AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-quatre mars deux mille quatre, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller ROGER, les observations de Me COSSA, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour ;
Vu la communication faite au Procureur général ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- LA SOCIETE AIR FRANCE, partie civile,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, en date du 11 décembre 2002, qui, dans l'information suivie contre personne non dénommée du chef d'abus de confiance, a confirmé l'ordonnance de non-lieu rendue par le juge d'instruction ;
Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 121-3 et 314-1 nouveaux du Code pénal,
575 et
593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions et défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a confirmé l'ordonnance ayant dit n'y avoir lieu à suivre en l'état dans le cadre de la procédure ouverte en suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société Air France le 28 février 2000 du chef d'abus de confiance ;
"aux motifs que, si le dirigeant de la SARL SFTO devait représenter au 17 mai et au 17 juin 1999 à la société Air France les sommes qu'il détenait comme mandataire au titre des billets vendus en avril et mai 1999, la société présentait à ces dates une situation financière dégradée en raison notamment de la rupture du concours bancaire de la banque BPC et ce malgré les engagements de caution solidaire à hauteur de 1,3 million de francs du dirigeant qui percevait un salaire mensuel de 20 000 francs, de son compte courant bénéficiaire de 100 000 francs et de celui de son père bénéficiaire de 520 000 francs ; qu'ainsi, le mandataire liquidateur a identifié la nature des difficultés rencontrées par l'entreprise dans la situation tendue de la trésorerie en raison du développement du chiffre d'affaires, dans le détournement de clientèle organisé par l'ancien directeur de la société et dans la rupture des concours bancaires ;
qu'en effet, antérieurement à la dénonciation du concours bancaire, le 17 mai 1999, l'autorisation de découvert variant de - 3,7 millions de francs en octobre 1998 à - 4,8 millions de francs en février 1999 et à
- 5 millions de francs en avril 1999 avait été accompagnée, le 26 avril 1999, d'une ouverture de crédit de 600 000 francs ; qu'enfin, Didier X... a déposé le bilan dès le 18 juin 1999 soit un mois après la rupture du concours de la BPC et alors que des créances clients restaient effectivement à recouvrer comme le révèle la réduction de la créance de la partie civile de 2 623 876,61 francs à 2 029 746,49 francs ; qu'en conséquence, il ne résulte pas du dossier, et notamment des éléments précités, que la preuve de l'intention frauduleuse de Didier X... de détourner le bien d'autrui soit rapportée alors que la dégradation de la situation financière de la société relevait de raisons économiques largement indépendantes de la volonté du dirigeant ; que celui-ci était, par ailleurs, fondé à régler les créances échues antérieurement à l'ouverture de la procédure collective le 1er juillet 1999 avec les fonds, de nature fongible, de la société, la cause contractuelle dont se prévaut la partie civile, s'analysant en une obligation civile de représenter les fonds ; qu'ensuite, la date d'exigibilité de la créance d'Air France pour le mois de juin 1999 était fixée au 17 juillet 1999 ; que la société était alors placée en redressement judiciaire par jugement du 1er juillet 1999 ; que, dans ces conditions, le paiement de la créance d'Air France au 17 juillet 1998, soit postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, relevait du seul pouvoir du mandataire de justice dans le cadre d'un règlement collectif des créances de la société ; qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'élément intentionnel, le délit d'abus de confiance n'est pas constitué à l'encontre de Didier X... ;
"alors que l'élément intentionnel du délit d'abus de confiance résulte du seul fait de prendre sciemment le risque de ne pouvoir représenter au mandant les fonds qui lui sont dus, d'où il suit que la cour d'appel ne pouvait confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise sans rechercher, ainsi que l'y invitait la société Air France, si le risque pris par Didier X... en continuant à émettre des billets de transport pour le compte de cette compagnie dans les semaines précédant la déclaration de cessation des paiements de son entreprise ne suffisait pas à caractériser intentionnellement le délit d'abus de confiance" ;
Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que, pour confirmer l'ordonnance de non-lieu entreprise, la chambre de l'instruction, après avoir analysé l'ensemble des faits dénoncés dans la plainte et répondu aux articulations essentielles du mémoire produit par la partie civile appelante, a exposé les motifs pour lesquels elle a estimé qu'il n'existait pas de charges suffisantes contre quiconque d'avoir commis le délit reproché, ni toute autre infraction ;
Que la demanderesse se borne à critiquer ces motifs, sans justifier d'aucun des griefs que l'article
575 du Code de procédure pénale autorise la partie civile à formuler à l'appui de son pourvoi contre un arrêt de chambre de l'instruction en l'absence de recours du ministère public ;
Que, dès lors, le moyen est irrecevable, et qu'il en est de même du pourvoi, par application du texte précité ;
Par ces motifs
,
DECLARE le pourvoi IRRECEVABLE ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, M. Roger conseiller rapporteur, M. Challe conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Krawiec ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;