Cour d'appel de Metz, Chambre sociale, 26 septembre 2022, 21/01079

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Metz
  • Numéro de pourvoi :
    21/01079
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal judiciaire de Metz, 31 mars 2021
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/633293580fe3af05da32372f
  • Président : Madame Clarisse SCHIRER
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2023-03-16
Cour d'appel de Metz
2022-09-26
Tribunal judiciaire de Metz
2021-03-31

Texte intégral

Arrêt

n° 22/00337 26 Septembre 2022 --------------- N° RG 21/01079 - N° Portalis DBVS-V-B7F-FPRI ------------------ Tribunal Judiciaire de METZ- Pôle social 31 Mars 2021 19/00616 ------------------ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE METZ CHAMBRE SOCIALE Section 3 - Sécurité Sociale ARRÊT DU vingt six Septembre deux mille vingt deux APPELANT y compris dans la procédure RG 21/1251 FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE [Adresse 1] [Adresse 1] [Localité 11] Représenté par Me Sabrina BONHOMME, avocat au barreau de METZ INTIMÉS y compris dans la procédure RG 21/1251 Monsieur [A] [L] [Adresse 8] [Localité 5] représenté par l'association [12], prise en la personne de Mme [I] [K], salariée de l'association munie d'un pouvoir spécial CAISSE PRIMAIRE D' ASSURANCE MALADIE DE MOSELLE [Adresse 3] [Adresse 15] [Localité 6] représentée par M. [Z], muni d'un pouvoir général Société [16] en liquidation judiciaire dont le siège social était [Adresse 4] représentée par : la SCP [14] prise en la personne de Maître [M] [F], [Adresse 2] [Localité 10] Et la SELARL [13] prise en la personne de Maître [H] [G], [Adresse 7] [Localité 9] mandataires judiciaires en qualité de liquidateurs représentée par Maître GAUDEMET, avocat au barreau de Paris COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Avril 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, magistrat chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre Mme Carole PAUTREL, Conseillère Mme Anne FABERT, Conseillère Greffier, lors des débats : Madame Cynthia CHU KOYE HO, Greffier ARRÊT : Contradictoire Prononcé publiquement après prorogation du 04.07.2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Madame Clarisse SCHIRER, Présidente de Chambre, et par Madame MATHIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSE DU LITIGE Né le 15 avril 1937, Monsieur [A] [L] a été employé par les [19], aujourd'hui société [16], du 28 août 1961 au 31 octobre 1992. Monsieur [A] [L] a, le 10 octobre 2017 établi une déclaration de maladie professionnelle du tableau n° 30 A et le 20 novembre 2017, une maladie professionnelle inscrite au tableau n° 30B, accompagnées chacune du même certificat médical initial établi le 2 octobre 2017 par le docteur [D] [P], pneumologue à l'hôpital de [Localité 18] , faisant état d'épaississements pleuraux et d'une fibrose pulmonaire en faveur , compte tenu des données radiologiques, d'une reconnaissance de maladie professionnelle selon les tableaux 30A et 30B. La caisse a instruit les deux maladies de façon distincte. Le médecin-conseil de la caisse a conclu à l'existence de la maladie, asbestose (T30A) , avec date de première constatation médicale au 14 septembre 2017, date du scanner thoracique. ( dossier 133002676). Il a, par ailleurs conclu à l'existence de la maladie,épaississement de la plèvre viscérale (T30B), avec date de première constatation médicale au 14 septembre 2017,sur la base du même scanner thoracique. ( dossier 175002674). Le 16 avril 2018, par deux décisions distinctes, la caisse a admis le caractère professionnel de chacune de ces deux maladies, asbestose et épaississement de la plèvre viscérale inscrites au tableau n°30:affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante Par décision du 16 juillet 2018, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente de Monsieur [A] [L] à 5% pour sa maladie professionnelle 30A et lui a attribué au choix une indemnité en capital de 1958,18 euros ou une rente annuelle de 1829,27 euros (ce choix impliquant le remboursement de la moitié des capitaux précédemment versés) à la date du 3 octobre 2017, lendemain de la date de consolidation. Monsieur [A] [L] a, le 9 mai 2018, saisi le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante ( FIVA) d'une demande d'indemnisation de ses préjudices personnels . Il a accepté, le 28 août 2018, l'offre d'indemnisation du FIVA du 21 août 2018 concernant sa maladie professionnelle 30A portant sur la somme de 8500 euros en réparation de ses préjudices moral (7200 euros), physique (200 euros) et d'agrément (1 100 euros). Le FIVA, en complément de cette offre, lui a , le 30 août 2019 , proposé d'indemniser son préjudice d'incapacité fonctionnelle par la somme de 1758, 72 euros, après déduction des sommes dues par l'organisme de sécurité sociale. Cette offre a été acceptée par Monsieur [A] [L], le 6 avril 2021. Par décision du 31 mars 2021, la caisse a fixé le taux d'incapacité permanente de Monsieur [A] [L] à 5% pour sa maladie professionnelle 30B et lui a attribué une indemnité en capital de 1958,18 euros à la date du 3 octobre 2017, lendemain de la date de consolidation. Par lettre recommandée expédiée, le 15 avril 2019, Monsieur [L] a introduit devant le pôle social du tribunal de grande instance de Metz une action en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [16] dans la survenue de sa maladie professionnelle n°30A de Monsieur [L] et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent. (procédure 2019/616). Par lettre recommandée expédiée, le 28 mai 2019, Monsieur [L] a introduit devant le pôle social du tribunal de grande instance de Metz une action en vue de la reconnaissance de la faute inexcusable de la société [16] dans la survenue de sa maladie professionnelle n°30B et de bénéficier des conséquences indemnitaires qui en découlent. ( procédure 2019/856). La caisse primaire d'assurance maladie de Mosellle a été mise en cause. Le FIVA est intervenue dans les deux procédures. Par jugement du 31 mars 2021, le pôle social du tribunal judiciaire de Metz, nouvellement compétent, a : - ordonné la jonction des deux procédures; - jugé non prescrite et recevable en la forme l'action de Monsieur [L] en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur, la société [16] ; - déclaré le recours du FIVA, subrogé dans les droits de Monsieur [L] , recevable à agir; - jugé que l'employeur de Monsieur [A] [L], la société [16], a commis au détriment de celui-ci une faute inexcusable à l'origine de ses maladies professionnelles inscrites au tableau n°30A et au tableau n°30B; - fixé au montant maximum de 1 958,18 euros, l'indemnité en capital versée en application de l'article L.452-2 du code de la sécurité sociale pour chacune des maladies et ordonné à la CPAM de Moselle à verser ces deux majorations à Monsieur [A] [L] ; - dit que ces deux majorations pour faute inexcusable suivront l'évolution du taux d'incapacité permanente de Monsieur [A] [L] et qu'en cas de décès de ce dernier résultant des conséquences de sa maladie professionnelle, le principe de la majoration restera acquis pour le calcul de la rente du conjoint survivant ; - débouté le FIVA de l'intégralité de ses demandes indemnitaires; - condamné la Société [16], à rembourser à la CPAM de Moselle les sommes, en principal et intérêts, que celle-ci sera tenue d'avancer au titre des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale; - condamné le FIVA à payer Monsieur [L] la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [L]. - condamné la société [16] aux dépens; - ordonné l'exécution provisoire du jugement. Par déclaration d'appel reçue au greffe, le 16 avril 2021, le FIVA a interjeté un appel dudit jugement qui lui a été notifié par lettre recommandée de notification datée du 8 avril 2021 dont l'accusé de réception ne figure pas au dossier de première instance. Le FIVA a, le 6 mai 2021 adressé au greffe une seconde déclaration d'appel, intitulée « déclaration rectificative »mentionnant qu'il s'agit d'un appel partiel portant sur le débouté de l'intégralité de ses demandes indemnitaires et sa condamnation au paiement de 800 euros au titre de l'article du code de procédure civile. La société [16] a informé la cour de son placement en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Paris du 4 mars 2021 puis de la conversion de son redressement judiciaire en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Paris du 11 juin 2021 avec nomination pour la représenter, de la SCP [14] en la personne de Maître [M] [F] et la SELARL [13] en la personne de Maître [H] [G], mandataires judiciaires, en qualité de liquidateurs. Par conclusion récapitulatives du 25 avril 