste du tableau 57C.

Ainsi, face à ces affirmations concordantes, il importe peu que le document unique d'évaluation des risques, qui n'est pas pertinent dans l'appréciation des gestes effectivement réalisés par la salariée, n'identifie pas les travaux listés au tableau ni le risque d'affection.

Enfin, l'employeur estime qu'aucun élément ne permet d'établir un lien entre la maladie et le travail habituel, or, il ne produit aucune pièce médicale qui justifierait d'une cause totalement étrangère ou une pathologie évoluant pour son propre compte, dès lors il n'y a pas lieu de recourir à une expertise.

Il convient, en conséquence de constater que la CPAM de l'Artois rapporte la preuve de la réunion des conditions du tableau 57C, de sorte que sa décision du 15 février 2019 ordonnant une prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels sera confirmée.

Sur le caractère incomplet du dossier administratif

Il ressort des dispositions de l'article R. 441-14, alinéa 3 du code de la sécurité sociale, en sa version applicable au litige, que': « dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13'».

L'article R. 441-13 du même code, en sa version applicable, prévoit quant à lui que «'le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre':

1°) la déclaration d'accident';

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse';

3°) les constats faits par la caisse primaire';

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties';

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.'»

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article R. 441-11 du même code, la déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

En l'espèce, par courrier du 16 janvier 2019 l'employeur a transmis à la CPAM de l'Artois son questionnaire accompagné de réserves formulées comme suit': «'(') Avant de travailler pour nous, Madame [M] a exercé le poste de couturière et conductrice de machine pour d'autres entreprises sur la période de 1991 à 2017, durant laquelle elle a pu être exposée aux risques d'exposition du syndrome canal carpien'».

La CPAM de l'Artois a, par courrier en date du 25 janvier 2019, informé la SASU [3] de la fin de l'instruction du dossier et de la possibilité de consulter celui-ci préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie devant intervenir le 15 février 2019.

Il est établi, au regard du bordereau de pièces édité par la CPAM de l'Artois et signé le 5 février 2019 par l'employeur, que ce dernier a consulté le dossier, lequel contenait la déclaration de maladie professionnelle, le certificat médical initial, le questionnaire assuré, le relevé d'activités, le questionnaire employeur ainsi qu'une fiche colloque médico-administratif MP.

La SASU [3] soutient que la CPAM de l'Artois n'a pas respecté le principe du contradictoire puisqu'elle n'a pas mis à disposition le courrier de réserves et les certificats médicaux de prolongation.

Il apparaît, eu égard au courrier du 16 janvier 2019, que l'employeur a transmis ses réserves en même temps que son questionnaire dès lors qu'il est indiqué': «'(') nous vous prions de bien vouloir trouver ci-joint le questionnaire employeur.

Nous souhaitons dès à présent émettre nos plus vives réserves (...)'».

Par ailleurs, il est constant que l'obligation d'information est satisfaite lorsque le courrier de clôture a été envoyé à l'employeur et que celui-ci a ainsi été en mesure de prendre connaissance des éléments du dossier et de faire valoir ses observations avant la décision.

En outre, il résulte de la lecture des articles R. 441-14 et R. 441-13 du code de la sécurité sociale, susvisés, que n'a pas à figurer dans le dossier sur la base duquel se prononce la caisse pour la reconnaissance du caractère professionnel d'une maladie un certificat médical ne portant pas sur le lien entre l'affection et l'activité professionnelle.

En l'occurrence, les certificats médicaux de prolongation ne portent pas sur le lien entre l'activité professionnelle et la maladie déclarée mais sur le lien entre celle-ci et les soins et arrêts successifs de sorte qu'ils n'ont pas obligatoirement à figurer au dossier de la caisse.

Enfin, à la date à laquelle la caisse primaire statue sur la prise en charge d'une pathologie au titre de la législation professionnelle, les soins et arrêts de travail peuvent se poursuivre, de telle sorte qu'elle est nécessairement dans l'impossibilité de produire l'intégralité des certificats de prolongation.

