Cour de cassation, Chambre sociale, 14 juin 2017, 16-12.348

Mots clés
société • transfert • publication • interprète • procès-verbal • preuve • querellé • service • contrat • principal • production • produits • réintégration • ressort • statuer • pourvoi • référendaire • immeuble

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
14 juin 2017
Cour d'appel de Basse-Terre
14 décembre 2015

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    16-12.348
  • Dispositif : Cassation partielle
  • Publication : Inédit au recueil Lebon - Inédit au bulletin
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Basse-Terre, 14 décembre 2015
  • Identifiant européen :
    ECLI:FR:CCASS:2017:SO01052
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000034959236
  • Identifiant Judilibre :5fd8ffcbb26f7b9631485fe0
  • Président : M. Chauvet (conseiller le plus ancien faisant fonction de président)
  • Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Claire Leduc et Solange Vigand, SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
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Résumé

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Texte intégral

SOC. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 juin 2017 Cassation partielle M. X..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président Arrêt n° 1052 F-D Pourvoi n° C 16-12.348 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ Statuant sur le pourvoi formé par M. Y... Z..., domicilié [...] du Fort, [...], contre l'arrêt rendu le 14 décembre 2015 par la cour d'appel de Basse-Terre (chambre sociale), dans le litige l'opposant : 1°/ à la Compagnie aérienne inter régionale express (Caire), société anonyme, dont le siège est [...], prise en son établissement sis immeuble Technopolis, 17 lot. [...] , 2°/ à Mme Marie-Agnès A..., domiciliée [...], prise en qualité de mandataire judiciaire de la société Tropic Airlines, 3°/ à l'Agent judiciaire de l'État, domicilié [...], défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 16 mai 2017, où étaient présents : M. X..., conseiller le plus ancien faisant fonction de président, Mme B..., conseiller référendaire rapporteur, M. Déglise, conseiller, Mme Piquot, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme B..., conseiller référendaire, les observations de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de M. Z..., de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la Compagnie aérienne inter régionale express, de la SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer, avocat de l'Agent judiciaire de l'État, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Met hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, qu'engagé par la société Tropic Airlines le 1er novembre 2006, en qualité de pilote professionnel, M. Z... a été licencié pour faute grave le 9 décembre 2010 ; que soutenant que son contrat de travail avait été transféré à la société Compagnie aérienne inter régionale express (Caire) en septembre 2010, il a saisi la juridiction prud'homale pour solliciter notamment sa réintégration ; que la société Tropic Airlines a été placée en liquidation judiciaire le 21 juin 2012, Mme A... étant désignée en qualité de liquidateur ;

Sur le premier moyen

pris en sa première branche :

Vu

l'article 16 du code de procédure civile ;

Attendu que pour dire qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité de la société Tropic Airlines à la société Caire, l'arrêt retient

qu'il résulte de la publication de la liquidation judiciaire de la société Tropic Airlines que l'activité principale de celle-ci est la location d'aéronefs alors que celle de la société Caire est le transport aérien, en sorte que l'activité du cédant n'a pas été reprise ou poursuivie ;

Qu'en statuant ainsi

, en soulevant d'office et en retenant sans avoir préalablement recueilli les observations des parties, le moyen tiré de la disparité d'activité entre les deux sociétés, dont il ne résulte ni des moyens développés à l'audience par le salarié ni des conclusions des autres parties soutenues à l'audience, qu'il ait été discuté devant elle, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Sur le premier moyen

, pris en ses deuxième, troisième et quatrième branches :

Vu

l'article L. 1224-1 du code du travail ; Attendu que pour dire qu'il n'y a pas eu transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité, l'arrêt retient, outre que l'activité principale de la société Tropic Airlines n'est pas la même que celle de la société Caire, que seule une partie des moyens humains et matériels de la société Tropic Airlines a été reprise par la société Caire ;