2022, verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son conseil, le FIVA demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que les deux majorations de 1958,18 euros chacune seront versées à Monsieur [L], l'a débouté de ses demandes indemnitaires et l'a condamné à payer 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [L] et, statuant à nouveau, de fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue au titre de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1958,18 euros au titre de l'asbestose et juger que la caisse devra lui verser cette majoration dans la limite de 1758,72 euros, fixer à son maximum la majoration de l'indemnité en capital prévue au titre de l'article L 452-2 du code de la sécurité sociale, soit 1958,18 euros au titre de l'épaississement de la plèvre viscérale et juger que la caisse devra verser cette majoration à M. [L], de fixer l'indemnisation des préjudices personnels de Monsieur [L] à la somme de 7200 euros s'agissant du préjudice moral, celle de 200 euros s'agissant des souffrances physiques et celle de 1 100 euros s'agissant du préjudice d'agrément et juger que la caisse devra lui verser ces sommes en application de l'article L. 452-3 alinéa 3 du code de sécurité sociale. Il conclut à la confirmation du jugement pour le surplus . Par conclusions reçues pour l'audience du 26 avril 2022 , verbalement développées à l'audience de plaidoirie par son conseil,la société [16], représentée par ses liquidateurs judiciaires, demande à la cour: à titre liminaire, - de mettre hors de cause les administrateurs judiciaires, Maîtres [S] [R] et [E] [W]; - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les recours de M. [L] et du FIVA recevables et non frappés par la prescription; - de déclarer irrecevable l'action en faute inexcusable formée par Monsieur [L] et le FIVA; - de constater que le FIVA ne justifie pas avoir déclaré sa créance aux mandataires judiciaires dans le délai légal et dire , par conséquent qu'il est irrecevable à former toute demande éventuelle à l'encontre des intimés.

Sur le

fond, - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a reconnu la faute inexcusable; - de constater que la société [16] n'a commis aucune faute inexcusable; - de débouter Monsieur [L] et le FIVA de l'ensemble de leurs demandes, y compris celles au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile; à titre subsidiaire, - de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur [L] et le FIVA de leurs demandes indemnitaires et rejeter les demandes du FIVA au titre de l'ensemble des préjudices; - dans l'hypothèse où le l'action en faute inexcusable au titre de l'asbestose serait déclarée irrecevable,, réduire le montant de l'indemnisation demandée par le FIVA à due proportion des préjudices liés à l'épaississement de la plèvre viscérale; plus subsidiairement, réduire le montant total de l'indemnisation demandé par le FIVA, au titre de l'ensemble des préjudices; en tout état de cause , - de condamner M. [L] et le FIVA aux dépens. Par conclusions du 11.02.2022 développées verbalement à l'audience de plaidoirie , M. [L] demande à la Cour de confirmer le jugement et de condamner la société [16] à lui payer 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par conclusions du 22 février 2022, développées verbalement à l'audience de plaidoirie par son conseil, la CPAM de Moselle a demandé à la cour de lui donner acte qu'elle s'en remet à la sagesse de la cour en ce qui concerne la faute inexcusable reprochée à la société [16], le cas échéant, de lui donner acte qu'elle s'en remet à sagesse en ce qui concerne la fixation de la majoration des indemnités en capital réclamée par le FIVA et M. [L] qui devront être fixées dans la limite de 1 958,18 euros pour chacunbe des deux maladies professionnelles de M. [L], de lui donner acte qu'elle s'en remet en ce qui concerne la fixation du montant des préjudices extrapatrimoniaux de M. [L] et, en cas de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur , de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société [16] à lui rembourser l'ensemble des sommes , en principal et intérêts qu'elle sera tenue d'avancer sur le fondement des articles L.452-1 à L.452-3 du code de la sécurité sociale au titre des maladies professionnelles de Monsieur [L] inscrites aux tableau 30A et 30B. Il est renvoyé aux