Cour de cassation, Chambre sociale, 2 juillet 2014, 13-14.339

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2014-07-02
Cour d'appel de Grenoble
2013-01-31
Conseil de Prud'hommes de GRENOBLE
2011-12-02

Texte intégral

Sur les trois moyens

réunis, ci-après annexés :

Attendu que la cour d'appel

, qui a constaté que les salariés, qui avaient travaillé dans un des établissements mentionnés à l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 et figurant sur une liste établie par arrêté ministériel pendant une période où y étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante, se trouvaient, par le fait de l'employeur, dans une situation d'inquiétude permanente face au risque de déclaration à tout moment d'une maladie liée à l'amiante, qu'ils se soumettent ou non à des contrôles médicaux réguliers, a ainsi, sans encourir les griefs du moyen et caractérisant l'existence d'un préjudice spécifique d'anxiété, propre à chaque salarié, qu'elle a souverainement évalué, légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Arkema France aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Arkema France et la condamne à payer aux défendeurs la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat aux Conseils, pour la société Arkema France. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SA Arkema France à payer aux quarante-cinq défendeurs 12.000 ¿ en réparation du préjudice d'anxiété et 500 ¿ en application de l'article 700 du CPC et les mêmes sommes à Madame Chantal X... et Messieurs Stéphane et Sébastien Y..., ayants droit de Jean-Denis X.... AUX MOTIFS QUE : « Sur la responsabilité de la SA Arkema France De par les liens résultant du contrat de travail, l'employeur est, en application des dispositions des articles L4121-1 et suivants du Code du Travail, obligé d'assurer aux salariés les mesures nécessaires pour accomplir leur travail dans des conditions qui ne comportent pas de risque connu pour leur sécurité ou leur santé. Il est donc tenu, à leur égard, d'une obligation de sécurité de résultat. Dès lors, le fait que des salariés soient exposés, par leurs conditions de travail, à un danger ou à un risque, sans que l'employeur ait mis en oeuvre les mesures de protection nécessaires et adaptées, engage la responsabilité de ce dernier et l'oblige à réparer leur préjudice. Sur le préjudice Chacun des salariés demandeurs, exposé à un tel risque, supporte un préjudice certain, personnel et direct consistant dans l'inquiétude permanente de développer à tout moment une maladie liée à l'amiante, ce même plusieurs années après l'exposition au risque puisqu'aucun seuil minimum d'exposition n'en garantit l'innocuité. Cette anxiété est quotidienne et réelle, que la personne se soumettre ou non à des contrôles médicaux réguliers, et la permanence de cette anxiété résulte du seul fait de l'exposition prolongée et du risque médical permanent qu'elle a généré, sans qu'il soit nécessaire d'en démontrer les symptômes ou les effets ». ALORS QUE la société Arkema France avait soutenu (conclusions d'appel - p.9) que : « Les risques découlant de l'exposition à un risque professionnel sont pris en charge par la législation sur les maladies professionnelles qui met en place un système d'indemnisation sans faute et garanti afin de prendre en compte la situation particulière des salariés exposés à ces risques. Dans ce contexte, l'employeur n'échappe pas à son obligation d'indemnisation en cas de réalisation d'un risque issu de la vie professionnelle. En revanche, dans le cadre de ce système légal, sa responsabilité civile ne saurait être recherchée en raison de la simple exposition au risque des salariés qu'il emploie dans le cadre de ses activités et qui ne saurait être la source de préjudice réel et certain » ; qu'en écartant sans s'en expliquer le système légal susvisé, la Cour d'Appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L451-1 du Code de la sécurité sociale. ALORS D'AUTRE PART, QUE l'anxiété est un trouble psychologique qui, s'il découle de l'activité professionnelle, doit être pris en charge pour les soins éventuellement nécessaires dans le cadre de l'article L461-1 du Code de la sécurité sociale et ne peut donner lieu à une réparation complémentaire, notamment au titre « des souffrances morales » que dans le cadre des articles L451-1 et L452-3 du même code ; qu'en affirmant (arrêt attaqué - p.10) que le seul fait que des salariés aient été exposés par leurs conditions de travail à un risque serait à l'origine d'une « anxiété quotidienne et réelle¿ sans qu'il soit besoin d'en démontrer les symptômes ou les effets », la Cour d'Appel a violé ensemble les articles