Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Versailles 25 mai 2018
Cour de cassation 22 mai 2019

Cour de cassation, Première chambre civile, 22 mai 2019, 18-22738

Mots clés mineur · recours · acte · intéressé · expertise · supplétif · examen · préambule · osseux · présomption · âge · déterminer · étranger · preuve · minorité

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 18-22738
Dispositif : Cassation
Décision précédente : Cour d'appel de Versailles, 25 mai 2018
Président : Mme Batut (président)
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2019:C100583

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles 25 mai 2018
Cour de cassation 22 mai 2019

Texte

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'Z... L... a saisi le juge des enfants le 29 mai 2017 afin d'être confié à l'aide sociale à l'enfance, se déclarant mineur pour être né au Mali le [...] et isolé sur le territoire français ;

Sur le premier moyen

, pris en sa première branche, et le second moyen, ci-après annexés :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur la deuxième branche du premier moyen :

Vu l'article 388, alinéa 3, du code civil ;

Attendu que, selon ce texte, les conclusions des examens osseux réalisés aux fin de détermination de l'âge d'un individu, en l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur ; que le doute profite à celui-ci ;

Attendu que, pour dire qu'Z... L... n'est pas mineur, l'arrêt retient que les constatations médicales lors de l'examen dentaire et osseux sont incompatibles avec l'âge allégué de 15 ans et 7 mois et que, si la conclusion de cet examen peut comporter une marge d'erreur, six mois se sont écoulés depuis celui-ci, de sorte que, l'expertise suffisant à renverser la présomption de régularité des copies d'actes d'état civil produites, l'intéressé ne rapporte pas la preuve de sa minorité ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est fondée exclusivement sur les conclusions des examens osseux, a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 25 mai 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;
Condamne le département des Hauts-de-Seine aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux mai deux mille dix-neuf.

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. L....


PREMIER MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la mainlevée du placement de M Z... L... à compter du 5 janvier 2018 et déchargé l'Aide sociale à l'enfance des Hauts-de-Seine du mandat qu'il lui avait été confié.

AUX MOTIFS QUE
Monsieur Z... L... expose qu'il est mineur et comme tel doit être pris en charge par l'aide Sociale à l'Enfance.
Si l'article 47 du code civil institue une présomption de validité de l'acte d'état civil produit, cette présomption n'est pas irréfragable et peut être contestée notamment si des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que celui-ci est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ou si des éléments extérieurs à l'acte lui-même permettent de remettre en cause cette présomption.
En l'espèce, l'intéressé produit divers documents en photocopie
- une carte consulaire délivrée le 1er août 2017, qu'il n'a pas signée,
- un acte de naissance daté du 14 mars 2017 où il est indiqué qu'il est né le [...] ,
- un jugement supplétif du 10 mars 2017.
Aucun élément ne permet d'établir que l'acte de naissance et le jugement supplétif se rapportent bien à sa personne.
Il résulte de l'expertise effectuée le 3 décembre 2017 par le docteur F..., expert à l'Unité Médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu, que l'âge de l'intéressé est égal ou supérieur à 18 ans.
En effet, il résulte de l'examen réalisé sur le plan dentaire et osseux notamment que l'âge allégué de 15 ans et sept mois est incompatible avec les constatations médicales faites.
Même si la conclusion de cet examen est susceptible de comporter une marge d'erreur, il convient de préciser que presque six mois se sont écoulés depuis cet examen.
Il convient donc de retenir les conclusions de cette expertise comme donnée extérieure permettant de renverser la présomption de régularité des copies d'acte d'état civil produites.
En conséquence l'intéressé ne rapporte pas la preuve de ce qu'il est bien mineur et il ne saurait donc faire l'objet d'une mesure éducative.
La décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

1°) ALORS QUE tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; qu'il en résulte que si le juge peut ordonner une expertise médicale aux fins de vérifier l'exactitude d'un acte fait en pays étranger et de rechercher l'âge de la personne qui invoque cet acte, c'est à la condition qu'il existe au préalable des éléments permettant de douter de la régularité de l'acte d'état civil fait en pays étranger, propres à renverser la présomption d'authenticité qui lui est par principe reconnu ; qu'en se bornant, pour passer outre l'acte d'état civil de M. L... qui le désignait comme mineur, à relever péremptoirement qu'aucun élément ne permet d'établir que l'acte de naissance et le jugement supplétif se rapportent bien à sa personne, sans exposer au préalable quels éléments auraient permis de douter de la régularité de l'acte d'état civil présenté par l'intéressé et auraient rendu possible le recours à une telle expertise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 47 du code civil ;

2°) ALORS QUE la légalité des tests osseux est subordonnée à l'absence de documents d'identité valables et lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable ; qu'ils ne peuvent être réalisés que sur décision de l'autorité judiciaire et après recueil de l'accord de l'intéressé ; que les conclusions de ces examens, qui doivent préciser la marge d'erreur, ne peuvent à elles seules permettre de déterminer si l'intéressé est mineur, le doute devant profiter à l'intéressé ; qu'en se fondant exclusivement sur les résultats d'une expertise médicale aux fins de détermination de l'âge de M. L..., les juges du fond ont ainsi violé l'article 388 du code civil, le doute devant profiter à l'intéressé ;