conclusions précitées pour un examen complet des moyens et prétentions des p SUR CE: I constant que la mission des administrateurs judiciaires de la société [16] a pris fin le 11 décembre 2021 et que ladite société est représentée par ses mandataires judiciaires liquidateurs, la SCP [14] en la personne de Maître [M] [F] et la SELARL [13] en la personne de Maître [H] [G]. Sur la prescription invoquée: La société [16] représentée par ses liquidateurs judiciaires fait valoir que la demande en reconnaissance de faute inexcusable de l'employeur dans la survenance de sa maladie professionnelle, asbestose, formée par le FIVA et Monsieur [L] est fondée sur une décision irrégulière. Elle souligne que la première déclaration de cette maladie professionnelle par M. [L] en 2009 s'est soldée par une décision de la caisse de refus de prise en charge en date du 15 février 2010 qui n'a pas été contestée par ce dernier; que plus de huit ans se sont écoulés entre la date à laquelle le salarié a été informé pour la première fois du lien possible entre sa maladie, asbestose et ses activités professionnelles ( 3 novembre 2009) et la seconde déclaration de maladie professionnelle, le 10 octobre 2017 de cette même maladie; que la décision de prise en charge du 16 avril 2018 est par conséquent irrégulière et ne peut fonder une action en faute inexcusable;que la seconde déclaration est prescrite. Le FIVA et Monsieur [L] font valoir que le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle M. [L] a eu connaissance de la décision de prise en charge, soit le 16 avril 2018; que la demande en faute inexcusable formée par M. [L], le 15 avril 2019, dans le délai de deux , n'était pas prescrite; que l'état de santé de M. [L] a évolué depuis 2010 et il existe des éléments factuels nouveaux, à savoir un scanner réalisé le 14 septembre 2017 ,intervenu postérieurement au refus de prise en charge de la caisse de 2010 qui a révélé l'existence de la maladie *********************** C'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont rejeté l'exception de prescription soulevée. La société [16] ne peut en effet pas se prévaloir de la décision de la caisse du 15 février 2010 de refus de prise en charge de la maladie professionnelle, asbestose, qui avait été déclarée par Monsieur [L] en 2009, des éléments factuels nouveaux étant intervenus, à savoir un scanner thoracique du 2 octobre 2017, qui a conduit à l'établissement d'un certificat médical, le 14 juin 2017 et d'une nouvelle déclaration de maladie professionnelle datée du 10 octobre 2017, reçue par la caisse,accompagnée de ce certificat médical, le 27 novembre 2017. L'action en faute inexcusable de l'employeur introduite devant le pôle social du tribunal de grande instance de Metz, le 16 avril 2019, dans le délai légal de deux ans de la décision de prise en charge du 16 avril 2018, est par conséquent recevable. Par ailleurs, rien n'interdit au salarié qui s'est vu notifier un refus de prise en charge, de former une seconde demande en reconnaissance de maladie professionnelle, en fournissant des éléments nouveaux. La fin de non recevoir tirée de la prescription est rejetée. Sur le caractère professionnel de la maladie: La société [16] représentée par ses liquidateurs judiciaires souligne que les travaux exécutés par le salarié ne l'ont pas exposé de façon directe et habituelle à l'inhalation de poussières d'amiante, la réalité de cette exposition n'étant pas établie par les attestations produites par M.[L] .Elle fait valoir que ayant travaillé dans l'atelier estampage, Monsieur [L] n'a pas manipulé directement d'amiante, n'étant pas chargé de fabriquer ni de poser les joints à base d'amiante contenus dans les têtes motrices pour les convoyeurs des mines se situant dans un atelier différent , l'atelier du matériel des mines qui a justifié l' inscription de l'entreprise sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l' ACAATA. Elle expose, en outre, qu'à compter de 1990, l'entreprise a cessé d'utiliser l'amiante. Le M. [L] conclut à la confirmation du jugement entrepris, plusieurs témoignages d'anciens collègues étant produits qui permettent d'établi ses conditions de travail et son exposition au risque. Le FIVA , partie intervenante dans l'action en faute inexcusable introduite par M. [L] se joint à son argumentation et estime que les éléments constitutifs