Vu la procédure suivante
:
En application des dispositions du décret n°2018-1291 du 28 décembre 2018 portant transfert de compétences entre juridictions de l'ordre administratif pris pour l'application de l'article 51 de la loi n°2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, le contentieux des pensions militaires d'invalidité a été transféré au tribunal administratif. La requête de M. C B, transmise par le tribunal des pensions militaires d'invalidité de Toulouse, a été enregistrée au greffe du tribunal administratif de Toulouse le 4 novembre 2019 sous le numéro 1907044.
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 12 septembre 2019, 8 décembre 2020, 13 janvier 2021 et 8 juin 2021, au greffe du tribunal administratif de Toulouse, M. C B, représenté par Me Tucoo-Chala, doit être regardé comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, d'annuler la décision du 13 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande tendant à la révision de sa pension militaire d'invalidité pour aggravation des infirmités " hypoacousie de perception bilatérale. Perte notable moyenne 15 décibels à droite et 10 décibels à gauche. Perte de sélectivité. " et " Acouphènes de type aigu ", et de réviser, en conséquence, ses droits à pension en fixant le taux d'invalidité résultant de cette infirmité à 15% à compter du 18 septembre 2017, date d'enregistrement de sa demande de révision ;
2°) de fixer à 15% le taux d'aggravation de l'infirmité " hypoacousie de perception bilatérale, soit un taux global de 25% ;
3°) à titre subsidiaire d'ordonner une mesure d'expertise à l'effet de déterminer le taux de l'aggravation de l'infirmité " hypoacousie de perception bilatérale " en fonction du guide barème ainsi que le taux conforme d'aggravation de l'infirmité ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative.
M. B soutient que :
- les infirmités liées à l'hypoacousie et aux acouphènes se sont aggravées, leur taux respectif devant être porté à 25% et 15% ainsi que l'a proposé l'expert ;
- le taux de l'infirmité " hypoacousie de perception bilatérale ", recalculé discrétionnairement par l'administration à partir d'un avis non contradictoire du médecin conseil du 18 décembre 2018, est sous-évalué et ne correspond pas au taux évalué par l'expert ;
- le tribunal pourra ordonner, à titre subsidiaire, une nouvelle expertise afin d'évaluer, à la date du 18 septembre 2017, le taux d'invalidité afférent aux atteintes constatées et aggravées du fait des infirmités d'hypoacousie et d'acouphènes.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 juillet 2020, 29 décembre 2020, 23 février 2021 et 30 juin 2021, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.
La ministre des armées fait valoir que les moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la défense ;
- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ;
- la loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 ;
- le décret n° 71-1129 du 3 décembre 1971 ;
- le décret n° 2018-1291 du 28 décembre 2018 ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D,
- et les conclusions de Mme Nègre-Le Guillou, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit
:
1. M. C B est entré en service dans l'armée de terre le 1er avril 1977 et a été rayé des contrôles le 30 juin 2011. Une pension militaire d'invalidité définitive lui a été concédée, au titre des infirmités " Hypoacousie de perception bilatérale. Perte notable moyenne de 15 décibels à droite et 10 décibels à gauche " et " Acouphènes de type aigu " respectivement au taux de 10%+20 et 10%+25, à compter du 23 octobre 2017, infirmités imputables à une blessure reçue en service le 21 avril 1982. M. B a sollicité le 18 septembre 2017 la révision de ses droits à pension pour aggravation de ces deux infirmités. Par une décision du 13 mars 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande au motif que le taux d'aggravation de l'infirmité ne s'est pas accru du minimum de 10% exigé pour être pris en compte. Par sa requête, M. B doit être regardé comme demandant au tribunal d'une part, d'annuler la décision du 13 mars 2019, d'autre part, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer le taux aggravé des infirmités " Hypoacousie de perception bilatérale. Perte notable moyenne 15 décibels à droite et 10 décibels à gauche. Perte de sélectivité " et " Acouphènes de type aigu " à la date de sa demande de révision.
Sur les droits de l'intéressé à révision de sa pension :
2. D'une part, aux termes de l'article L.125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " " Sous réserve des dispositions de l'article L. 125-9, dans le cas d'infirmités multiples dont aucune n'entraîne une invalidité de 100 %, le taux d'invalidité est calculé ainsi qu'il suit : / 1° Les infirmités sont classées par ordre décroissant de taux d'invalidité ; / 2° L'infirmité la plus grave est prise en considération pour l'intégralité du taux qui lui est applicable ; / 3° Le taux de chacune des infirmités supplémentaires est pris en considération proportionnellement à la validité restante ; /4° Quand l'infirmité principale entraîne une invalidité d'au moins 20 %, le taux d'invalidité de chacune des infirmités supplémentaires est majoré de 5, 10, 15 %, et ainsi de suite, suivant qu'elles occupent les deuxième, troisième, quatrième rangs dans la série décroissante de leur gravité. " et aux termes de l'article
L. 151-2 du même code : " La pension militaire d'invalidité prévue par le présent code est attribuée sur demande de l'intéressé après examen, à son initiative, par une commission de réforme selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat. L'entrée en jouissance est fixée à la date du dépôt de la demande / Il en est de même de la date d'entrée en jouissance de la pension révisée pour aggravation ou pour prise en compte d'une infirmité nouvelle. () ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit se placer à la date de la demande de l'intéressé pour évaluer ses droits à révision de sa pension militaire d'invalidité, et notamment le taux d'invalidité résultant de l'infirmité au titre de laquelle cette révision est sollicitée, soit, en l'espèce, à la date du 18 septembre 2017.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 154-1 du même code: " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif. ". Il résulte de ces dispositions que la pension d'invalidité concédée à titre définitif dont la révision est demandée pour aggravation n'est susceptible d'être révisée que lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités se trouve augmenté d'au moins dix points.
