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Cour d'appel de Paris, 13 septembre 2024, 23/18500

Mots clés
Droit des affaires • Concurrence • Demande en cessation de concurrence déloyale ou illicite et/ou en dommages et intérêts • société • requête • préjudice • preuve • restitution • retractation • procès

Synthèse

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Résumé

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Texte intégral

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 1 - Chambre 8

ARRÊT

DU 13 SEPTEMBRE 2024 (n° , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/18500 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CIRGH Décisions déférées à la Cour : Arrêt du 5 octobre 2023 - Cour de Cassation - Arrêt n°989 F-D Arrêt du 31 janvier 2023 - Cour d'appel de REIMS - RG n°22/01574 Ordonnance du 21 Juillet 2022 -Tribunal de Commerce de CHALONS EN CHAMPAGNE - RG n° 2022000561 APPELANTE S.A.S. CEVA LOGISTICS FRANCE, prise en la personne de ses représenatnts légaux [Adresse 4] [Adresse 4] [Localité 2] Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480 Ayant pour avocat plaidant Me Marc PICHON DE BURY, de la SELAS DE BURY, avocat au barreau de PARIS INTIMÉE Société OPEL AUTOMOBILE GMBH, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège [Adresse 3] [Localité 1] (Allemagne) Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334 Ayant pour avocat plaidant Me William IVERNEL, de la SELAS FIDAL, avocat au barreau de REIMS COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 juin 2024, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président, chargée du rapport, et Rachel LE COTTY, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de: Florence LAGEMI, Président, Rachel LE COTTY, Conseiller, Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire Greffier, lors des débats : Jeanne BELCOUR ARRÊT : - CONTRADICTOIRE - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Florence LAGEMI, Présidente de chambre et par Jeanne BELCOUR, Greffière, présente lors de la mise à disposition. ***** La société Ceva Logistics France, filiale française de la branche logistique du groupe Ceva, appartenant au groupe CMA CGM, réalisait depuis 1995 des prestations de services logistiques de pièces détachées pour automobiles au profit de la société FAC Italy, dépendant du groupe Stellantis. Le dernier contrat liant ces parties a été conclu le 4 septembre 2018 pour une durée de 18 mois. Par lettre du 29 juin 2021, la société FCA Italy a fait part à la société Ceva Logistics France de son intention de ne pas renouveler le contrat après son terme prévu le 31 décembre 2021. Ces deux sociétés se sont opposées sur les conditions de cette rupture, qualifiée de brutale par la société Ceva Logistics France, qui entendait en outre obtenir la reprise par la société FCA Italy des contrats de travail de ses salariés conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail. Plusieurs procédures ont été engagées par ces sociétés. C'est ainsi qu'à la fin de l'année 2021, la société Ceva Logistics France a engagé deux procédures, fondées sur l'article 145 du code de procédure civile, tendant à obtenir une mesure d'instruction auprès de la société Gefco France, alors détenue en partie par le groupe Stellantis, et de la société Peugeot Citroën Pièces de Rechange, détenue en intégralité par ce groupe, pour rechercher les conditions de reprise de l'activité logistique qu'elle avait exercée pour le compte de la société FCA Italy, puis, le 17 février 2022, une procédure au fond, à l'encontre de cette dernière, devant le tribunal de Turin, en réparation des conséquences de la rupture brutale des relations commerciales et, le 18 février 2018, une procédure devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Châlons-en-Champagne, afin d'être autorisée à pratiquer une saisie conservatoire. La société Ceva Logistics France s'est par la suite désistée de la procédure concernant la société Gefco, puis, de celle engagée contre la société FCA Italy en faisant état du rachat de la société Gefco par la société CMA CGM et d'un accord conclu avec Stellantis. La société FCA Italy a, pour sa part, agi en référé contre la société Ceva Logistics France, suivant acte du 2 décembre 2021 pour que soient reprises les livraisons de pièces, qui avaient été interrompues. Par arrêt confirmatif du 17 mai 2022, la cour d'appel de Reims a retenu que le litige avait trait à la rupture brutale des relations commerciales établies entre les parties au sens de l'article L.441-6 du code de commerce et, par suite, l'irrecevabilité des demandes de la société FCA Italy. La société Opel Automobile Gmbh, autre filiale du groupe Stellantis, se considérant victime du litige opposant la société FCA Italy à la société Ceva Logistics France, a soupçonné cette dernière d'avoir, à son préjudice et avec différents acteurs du groupe Ceva Logistics, planifié un blocage des flux logistiques