de la faute inexcusable sont réunis. *********************** Aux termes de l'article L 461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions désignées dans ce tableau. Pour renverser cette présomption, il appartient à l'employeur de démontrer que la maladie est due à une cause totalement étrangère au travail. Le tableau n°30A désigne l'asbestose confirmée par un examen tomodensitométrique comme maladie provoquée par l'inhalation de poussières d'amiante. Ce tableau prévoit un délai de prise en charge de 35 ans et une liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer cette affection de sorte que ce tableau n'impose pas que le salarié ait directement manipulé des produits amiantés, seul important le fait qu'il ait effectué des travaux l'ayant conduit à inhaler habituellement des poussières d'amiante En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie dont se trouve atteint Monsieur [L] répond aux conditions médicales du tableau n° 30A (asbestose). Seule est contestée l'exposition de Monsieur [L] au risque d'inhalation de poussières d'amiante dans l'usine de la société [16]. Il ressort du rapport adressé à la caisse par l'employeur que M. [A] [L] a travaillé dans l'atelier Estampage entre 1961 et 1992 successivement de 1961 à 1974 comme conducteur de presse/ presseur, de 1975 à avril 1976 comme chef d'équipe et de mai 1976 à octobre 2012 comme chef de machine. En ce qui concerne la description de ses activités au sein de la société [16], dans le questionnaire qui lui avait été envoyé par la caisse dans le cadre de l'instruction de sa maladie professionnelle , Monsieur [A] [L] , a exposé qu'il travaillait dans le secteur forge comme estampeur à proximité des fours maxi-presses équipés de joints amiantés, que le nettoyage de son poste de travail se faisait à la soufflette à air comprimé ce qui faisait voler la poussière dans l'atelier. Ses anciens collègues de travail chez [17] devenue la société [16], Monsieur [T] [O] et Monsieur [V] [X] qui ont travaillé avec lui ont établi des attestations dans lesquelles ils confirment ses allégations et attestent de manière concordante de l'exposition habituelle de Monsieur [A] [L] au risque amiante dans l'atelier Forge où il travaillait, du fait de la proximité des fours maxi presses qui étaient équipés de joints en amiante, de l'arrivée des pièces sur des chariots élévateur et ponts roulants équipés de freins composés de matériaux amiantés qui en fonctionnant libéraient des fibres d'amiante Les deux témoins attestent également de manière concordante et circonstanciée de l'important dépôt de poussières sur les postes de travail qui étaient nettoyés à la soufflette à air comprimé ce qui faisait voler la poussière renfermant des fibres d'amiante dans l'atmposphère . Leurs descriptions exposent ainsi parfaitement comment les travaux réalisés ont nécessairement impliqué une exposition de la victime au risque,du fait de l'usage de matériaux dont l'usure ou les frottements entraînaient la dégradation de l'amiante en poussières. Il est ainsi démontré que Monsieur [A] [L] soit directement, soit du fait de travaux effectués à proximité par d'autres opérateurs, a été habituellement exposé au risque amiante lors de ses emplois pour le compte de la société [16], étant rappelé que l'exposition pour être qualifiée d'habituelle n'a pas besoin d'être continue et permanente. Dès lors, la présomption d'imputabilité de la maladie au travail trouve à s'appliquer, et la société [16] n'apportant pas la preuve contraire que le travail n'a joué aucun rôle dans le développement de la maladie, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le caractère professionnel de l'asbestose et de l'épaississement de la plèvre viscérale, maladies dont se trouve atteint Monsieur [A] [L] est établi à l'égard de la société [16]. Sur la faute inexcusable de l'employeur : La société [16] soutient qu'elle ne pouvait avoir conscience du danger de l'amiante, compte tenu de la réglementation en vigueur, de l'état des connaissances scientifiques à l'époque, soulignant qu'elle n'utilisait l'amiante que de manière accessoire et qu'en tout état de cause, elle avait adopté toutes les mesures de protection nécessaires. M. [L] et le FIVA qui adopte ses motifs demandent la confirmation du jugement entrepris, estimant que la preuve est parfaitement rapportée de ce que la société [16] avait non seulement connaissance du risque, mais qu'elle n'a pas mis en 'uvre les moyens adéquats pour protéger Monsieur [A] [L] du risque amiante. La caisse s'en rapporte à l'appréciation de la cour. *********************** En vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l'employeur est tenu envers celui-ci d'une obligation de sécurité de résultat. Les articles L 4121-1 et 4121-2 du code du travail mettent par ailleurs à la charge de l'employeur une obligation légale de sécurité et de protection de la santé du travailleur. Le manquement à son obligation de sécurité et de protection de la santé de son salarié a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L 452-1 du Code de la Sécurité Sociale , lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. La preuve de la faute inexcusable de l'employeur incombe à la victime. Dans le cadre de son obligation générale de sécurité,l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation et la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. S'agissant de la conscience du danger,la dangerosité de l'amiante est connue en France depuis le début du XXème siècle au moins, notamment grâce au Bulletin de l'inspection du travail de 1906 faisant état de très nombreux cas de fibroses chez les ouvriers de filatures et tissage. Les maladies engendrées par les poussières d'amiante ont été inscrites pour la première fois au tableau des maladies professionnelles en 1945, et un tableau spécifique aux pathologies consécutives à l'inhalation des poussières d'amiante (asbestose) a été créé en 1950, avec inscription des travaux de calorifugeage au moyen d'amiante dès 1951. La liste des travaux susceptibles d'entraîner les maladies inscrites au tableau 30A et 30B est devenue simplement indicative par décret n°55-1212 du 13 septembre 1955. Ainsi, dès le début des années 50, tout employeur avisé était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'usage, alors encore licite, de la fibre d'amiante. Cette obligation de vigilance et de prudence était encore accrue pour la société [16], cette dernière, spécialisée dans le domaine de l'acier et revêtant une importante dimension dans son secteur, pouvant disposer de toutes les informations relatives aux dangers de l'amiante, et ce d'autant qu'elle reconnaît, d'une part, avoir disposé d'un département Matériel des Mines impliquant une exposition à l'amiante, et d'autre part, avoir eu recours à l'amiante, même de façon limitée. Aussi la société [16] ne pouvait-elle pas ignorer, même à l'époque éloignée de cette période d'emploi de Monsieur [A] [L] , les problématiques liées à l'amiante. L'argument tiré des controverses scientifiques qui étaient en cours à cette époque ne saurait altérer la conscience qu'avait ou qu'aurait dû avoir la société [16] des risques liés à l'exposition à l'amiante. Concernant les mesures de protection prises par l'employeur pour éviter le risque amiante, les attestations de ses anciens collègues, déjà cités précédemment, témoignent que Monsieur [A] [L] n'a jamais été mis en garde par l'employeur sur les dangers que représentait l'inhalation des poussières d'amiante pour sa santé et n'a pas bénéficié de mesures de protection particulières, l'employeur qui nie toute exposition à l'amiante de Monsieur [A] [L] , ne prétendant nullement avoir, dans l'atelier forge où il travaillait, effectué des contrôles pour vérifier la concentration des fibres d'amiante dans l'atmosphère. Si la société [16] produit aux débats, des factures de masques anti-poussières de 1986,1987 et 1991, ces pièces ne contiennent aucun élément sur les conditions effectives de travail de Monsieur [A] [L] et ne permettent pas de contredire la situation concrète dans laquelle il s'est trouvé, décrite par les témoignages concordants et circonstanciés de ses anciens collègues de travail, précédemment cités , confirmant l'insuffisance des moyens de protection mis en oeuvre en 'uvre par la société [16]. De même , le fait qu'elle produise un résultat d'une analyse effectuée en 2005 attestant de l'absence d'amiante, qui n'a pas trait à la période en cause, est inopérant. Dès lors, le jugement entrepris sera confirmé, compte tenu de l'existence d'une faute inexcusable de la société [16] à l'origine des maladies professionnelles de Monsieur [A] [L] du tableau n° 30A et du tableau n° 30B. Sur