Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 24 janvier 1989, 87-15.858

Mots clés
pourvoi • redressement • société • contrat • séquestre • produits • qualités • référé • résiliation • vente • amende • infraction • mandat • nullité • retractation

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
24 janvier 1989
Cour d'appel de Rennes (2e chambre)
11 mars 1987

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    87-15.858
  • Dispositif : Rejet
  • Publication : Inédit au bulletin - Inédit au recueil Lebon
  • Nature : Arrêt
  • Décision précédente :Cour d'appel de Rennes (2e chambre), 11 mars 1987
  • Identifiant Légifrance :JURITEXT000007087025
  • Identifiant Judilibre :613720e9cd580146773ef67f
  • Rapporteur : M. Defontaine
  • Avocat général : M. Jeol
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Résumé

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Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Sur le pourvoi formé par Monsieur Bernard Y..., demeurant à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique), ..., agissant en qualité de liquidateur judiciaire de Monsieur Jacques X..., nommé à cette fonction par jugement de liquidation judiciaire rendu le 6 mai 1987 par le tribunal de commerce de Saint-Nazaire, lequel a mis fin à la fonction de Monsieur Bernard Z... comme administrateur du redressement judiciaire de Monsieur X..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1987 par la cour d'appel de Rennes (2e chambre), au profit de : 1°) Monsieur Jean Yves A..., demeurant à Paris (1er), ... ; 2°) Monsieur Gilles C..., demeurant à Paris (1er), ... ; tous deux pris en qualité de co-syndics de la liquidation des biens de la société à responsabilité limitée SERVICES DE DISTRIBUTION DE PETROLES (SEDIP) ; défendeurs à la cassation ; Le demandeur invoque à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 20 décembre 1988, où étaient présents : M. Baudoin, président, M. Defontaine, rapporteur, MM. Justafré, Patin, Peyrat, Nicot, Sablayrolles, Mmes Pasturel, Loreau, M. Vigneron, conseillers, MM. Lacan, Le Dauphin, conseillers référendaires, M. Jeol, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Defontaine, les observations de Me Consolo, avocat de M. Y..., ès qualités, de la SCP de Chaisemartin, avocat de MM. A..., C..., ès qualités, les conclusions de M. Jeol, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Rennes, 11 mars 1987, n° 128), qu'après avoir déclaré la cessation de ses paiements, M. X... a rétracté cette déclaration quelques jours plus tard à l'instigation de son fournisseur, la société d'achat et de vente de produits pétroliers (la SAVPP), laquelle lui avait offert son concours pour redresser la situation ; que cependant, après enquête du tribunal, M. X... a été mis en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire ; que la société Services de distribution de Pétroles (la SEDIP), filiale de la SAVPP, a déclaré sa créance au passif en se fondant sur des livraisons de carburant effectuées dans les stations exploitées par M. X... à Batz sur Mer et Manosque ; que le juge commissaire a rejeté les créances ainsi déclarées ;

Sur le premier moyen

: Attendu qu'il est reproché à l'arrêt infirmatif d'avoir admis la régularité de la déclaration de créance effectué par l'avocat de la SAVPP aux motifs, qu'en cas d'infraction aux règles déontologiques de la profession d'avocat, il y aurait défaut de pouvoir et par suite vice de fond affectant la déclaration de créance, mais que tel n'était pas le cas en l'espèce alors, selon le pourvoi, qu'il résulte de l'article 84 du décret du 9 juin 1972 réglementant la profession d'avocat, que les parties ayant des intérêts opposés ne peuvent être ni assistées, ni représentées par un même avocat ; que la prohibition édictée par ce texte n'exige pas pour son application l'identité des affaires mais la seule existence d'intérêts opposés ; qu'ainsi l'interdiction de représenter des intérêts opposés ne doit pas s'apprécier au regard d'une affaire ou d'un dossier spécifique mais qu'il suffit qu'il y ait un lien entre les affaires, si minime soit-il, révélateur d'une telle opposition ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a expressément constaté que l'avocat, conseil habituel de la SAVPP dont la SEDIP est une filiale, avait représenté tant la SAVPP que M. X... devant le tribunal de commerce de Saint-Nazaire au mois d'août 1985 aux fins de rétractation de la déclaration de cessation de paiements dudit X... ; qu'il était également non contesté que cet avocat avait représenté M. X... dans le cadre d'un litige l'opposant à Mme B... concernant la propriété de son fonds de commerce de Batz sur mer et d'un litige l'opposant à la Cogemco concernant la résiliation de la location gérance de Manosque ; que ces circonstances interdisaient à l'avocat de représenter ou d'assister la SEDIP dans tout litige ou affaire impliquant M. X... ; que plus particulièrement cet avocat ne pouvait représenter la SEDIP dans le cadre d'une déclaration de créance de celle-ci à l'encontre du redressement judiciaire dudit X... ; que l'opposition d'intérêts est en l'espèce caractérisée ; que cette incompatibilité était nécessairement connue de l'avocat ainsi que de la SEDIP et de ses syndics ; qu'au regard de cette opposition d'intérêts dans le cadre d'un litige impliquant ses deux clients, l'avocat ne pouvait représenter ni la SEDIP ni M. X... ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences légales qui en résultaient et a violé l'article 84 du décret du 9 juin 1972 ;

