Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 juillet et 13 août 2023, Mme B A demande au juge des référés de suspendre, en application de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du recteur de l'académie de Rennes du 27 juin 2023 portant prolongation de stage dans l'académie de Rennes, à compter du 1er septembre 2023.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- elle a été affectée, par arrêté du 19 avril 2023, en qualité de conseillère principale d'éducation au sein de l'académie de Normandie, puis par arrêté du 11 juillet 2023, au sein du lycée polyvalent (LPO) Alexie de Tocqueville de Cherbourg ;
- son stage a été prolongé, au sein de l'académie de Rennes, par arrêté du 17 juillet 2023, en méconnaissance des dispositions du Bulletin officiel n° 15 du 14 avril 2022, qui précisent que la prolongation éventuelle de stage doit avoir lieu dans l'académie d'affectation, obtenue dans le cadre du mouvement inter et intra-académique de mutation ;
- elle ne conteste pas avoir 28 jours de stage à réaliser, alors même que la moitié des congés maladie en cause se situe durant les vacances d'hiver ; cette prolongation de stage doit toutefois avoir lieu dans l'académie d'affectation obtenue.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 août 2023, le recteur de l'académie de Rennes conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les lignes directrices de gestion ministérielle relatives à la mobilité des personnels du ministère de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports du 25 octobre 2021, publiées au Bulletin officiel n° 6 du 28 octobre 2021, distinguent entre les agents stagiaires n'ayant pu être évalués et ceux qui l'ont été ; dans le premier cas, applicable à la situation de Mme A, qui n'a pu être évaluée compte tenu du quantum de jours d'arrêt maladie cumulés au cours de l'année de stage, l'affectation obtenue dans le cadre du mouvement inter et intra-académique est annulée et l'agent stagiaire est maintenu à titre provisoire dans l'académie de réalisation du premier stage ;
- en application de ces dispositions, les arrêtés d'affectation de Mme A des 19 avril et 11 juillet 2023 ont été annulés, dès lors que l'intéressée n'a pas été évaluée et a vu son stage prolongé de 28 jours ; elle ne peut donc se prévaloir de leur intervention ;
- nonobstant les avis favorables de l'inspecteur d'académie et du chef d'établissement dans lequel Mme A a réalisé son stage, elle n'a pu être évaluée par le jury académique, eu égard au nombre de jours de congés maladie cumulés durant l'année scolaire, à hauteur de 64 jours.
Vu :
- la requête au fond n° 2304198, enregistrée le 1er août 2023 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- le décret n° 70-738 du 12 août 1970 relatif au statut particulier des conseillers principaux d'éducation ;
- la note de service du 7 avril 2022, relative à l'affectation en qualité de fonctionnaire stagiaire des lauréats des concours du second degré - Rentrée de septembre 2022 ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné Mme Thielen, première conseillère, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 23 août 2023 :
- le rapport de Mme Thielen ;
- les observations de Mme A, qui conclut aux mêmes fins que ses écritures, par les mêmes moyens, et précise notamment que :
* elle conteste les décisions qui l'affectent dans l'académie de Rennes pour réaliser la prolongation de stage, qui préjudicient de manière grave et immédiate à sa situation personnelle et professionnelle ;
* elle a entamé des démarches pour prendre son poste à Cherbourg, notamment auprès du chef d'établissement et de l'équipe pédagogique ; sa compagne a également refusé un emploi en Bretagne, dans la perspective de leur déménagement en Normandie ;
* si elle réalise sa prolongation de stage dans l'académie de Rennes, elle n'y sera pas affectée à l'issue de l'année scolaire 2023/2024, étant obligatoirement soumise au mouvement de mutation inter et intra-académique ;
* elle a obtenu, en première affectation, une académie très demandée et proche de ses attaches personnelles et familiales en Bretagne et risque d'être affectée en Île-de-France l'année prochaine ;
* le jury devait l'évaluer, dès lors que les avis étaient favorables à sa titularisation ;
- les observations de Mme C, représentant le recteur de l'académie de Rennes, qui persiste dans ses conclusions écrites, par les mêmes arguments, et qui précise qu'il a été considéré que Mme A ne pouvait être évaluée compte tenu du nombre de jours d'arrêt maladie et que la titularisation est bien prévue pour intervenir, en principe, le 29 septembre 2023, sans que le stage de l'intéressée ne soit renouvelé pour une année complète.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A a été affectée au sein du lycée polyvalent Fulgence Bienvenüe, situé à Loudéac, à compter du 1er septembre 2022 et pour l'année scolaire 2022/2023, en qualité de conseiller principal d'éducation stagiaire. Dans le cadre du mouvement annuel de mutation inter et intra-académique, elle a ensuite été affectée au sein du lycée polyvalent Alexis de Tocqueville situé à Cherbourg, à compter du 1er septembre 2023 et sous réserve de sa titularisation. Ayant toutefois été arrêtée pour raison de santé durant son année de stage, à hauteur cumulée de 64 jours de congé maladie ordinaire, son stage a été prolongé de 28 jours pour qu'elle accomplisse la durée réglementaire de stage. Par décision du 27 juin 2023, le recteur de l'académie de Rennes a affecté Mme A dans l'académie de Rennes, pour la durée restant à réaliser de stage, jusqu'au 29 septembre 2023. L'intéressée n'ayant pas été évaluée par le jury académique, le recteur de l'académie de Rennes a ensuite, par décision du 17 juillet 2023, décidé de renouveler son stage et de l'affecter au sein du lycée général et technologique Ernest Renan situé à Saint-Brieuc, pour toute l'année scolaire 2023/2024. Mme A a saisi le tribunal d'un recours en annulation contre les décisions l'affectant dans l'académie de Rennes pour réaliser sa prolongation de stage et, dans l'attente du jugement au fond, demande au juge des référés d'en suspendre l'exécution.
2. Aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ".
Sur le doute sérieux quant à la légalité de la décision :
3. Aux termes de l'article
8 du décret n° 70-738 du 12 août 1970 relatif au statut particulier des conseillers principaux d'éducation : " Les candidats reçus aux concours prévus à l'article 5 et remplissant les conditions de nomination dans le corps sont nommés fonctionnaires stagiaires et affectés, par le ministre chargé de l'éducation, pour la durée du stage dans une académie. Cette durée est d'un an. Au cours de leur stage, les conseillers principaux d'éducation stagiaires bénéficient d'une formation organisée, dans le cadre des orientations définies par l'État, par un établissement d'enseignement supérieur, visant l'acquisition des compétences nécessaires à l'exercice du métier. Cette formation alterne des périodes de mise en situation professionnelle dans un établissement scolaire et des périodes de formation au sein de l'établissement d'enseignement supérieur. Elle est accompagnée d'un tutorat et peut être adaptée pour tenir compte du parcours antérieur des conseillers principaux d'éducation stagiaires. / Les modalités du stage et les conditions de son évaluation par un jury sont arrêtées conjointement par le ministre chargé de l'éducation et par le ministre chargé de la fonction publique. / À l'issue de ce stage, la titularisation est prononcée par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est accompli, sur proposition du jury. La titularisation confère le certificat d'aptitude aux fonctions de conseiller principal d'éducation. / Les prolongations éventuelles du stage sont prononcées par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle le stage est effectué. / Les stagiaires qui n'ont pas été titularisés peuvent être autorisés par le recteur de l'académie dans le ressort de laquelle ils ont accompli leur stage à effectuer une seconde année de stage à l'issue de laquelle ils sont titularisés dans les conditions fixées au troisième alinéa. / Les stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer une seconde année de stage ou qui, à l'issue de la seconde année de stage, n'ont pas été titularisés sont soit licenciés par le ministre chargé de l'éducation nationale, soit réintégrés dans leur corps ou cadre d'emplois d'origine s'ils avaient la qualité de fonctionnaire. / Le temps accompli en qualité de stagiaire est pris en compte dans la limite d'une année pour le calcul de l'ancienneté dans le corps des conseillers principaux d'éducation ".
4. Aux termes, par ailleurs, de la note de service du 7 avril 2022, relative à l'affectation en qualité de fonctionnaire stagiaire des lauréats des concours du second degré - Rentrée de septembre 2022, publiée au Bulletin officiel de l'éducation nationale de la jeunesse et des sports n° 15 du 14 avril 2022, applicable à la situation de Mme A : " / () / II.3.4 Stagiaires 2021-2022 non titularisés, en renouvellement ou en prolongation de stage : / Il s'agit, soit d'un renouvellement de stage, soit d'une prolongation de stage suite à congés (de maladie ou autre). / Les stagiaires qui, au terme de leur première année de stage, soit n'ont pas été évalués (prolongation), soit n'ont pas reçu d'avis favorable à leur titularisation mais sont autorisés par leur recteur à accomplir une deuxième et dernière année de stage (renouvellement), doivent obligatoirement effectuer leur stage dans le second degré. / Ils verront leur affectation obtenue dans le cadre du mouvement national à gestion déconcentrée annulée (à l'exception des agents titulaires d'un autre corps de personnels enseignants du second degré public) et seront maintenus dans leur académie de stage en 2022-2023. / Les stagiaires en situation de prolongation de stage suite à congé, et pour lesquels les avis des évaluateurs sont favorables à la titularisation, sont évalués par le jury du lieu d'affectation durant le stage. Ils prolongent leur stage dans l'académie obtenue dans le cadre du mouvement à gestion déconcentrée et sont titularisés, à l'issue du stage, par le recteur de l'académie du lieu d'affectation obtenue ".