maritimes en provenance de l'Asie pour faire pression sur le groupe Stellantis et faire plier la société FCA Italy. Souhaitant obtenir des éléments de preuve destinés à établir la collusion suspectée, la société Opel Automobile Gmbh a déposé, le 8 mars 2022, une requête auprès du président du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, afin d'obtenir, sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, une mesure de constat et saisies au siège de la société Ceva Logistics France et en tout lieu où les éléments recherchés pourraient être stockés. Par ordonnance du même jour, il a été fait droit à cette demande et la SCP Carole Duparc-Olivier Flament, huissier de justice à Paris, a été commise à cet effet. La mesure d'instruction a été exécutée le 25 mars 2022. Par acte du 25 avril 2022, la société Ceva Logistics France a assigné, devant le juge des référés du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne, la société Opel Automobile Gmbh en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 8 mars 2022 et restitution de l'ensemble des pièces collectées par l'huissier de justice. Par ordonnance du 21 juillet 2022, le premier juge a : débouté la société Ceva Logistics France de ses demandes ; procédé à la mainlevée totale du séquestre prévu par l'ordonnance du 8 mars 2022 ; dit que l'huissier instrumentaire procédera à la remise auprès de la société Opel Automobile Gmbh de l'intégralité des documents et informations résultant des opérations réalisées par lui ; condamné la société Ceva Logistics France à verser à la société Opel Automobile Gmbh la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Ceva Logistics France aux entiers dépens de l'instance. Par déclaration du 24 août 2022, la société Ceva Logistics France a interjeté appel de cette décision. Par arrêt du 31 janvier 2023, la cour d'appel de Reims a : confirmé en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à retrancher de la mission impartie à l'huissier instrumentaire les investigations sur les serveurs et postes informatiques de toute société qui contrôle la société Ceva Logistics France, que celle-ci contrôle ou qui se trouve sous contrôle commun avec elle, ainsi que sur les ordinateurs, agendas électroniques, téléphones portables ou supports de messagerie personnels des salariés de la société Ceva Logistics France ; Y ajoutant, condamné la société Ceva Logistics France à payer à la société Opel Automobile Gmbh la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; débouté la société Ceva Logistics France de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; condamné la société Ceva Logistics France aux dépens d'appel. Sur pourvoi formé par la Ceva Logistics France, la Cour de cassation a, par arrêt du 5 octobre 2023, cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions, remis l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant celui-ci, les renvoyant devant la cour d'appel de Paris, condamné la société Opel Automobile Gmbh aux dépens et au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Pour statuer ainsi, la Cour de cassation a retenu qu'en confirmant l'ordonnance du président du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne sans énoncer, au besoin d'office, les circonstances justifiant que les mesures sollicitées ne soient pas prises contradictoirement, la cour d'appel de Reims avait violé les dispositions des articles 145, 493 et 875 du code de procédure civile. Par déclaration du 14 novembre 2023, la société Ceva Logistics France a saisi la présente cour. Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 janvier 2024, la société Ceva Logistics France demande à la cour de : infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Et statuant à nouveau, A titre principal, rétracter l'ordonnance rendue le 8 mars 2022 par le président du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne à la demande de la société Opel Automobile Gmbh ; débouter la société Opel Automobile Gmbh de l'ensemble de ses prétentions ; prononcer la nullité du procès-verbal de constat dressé par l'huissier de justice en exécution de l'ordonnance du 8 mars 2022 ; lui ordonner la restitution de l'ensemble des pièces collectées par l'huissier de justice le 25 mars 2022 sur le fondement de l'ordonnance du 8 mars 2022 ; A titre subsidiaire, ordonner la modification des termes de l'ordonnance rendue sur requête le 8 mars 2022, de manière à exclure du champ de la mesure ordonnée les personnes suivantes visées dans l'ordonnance : [I] [Y], [K] [W], [Z] [E], [B], [V] [N] et [U] [X], ainsi que les personnes qui ne figurent pas dans les pièces 15 à 17 de la société Opel Automobile Gmbh ; ordonner la restitution de l'ensemble des correspondances ou emails reçus ou envoyés par [I] [Y], [K] [W], [Z] [E], [B], [V] [N] et [U] [X], et par toute personne ne figurant pas dans les pièces 15 à 17 de la société Opel Automobile Gmbh, ainsi que de toute pièce concernant ces personnes collectées par l'huissier de justice sur le fondement de l'ordonnance du 8 mars 2022 ; En tout état de cause, condamner la société Opel Automobile Gmbh à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; condamner la société Opel Automobile Gmbh aux entiers dépens. Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 6 mai 2024, la société Opel Automobile Gmbh demande à la cour de : confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté la société Ceva Logistics France de sa demande en rétractation de l'ordonnance rendue sur requête le 8 mars 2022 ; ordonner la mainlevée totale du séquestre prévu par ladite ordonnance ; dire que l'huissier instrumentaire lui remettra l'intégralité des documents et informations résultant des opérations réalisées par lui ; débouter la société Ceva Logistics France de toutes ses demandes ; confirmer l'ordonnance en ses dispositions relatives à l'article 700 du code de procédure civile et, y ajoutant ; condamner la société Ceva Logistics France à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel ainsi qu'aux entiers dépens. La clôture de la procédure a été prononcée le 29 mai 2024. Pour un exposé plus détaillé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément à la décision déférée ainsi qu'aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

LA COUR Sur la rétractation de l'ordonnance sur requête du 8 mars 2022 L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. L'application de ce texte suppose que soit constatée l'existence d'un procès en germe possible et non manifestement voué à l'échec au regard des moyens soulevés, sans qu'il revienne au juge statuant en référé ou sur requête de se prononcer sur le fond. L'article 493 prévoit que l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. L'éviction du principe de la contradiction, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète les motifs pour lesquels, dans le cas d'espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise. Au cas présent, la société Ceva Logistics France fait valoir que les circonstances pouvant justifier une dérogation au principe de la contradiction ne sont caractérisées ni dans la requête ni dans l'ordonnance qui y fait droit, précisant que les seules allégations de la société Opel Automobile Gmbh quant à une éventuelle disparition des preuves, sont générales et non étayées, et, donc, insuffisantes pour légitimer la voie procédurale choisie. Elle indique encore que la motivation de l'ordonnance repose sur une considération générale impropre à permettre qu'une mesure d'instruction soit ordonnée en dehors de tout débat contradictoire. Elle fait en outre valoir que la requête ne repose sur aucun motif légitime et que la mesure d'instruction ordonnée est disproportionnée. Au soutien de sa requête, la société Opel Automobile Gmbh exposait qu'elle avait été victime du litige existant entre les sociétés Ceva Logistics France et FCA Italy. Elle indiquait qu'en représailles et afin de faire pression sur le groupe Stellantis, auquel elle appartient tout comme la société FCA Italy, ainsi que sur cette dernière pour la contraindre à reprendre les contrats de travail des salariés de la société Ceva Logistics France ou obtenir une indemnisation conséquente à la suite de la rupture des relations commerciales notifiée le 29 juin 2021, le groupe Ceva a bloqué les flux logistiques maritimes en provenance de l'Asie tout comme la société Ceva Logistics France avait suspendu sa prestation logistique sur le site de [Localité 2] à l'égard de la société FCA Italy. Elle affirmait que ces agissements, qui avaient obligé le groupe Stellantis à avoir recours à d'autres prestataires, à des coûts plus élevés, à l'origine d'un préjudice avoisinant dix millions d'euros selon les premières estimations, étaient de nature à engager la responsabilité délictuelle de la société Ceva Logistics à son égard, mais aussi de toutes les autres sociétés du groupe Ceva impliquées dans ce processus de chantage, précisant que son préjudice est considérable. La société Opel Automobile Gmbh indiquait encore que si elle disposait d'ores et déjà d'éléments objectifs démontrant les faits dont elle a été victime, elle entendait rechercher des éléments de preuve pour caractériser la responsabilité de toutes les entités du groupe Ceva ayant pris part à la décision et à la mise en oeuvre de l'interruption des prestations maritimes et le véritable mobile ayant présidé à cette décision afin de demander réparation de son préjudice à chacune d'elles. Pour justifier la voie procédurale choisie, elle ajoutait qu'elle était 'bien fondée, au regard des circonstances de l'espèce, à ne pas appeler la partie adverse et à solliciter l'octroi des présentes mesures par voie de requête, l'effet de surprise étant une condition incontournable de leur réussite. La requérante craint, en effet, que les éléments de preuve recherchés ne disparaissent ou ne soient dissimulés en cas