Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Caen 26 septembre 1985
Cour de cassation 09 novembre 1987

Cour de cassation, Chambre commerciale, 9 novembre 1987, 86-10543

Mots clés concurrence deloyale ou illicite · faute · dénigrement · préjudice · perte de bénéfice par annulation de contrats · preuve · société · pourvoi · procédure civile · syndic · démarchage · principal

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 86-10543
Dispositif : Rejet
Textes appliqués : Code civil 1382
Décision précédente : Cour d'appel de Caen, 26 septembre 1985
Président : Président : M. BAUDOIN,
Rapporteur : M. Le Tallec
Avocat général : M. Cochard

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Caen 26 septembre 1985
Cour de cassation 09 novembre 1987

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par Monsieur Y... PILLET, demeurant ... et demeurant anciennement ... (Calvados), Caen et actuellement ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 26 septembre 1985 par la cour d'appel de Caen (1ère Chambre), au profit de la société à responsabilité limitée SOCIETE CAENNAISE POUR L'HABITAT, dont le siège social est à Caen (Calvados), ...,

défenderesse à la cassation

EN PRESENCE :

1°/ de la société à responsabilité limitée ENTREPRISE GENERALE DE NORMANDIE, (EGN), dont le siège social est ...,

2°/ de Monsieur A..., syndic, administrateur judiciaire, pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la SOCIETE GENERALE DE NORMANDIE (EGN), demeurant ...,

3°/ de Monsieur Marc X..., demeurant ...,

La société Entreprise Générale de Normandie (EGN) et MM. A... et X..., défendeurs au pourvoi principal ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ; Le demandeur au pourvoi principal invoque, deux moyens de cassation, annexés au présent arret ; Les demandeurs au pourvoi incident invoquent, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2 du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 13 octobre 1987, où étaient présents :

M. Baudoin, président ; M. Le Tallec, rapporteur ; M. Perdriau, conseiller ; M. Cochard, avocat général ; Madame Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Le Tallec, les observations de Me Foussard, avocat de M. Z..., de la société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde, avocat de la société à responsabilité Société Caennaise pour l'Habitat, de Me Cossa, avocat de la société à responsabilité limitée Entreprise Générale de Normandie (EGN), de M. A..., ès qualités de syndic du règlement judiciaire de la Société Générale de Normandie et de M. X..., les conclusions de M. Cochard, Avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur les deux moyens réunis du pourvoi principal de M. Z..., pris en leurs diverses branches, et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... et de M. A..., en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société Entreprise Générale de Normandie, pris en ses cinq branches :

Attendu que, selon l'arrêt attaqué (Caen, 26 septembre 1985), la Société Caennaise pour l'Habitat (société Caennaise) ayant pour objet la construction de maisons individuelles, a employé M. Z... pour diriger le service des ventes et a sous-traité un certain nombre de travaux de maçonnerie à la société Entreprise Générale de Normandie (société EGN) ayant pour gérant M. X... ; que M. Z... a donné sa démission le 22 février 1980 pour le 22 mai suivant et a créé le 30 juillet 1980 une société dite CCB dont M. X... détenait le quart du capital et destinée à la commercialisation des maisons construites par la société EGN ; que la société Caennaise a demandé que MM. Z... et X... et la société EGN soient condamnés solidairement pour concurrence déloyale ; Attendu qu'il est fait grief à la cour d'appel d'avoir condamné M. Z... in solidum avec M. X... à payer à la société Caennaise une indemnité pour concurrence déloyale et d'avoir invité cette dernière à produire sa créance entre les mains du syndic de la liquidation des biens de la société EGN alors que, selon le pourvoi principal, d'une part, le seul fait de créer une société n'est pas en soi un acte déloyal ; que la responsabilité de M. Z... ne pouvait être recherchée qu'à l'occasion d'actes fautifs personnellement imputables à l'intéressé ; qu'en omettant de distinguer les actes imputables à M. Z... de ceux imputables à M. X..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil ; alors que, d'autre part, dans ses conclusions d'appel, la société Caennaise ne faisait état de démarchage de la part de M. Z... qu'auprès de deux clients ; qu'en retenant la responsabilité de M. Z... pour 5 dossiers, la cour d'appel a excédé les limites du litige et violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, qu'en outre, dans ses conclusions d'appel la société Caennaise ne faisait état de démarchage de la part de M. Z... qu'auprès de deux clients ; qu'en statuant comme elle l'a fait, sans rouvrir les débats pour permettre à M. Z... de s'expliquer sur les agissements qu'elle lui a imputés s'agissant de trois autres dossiers, la cour d'appel a en toute hypothèse violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, et alors qu'enfin, dans ses conclusions d'appel M. Z... faisait valoir que la société Caennaise avait elle-même accepté, dans le cadre de conventions, de mettre fin au projets auxquels il n'a pas été donné suite ; que le préjudice subi par la société Caennaise prenait donc sa source, non pas dans le fait de M. Z..., mais dans l'existence d'accords librement conclus par la société ; d'où il suit qu'en omettant de s'expliquer sur ce moyen, la cour