L142-1, L411-1, L431-1, L441-1, L451-1, L452-1, L452-3 L456-1 du Code de la sécurité sociale. DEUXIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SA Arkema France à payer aux défendeurs 12.000 ¿ en réparation du préjudice d'anxiété et 500 en application de l'article 700 du CPC et les mêmes sommes à Madame Chantal X... et Messieurs Sébastien X..., ayants droit de Jean-Denis X... : AUX MOTIFS QUE : « Sur la réalité d'un risque lié à une exposition à l'amiante En l'espèce, s'il est constant que la SA ARKEMA FRANCE, au cours de la période de travail des salariés concernés, n'utilisait pas l'amiante dans ses produits manufacturés ni dans son processus industriel, en revanche, cette matière était bien présente sur son site de production de Jarrie comme composant de nombreux matériaux notamment isolants utilisés de façon habituelle dans les installations de production, ainsi qu'il résulte de l'ensemble des éléments du dossier et de la position de la SA ARKEMA FRANCE elle-même exposée dans ses Conclusions. Cet état de fait est corroboré par le classement de son établissement de Jarrie dans la liste des « établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage de calorifugeage à l'amiante » ouvrant droit "à l'allocation de cessation anticipée d'activité dans la fabrication, le flocage et de calorifugeage des travailleurs de l'amiante pour la région Rhône-Alpes, pour la période de 1916. à 1996" par arrêté du 5 novembre 2009 ; c'est au bénéfice de ce classement que les salariés demandeurs en l'espèce ont pu bénéficier de l'accès à une retraite anticipée dans le cadre du dispositif ACAATA créé spécifiquement pour les travailleurs exposés à l'amiante. Dans leurs conclusions, les salariée demandeurs, sans être en rien contredits sur ce point par la SA ARKEMA FRANCE, décrivent précisément les multiples parties des installations de l'entreprise, notamment de calorifugeage, comportant de l'amiante ainsi que les opérations de maintenance dont elles faisaient régulièrement l'objet, en les appuyant de nombreuses attestations de salariés décrivant précisément leurs conditions de travail, ces éléments sont confirmés par un rapport de l'Inspection du travail du 18 juillet 2003, desquels il résulte que le site était équipé, notamment, des éléments suivants contenant de l'amiante : - joints de toutes sortes pour assembler les brides et tuyauteries, - cordons souples, gaines pour isoler les couvercles et résistances - plaques, tresses pour isoler les pièces lors du refroidissement après soudures, - gants de protection, - plaques de protection lors des interventions de soudures, - couvertures de protection en amiante, sur lesquelles les salariés étaient allongés pour travailler. Les joints étaient régulièrement meulés, découpés aux ciseaux, au burin, ajustés à la disqueuse ; Les plaques de protection se délitaient au fur et- à mesure des interventions. Certaines meules seulement ont été équipées d'aspiration, mais le nettoyage de leurs filtres se faisait encore à la main, en le secouant Les nettoyages après intervention étaient effectués à la brosse ou à la soufflette à air comprimé. Dans ces conditions, les opérations réalistes étaient de nature à provoquer habituellement l'émanation, dans l'air amblant, de poussières d'amiante, pouvant être inhalées directement par les techniciens, mais aussi véhiculées dans les différentes parties du site par les circulations d'air et les déplacements des salariés. Ainsi, contrairement à ce que soutient la SA ARKEMA FRANCE, ce n'est pas un nombre limité de salariés opérant des travaux de maintenance qui a pu être concerné par cette exposition aux poussières, mais bien l'ensemble du personnel de l'entreprise, notamment compte-tenu de la multiplicité des installations et équipements contenant de l'amiante et du nombre de salariés intervenant régulièrement sur ces installations, ce que confirme le décès, évoqué à l'audience et non contesté, de Madame Z... qui occupait un emploi administratif, par mésothéliome, maladie dont l'origine est spécifiquement liée à une exposition à l'amiante. Sur la connaissance de ce risque par l'employeur et les mesures de protection mises en oeuvre (p.12) La conscience qu'avait la SA ARKEMA FRANCE du caractère dangereux des poussières d'amiante produites dans l'entreprise par les installations existantes est révélée tout d' abord par la campagne de-remplacement de matériaux par des produits de substitution qu'elle indique, dans ses conclusions, avoir mis en oeuvre dès le début de l'année 1977, après la parution du décret du 17 août 1977. En toute hypothèse, le risque lié à l'amiante et à l'inhalation des poussières contenant ce matériau avait été mis en