LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles
114 et
655 du code de procédure civile ;
Attendu, selon le premier de ces textes, que la nullité d'un acte de procédure ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public ; que, selon le second, la signification doit être faite à personne ; que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré à domicile ; que l'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 17 mars 2011), que Mme Geneviève X... et M. Jean-Pierre X... (les consorts X...), propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail à la société Le Royal Collange, ont délivré à la locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire puis l'ont assignée en constatation de la résiliation du bail et en expulsion ; que la société Le Royal Collange a soulevé la nullité de la signification de l'assignation ;
Attendu que pour accueillir cette exception et débouter les consorts X... de leur demande, l'arrêt retient, d'une part, que la nullité de la signification, obéissant au régime des actes de procédure, ne nécessite pas la démonstration d'un grief, d'autre part, que l'huissier a constaté l'absence momentanée du dirigeant social ou de tout autre personne susceptible d'être habilitée à recevoir des actes pour le compte de la société Le Royal Collange, les locaux paraissant inexploités et que le seul motif de l'absence momentanée, en ce qu'elle est temporaire, ne peut suffire à caractériser l'impossibilité de la signification au destinataire de l'acte introductif d'instance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la nullité de la signification est subordonnée à la preuve d'un grief et que la signification, dont il n'était pas contesté qu'elle avait été faite au domicile de la société Le Royal Collange, mentionnait que l'huissier avait constaté que personne n'était présent pour recevoir l'acte, et ainsi caractérisé l'impossibilité de signifier l'acte à la personne de son destinataire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée ;
Condamne la société Le Royal Collange aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, condamne la société Le Royal Collange à payer à Mme Geneviève X... et à M. Jean-Pierre X... la somme globale de 2 500 euros ; rejette la demande de la société Le Royal Collange ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatre juillet deux mille douze.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. Jean-Pierre X... et Mme Geneviève Y... épouse X...
Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leurs demandes tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat de bail formé avec la société ROYAL COLLANGE et à la voir condamner à libérer les lieux, à payer l'arriéré de loyers et une indemnité d'occupation,
AUX MOTIFS QU'il convient de rappeler que, par acte du 20 janvier 2008, les consorts X... ont consenti à la société ROYAL COLLANGE un bail commercial,, portant sur des locaux à destination de brasserie restaurant à compter du 1er juillet 2007, moyennant un loyer annuel en principal de 45 000 ; que les bailleurs, constatant le défaut d'exploitation ont fait assigner en référé la société ROYAL COLLANGE le 20 novembre 2009, aux fins de constater l'acquisition de la clause résolutoire et ordonner l'expulsion du preneur ; que le juge des référés, par ordonnance du 26 janvier 2010, a dit n'y avoir lieu à constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, et a condamné la société ROYAL COLLANGE à payer la somme de 8449 aux consorts X..., à valoir sur l'arriéré locatif ; que les consorts X... ont fait délivrer le 10 février 2010 un commandement de payer la somme de 17 097 visant la clause résolutoire, puis ont assigné la société ROYAL COLLANGE en référé, par acte du 2 avril 2010 ; que le 22 avril 2010, ils ont restitué au preneur le chèque d'un montant de 22 091 destiné à recouvrir la dette locative, au motif que le chèque émanait d'un tiers et ne pouvait pas être encaissé ; que la société ROYAL COLLANGE invoque en premier lieu la nullité de la signification de l'assignation, délivrée le 2 avril 2010, en vertu des dispositions des articles
654 et
693 du code de procédure civile, celle-ci ne pouvant être qualifiée d'impossible, au regard des termes employés par l'huissier de justice, et la société ROYAL COLLANGE soutenant n'avoir reçu ni l'avis de passage du tiers, ni la lettre prévue par l'article
658 du code de procédure civile ; qu'elle estime que de ce fait, elle n'a pas été mise en mesure d'exposer sa défense devant le juge des référés et s'est trouvée contrainte de restituer les clés par l'effet de l'exécution provisoire de la décision attaquée ; qu'elle retient que sa restitution des clés, suite au commandement de quitter les lieux du 28 juillet 2010, ne vaut pas renonciation à défendre ses droits ; qu'elle excipe de sa bonne foi, soutenant qu'avant le présent contentieux, elle avait toujours réglé son loyer à terme, qu'elle n'a pu débuter son activité en raison des travaux importants de rénovation devant être entrepris, ainsi qu'il ressort d'un procès verbal d'huissier du 3 mars 2009, et de l'ordonnance du 26 janvier 2010, mais que les travaux sont achevés depuis l'été 2010 ; qu'elle évoque les investissements importants qu'elle a dû supporter, et son souhait de reprendre son activité, exposant que son associé, Monsieur Z..., a consigné la somme de 10 000 sur son compte CARPA afin d'apurer une partie de la dette locative ; que les consorts X... soutiennent qu'il ressort du procès verbal de signification que l'huissier instrumentaire a trouvé l'établissement fermé, et laissé un avis de passage, qu'il n'avait pas à accomplir de démarche particulière dans la mesure où le lieu de signification, à savoir l'adresse du fonds de commerce, répondait aux prescriptions de l'article