d'information préalable de la partie adverse, de sorte qu'elle se trouverait privée de la possibilité d'établir les responsabilités qu'elle a un motif légitime de voir établir'. L'ordonnance rendue sur requête le 8 mars 2022 retient que 'la société Opel Automobile Gmbh justifie de motifs légitimes tendant à obtenir les preuves nécessaires à l'établissement des faits qu'elle décrit dans le cadre de sa requête ; que ces éléments se sauraient être obtenus autrement que par l'effet de surprise attaché au caractère non contradictoire de la mesure'. La seule référence dans la requête à l'effet de surprise, condition de réussite de la mesure d'instruction, et la crainte exprimée d'un risque de dissimulation ou de destruction des pièces recherchées, dont l'objet exact n'a pas été défini et alors que le risque invoqué n'est étayé par aucun fait précis permettant de présumer un possible dépérissement des preuves, constitue une motivation générale et, par suite, insuffisante pour justifier le recours à une procédure non contradictoire. Il n'est en effet pas expliqué en quoi il était nécessaire, pour l'efficacité de la mesure sollicitée, d'agir par surprise et les raisons pour lesquelles la mesure ne pouvait être obtenue par une assignation en référé, sauf à considérer que l'objet de la recherche à effectuer au siège d'une des filiales du groupe Ceva, situé en Champagne, pour obtenir des éléments d'information sur l'objectif poursuivi par ce groupe en décidant du blocage des flux maritimes à Singapour, était trop général pour permettre de le circonscrire aux seules pièces utiles pouvant être réclamées dans le cadre d'un débat contradictoire. S'il est possible de replacer cette motivation sommaire, reposant sur des déductions, dans le contexte de la requête dont il peut être tenu compte pour apprécier les circonstances susceptibles de justifier une dérogation au principe de la contradiction, force est cependant de constater qu'en l'espèce, ce contexte ne suffit pas à caractériser la nécessité d'écarter ce principe fondamental. A cet égard, la cour relève que la requête décrit longuement le conflit opposant les sociétés Ceva Logistics France et FCA Italy auquel la société Opel Automobile Gmbh est totalement étrangère. Le fait que ces deux dernières sociétés soient des filiales du groupe Stellantis est insuffisant pour établir un quelconque lien de droit entre l'appelante et l'intimée, qui ne sont liées par aucun contrat et alors que cette dernière, bien que dépendant du groupe Stellantis, est une entité distincte de sa société mère. Pour déduire de ce conflit la suspension du fret maritime de l'Asie vers l'Europe, la société Opel Automobile Gmbh se fonde sur un mail en date du 22 novembre 2021, rédigé en langue anglaise mais accompagné d'une traduction libre non discutée, émanant de la société Gefco, son cocontractant et intermédiaire entre elle et le groupe Ceva, qui précise que 'Ceva vient de nous informer qu'ils refusaient de travailler sur l'extension pour 2022 avec effet immédiat. La raison est une réclamation Ceva/Stellantis'. Elle produit encore deux autres mails en date du 23 novembre 2021, l'un émanant de la société Gefco destiné à Stellantis, l'autre émanant de la société Ceva Lead Logistics, entité du groupe Ceva Logistics, basée à Singapour, destiné aux sociétés Gefco et Stellantis, également rédigés en langue anglaise et accompagnés d'une traduction libre non discutée. Le premier de ces mails précise que 'Stellantis ne peut pas obtenir de réservation pour l'instant pour les flux en provenance de toute l'Asie. Ceva est également le transporteur maritime pour les flux vers l'Europe (Espagne exclue), ce qui signifie que les conteneurs déjà réservés sur ce trafic ne seront pas déplacés', le second, ayant pour objet 'arrêt immédiat de toutes les activités de Gefco et Stellantis', indique 'veuillez noter que le siège social de Ceva Global a demandé à la tour de contrôle d'arrêter toutes les réservations et toutes les activités d'expédition avec effet immédiat et jusqu'à nouvel ordre', sans qu'il soit évoqué de lien avec la requérante, la société Opel Automobile Gmbh. Ces pièces permettent d'établir la suspension brutale et inexpliquée des flux maritimes en provenance de l'Asie et de les imputer à Ceva, plus particulièrement à Ceva Global, de sorte que la société Opel Automobile Gmbh, qui considère avoir été victime de ces agissements, a d'ores et déjà la possibilité d'engager une action contre le responsable désigné dans le mail précité. Il est, en tout état de cause, relevé qu'il n'est ni justifié ni même indiqué quelle a été, fin 2021, la position de la société Opel Automobile Gmbh, qui se prétend victime de cet arrêt d'activité, voire de sa société mère, la société Stellantis directement concernée par l'interruption du fret maritime, pour obtenir des explications et le faire reprendre, aucune lettre de mise en demeure n'ayant été versée à l'appui de la