évidence bien avant cette date par, de nombreuses études menées entre 1935 et 1960. Dans le cadre-même de l'entreprise, la direction a été, notamment, alertée à plusieurs reprises tant par l'Inspection du travail que par le CHSCT notamment en 1998, 1999, 2001, 2003. S'agissant des mesures de protection qu'elle indique avoir mis en place, elle se prévaut essentiellement, dans ses conclusions, du renforcement de la ventilation et de l'installation d'aspirateurs sur les meules et tours. Mais rien ne démontre que ces installations aient été réalisées en nombre : suffisant, que chaque meule ou tour ait été équipé d'une aspiration, les salariés le contestant au vu des divers témoignages produits, ou encore qu'elles aient été efficaces ; sur ce dernier point, les contrôles d'empoussièrement invoqués par la SA ARKEMA FRANCE sont très espacés dans le temps (1978 puis 1997 (deux fois), 1999 et 2000) et tardifs -par rapport à la période de travail des salariés- sauf pour le premier de ces contrôles ; or précisément, celui réalisé en 1978 fait apparaître que l'un des prélèvements sur les trois est inexploitable "I 'analyse n'a pu être effectuée car le filtre comportait trop de poussière blanche, ce qui ne permettait pas d'effectuer correctement le comptage optique des fibres d'amiante". En outre, dès 1982, la conférence de Montréal a mis en évidence l'absence de protection des valeurs limites d'exposition (VLE) contre le risque de cancer. C'est d'ailleurs ce que reconnaît la SA ARKEMA FRANCE dans ses conclusions page 10 lorsqu'elle indique "en matière de produit cancérigène, mutagène et reprotoxique, il n'y a malheureusement pas de seuil d'exposition en dessous duquel le risque peut-être totalement éliminé." Elle indique encore avoir réalisé une campagne de prévention en 1984 avec la diffusion de notes de service. Or, elle verse aux débats pour en justifier une seule note en date du 18 mai 1984 relativement succincte, dont on ignore à qui et comment elle a été diffusée, indiquant seulement que l'amiante est un produit dangereux, qu'il est nécessaire d'en limiter l'emploi et que "toutes les précautions doivent être prises lors de son utilisation afin de protéger les voies respiratoire. Tant l'absence de précisions quant aux mesures concrètes à prendre, que l'invitation à "limiter" l'emploi de l'amiante quant on sait à quel point sa présence était généralisée dans les installations de l'entreprise rendent ces recommandations particulièrement vaines. Sur la même note, les indications concernant la klingérite utilisée pour les joints, apparaissent tout aussi succinctes voire trompeuses -affirmation que sa "découpe" ne présente aucun danger-. Par ailleurs, certains salariés, parmi les attestations produites affirment n'avoir pas fait l'objet d'informations sur le danger de l'amiante ou des équipements en place ou encore de recommandations particulières concernant leur manipulation. La préconisation et la fourniture de protections individuelles par l'employeur (type masques) ne sont pas établies par les pièces produites ; l'Inspecteur du travail dans son rapport du 18 juillet 2003, note que, lors d'une confrontation le 6 juin 2003, le Directeur Adjoint du site et le Responsable de la sécurité (Messieurs A... et B...) : · n'ont pas dénié formellement qu'il n'y avait pas de masques jusqu'en 1993, · ont reconnu : - que seules certaines meules disposaient d'un système d'aspiration, - qu'ils ne peuvent se prononcer sur "l'efficacité des aspirations (au regard du risque amiante)" et que ces dernières constituaient "un certain degré de protection" seulement. S'agissant, enfin, du remplacement des matériaux contenant de l'amiante par des produits de substitution, l'inspecteur du travail a relevé que les recommandations de la Direction d'ATOFINA (ARKEMA) datant de mai 1988 n'avaient de toute évidence pas été suivies d'effets, puisque, des pièces produites par la direction de l'entreprise, il ressort que celle-ci a continué de Commander des joints en amiante jusqu'en 1999, même si des substituts commençaient à être utilisés. Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la SA ARKEMA FRANCE n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver chacun des salariés demandeurs du risque auquel ceux-ci ont été quotidiennement exposés et durant de longues années, et ce, que leur poste de travail les ait conduits à intervenir directement sur les installations contenant de l'amiante ou non. En effet, celles présentes dans l'air ou sur les vêtements des salariés plus exposés étaient amenées à se répandre en tous lieux du site. Ainsi, une salariée atteste, à l'appui notamment de la demande de Madame Simone C..., que "le personnel du site était amené à pénétrer dans notre bureau pour toutes sortes de demandes administratives. Ce personnel venait en tenue de travail pour des personnes du service maintenance mécanique, chaudronnerie et chimistes. Les vêtements étaient souillés par toutes sortes de particules; notamment d'amiante qui s'étaient déposées durant leurs travaux d'usinage de celles-ci. (...) Marie Jeanne Z...; qui travaillait dans ce bâtiment, son bureau se situait à côté du secrétariat-central, est décédée de la. mésothelium" (sic). Sur le préjudice Chacun des salariés demandeurs, exposé à un tel risque, supporte un préjudice certain, personnel et direct consistant dans l'inquiétude permanente de développer à tout moment une maladie liée à l'amiante, ce même plusieurs années après l'exposition au risque puisque aucun seuil minimum d'exposition n'en garantit l'innocuité. Cette anxiété est quotidienne et réelle, que la personne se soumette ou non à des contrôles médicaux réguliers, et la permanence de cette anxiété résulte du seul fait de l'exposition prolongée et du risque médical permanent qu'elle a généré, sans qu'il soit nécessaire d'en démontrer les symptômes ou les effets. Le nombre de salariés de l'entreprise ayant déclaré des maladies professionnelles reconnues liées a l'amiante et de ceux qui en sont décédés (pour exemple, 21 en 1993, 24 en 1997 et 15 décès, 23 décès en 2005) ne peut que nourrir et raviver l'inquiétude inévitable des salariés qui les ont côtoyés et ont été exposés de la même manière. C'est donc à bon droit que le premier jugea indemnisé le préjudice d'anxiété dé tous les salariés demandeurs. Indépendamment de tout aspect économique dont les salariés ne demandent plus l'indemnisation, l'anxiété subie, se déployant encore pour eux dans la privation de la possibilité d'anticiper sereinement leur avenir et dans la nécessité de tenir compte de la réalité du risque encouru dans leurs choix de vie à plus ou moins long terme, conduit à leur allouer, à chacun, la somme de 12 000 ¿ à titre de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice, sans qu'il y ait lieu à indemnisation spécifique de ce trouble dans les conditions d'existence qui, comme prolongement du préjudice d'anxiété, est ainsi réparé globalement avec ce dernier ». ALORS D'UNE PART, QUE, la conscience du danger et une simple exposition au risque ne constituent l'employeur en faute que dans le cas où une prise en charge préalable par les organismes de sécurité sociale permet de faire jouer une présomption d'imputabilité ; que dès lors la Cour qui, statuant en droit commun, donc en l'absence de tout contrôle médical, se borne à constater la conscience du danger résultant normalement de l'usage d'un produit réglementé et une exposition consécutive au risque, pour en déduire que la SA Arkema France serait nécessairement responsable d'un préjudice d'anxiété de tous les salariés-demandeurs sans vérifier, pour chacun d'eux, l'existence d'un lien de causalité direct entre le comportement de l'employeur et le trouble allégué, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1147 du Code Civil et L4121-1 du Code du travail. QUE DE SURCROIT, QU'en se fondant sur la considération très générale que « l'ensemble du personnel de l'entreprise » avait pu être concerné par l'exposition au risque (p.11 al.7) pour décider, globalement, que « chacun des demandeurs exposé à un tel risque supporte un préjudice certain personnel et direct consistant dans « l'inquiétude » de développer une maladie (p.13 al.5), sans s'expliquer comme elle y était invitée (conclusions p.8) sur l'absence de preuve d'une contamination quelconque par les poussières d'amiante et donc d'une atteinte à l'intégrité physique des demandeurs, condition nécessaire en droit commun à la prise en compte d'un préjudice d'anxiété et d'un trouble dans les conditions d'existence, la Cour de Grenoble a violé l'article 1147 du Code Civil ; ALORS SUBSIDIAIREMENT QUE, faute de pouvoir faire état de la moindre instruction du bien fondé de chaque prétention, la Cour de Grenoble viole aussi l'article 5 du Code Civil en énonçant de façon générale et absolue que tous les salariés supportent un préjudice personnel et direct consistant dans l'inquiétude de développer une maladie liée à l'amiante et en décidant, dans son dispositif, que devait être uniformément fixée à 12.000 ¿ la réparation due au titre du préjudice d'anxiété. ALORS D'AUTRE PART, QU'à défaut de bénéficier d'une présomption d'imputabilité, il incombe à chaque demandeur qui exerce une action en responsabilité de droit commun de démontrer, par lui-même, l'existence des fautes qui sont à l'origine du préjudice allégué