Il résulte de ce qui précède que la CPAM de l'Artois a parfaitement respecté le principe du contradictoire.

Sur la demande d'inscription de la maladie au compte spécial

Il résulte des articles L. 142-1, L. 142-2 et D. 242-6-3 du code de la sécurité sociale que les litiges relatifs à l'inscription au compte employeur et au compte spécial sont de la compétence des juridictions du contentieux général en l'absence de décision de la CARSAT, c'est-à-dire avant la notification du taux de cotisation impacté par une maladie professionnelle ou un accident du travail.

En l'espèce, la pathologie de Mme [S] n'apparaît dans les comptes de l'employeur qu'à compter de la notification du taux de cotisation au titre de l'année 2020, notifié le 1er juin 2020.

La demande, formulée avant la notification du taux, relève de la compétence du pôle social.

Il convient dès lors d'infirmer de ce chef le jugement déféré.

L'appel en cause de la CARSAT ne s'impose pas en l'espèce, la cour disposant des éléments suffisants pour statuer, étant relevé que les parties pouvaient, si elles l'estimaient nécessaires, accomplir cette diligence.

Aux termes des articles D. 242-6-5 et D. 242-6-7 du code de la sécurité sociale, les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie suite à la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais sont inscrites à un compte spécial.

L'article 2 paragraphe 4 de l'arrêté du 16 octobre 1995, pris pour application de l'article D. 242-6-5 précités, indique que sont inscrites au compte spécial les dépenses afférentes à des maladies professionnelles notamment lorsque la victime de la maladie a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.

Sur ce fondement, il appartient à la société SASU [3] de démontrer, en premier lieu, que la salariée a été exposée au risque dans plusieurs établissements d'entreprises différentes et, en second lieu, qu'il n'est pas possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.

En l'espèce, la SASU [3] affirme que Mme [S] aurait été exposée au risque de façon habituelle pendant toute sa carrière professionnelle, en se fondant sur la déclaration de maladie professionnelle du 25'novembre 2018 faisant état d'emplois en tant que conductrice de machine et couturière dans plusieurs entreprises, de 1992 à 2017.

Il s'agit donc d'éléments purement déclaratifs, dans le contexte d'une démarche faite par le salarié, qui entend faire reconnaître le caractère professionnel de sa pathologie.

Cette seule référence à la liste des emplois de son salarié ne peut constituer une preuve de l'exposition au risque, en l'absence d'autres éléments, établissant en particulier les conditions de travail.

En effet, même si un salarié a précédemment exercé le même métier, les conditions de travail, le rythme, la durée de travail peuvent différer de manière importante.

La SASU [3] échoue à rapporter la preuve qui lui incombe et en conséquence, sa demande d'inscription au compte spécial doit être rejetée.

Sur l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement mérite confirmation en ce qu'il a alloué à la caisse primaire d'assurance maladie une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La SASU [3] succombe en toutes ses demandes ce qui doit conduire au rejet de la demande qu'elle formule sur le fondement du texte précité.

Il serait en revanche inéquitable de laisser à la charge de la caisse primaire d'assurance maladie l'intégralité des frais non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer pour assurer sa défense.

En conséquence, la société appelante sera condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les dépens

Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, la SASU [3], partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

PAR CES MOTIFS



LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, rendu en audience publique par sa mise à disposition au greffe en dernier ressort,

INFIRME le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'inscription au compte spécial au motif de son incompétence,

Y ajoutant,

SE DECLARE compétente pour statuer sur la demande d'inscription au compte spécial,

Au fond, DEBOUTE la société de sa demande d'inscription au compte spécial de la pathologie de Mme [S],

CONFIRME le jugement pour le surplus,

CONDAMNE la SASU [3] au paiement de la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SASU [3] aux dépens de l'instance,

DEBOUTE la SASU [3] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,