En ce qui concerne l'aggravation des acouphènes :
4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'expertise médicale du 30 août 2018 effectuée par le médecin-expert auprès de la sous-direction des pensions, et dont la ministre des armées ne conteste au demeurant pas les conclusions, que l'expert a estimé que les acouphènes dont souffre M. B justifiaient la reconnaissance d'un taux d'invalidité de 15%. Il convient dès lors de retenir ce taux.
5. Il résulte de l'instruction que pour refuser le bénéfice d'une pension militaire d'invalidité au titre de l'infirmité d'hypoacousie bilatérale, la ministre des armées a estimé, en se fondant sur le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive fixé par le barème de 1919 modifié, que le taux d'invalidité n'atteignait pas les 10% requis par les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre. Ce barème prévoit que l'évaluation afférente à la perte auditive s'effectue d'après les résultats d'un audiogramme conformément au calcul de la perte auditive moyenne, en établissant pour chaque oreille la moyenne pondérée des seuils aéro-tympaniques, exprimés en décibels au-dessus des seuils normaux, sur les trois fréquences 500, 1 000 et 2 000 Hz, le seuil sur la fréquence 1 000 Hz étant assorti d'un poids double. " La formule de calcul est la suivante : [(valeur à 500 Hz) + 2 x (valeur à 1 000 Hz) +(valeur à 2 000 Hz)] / 4.
6. Tout d'abord, le médecin expert auprès de la sous-direction des pensions, qui a examiné le requérant le 30 août 2018 dans le cadre de sa demande du 18 septembre 2017, a constaté une perte auditive moyenne de 47 % et pondérée de 40 % au niveau de l'oreille droite ainsi qu'une perte auditive moyenne de 53 % et pondérée de 45 % au niveau de l'oreille gauche sans toutefois préciser la méthode de calcul retenue pour l'estimation de ces valeurs. En se fondant sur le même audiogramme et en appliquant la formule de calcul visée au point 5, le médecin chargé des pensions militaires d'invalidité a estimé la perte auditive pour l'oreille droite à 32,5 dB soit [(20) + 2x (30) + 50] /4] et pour l'oreille gauche à 36,25 dB soit [(20) + 2x (35) + 55] /4]. Si le requérant invoque le caractère non contradictoire de l'avis de ce médecin, cet avis lui a été communiqué pendant l'instruction et le requérant a ainsi pu émettre toute observation utile au cours de la présente instance. Il ne résulte pas de l'instruction que le médecin conseil aurait fait une inexacte application de la formule de calcul posée par ce barème. Ainsi, le requérant ne peut se prévaloir d'une perte auditive supérieure à ces valeurs.
7. Ensuite, le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive, présent au guide barème des pensions militaires d'invalidité, prévoit qu'une perte auditive moyenne de 32,5 décibels pour une oreille associée à une perte auditive moyenne de 36,25 décibels pour l'autre oreille correspond à un taux d'invalidité de 5%. Le médecin chargé des pensions a proposé un taux de 5 % majoré de 10% pour perte de sélectivité déjà acquise portant ainsi le taux à 15%, soit une augmentation de 5%. Dans ces conditions, en l'absence de constatation d'une aggravation supérieure de 10 points du taux d'invalidité de M. B, c'est par une exacte application de l'article
L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre que la ministre des armées a rejeté sa demande de révision.
8. Il résulte des dispositions précitées de l'article L.125-8 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerres que quand le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite la révision de celle-ci du fait de l'apparition de nouvelles infirmités ou de l'aggravation de ses infirmités n'entrainant pas une invalidité absolue, le calcul de sa pension révisée doit s'effectuer sur la base du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités déjà pensionnées et du degré réel d'invalidité correspondant aux infirmités supplémentaires avec une exactitude arithmétique, sans qu'il soit possible d'arrondir à l'unité supérieure les chiffres fractionnaires intermédiaires.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 4 à 7 que le taux global de la pension de M. B doit être déterminé en retenant les infirmités suivantes : 1°) vertiges de position : 20% ;2°) : séquelles de traumatisme du crâne avec perte de conscience prolongée. Symptomatologie post-traumatique avec céphalées. Troubles de la parole à type d'aggramatisme survenant à la fatigue ou de type moteur, entrainant des perturbations prosodiques : 15%+5 ; 3°) : séquelles d'entorse répétées du genou gauche : 15%+10 ; 4°) parésie faciale droite avec paralysie des muscles frontaux et releveurs du sourcil à droite : 15% + 15 ; 5°) : hypoacousie de perception bilatérale. Perte notable moyenne de 15 décibels à droite et 10 décibels à gauche. Perte de sélectivité : 10%+20 ; 6°) : acouphènes de type aigu : 10%+25 ; 7°) : séquelles de traumatisme de la cheville droite. Rupture capsulaire, fracture ostéochondrale de la joue externe du dôme astragalien, instabilité chronique : 10%+30 ; 8°) : séquelles de rupture du tendon distal du biceps brachial droit : 10%+35. La prise en compte successive de ces infirmités, proportionnellement à la validité restante, aboutit à un taux d'invalidité de 95,68%. Ainsi, le pourcentage d'invalidité résultant de l'ensemble des infirmités est inférieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur fixé à 95 %, et ne peut dès lors ouvrir droit à une révision du taux de la pension d'invalidité.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise laquelle ne revêt en l'espèce aucun caractère utile, que M. B n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 13 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande de révision.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C B et au ministre des armées.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Héry, présidente,
Mme Soddu, première conseillère,
Mme Biscarel, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 décembre 2022.
La rapporteure,
B. D
La présidente,
F. HÉRYLa greffière,
M. A
La République mande et ordonne au ministre des armées, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme :
La greffière en chef,