Mais attendu

que si l'infraction aux dispositions de l'article 84 du décret du 9 juin 1972 organisant la profession d'avocat fait encourir à son auteur les sanctions disciplinaires prévues à l'article 107 de ce même décret, une telle infraction est sans effet sur la validité du mandat de représentation accepté par l'avocat en méconnaissance de ses obligations professionnelles ; que par ce motif substitué à ceux critiqués par le pourvoi, la décision de la cour d'appel se trouve justifiée ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Et sur le second moyen

, pris en ses trois branches : Attendu qu'il est reproché à l'arrêt d'avoir admis la créance litigieuse pour le montant déclaré alors, selon le pourvoi, d'une part, en ce qui concerne la facture du 4 octobre 1985, que les parties ne soutenaient nullement, dans leurs conclusions respectives, qu'il existait à la date susvisée, ou même après, un différend sur la validité de la cession du fonds de Batz sur Mer à la SAVPP le 15 septembre 1985 ; que l'ordonnance visée par la cour d'appel, en date du 27 novembre 1985 désignant un administrateur séquestre du fonds, n'était fondée que sur la constatation d'une totale vacance dans la gérance dudit fonds et que l'ordonnance de prise de possession du 19 mars 1986 n'était que la conséquence de la fin de la mission de l'administrateur séquestre ; qu'ainsi la cour d'appel n'a pu affirmer que M. X... possédait toujours le fonds de Batz sur Mer après sa cession intervenue au bénéfice de la SAVPP qu'en méconnaissance des termes du litige et, partant, en violation de l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, en ce qui concerne les factures du 1er avril 1985, que l'ordonnance de référé du président du tribunal de commerce de Marseille du 15 octobre 1985, non seulement constatait la résiliation du contrat de location gérance du fonds de commerce de Manosque, mais encore relevait expressément que ledit contrat avait été conclu le 25 avril 1985, ce que l'administrateur judiciaire et le représentant des créanciers, ainsi que M. X..., rappelaient dans leurs conclusions ; qu'ainsi donc, en mettant à la charge de ce dernier les factures et livraisons du 1er avril 1985 en se référant à l'ordonnance du 15 octobre 1985 dont il ressortait qu'au 1er avril, M. X... n'était pas encore locataire-gérant du fonds de Manosque, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; et, alors, enfin, la facture du 4 octobre 1985, les deux factures du 1er avril 1985 et la facture du 29 mai 1985, que les mandataires de justice, ainsi que M. X..., soutenaient dans leurs conclusions que l'ensemble de la créance de la SEDIP était entachée de nullité pour cause illicite, en ce qu'elle correspondait à des opérations de vente de produits pétroliers à perte ; qu'en ne répondant pas à ce chef des conclusions susceptibles de modifier la solution du litige s'il était pris en considération, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu

, d'une part, que M. X... et l'administrateur ayant soutenu que la SAVPP était devenu propriétaire du fonds de commerce lors de la livraison du 4 octobre 1985 à Batz sur Mer et dès lors qu'à défaut d'énonciation contraire dans l'arrêt, les ordonnances susvisées, dont la production n'a soulevé aucune contestation devant les juges d'appel, sont réputées avoir été régulièrement versées aux débats, la cour d'appel, quand bien même ces éléments n'auraient pas été spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions, a pu se prononcer comme elle l'a fait sans méconnaître les termes du litige ; Attendu, d'autre part, que tout en se fondant sur une ordonnance de référé dont il résulte que la location-gérance de la station de Manosque avait été consentie à M. X... le 25 avril 1985, l'arrêt a retenu que celui-ci avait émis les 30 avril et 2 mai 1985 deux lettres de change demeurées impayées en contrepartie des livraisons faites le 1er avril 1985 ; qu'en déduisant de ces constatations que la dette correspondante incombait à M. X..., la cour d'appel n'a pas méconnu l'article 1134 du Code civil ; Attendu, enfin, qu'en retenant que la déclaration de la créance litigieuse était assortie des justifications nécessaires, la cour d'appel a répondu par là même, aux conclusions invoquées ; Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Y... à une amende civile de deux mille cinq cents francs, envers le Trésor public ; à une indemnité de deux mille cinq cents francs envers MM. A... et C..., aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt quatre janvier mil neuf cent quatre vingt neuf.