5. Il résulte des dispositions précitées que si un stagiaire dont le stage est renouvelé, du fait d'un avis du jury académique défavorable à sa titularisation, ou prolongé, du fait d'une absence d'évaluation par le jury académique, perd le bénéfice de l'affectation préalablement obtenue dans le cadre du mouvement de mutation inter et intra-académique, un stagiaire dont le stage doit être prolongé en raison seulement des congés de maladie cumulés pendant l'année de stage, pour que soit accomplie la durée réglementaire de stage, d'une part, doit être évalué par le jury du lieu d'affectation durant le stage, dès lors et sous réserve des avis favorables à la titularisation émis par les évaluateurs et, d'autre part, réalise la prolongation de stage dans l'académie obtenue dans le cadre du mouvement de mutation inter et intra-académique et est titularisé par le recteur de cette académie, sans considération de la durée des congés maladie octroyés et de la durée subséquente de prolongation de stage devant ainsi être réalisée.
6. Il résulte de l'instruction que si le stage de Mme A est prolongé de 28 jours, à raison des congés de maladie ordinaire qu'elle a cumulés durant l'année scolaire 2022/2023, tant l'inspecteur d'académie que le chef de son établissement d'affectation ont émis, respectivement les 18 et 12 avril 2023, un avis favorable motivé à sa titularisation, de sorte qu'en application des dispositions précitées, Mme A devait être évaluée par le jury académique et réaliser la prolongation de son stage dans l'académie au sein de laquelle elle a été affectée dans le cadre du mouvement de mutation inter et intra-académique soit, en l'espèce, le lycée polyvalent Alexis de Tocqueville situé à Cherbourg.
7. Dans ces circonstances et en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'erreur de droit et de l'inexacte application des dispositions combinées de l'arrêté n° 70-738 du 12 août 1970 et de la note de service du 7 avril 2022, relative à l'affectation en qualité de fonctionnaire stagiaire des lauréats des concours du second degré - Rentrée de septembre 2022, apparaît de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité des décisions du recteur de l'académie de Rennes portant renouvellement de stage et affectation de Mme A dans l'académie de Rennes, au sein du lycée général et technologique Ernest Renan de Saint-Brieuc pour l'année scolaire 2022/2023.
Sur l'urgence :
8. L'urgence justifie que soit prononcée la suspension d'un acte administratif lorsque l'exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il appartient au juge des référés d'apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l'acte litigieux sur la situation de ce dernier ou, le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l'exécution de la décision soit suspendue. L'urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce.
9. Il résulte de l'instruction, notamment des explications des parties à l'audience, que les décisions en litige ont pour objet et effet de faire perdre à Mme A le bénéfice de son affectation dans l'académie de Normandie, tout en ne l'affectant que provisoirement dans l'académie de Rennes, l'intéressée, dont la titularisation reste projetée pour intervenir en principe le 29 septembre 2023, devant obligatoirement se soumettre au mouvement annuel de mutation inter et intra-académique pour son affectation définitive. Il résulte également des explications de Mme A qu'elle risque, dans cette hypothèse, d'être affectée dans une académie loin de ses attaches familiales et personnelles situées en Bretagne, alors même qu'elle avait obtenu une affectation dans une académie proche de cette région. Il résulte par ailleurs des explications de Mme A que sa compagne a décliné une offre d'emploi, car elles devaient emménager à Cherbourg, et qu'elle a entrepris des démarches pour son installation et sa prise de poste. Dans les circonstances très particulières de l'espèce, Mme A établit que la décision en litige préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à sa situation personnelle et professionnelle pour que la condition d'urgence puisse être regardée comme satisfaite, ce que ne conteste au demeurant pas le recteur de l'académie de Rennes.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les deux conditions d'application de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative sont satisfaites. Il y a par suite lieu de suspendre l'exécution des décisions du recteur de l'académie de Rennes portant renouvellement de stage et affectation de Mme A dans l'académie de Rennes, au sein du lycée général et technologique Ernest Renan de Saint-Brieuc pour l'année scolaire 2022/2023, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.
O R D O N N E :
Article 1er : L'exécution des décisions du recteur de l'académie de Rennes portant renouvellement de stage et affectation de Mme A dans l'académie de Rennes, au sein du lycée général et technologique Ernest Renan de Saint-Brieuc pour l'année scolaire 2022/2023 est suspendue, jusqu'à ce qu'il soit statué au fond sur sa légalité par une formation collégiale du tribunal.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée Mme B A et au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse.
Copie en sera transmise pour information au recteur de l'académie de Rennes.
Fait à Rennes, le 1er septembre 2023.
Le juge des référés,
signé
O. ThielenLa greffière,
signé
P. Lecompte
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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