Vu la procédure suivante
:
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 23 août 2021, 4 juillet 2022 et 6 juillet 2023, Mme B A, représentée par Me Cittadini, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la décision implicite née le 26 juin 2021 par laquelle le président de l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir a refusé de lui accorder rétroactivement le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire au titre des fonctions d'accueil qu'elle exerçait en qualité de ludothécaire ;
2°) d'enjoindre à l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir de lui attribuer une nouvelle bonification indiciaire de dix points, pour la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2022, et de lui verser la somme de 2 624,16 euros, assortie des intérêts à taux légal, dans le délai d'une semaine à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de condamner l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de la non-attribution d'une nouvelle bonification indiciaire de dix points ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Mme A soutient que :
- la décision attaquée méconnaît les dispositions du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique territoriale, dès lors qu'elle consacrait, durant la période litigieuse, plus de la moitié de son temps de travail à des fonctions d'accueil du public ;
- en rejetant sa demande d'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire de dix points, l'auteur de la décision attaquée a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir ;
- elle a subi un préjudice financier et un préjudice moral devant être indemnisés à hauteur de 2 500 euros.
Par des mémoires en défense enregistrés les 17 mars 2022, 31 janvier 2023 et 20 juillet 2023, présentés par Me Magnaval, l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir, représenté par son président en exercice, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme A la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 22 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juillet 2023 à midi.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n° 2006-779 du 3 juillet 2006 :
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Massengo, rapporteure,
- les conclusions de M. Gauthier-Ameil, rapporteur public,
- les observations de Mme A et celles de Me Potterie, se substituant à Me Magnaval, représentant l'établissement public territorial du GPSEA.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A a été recrutée en 2016 en tant qu'animatrice territoriale contractuelle par la commune de Bonneuil-sur-Marne et a été affectée au sein de la ludothèque communale. Le 1er avril 2017, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir (GPSEA) est devenu son employeur. Le 1er juin 2018, elle a été nommée adjointe territoriale du patrimoine stagiaire, sans changement de poste. Un an plus tard, elle a été titularisée à ce grade et a poursuivi ses fonctions de ludothécaire jusqu'au 31 décembre 2022. Par un courrier du 20 avril 2021, reçu le 26 avril 2021, Mme A a demandé au président de l'établissement public GPSEA le versement rétroactif d'une nouvelle bonification indiciaire d'une valeur de dix points correspondant à l'exercice de missions d'accueil du public, durant toute la période durant laquelle elle exerçait les fonctions de ludothécaire. Une décision implicite de rejet de cette demande est née le 26 juin 2021 du silence gardé par cette autorité. Par la présente requête, Mme A demande l'annulation de cette décision et la condamnation de l'établissement public territorial du GPSEA à lui payer la somme de 2 500 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, résultant de l'illégalité fautive de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 1er du décret du 3 juillet 2006 portant attribution de la nouvelle bonification indiciaire à certains personnels de la fonction publique : " Une nouvelle bonification indiciaire, prise en compte pour le calcul de la retraite, est versée mensuellement aux fonctionnaires territoriaux exerçant une des fonctions figurant en annexe () au présent décret ". En vertu du paragraphe n° 33 de l'annexe de ce décret, une nouvelle bonification indiciaire de dix points est accordée aux agents qui exercent à titre principal des fonctions d'accueil, dans les communes de plus de 5 000 habitants. Ces dispositions doivent être interprétées comme réservant le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire aux agents dont l'emploi implique qu'ils consacrent plus de la moitié de leur temps de travail total à des fonctions d'accueil du public. Pour l'application de cette règle, il convient de prendre en compte les heures d'ouverture au public du service, si l'agent y est affecté dans des fonctions d'accueil du public, ainsi que, le cas échéant, le temps passé par l'agent au contact du public en dehors de ces périodes, notamment à l'occasion de rendez-vous avec les administrés.
3. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la fiche de poste produite par Mme A, dont le contenu n'est pas contesté par l'établissement public, que " l'accueil, le conseil et l'orientation des publics " constitue l'une des tâches principales afférentes au poste de ludothécaire. Si l'établissement public territorial du GPSEA fait valoir que cette tâche s'ajoute à de très nombreuses autres missions attribuées à Mme A, et qu'elle ne représente pas plus de la moitié de son temps de travail, il ressort des plannings produits par les deux parties que le temps passé par l'intéressée aux différents postes de travail au sein de la ludothèque impliquant de l'accueil du public équivaut, en cumulé, à plus de la moitié du temps de travail hebdomadaire de l'intéressée. A cet égard, l'établissement public territorial du GPSEA n'est pas fondé à faire valoir que l'activité " pointage " ne peut être prise en compte comme une tâche impliquant de l'accueil du public, dès lors qu'elle est classée parmi les tâches d'accueil du public sur les différents plannings produits. En outre, la moyenne des quotités de temps de travail effectuées à des postes d'accueil du public indiquées sur les plannings est sensiblement équivalente à celle mentionnée dans le rapport d'audit sur les médiathèques et les ludothèques de l'établissement public territorial du GPSEA établi en 2019. Ainsi, au regard de l'ensemble des pièces du dossier, Mme A doit être regardée comme ayant consacré plus de la moitié de son temps de travail total à des fonctions d'accueil du public, lorsqu'elle occupait le poste de ludothécaire en tant que fonctionnaire, entre le 1er juin 2018 et le 31 décembre 2022. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le président de l'établissement public territorial du GPSEA a méconnu les termes du décret du 3 juillet 2006 précité.
4. Il résulte de ce qui précède que la décision implicite née le 26 juin 2021, par laquelle le président de l'établissement public territorial du GPSEA a rejeté la demande d'attribution rétroactive d'une nouvelle bonification indiciaire de dix points présentée par Mme A, est entachée d'illégalité et doit être annulée.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. L'annulation de la décision attaquée implique nécessairement que l'établissement public territorial du GPSEA attribue rétroactivement à Mme A une nouvelle bonification de dix points d'indice, selon la valeur du point d'indice alors applicable, pour la période du 1er juin 2018 au 31 décembre 2022 équivalent à 55 mois, et de lui verser le montant correspondant, soit la somme de 2 587 euros. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'établissement public territorial du GPSEA d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement, sans qu'il y ait lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur la responsabilité :
6. Il résulte des constations opérées aux points 2 à 4 que la décision implicite par laquelle le président de l'établissement public territorial du GPSEA a refusé de faire droit à la demande de Mme A tendant à l'attribution d'une nouvelle bonification indiciaire de dix points est entachée d'illégalité. En conséquence, cette dernière est fondée à demander la réparation des préjudices ayant résulté de cette illégalité fautive. Toutefois, l'intéressée ne peut obtenir cette réparation que dans la mesure où elle justifie de leur réalité, de leur montant et d'un lien de causalité direct avec cette illégalité.
Sur les préjudices :
7. En premier lieu, Mme A soutient qu'elle a subi un préjudice financier lié au manque à gagner indemnitaire mensuel, qui l'a par ailleurs désavantagée dans la négociation de son emprunt bancaire. Toutefois, d'une part le préjudice tiré du manque à gagner se trouve entièrement réparé par l'injonction prononcée au point 5 et d'autre part, elle n'apporte pas d'éléments précis permettant d'apprécier la nature et l'ampleur du préjudice relatif à l'augmentation du coût de son emprunt bancaire. Les conclusions indemnitaires doivent dès lors être rejetées.
8. En second lieu, si Mme A soutient qu'elle a subi un préjudice moral, elle n'apporte pas d'éléments précis permettant d'apprécier la nature et l'ampleur du préjudice allégué. Les conclusions indemnitaires doivent dès lors être rejetées.
9. Il résulte de ce qui précède que Mme A n'est pas fondée à demander réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, résultant de l'illégalité fautive de la décision implicite née le 26 juin 2021.
Sur les intérêts et leur capitalisation :
10. D'une part, Mme A a droit aux intérêts au taux légal, sur la somme mentionnée au point 5, à compter du 26 avril 2021, date de réception par l'établissement public territorial du GPSEA de sa demande d'attribution rétroactive de la nouvelle bonification indiciaire.
11. D'autre part, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 23 août 2021, date d'enregistrement de la requête. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 26 avril 2022, date à laquelle était due pour la première fois une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'établissement public territorial du GPSEA une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens. Ces mêmes dispositions font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'établissement public territorial du GPSEA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La décision implicite née le 26 juin 2021 par laquelle le président de l'établissement public territorial du GPSEA a rejeté la demande d'attribution rétroactive de la nouvelle bonification indiciaire présentée par Mme A est annulée.
Article 2 : Il est enjoint à l'établissement public territorial du GPSEA de verser à Mme A la somme de 2 587 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 26 avril 2021. Les intérêts échus à la date du 26 avril 2022 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'établissement public territorial du GPSEA versera à Mme A une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions présentées par la commune de l'établissement public territorial du GPSEA sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à l'établissement public territorial du Grand Paris Sud Est Avenir.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Billandon, présidente,
Mme Massengo, conseillère,
Mme Issard, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 juillet 2024.
La rapporteure,
C. MASSENGOLa présidente,
I. BILLANDON
La greffière,
C. TRÉMOUREUX
La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne, en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.
Pour expédition conforme
La greffière,