Attendu, cependant

, que l'article L. 1224-1 du code du travail interprété à la lumière de la directive n° 2001/23/CE du 12 mars 2001, s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, peu important que l'activité poursuivie ait présenté un caractère accessoire et que la reprise d'une partie seulement des salariés ne peut suffire à exclure un transfert de cette entité économique, dès lors que des moyens corporels ou incorporels significatifs et nécessaires à l'exploitation de l'entité sont repris, directement ou indirectement, par un autre exploitant ; Qu'en se déterminant comme elle l'a fait, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ; Et attendu que la cassation intervenue sur le premier moyen emporte la cassation, par voie de conséquence en application de l'article 624 du code de procédure civile, du chef de l'arrêt qui constate que le licenciement du salarié est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qui fixe en conséquence la créance de celui-ci à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic Airlines au titre de l'indemnité de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

PAR CES MOTIFS

et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur le premier moyen, pris en ses cinquième et sixième branches : CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il confirme le jugement qui fixe au passif de la société Tropic Airlines la somme de 200 euros au titre de la prime de salissure des mois d'octobre et novembre 2010, l'arrêt rendu le 14 décembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Basse-Terre ; remet, en conséquence, sur les autres points restant en litige, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Basse-Terre, autrement composée ; Condamne la société Caire aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Caire à payer à M. Z... la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze juin deux mille dix-sept