690 du code de procédure civile ; qu'ils concluent en tout état de cause à l'irrecevabilité de la demande d'infirmation de l'ordonnance de référé, du chef de ses effets relatifs à la résiliation du bail avec expulsion, eu égard à la restitution des clés, intervenue le 16 août 2010 ; qu'ils se prévalent du défaut d'exploitation du fonds de commerce et de l'inachèvement des travaux tels que constatés les 13 janvier 2009 11 mars et 29 octobre 2010 ; qu'ils excipent du non paiement des loyers, à plusieurs reprises, depuis février 2009, et définitivement depuis le 3ème trimestre 2009, ainsi qu'il ressort de l'ordonnance du 26 janvier 2010, condamnant la société ROYAL COLLANGE à lui verser la somme de 8440 au titre des arriérés locatifs, les consorts X... refusant à l'audience d'accepter un chèque d'une société tierce ; que le juge des référés est le juge de l'urgence et de l'évidence ; que la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, ou toute personne habilitée à cet effet ; que si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré à domicile ou à résidence ; que l'huissier instrumentaire ne peut se suffire de l'absence du destinataire mais doit préciser les éléments dont il se déduit l'impossibilité de la remise de l'acte ; qu'en l'espèce, l'huissier a constaté l'absence momentanée du dirigeant social ou de toute personne susceptible d'être habilitée à recevoir des actes pour le compte de la société ROYAL COLLANGE, les locaux paraissant inexploités ; que le seul motif de l'absence momentanée en ce qu'elle est temporaire, ne peut suffire à caractériser l'impossibilité de la signification au destinataire de l'acte introductif de l'instance en référé ; que la nullité de la signification obéissant au régime des actes de procédure ne nécessite pas la démonstration d'un grief ; que le premier juge n'a pas recherché, alors que le défendeur était défaillant, si l'action des consorts X... était recevable ;
1) ALORS QUE conformément aux articles
654 alinéa 2 et
655 du code de procédure civile, la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal ou à toute personne habilitée ; que l'acte peut être délivré à domicile si l'huissier instrumentaire qui se présente au lieu du siège social ne rencontre personne, aucune disposition légale ne lui imposant de se présenter à nouveau ; qu'en l'espèce, en se présentant au lieu du siège social de la société ROYAL COLLANGE, celui-ci étant aussi le lieu d'exploitation du fonds de commerce de restaurant brasserie, et en ne rencontrant personne, l'huissier instrumentaire qui a mentionné avoir acquis la certitude du domicile en vérifiant l'inscription du nom du destinataire sur la boîte aux lettres et en interrogeant la gardienne de l'immeuble et qui a noté que le destinataire était absent à 10 H 35, a ainsi caractérisé l'impossibilité de délivrer l'acte à personne ; que la cour d'appel qui, pour annuler la signification de l'assignation en référé délivrée à la société ROYAL COLLANGE, a retenu que l'huissier avait constaté l'absence momentanée du destinataire et que les locaux paraissaient inexploités, mais a énoncé qu'une absence temporaire ne suffisait pas à caractériser l'impossibilité de signifier à personne, a imposé comme condition de la régularité d'une signification à personne morale l'obligation de se représenter, en cas d'absence, ce qui ne résulte pas des textes applicables ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
2) ALORS QUE en outre, l'huissier instrumentaire a mentionné qu'il avait acquis la certitude du domicile du destinataire en vérifiant son nom sur la boîte aux lettres et en s'informant auprès de la gardienne ; que dès lors, contrairement à ce que retient la cour d'appel, l'huissier de justice n'a pas limité ses diligences à la constatation d'une absence momentanée du destinataire mais a noté les diligences accomplies pour vérifier le domicile du destinataire, y compris auprès de la gardienne de l'immeuble ; que dès lors, en retenant que l'huissier de justice n'avait que constaté l'absence momentanée du destinataire de l'acte, la cour d'appel qui n'a pas relevé que celui-ci avait vérifié, au préalable, le domicile, ce qu'attestait en outre le fait qu'il ait pu déclarer que l'absence était momentanée, a, en statuant ainsi violé les articles
654,
655 et
693 du code de procédure civile ;
3) ALORS QUE conformément aux articles
693 et
694 du code de procédure civile et à l'article
114 du même code, les prescriptions des articles
654 et
655 du code de procédure civile notamment sont prescrites à peine de nullité, l'annulation de la signification exigeant la constatation d'un grief ; qu'en affirmant que la nullité de la signification de l'assignation en référé, pour obéir au régime des actes de procédure, ne nécessitait pas un grief, la cour d'appel a violé les dispositions susvisées.