requête ni produite à hauteur de cour. La recherche d'éléments pour établir une éventuelle collusion entre toutes les entités du groupe Ceva dans la décision de suspendre le transport maritime, afin d'agir en responsabilité à l'encontre de chacune d'elles, apparaît peu crédible dès lors que la société Ceva Logistics France indique, sans être contredite, que le groupe CMA-CGM auquel appartient le groupe Ceva, réunit 528 sociétés dont 260 entités Ceva Logistics. En outre, à supposer possible une telle collusion et plausibles les actions en responsabilité susceptibles d'être engagées, elles supposent l'existence d'un préjudice avéré directement subi par la requérante, la société Opel Automobile Gmbh. Or, cette société, qui dans l'énoncé de la requête, tend à confondre le préjudice de la société Stellantis et le sien, ne produit aucune pièce pour justifier d'un préjudice en lien de causalité direct et certain avec les agissements dénoncés. La preuve de ce préjudice est d'autant plus aisé à rapporter que la mesure d'instruction sollicitée ne tend pas à l'établir et qu'il constitue un élément déterminant d'un procès en responsabilité que la société Opel Automobile Gmbh prétend vouloir engager et dont la plausibilité est dès lors peu convaincante. Ainsi, le contexte de la requête, qui repose sur des éléments peu tangibles, lesquels apparaissent, au demeurant, impropres à établir un motif légitime, ne permet pas de caractériser les circonstances susceptibles de justifier qu'il soit procédé non contradictoirement pour obtenir, au surplus et à titre surabondant, une mesure d'instruction apparaissant particulièrement intrusive, puisque permettant 'l'accès à l'ensemble des serveurs et postes informatiques de la société Ceva Logistics France et de toute société qui la contrôle, qu'elle contrôle ou sous contrôle commun avec elle', mais aussi 'sur tous téléphones portables, agendas électronique et sur tous supports de messagerie' et autorisant le commissaire de justice 'à faire, de façon générale, toutes recherches et constatations utiles y compris à ouvrir ou faire ouvrir toute porte de locaux, meubles meublant, armoires sécurisées, coffre-fort ou de véhicules' afin de rechercher une hypothétique implication de toutes les sociétés du groupe Ceva dans l'interruption du fret maritime en novembre 2021 en provenance de l'Asie. La motivation succincte de l'ordonnance, qui procède par affirmation n'est pas davantage de nature à caractériser une dérogation au principe de la contradiction. Il convient dans ces conditions, infirmant l'ordonnance entreprise, de rétracter l'ordonnance rendue sur requête le 8 mars 2022. En conséquence de la rétractation ordonnée, il ya lieu de constater la perte de fondement juridique de la mesure d'instruction exécutée en vertu de l'ordonnance rétractée et, par suite sa nullité de sorte que les documents et fichiers saisis lors de sa réalisation seront de plein droit restitués à la société Ceva Logistics France. Sur les dépens et les frais irrépétibles En application de l'article 639 du code de procédure civile, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée. Ce texte institue une obligation pour la juridiction de renvoi de statuer sur les dépens et sur l'indemnité de procédure dont le sort est assimilé aux dépens, les dispositions relatives aux dépens et indemnités de procédure exposés en première instance et en appel jusqu'à la décision censurée ayant été implicitement cassées. Au regard de l'issue du litige, la société Opel Automobile Gmbh, succombant en ses prétentions, sera tenue aux dépens de première instance ayant donné lieu à l'ordonnance déférée de l'instance d'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé du 31 janvier 2023 et de l'instance d'appel après cassation donnant lieu au présent arrêt. Ayant contraint la société Ceva Logistics France à exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, la société Opel Automobile Gmbh sera tenue de lui payer la somme de 7.000 euros au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise ; Statuant à nouveau, Rétracte l'ordonnance rendue sur requête par le président du tribunal de commerce de Châlons-en-Champagne le 8 mars 2022 ; En conséquence, Constate la nullité de la mesure d'instruction réalisée en exécution de l'ordonnance rétractée ; Ordonne la restitution à la société Ceva Logistics France de l'ensemble des documents saisis et placés sous séquestre par la SCP Carole Duparc & Olivier Flament, commissaire de justice, lors de l'exécution de l'ordonnance rétractée ayant eu lieu le 25 mars 2022 ; Condamne la société Opel Automobile Gmbh aux dépens de première instance ayant donné lieu à l'ordonnance entreprise et des instances d'appel ayant donné lieu à l'arrêt cassé du 31 janvier 2023 et au présent arrêt et à payer à la société Ceva Logistics France la somme de 7.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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