d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1382 du Code civil, et alors que, selon le pourvoi incident d'une part les "pièces versées aux débats" dont résulteraient des actes de dénigrement de la part de MM. Z... et X... faisant uniquement état de démarches auprès de trois clients qui n'ont pas été perdus par la société Caennaise qui se plaignait exclusivement de l'annulation de cinq dossiers concernant cinq autres clients, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'un lien de causalité entre les agissements imputés à MM. Z... et X... et le préjudice que la société Caennaise prétendait avoir subi du fait de ces annulations, privant ainsi sa décision d'un manque de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, alors que, d'autre part, à supposer que, pour affirmer que l'annulation des cinq contrats avait été causée par les agissements de MM. X... et Z..., la cour d'appel se soit fondée sur les procès-verbaux de constat d'huissier produits par la société Caennaise et concernant ces cinq dossiers, elle n'en aurait pas moins privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, dès lors qu'aucun de ces procès-verbaux ne fait état de la moindre démarche ni de M. Z..., ni de M. X..., alors qu'au surplus, la société Caennaise n'ayant pas invoqué dans ses conclusions d'autre démarchage de la part de MM. Z... et X... que ceux auprès de trois clients qu'elle n'a pas perdus, la cour d'appel, à supposer qu'elle ait entendu se fonder sur des agissements comparables auprès des cinq clients qui ont annulé leur contrat avec la société Caennaise a alors violé l'article 4 du nouveau Code de procédure civile, en s'emparant de faits qui n'étaient pas dans le débat, que ce faisant, elle a également violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile en n'invitant pas les parties à s'expliquer sur le moyen tiré de l'existence supposée d'autres démarches fautives que celles invoquées par la société caennaise, et que, du même coup, elle a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315 du Code civil en ne précisant pas la nature et l'origine des renseignements dont elle aurait déduit l'existence d'agissements fautifs de MM. Z... et X... auprès des cinq clients qui ont annulé leur contrat avec la société Caennaise, alors qu'en outre, en omettant de distinguer les actes fautifs imputables à M. X... qui était seuls susceptibles d'engager sa responsabilité et celle de la société EGN, de ceux imputables à M. Z..., la cour d'appel a une nouvelle fois privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil, et alors qu'enfin, la société EGN et son syndic ayant fait valoir dans leurs conclusions d'appel qu'ayant accepté librement l'annulation des cinq contrats la société Caennaise ne pouvait avoir subi d'autre préjudice que celui résultant de l'éventuelle non perception par elle de l'indemnité co ntractuellement prévue, mais que ce préjudice était alors exclusivement imputable au fait de la société Caennaise, la cour d'appel, en s'abstenant de toute réponse à ce moyen péremptoire, a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que, compte tenu des conclusions de la société Caennaise qui ne limitait pas à deux clients le démarchage imputé à M. Z... et des conclusions de ce dernier qui se défendait d'être à l'origine de l'annulation de cinq contrats, la cour d'appel, après avoir constaté que M. Z..., pendant son préavis et M. X..., gérant de la société EGN, avaient pris contact avec la clientèle de la société Caennaise et dénigré cette société, et que par suite de ces agissements cinq dossiers avaient été annulés et repris grâce à l'intervention de la nouvelle société créée par MM. Z... et X... au bnéfice de la société EGN, a caractérisé une faute commune aux personnes en cause ; Attendu, en deuxième lieu, qu'ayant ainsi retenu ces agissements comme cause de l'annulation du contrat, la cour d'appel qui a énoncé que le préjudice avait essentiellement consisté dans la perte de bénéfices qui en résultait, tout en répondant en les rejetant aux conclusions de la société EGN sur l'acceptation par la société Caennaise de cette annulation, a légalement justifié sa décision sur la cause du préjudice ; Attendu, enfin, que la société Caennaise ne se plaignait pas "exclusivement" de l'annulation de cinq contrats mais invoquait également le dénigrement, cause notamment de ces annulations et que la cour d'appel n'a fait qu'apprécier souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve soumis aux débats ; D'où il suit que la cour d'appel, qui n'a pas excédé les termes du litige ni violé le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision et qu'aucun des moyens n'est fondé ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE les pourvois

Et, vu les dispositions de l'article 628 du nouveau Code de procédure civile, condamne MM. Z... et X... chacun à une amende de dix mille francs envers le Trésor public ; les condamne solidairement à une indemnité de dix mille francs envers la société Caennaise pour l'Habitat ;