les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur: Sur la majoration de l'indemnité en capital La société [16] ,représentée par ses liquidateurs ne fait aucune observation sur la disposition du jugement qui a a ordonné la majoration au maximum des indemnités en capital allouées à M. [L] , soit les sommes de 1 958,18 euros pour chacune de ses deux maladies professionnelles de sorte que le jugement entrepris est confirmé sur ce point. Le FIVA justifiant à hauteur d'appel avoir indemnisé le préjudice d'incapacité fonctionnelle de Monsieur [A] [L] résultant de sa maladie professionnelle, asbestose à hauteur à hauteur de la somme de 1758,72 euros, le 27 octobre 2021 ( sa pièce 14) n°, il est fondé à solliciter que la majoration de l'indemnité en capital lui soit versée par l'organisme de sécurité sociale à hauteur de cette somme,à réactualiser au jour de l'exécution du présent arrêt, le solde éventuel revenant à M. [L], lequel ne fait aucune observation sur les demandes du FIVA.Le jugement entrepris sera réformé sur ce point, au vu de l'évolution du litige. Sur les préjudices personnels de Monsieur [A] [L] Sur les souffrances physiques et morales Le jugement entrepris a débouté le FIVA de sa demande de réparation des souffrances physiques et morales subies par M. [A] [L] au motif notamment que le FIVA ne justifie pas de ses demandes indemnitaires. La société [16] représentée par ses liquidateurs, sollicite la confirmation du jugement entrepris, aucun élément de preuve pour établir l'existence de souffrances subies par Monsieur [A] [L] n'étant produit. Le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante fait valoir qu'il résulte de la rédaction de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que les préjudices indemnisés par l'indemnité en capital ou la rente majorée sont totalement distincts des préjudices visés à l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale ce que démontre également la rédaction de l'article L.434-2 du code de la sécurité sociale qui définit les critères retenus pour fixer le taux d'IPP. Il expose que l'asbestose en évoluant entraine des souffrances physiques de plus en plus importantes liées à la perte de la capacité respiratoire se manifestant par une dyspnée d'effort, une toux des râles crépitants; que l'épaississement de la plèvre entraine des douleurs thoraciques liées à la perte d'élasticité de la plèvre et que le préjudice moral consiste dans l'anxiété résultant de l'annonce du diagnostic et la crainte pour la victime de voir évoluer ses pathologies. ********************* ll résulte de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale que se trouvent indemnisées à ce titre l'ensemble des souffrances physiques et morales éprouvées depuis l'accident ou l'évènement qui lui est assimilé. L'indemnisation des souffrances physiques et morales prévues par ce texte ne saurait être subordonnée à une condition tirée de la date de consolidation ou encore de l'absence de souffrances réparées par le déficit fonctionnel permanent qui n'est ni prévue par ce texte, ni par les dispositions des articles L.434-1, L.434-2 et L.452-2 du code de la sécurité sociale, puisque la rente servie après consolidation est déterminée par la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle ne comprenant pas la prise en compte de quelconques souffrances, sur la base d'un salaire de référence, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité. Il s'ensuit que la rente et sa majoration ne peuvent indemniser les souffrances endurées. S'agissant des souffrances physiques subies ,si le FIVA, expose que Monsieur [A] [L] souffre d'une dyspnée d'effort, de toux et de râles crépitants et de douleurs thoraciques, il ne le justifie pas par les pièces médicales qu'il produit. Le FIVA a, par conséquent, à bon droit, été débouté de sa demande à ce titre. S'agissant du préjudice moral, Monsieur [A] [L] était âgé de 80 ans lorsqu'il a appris qu'il était atteint des maladies professionnelles, asbestose et épaississement de la plèvre viscérale. L'anxiété indissociable du fait de se savoir atteint de deux maladies irréversibles dues à l'amiante et liée aux craintes de leur évolution péjorative à plus ou moins brève échéance sera réparée par l'allocation de la somme de 7200 euros de dommages-intérêts réclamée par le FIVA qui apparaît réparer intégralement le préjudice