Tribunal administratif de Paris, 3ème Chambre, 4 avril 2024, 2309307

Mots clés
recours • requête • rejet • ressort • retrait • saisine • publication • rapport • procès-verbal • saisie • requis • soutenir • unilatéral

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Paris
  • Numéro d'affaire :
    2309307
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : M. Cicmen
  • Avocat(s) : CABINET JULIEN BERENGER AVOCATS (SELARL)
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés les 24 avril, 18 octobre et 14 décembre 2023, l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision implicite du 5 novembre 2022 par laquelle la Fédération française d'athlétisme (FFA) a rejeté sa demande tendant au versement de la subvention affectée à la labellisation ; 2°) d'enjoindre à la FFA de lui verser cette aide financière ; 3°) de mettre à la charge de la FFA une somme de 300 euros au titre des frais engagés en lien avec cette procédure. Elle soutient que : - la décision litigieuse a créé des droits à son profit ; - elle est illégale dès lors qu'elle procède au retrait d'une décision créatrice de droits au-delà du délai de quatre mois, en méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ; - elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle remplit la condition suivant laquelle elle doit licencier l'ensemble de ses adhérents. Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 septembre et 15 novembre 2023, la FFA, représentée par la SELARL Kelten Sport, conclut : 1°) au rejet de la requête ; 2°) à la mise à la charge d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle fait valoir que : - la requête est irrecevable en raison de sa tardiveté ; - elle est irrecevable dès lors qu'elle ne comporte pas l'exposé de moyens en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; - à supposer qu'un moyen puisse être regardé comme ayant été invoqué, il n'est pas fondé dès lors que la décision d'octroi aurait pu fait l'objet d'un retrait en application du 2° de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration dans la mesure où l'association ne respectait pas la condition requise de licencier l'ensemble de ses adhérents pour bénéficier de la subvention ; - elle n'a commis aucune erreur d'appréciation. Par une ordonnance du 27 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 6 mars 2024. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ; - le code du sport ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Pény, - et les conclusions de M. Cicmen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. Le 21 avril 2022, l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " a reçu un courriel du président de la Fédération française d'athlétisme (FFA) l'informant de l'octroi d'un montant de la dotation financière affectée à la labellisation en raison de l'obtention par le club de trois labels. En l'absence de versement de cette subvention, l'association a sollicité, par un courrier reçu le 5 septembre 2022, le bénéfice de cette subvention auprès de la FFA, laquelle a implicitement rejeté sa demande le 5 novembre suivant. Par un courrier en date du 9 janvier 2023, le club a saisi le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) aux fins de mise en œuvre de la procédure préalable de conciliation prévue aux articles L. 141-4 et R. 141-5 et suivants du code du sport. Le 18 février 2023, la conciliatrice désignée a proposé à la Fédération de faire droit à la demande de l'association et de lui verser la dotation financière afférente aux labels 2022 qu'il a obtenus. Cette proposition a été expressément refusée le 2 mars 2023 par la FFA. Par la présente requête, l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " demande l'annulation de la décision par laquelle la FFA a implicitement rejeté le 5 novembre 2022 sa demande tendant au versement d'une subvention. Sur les fins de non-recevoir opposées en défense : 2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 141-9-1 du code du sport : " Le délai de recours contentieux applicable aux décisions mentionnées à l'article R. 141-5 et relevant de la compétence de la juridiction administrative est d'un mois ". Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". 3. Aux termes de l'article R. 141-5 du code du sport, relatif au comité national olympique et sportif français : " La saisine du comité à fin de conciliation constitue un préalable obligatoire à tout recours contentieux, lorsque le conflit résulte d'une décision, susceptible ou non de recours interne, prise par une Fédération dans l'exercice de prérogatives de puissance publique ou en application de ses statuts ". Aux termes de l'article R. 141-9 du même code : " La saisine du Comité national olympique et sportif français n'interrompt le délai de recours contentieux, en application de l'article R. 141-8 du présent code, que si elle est intervenue dans le délai prévu au premier alinéa de l'article R. 141-15. / () ". Aux termes de l'article R. 141-15 du même code : " La demande de conciliation est adressée au président de la conférence des conciliateurs par lettre recommandée, par télécopie ou par courrier électronique, avec demande d'avis de réception. Elle doit être effectuée dans les quinze jours suivant la notification ou la publication de la décision contestée. () ". Enfin, il résulte des dispositions de l'article L. 112-6 du code des relations entre le public et l'administration que le délai de recours contre une décision implicite de rejet n'est pas opposable à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 du même code ne lui a pas été transmis ou que celui-ci ne porte pas les mentions prévues à l'article R. 112-5 de ce code et, en particulier, la mention des voies et délais de recours. 4. Si la FFA soutient que la requête de l'association " Saint-Brieuc Athlétisme " est tardive dès lors qu'elle a été enregistrée au-delà du délai de recours contentieux d'un mois suivant la notification de son refus de la proposition de conciliation, il ressort toutefois des pièces du dossier que la demande de l'association tendant au versement de la subvention relative à la labellisation a fait l'objet d'un rejet par une décision implicite sans que ne lui ait été transmis un accusé de réception comportant la mention des voies et délais de recours. Dès lors, le délai de recours d'un mois prévu à l'article R. 141-9-1 du code du sport ne lui est pas opposable. Par ailleurs, en application des dispositions des articles R. 141-9 et R. 141-15 du code du sport, le délai de recours contentieux est interrompu à la condition que la saisine du CNOSF soit intervenue dans un délai de quinze jours suivant la notification ou la publication de la décision litigieuse. L'association requérante n'ayant saisi le CNOSF que le 9 janvier 2023, au-delà de ce délai de quinze jours, le délai de recours contentieux n'a pas été interrompu de ce fait. Dès lors, l'association " Saint-Brieuc Athlétisme " disposait d'un délai raisonnable d'un an à compter du 5 novembre 2022 pour introduire un recours contentieux à l'encontre de la décision implicite de rejet de la FFA. Dans ces conditions, à la date du 24 avril 2023 à laquelle sa requête a été enregistrée, le délai de recours contentieux n'était pas expiré. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardivité de la requête doit être écartée. 5. En second lieu, aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. / L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours ". 6. Contrairement à ce que soutient la FFA en défense, la requête présentée contenait l'exposé d'un moyen tiré de ce que la décision en litige était créatrice de droits et l'énoncé de conclusions. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée. Sur les conclusions à fin d'annulation : 7. Aux termes de l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : 1° Abroger une décision créatrice de droits dont le maintien est subordonné à une condition qui n'est plus remplie ; / 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ". 8. La décision qui a pour objet l'attribution d'une subvention constitue un acte unilatéral qui crée des droits au profit de son bénéficiaire. Toutefois, de tels droits ne sont ainsi créés que dans la mesure où le bénéficiaire de la subvention respecte les conditions mises à son octroi, que ces conditions découlent des normes qui la régissent, qu'elles aient été fixées par la personne publique dans sa décision d'octroi, qu'elles aient fait l'objet d'une convention signée avec le bénéficiaire, ou encore qu'elles découlent implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention. Il en résulte que les conditions mises à l'octroi d'une subvention sont fixées par la personne publique au plus tard à la date à laquelle cette subvention est octroyée. 9. La décision du 21 avril 2022 n'ayant pas fait l'objet d'un retrait dans le délai de quatre mois prévu à l'article L. 242-2 du code des relations entre le public et l'administration, elle a créé des droits à l'égard de l'association requérante. 10. Pour justifier le refus implicite opposé au club de lui verser la subvention accordée par la décision du 21 avril 2022, la Fédération fait valoir que l'association requérante ne respectait pas la condition mise à son octroi selon laquelle les clubs affiliés à la Fédération doivent licencier l'ensemble de leurs adhérents. 11. Toutefois, d'une part, il ressort des pièces du dossier que cette condition de mise à l'octroi ne figurait pas dans la décision d'attribution de la subvention accordée. Si la Fédération indique qu'une telle condition avait été fixée dès le 14 janvier 2021, puis réitérée le 25 février 2022, ainsi qu'il ressort des procès-verbaux des réunions du bureau fédéral publiés sur son site internet, le procès-verbal du bureau fédéral du 14 janvier 2021 fait uniquement référence à la campagne de labellisation pour 2020 faisant état de la non attribution de la subvention pour les clubs ne remplissant pas cette condition, sans référence à une campagne de labellisation ultérieure. En outre, la décision du 21 avril 2022 ne fait elle-même aucune référence à une telle condition ni ne renvoie à ces mêmes documents. 12. D'autre part, si la Fédération fait également valoir que cette obligation est prévue par l'article 11.5 de ses statuts en vertu duquel tous les adhérents personnes physiques d'une association affiliée à la FFA, ou pour les associations omnisports les adhérents personnes physiques membres de la section d'Athlétisme, doivent être titulaires d'une Licence FFA, les dispositions de cet article n'avaient ni pour objet ni pour effet de fixer les conditions nécessaires à l'octroi d'une telle subvention. 13. Enfin, la Fédération n'allègue pas qu'une telle condition découlerait implicitement mais nécessairement de l'objet même de la subvention, quels que soient par ailleurs les doutes qu'elle pouvait nourrir quant aux raisons susceptibles d'expliquer la baisse de 26 % des licenciés au sein du club au cours de la saison 2022 par rapport à la saison précédente. 14. Par suite, l'association est fondée à soutenir que c'est à tort que la Fédération lui a implicitement refusé le versement de la subvention en litige, dès lors que la décision initiale du 21 avril 2022 avait créé des droits à son égard. 15. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " est fondée à demander l'annulation de la décision du 5 novembre 2022. Sur les conclusions à fin d'injonction : 16. Le présent jugement, qui accueille les conclusions à fin d'annulation, implique nécessairement le versement de la subvention accordée le 21 avril 2022 à l'association requérante. Il y a donc lieu d'enjoindre à la FFA d'y procéder dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Sur les frais liés au litige : 17. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme ", qui n'a pas eu recours à un avocat et ne justifie d'aucun frais engagé en lien avec l'instance. Il n'y a pas davantage lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la FFA présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 5 novembre 2022 par laquelle la Fédération française d'athlétisme a rejeté la demande de l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " tendant au versement de la subvention affectée à la labélisation est annulée. Article 2 : Il est enjoint au président de la Fédération française d'athlétisme de verser à l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme " la subvention octroyée par la décision du 21 avril 2022, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à l'association sportive " Saint-Brieuc Athlétisme ", à la Fédération française d'athlétisme et au Comité national olympique et sportif français. Délibéré après l'audience du 21 mars 2024, à laquelle siégeaient : - M. Delesalle, président, - M. Pény, premier conseiller, - M. Doan, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2024. Le rapporteur, A. Pény Le président, H. Delesalle La greffière, A. Cardon La République mande et ordonne à la ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2/6-3