3°) ALORS QUE le recours à une expertise ne saurait conditionner directement la solution du litige mais ne peut qu'éclairer le juge, lequel n'est aucunement lié par les constatations ou les conclusions du technicien ; qu'il en est particulièrement ainsi lorsque la fiabilité de l'expertise est elle-même intrinsèquement relative ; qu'en se fondant exclusivement sur les résultats d'une expertise médicale aux fins de détermination de l'âge de M. L..., les juges du fond, qui ont entièrement indexé leur solution sur cette seule et unique expertise, dont la fiabilité est pourtant douteuse, ont ainsi violé les articles 232 et 246 du code de procédure civile, ensemble l'obligation primordiale de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant garantie par les articles 3 et 8 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant ainsi que par l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme.


SECOND MOYEN DE CASSATION


Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir ordonné la mainlevée du placement de M Z... L... à compter du 5 janvier 2018 et déchargé l'Aide sociale à l'enfance des Hauts-de-Seine du mandat qu'il lui avait été confié.

AUX MOTIFS QUE
Monsieur Z... L... expose qu'il est mineur et comme tel doit être pris en charge par l'aide Sociale à l'Enfance.
Si l'article 47 du code civil institue une présomption de validité de l'acte d'état civil produit, cette présomption n'est pas irréfragable et peut être contestée notamment si des éléments tirés de l'acte lui-même établissent que celui-ci est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ou si des éléments extérieurs à l'acte lui-même permettent de remettre en cause cette présomption.
En l'espèce, l'intéressé produit divers documents en photocopie
- une carte consulaire délivrée le 1er août 2017, qu'il n'a pas signée,
- un acte de naissance daté du 14 mars 2017 où il est indiqué qu'il est né le [...] ,
- un jugement supplétif du 10 mars 2017.
Aucun élément ne permet d'établir que l'acte de naissance et le jugement supplétif se rapportent bien à sa personne.
Il résulte de l'expertise effectuée le 3 décembre 2017 par le docteur F..., expert à l'Unité Médico-judiciaire de l'Hôtel-Dieu, que l'âge de l'intéressé est égal ou supérieur à 18 ans.
En effet, il résulte de l'examen réalisé sur le plan dentaire et osseux notamment que l'âge allégué de 15 ans et sept mois est incompatible avec les constatations médicales faites.
Même si la conclusion de cet examen est susceptible de comporter une marge d'erreur, il convient de préciser que presque six mois se sont écoulés depuis cet examen.
Il convient donc de retenir les conclusions de cette expertise comme donnée extérieure permettant de renverser la présomption de régularité des copies d'acte d'état civil produites.
En conséquence l'intéressé ne rapporte pas la preuve de ce qu'il est bien mineur et il ne saurait donc faire l'objet d'une mesure éducative.
La décision déférée sera confirmée en toutes ses dispositions.

1°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent les alinéas 10 et 11 du Préambule de 1946 en permettant le recours à des expertises osseuses, procédé dont l'absence de fiabilité a été soulignée par divers organismes internes et internationaux, pour déterminer la minorité de l'intéressé, minorité dont dépend, pour les mineurs étrangers, la protection des autorités françaises ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé ;

2°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent le principe constitutionnel de dignité humaine en permettant le recours à des examens osseux pour déterminer la minorité de l'intéressé, procédé qui emporte des risques d'irradiation sans fin diagnostique ou thérapeutique ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé ;

3°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent le principe constitutionnel de dignité humaine en permettant le recours à des expertises osseuses pour déterminer la minorité de l'intéressé, qui constitue un examen invasif, sans interdire au juge de déduire de son refus de s'y soumettre son absence de minorité ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé ;

4°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent le principe constitutionnel de protection de la santé garanti par l'article 11 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 en permettant le recours à des examens osseux pour déterminer la minorité de l'intéressé, procédé qui emporte des risques d'irradiation et qui est dénué de fin diagnostique ou thérapeutique ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé ;

5°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 en permettant le recours à des expertises osseuses pour déterminer la minorité de l'intéressé, et ainsi, en autorisant la divulgation de ses données médicales, sans interdire au juge de déduire de son refus de s'y soumettre son absence de minorité ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé ;

6°) ALORS QUE les dispositions de l'article 388 du code civil, méconnaissent les articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et des alinéas premiers du Préambule de 1946 et du Préambule de 1958 en subordonnant le recours à des expertises osseuses à la circonstance qu'il ne soit pas justifié de documents d'identité valables, sans définir suffisamment cette notion, et plus particulièrement, sans préciser si, dans ce cadre, une présomption de sincérité est attachée aux documents d'identité établis à l'étranger ; qu'elles ne sont pas conformes à la Constitution ; que par voie de conséquence l'arrêt attaqué qui en a fait application sera cassé et annulé.