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat aux Conseils, pour M. Z... PREMIER MOYEN DE CASSATION : Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris et statuant à nouveau, d'avoir dit qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome de la société Tropic Airlines à la société Caire au sens de l'article L.1224-1 du Code du travail et en conséquence, d'avoir débouté M. Y... Z... de ses demandes à l'encontre de la société Caire ; AUX MOTIFS QUE l'entité économique autonome se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité qui poursuit un objectif propre ; que si l'activité est un de ses éléments, elle ne peut suffire, à elle seule, à caractériser l'entité économique, il faut des personnes et des éléments corporels et incorporels ; que l'ensemble doit être organisé ; qu'interprété à la lumière de la Directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001, l'article L.1224-1 du code du travail a vocation à s'appliquer en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise ; qu'en l'espèce, il ne peut être admis le transfert d'une entité économique autonome en septembre 2010 entre la SARL Tropic Airlines et la société Caire ; que la publication de la liquidation judiciaire de la SARL Tropic Airlines au BODACC n°196 du 10 octobre 2012 rappelle que l'activité principale de cette société était la location d'aéronefs et la réalisation de travaux aériens ; que si la note de service du 12 juillet 2010 annonçait un transfert de personnel de la SARL Tropic Airlines et des quatre avions Cesna 2008 exploités par celle-ci (cf. conclusions de l'intimé), il n'est pas démontré de manière pertinente que ce transfert au sens précité ait abouti ; qu'en effet, un seul des avions a été transféré, ce que ne peut contester l'intimé puisqu'il en fait état dans ses conclusions sous la référence « Cesna FOHQN » ; que cinq des six pilotes ont pu intégrer la société Caire ; que le personnel au sol n'est pas plus transféré, tel le cas de Mme Christine C... chargé de la comptabilité de la société de Tropic Airline et Mme Brigitte D... de cette même société (doc n°11 de l'intimé), les deux n'apparaissant pas sur le registre unique du personnel de la société Caire à la date du prétendu transfert (Doc n°16 de l'appelant) ; que M. E..., pressenti initialement en juillet 2010, n'est pas non plus mentionné dans ce registre ; que dès lors, les conditions de l'article L.1224-1 du code du travail n'étant pas réunies, il convient d'infirmer le jugement querellé sur ce point et de rejeter la demande de M. Z... sur ce fondement ; ALORS QUE, D'UNE PART, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome de la société Tropic Airlines à la société Caire au sens de l'article L.1224-1 du Code du travail, la cour retient que la publication de la liquidation judiciaire de la SARL Tropic Airlines au BODACC n°196 du 10 octobre 2012 rappelle que l'activité principale de cette société était la location d'aéronefs et la réalisation de travaux aériens ; qu'en statuant ainsi, cependant que dans ses conclusions reprises à l'audience, la société Caire ne contestait pas l'activité de transporteur aérien de la société Tropic Airlines pas plus qu'elle ne remettait en cause le caractère principal de cette activité, la cour relève d'office un moyen sans avoir recueilli préalablement les observations des parties et partant, viole l'article 16 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, et en toute hypothèse, la poursuite ou la reprise d'une activité par une entité économique autonome qui conserve son identité doit s'apprécier au regard de l'activité réelle de l'entreprise ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome de la société Tropic Airlines à la société Caire au sens de l'article L.1224-1 du Code du travail, la cour se borne à retenir que la publication de la liquidation judiciaire de la SARL Tropic Airlines au BODACC n°196 du 10 octobre 2012 rappelle que l'activité principale de cette société était la location d'aéronefs et la réalisation de travaux aériens ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher l'activité réelle de la société Tropic Airlines, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L.1224-1 du Code du travail ; ALORS QUE, DE TROISIEME PART, en tout état de cause, et en supposant que tel est le sens des motifs de l'arrêt, l'article L.1224-1 du Code du travail interprété à la lumière de la directive n°2001/23/CE du 12 mars 2001 s'applique en cas de transfert d'une entité économique autonome qui conserve son identité et dont l'activité est poursuivie ou reprise, peu important que cette activité soit secondaire ou accessoire ; qu'en se bornant à retenir que l'activité principale de la société Tropic Airlines est la location d'aéronefs et de réalisation de travaux aériens, quand une telle circonstance est impropre à exclure l'application de l'article L.1224-1 du code du travail s'agissant de l'activité de transport aérien de cette société, la Cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de ce texte ; ALORS QUE, PAR AILLEURS, la reprise d'une partie seulement des salariés ne peut suffire à exclure le transfert d'une entité économique autonome conservant son identité ; qu'en l'espèce, pour écarter l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail, la cour retient que seuls cinq des six pilotes ont été transférés et que le personnel au sol n'est pas plus transféré ; qu'en statuant ainsi, la cour ne justifie pas légalement sa décision au regard de l'article L.1224-1 du code du travail ALORS QU'EN OUTRE, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue par un tribunal, ce qui implique qu'elle ait le droit à la preuve et que ce droit soit garanti par le juge ; que lorsque la manifestation de la vérité dépend d'éléments détenus par un tiers, le juge est tenu de lui ordonner de les produire ; qu'en l'espèce, pour dire qu'il n'y a pas eu de transfert d'une entité économique autonome de la société Tropic Airlines à la société Caire au sens de l'article L.1224-1 du Code du travail, la cour retient que si une note de service du 15 juillet 2010 annonçait un transfert du personnel de la SARL Tropic Airlines et des quatre avions Cesna 208 exploités par celle-ci, le salarié ne démontre pas de manière pertinente que ce transfert ait abouti, la preuve du transfert d'un seul avions étant rapportée ; qu'en reprochant ainsi à M. Z... son échec probatoire, bien que le salarié ait, lors de sa comparution à l'audience, fait valoir qu'il était dans l'impossibilité en tant que particulier de se procurer auprès de la Direction Générale de l'aviation civile la liste des avions composant la flotte de la société Caire et ait demandé, par conséquent, que soit ordonnée la production forcée de cette liste par cette administration, la cour viole l'article 1315 du code civil, ensemble les articles 11 et 138 du code de procédure civile et l'article 6-1 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ; ET ALORS ENFIN QUE, et en toute hypothèse, au terme de l'article 194 du code de procédure civile, il n'y a pas lieu à rédaction d'un procès-verbal des déclarations des parties dont la comparution personnelle a été ordonnée, à condition que mention de ces déclarations soit fait dans la décision lorsque l'affaire est immédiatement jugée en dernier ressort ; qu'en l'espèce, en l'absence de procès-verbal des déclarations de M. Z... lors de l'audience, la cour était tenue de préciser dans sa décision la teneur des déclarations de celui-ci et notamment la réponse aux questions qui lui ont été posées à l'audience; qu'en s'abstenant de mentionner dans sa décision les déclarations orales du salarié lors de sa comparution, la cour ne satisfait pas aux exigences du texte précité. SECOND MOYEN DE CASSATION (par voie de conséquence) : Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté que le licenciement de M. Y... Z... en date du 9 décembre 2010 est dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence fixé la créance de M. Z... à la procédure de liquidation judiciaire de la société Tropic Airlines à 18.264 euros au titre de l'indemnité de l'article L.1235-3 du code du travail ; ALORS QUE la cassation qui ne manquera pas d'être prononcée sur le fondement du premier moyen, entraînera par voie de conséquence l'annulation du chef ici querellé du dispositif de l'arrêt et ce, en application des dispositions de l'article 624 du Code de procédure civile.