AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le premier moyen
:
Vu
la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ;
Attendu que lorsqu'il n'est pas contesté qu'un bien appartient à une personne publique, le juge administratif peut seul apprécier s'il relève de son domaine public ou de son domaine privé et qu'en cas de contestation sérieuse à ce sujet, le juge judiciaire doit surseoir à statuer jusqu'à ce que le juge administratif tranche la question préjudicielle de l'appartenance du bien au domaine public ;
Attendu que le Crédit municipal de Paris (la Caisse), établissement public à caractère administratif, est propriétaire d'un ensemble immobilier à Paris, dans lequel il a son siège, où sont regroupés ses services et où les consorts X... occupent un appartement en vertu d'un bail d'habitation ; que dans le cadre d'une réorganisation de service, considérant que les locaux mis à disposition de personnes privées portaient sur son domaine public, la Caisse a résilié la convention qui avait été conclue ; que par ordonnance du 4 juillet 2002, le juge administratif des référés a jugé que l'appartement occupé par les consorts X... appartenait au domaine public de la Caisse et a suspendu la décision du directeur général, en l'absence de procédure contradictoire dans une situation dépourvue d'urgence ; que par une autre ordonnance du 28 janvier 2003, il a rejeté, en l'absence d'urgence, la demande d'expulsion des consorts X... ;
que les consorts X... ont alors saisi le juge judiciaire des référés d'une demande de suspension du congé ; que la Caisse a soulevé l'incompétence du juge des référés ;
Attendu que pour déclarer le
s juridictions judiciaires compétentes pour connaître de cette demande, l'arrêt attaqué retient que même si pour les besoins de la résiliation du contrat la caisse a qualifié celui-ci de convention d'occupation du domaine public, le titre donnant aux consorts X... le droit d'habiter ce logement relève du droit privé, comme en attestent la référence du contrat aux dispositions des lois sur les baux d'habitation ou du Code civil et l'absence de toute clause exorbitante du droit commun ; que la compétence judiciaire se déduit de cette constatation, de la localisation du logement, des conditions d'usage et de la procédure suivie pour la résiliation du contrat ;
Attendu qu'en statuant ainsi
, alors que, d'abord, la circonstance qu'un bail de droit privé ait été conclu sur les locaux litigieux était sans incidence sur leur appartenance éventuelle au domaine public et alors qu'ensuite, la cour d'appel a rejeté cette appartenance à l'issue d'une analyse révélant le caractère sérieux de la difficulté soulevée, de sorte qu'il en résultait une contestation sérieuse relevant de la compétence de la juridiction administrative, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le deuxième moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les consorts Y... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille cinq.