réclamé. Sur le préjudice d'agrément En l'absence de toute preuve de la pratique par M. [L], antérieurement au diagnostic de ses maladies professionnelles 30A et 30B, d'une activité spécifique sportive ou de ladit qu'il lui est désormais impossible de pratiquer, le jugement entrepris a débouté le FIVA de sa demande à ce titre est confirmé. Sur l'action récursoire de la caisse: La société [16] représentée par ses liquidateurs n'émet aucune critique de la disposition du jugement ayant fait droit à l'action récursoire de la caisse. Une procédure collective ayant postérieurement été ouverte au bénéfice de l'employeur , il convient de dire que l'action récursoire de la caisse qui justifie de sa déclaration de créance dans ladite procédure collective de la société [16], s'exercera dans le respect des règles propres à l'apurement du passif des sociétés placées en liquidation judiciaire. Sur les mesures accessoires: L'issue du litige, conduit la cour à confirmer le montant de 500 euros qui a été alloué en première instance au titre de l'article 700 du code de procédure civile à Monsieur [L] .La société [16] ayant cependant, postérieurement au jugement fait l'objet d'une procédure collective, il convient de dire que ce montant ne sera inscrit au passif de la liquidation judicaire de la société que sous réserve de sa déclaration régulière dans la procédure collective . Le jugement est par ailleurs infirmé en ce qu'il a condamné le FIVA qui n'est pas la partie succombante à payer à M. [L] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et il convient de dire que le FIVA n'est pas redevable de cette somme . L'issue du litige conduit en outre la cour à fixer au passif de la procédure collective de la société [16] la créance de M. [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel, à la somme de 500 euros. Par ailleurs la cour à met à la charge de la société [16] les dépens de la procédure, tant d'instance que d'appel.Compte tenu de la survenance de la procédure collective de l'employeur, il convient de les fixer au passif de la procédure collective de la société [16].

PAR CES MOTIFS

La cour, ORDONNE la jonction de la procédure RG 21/1251 à celle n° RG21/1079. INFIRME le jugement entrepris du pôle social du tribunal judiciaire de Metz du 31 mars 2021 en ce qu'il a dit que les deux majorations de 1958,18 euros seront versées par la CPAM de Moselle à Monsieur [L] et , en ce qu'il a débouté le FIVA de sa demande d'indemnisation du préjudice moral de Monsieur [A] [L] ainsi qu'en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens. Statuant à nouveau, DIT que la majoration au maximum de l'indemnité en capital allouée à M. [L] au titre de sa maladie professionelle, asbestose, soit 1958,18 euros, sera versée par la CPAM de Moselle au FIVA à hauteur de la somme de 1758, 72 euros à réactualiser lors de l'exécution du présent arrêt et à M. [L] pour le solde éventuel. DIT que la majoration au maximum de l'indemnité en capital allouée à M. [L] au titre de sa maladie professionnelle, épaissisement de la plèvre viscérale ( MP 30B), soit 1958,18 euros, sera versée intégralement par la CPAM de Moselle à M. [L] . FIXE l'indemnité réparant le préjudice moral de Monsieur [A] [L] à la somme de 7200 euros et dit que la CPAM de Moselle devra verser cette somme au FIVA créancier subrogé, en application de l'article L.452-3 du code de la sécurité sociale. FIXE au passif de la procédure collective de la société [16] la créance de M. [L] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 500 euros sous réserve que M. [L] ait régulièrement déclaré cette créance dans la procédure collective de la société. DIT que le FIVA n'est pas tenu de payer à M. [L] une indemnité au titre de l'article 700 du code procédure civile. FIXE les dépens de première instance au passif de la procédure collective de la société [16]. CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus sauf à préciser que l'action récursoire de la caisse s'exercera par voie de fixation de sa créance au passif de la procédure collective de la société [16]. Y ajoutant, FIXE au passif de la procédure collective de la société [16] la créance de M. [L] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'instance d'appel, à la somme de 500 euros FIXE au passif de la prodédure collective de la société [16], les dépens d'appel. Le Greffier Le Président