et qu'en se contentant pour entrer en condamnation à l'encontre d'Arkema France de relever « que rien ne démontre que ces installations (d'aspirateur de poussières) avaient été réalisées en nombre suffisant, et chaque meule ou tour ait été équipé d'une aspiration »(p.12 al.4), que l'on « ignorait à qui et comment » la note de prévention du 18 mai 1984, « avait été diffusée (id. loc. al.5) que « la préconisation et la fourniture de protection individuelles ne sont pas établies » (id loc. al.6), la Cour d'Appel a interverti la charge de la preuve au détriment du défendeur en violation des articles 1147 et 1315 du Code Civil ; ALORS DE TROISIEME PART, QUE s'agissant de l'usage d'un produit réglementé, la Cour d'Appel ne pouvait caractériser une faute de l'utilisateur en se bornant à faire état de certains modes opératoires, générateurs de poussières et sans nullement relever qu'au moment où ceux-ci avaient été mis en oeuvre ils dépassaient les normes imposées en la matière par les pouvoirs publics, notamment les valeurs limitées d'exposition au risque ; que la Cour de Grenoble, qui délaisse cette réglementation et se réfère de façon totalement inopérante à une conférence de Montréal, n'ayant aucun caractère normatif, viole ensemble les articles 1147 du Code Civil, L4121-1 du Code du travail et ainsi que par refus d'application le décret du 17 août 1977dans ses différentes versions correspondant à l'évolution des normes applicables ; ALORS ENFIN QU'en l'absence de maladie déclarée, consécutive à l'activité professionnelle, aucun demandeur ne pouvait se prévaloir d'une défaillance de l'entreprise par rapport à son « obligation de résultat » de sorte qu'en mettant à la charge d'Arkema France la réparation d'un préjudice consistant simplement « dans l'inquiétude permanente de développer à tout moment une maladie liée à l'amiante, ce même plusieurs années après l'exposition » (p.13 al.3), la Cour d'Appel, loin de qualifier un manquement de la société Arkema France à son obligation de résultat, s'est fondée sur un simple « risque de préjudice » non indemnisable en droit commun, violant ainsi les articles 1134 et 1147 du Code Civil et L4121-1 du Code du travail ; TROISIEME MOYEN DE CASSATION Il est reproché à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné la SA Akerma France à payer aux quarante cinq défendeurs 12.000 ¿ en réparation du préjudice d'anxiété et 500 en application de l'article 700 du CPC et les mêmes sommes à Madame Y... et Messieurs Sébastien Y..., ayants droit de Jean-Denis Y... : AUX MOTIFS QUE : « Chacun des salariés demandeurs, exposé à un tel risque, supporte un préjudice certain, personnel et direct consistant dans l'inquiétude permanente de développer à tout moment une maladie liée à l'amiante, ce même plusieurs années après l'exposition au risque puisque aucun seuil minimum d'exposition n'en garantit l'innocuité. Cette anxiété est quotidienne et réelle, que la personne se soumette ou non à des contrôles médicaux réguliers, et la permanence de cette anxiété résulte du seul fait de l'exposition prolongée et du risque médical permanent qu'elle a généré, sans qu'il soit nécessaire d'en démontrer les symptômes ou les effets¿Indépendamment de tout aspect économique dont les salariés ne demandent plus l'indemnisation, l'anxiété subie, se déployant encore pour eux dans la privation de la possibilité d'anticiper sereinement leur avenir et dans la nécessité de tenir compte de la réalité du risque encouru dans leurs choix de vie à plus ou moins long terme, conduit à leur allouer, à chacun, la somme de 12.000 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de son entier préjudice, sans qu'il y ait lieu à indemnisation spécifique de ce trouble dans les conditions d'existence qui, comme prolongement du préjudice d'anxiété, est ainsi réparé globalement avec ce dernier » (p.12). ALORS, D'UNE PART, QU'en fixant uniformément à 12.000 ¿ la réparation du fait dommageable sans tenir compte de la durée de l'exposition prétendue du risque ni de l'âge ni de la situation de famille de chaque intéressé, la Cour d'Appel de Grenoble a méconnu le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour les parties concernées et a, en conséquence, violé l'article 1147 du Code Civil. ALORS, D'AUTRE PART, QU'en se fondant sur le caractère « permanent » de l'anxiété et sur la prévention d'organiser sereinement l'avenir, ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article 1147 du Code Civil, la Cour d'Appel qui, tout en constatant le décès de Monsieur Jean-Louis X..., sans rapport avec le risque litigieux, alloue à ses héritiers une somme identique à celles octroyées aux autres salariés.