Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 23 novembre 2020 et 12 août 2022, M. B C, Mme A C et la caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'Oc, dénommée depuis société
Groupama d'Oc, représentés par Me
Lanéelle, demandent au tribunal :
1°) de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan, solidairement avec son assureur la compagnie d'assurance CNA Insurance, à verser les sommes suivantes, assorties des intérêts à taux légal :
- 616 715,25 euros à verser à M. B C, au titre des préjudices subis par ce dernier au cours de sa prise en charge dans cet établissement le 1er février 2014 ;
- 40 000 euros à Mme A C, au titre de ses préjudices propres ;
- 54 861,20 euros à la société
Groupama d'Oc, au titre de ses débours ;
2°) de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier de Mont-de-Marsan et de la compagnie d'assurance CNA Hardy les entiers dépens, ainsi qu'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les manquements commis par le centre hospitalier de Mont-de-Marsan lors de l'hospitalisation, le 1er février 2014, de M. C, ont entraîné un retard de diagnostic de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime, et une perte de chance d'éviter la survenue de celui-ci ainsi que des séquelles invalidantes qui en ont découlé ;
- il est fondé à demander la réparation des préjudices ayant résulté de ces agissements fautifs, après application d'un taux de perte de chance de 20 %, lesquels doivent être indemnisés à hauteur de :
En ce qui concerne les préjudices de M. B C :
- ses préjudices patrimoniaux temporaires doivent être indemnisés à hauteur de :
- 536,49 euros au titre de frais divers ;
- 177,90 euros au titre des dépenses de santé actuelles ;
- 40 572 euros au titre des frais d'assistance par tierce-personne temporaire, dont :
- 9 450 euros au titre des frais d'assistance par tierce-personne temporaire durant 630 jours, à raison de 5 heures par jour au tarif de 15 euros de l'heure ;
- 31 122 euros au titre des frais d'assistance par tierce-personne temporaire durant 630 jours, à raison de 19 heures par jour au tarif de 13 euros de l'heure ;
- ses préjudices patrimoniaux permanents doivent être indemnisés à hauteur de :
- 5 261,62 euros au titre des frais liés au handicap dont :
- 3 161,62 euros de frais d'adaptation de son logement ;
- 2 100 euros de frais de véhicule adapté ;
- 40 572 euros au titre des frais d'assistance par tierce-personne permanente ;
- ses préjudices extrapatrimoniaux temporaires doivent être indemnisés à hauteur de :
- 3 236,10 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, dont :
- 772,80 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total, à raison de 23 euros par jour durant 168 jours ;
- 2 463,30 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, au taux de 85 %, sur une période de 630 jours ;
- ses préjudices extrapatrimoniaux permanents doivent être indemnisés à hauteur de :
- 2 000 euros au titre du préjudice sexuel ;
En ce qui concerne les préjudices de Mme A C :
- ses préjudices doivent être indemnisés à hauteur de 40 000 euros, au titre de son préjudice d'affection et de son préjudice d'accompagnement ;
En ce qui concerne les préjudices de la société
Groupama d'Oc :
- ses préjudices doivent être indemnisés à hauteur de 54 861,20 euros, dès lors qu'elle a exposé les frais suivants : 38 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 4 000 euros au titre des souffrances endurées ; 4 000 euros au titre du préjudice esthétique ; 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément ; 1 591 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne " active " ; 4 870 euros au titre des frais d'assistance par tierce personne " passive ".
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 12 mars 2021 et 28 mars 2023, le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance, représentés par Me Zandotti, demandent au tribunal de ramener les demandes indemnitaires formulées par les consorts C, la société
Groupama d'Oc et la caisse primaire d'assurance maladie des Landes à de plus justes proportions et de les débouter de leurs demandes injustifiées, de rejeter le surplus de leurs conclusions, et de mettre à la charge des consorts C et de la société
Groupama d'Oc une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire et des pièces complémentaires, enregistrés les 16 septembre 2022 et 22 mars 2023, la caisse primaire d'assurance maladie des Landes doit être regardée comme demandant au tribunal de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance, sur le fondement de l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale, à lui rembourser une somme de 22 513,26 euros au titre de ses débours, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance du 14 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 30 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des assurances ;
- le code civil ;
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F ;
- les conclusions de M. Clen, rapporteur public ;
- les observations de Me Fernandes, substituant Me
Lanéelle, représentant les consorts C et la société
Groupama d'Oc ;
- et les observations de Me Bernal, substituant Me Zandotti, représentant le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance.
Considérant ce qui suit
:
1. M. B C, né le 10 mars 1949, a été pris en charge le 1er février 2014 aux urgences du centre hospitalier de Mont-de-Marsan suite à un déficit sensitivomoteur de l'hémicorps gauche. Son état neurologique a été considéré comme normal et il a regagné son domicile le jour même. Le 8 février suivant, M. C, présentant une hémiplégie droite et une aphasie, a été admis une nouvelle fois aux urgences du centre hospitalier de Mont-de-Marsan. Un scanner cérébral ainsi qu'un examen d'imagerie par résonance magnétique ont mis en évidence la survenue d'un accident vasculaire cérébral. M. C a été transféré au sein du service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux pour surveillance, avant de regagner le soir même le centre hospitalier de Mont-de-Marsan où il est resté hospitalisé jusqu'au 6 mars 2014. M. C a ensuite été pris en charge à l'hôpital Saint-Sever jusqu'au 7 avril 2014, avant d'être transféré au sein du service de rééducation de l'hôpital Nouvielle-de-Bretagne de Mont-de-Marsan jusqu'au 30 juin suivant, date à laquelle il a regagné son domicile. Suite à une expertise diligentée par les sociétés
Groupama d'Oc et CNA Insurance, assureurs respectifs de M. C et du centre hospitalier de Mont-de-Marsan, et réalisée par les docteurs Rougemont et Metton, un rapport définitif a été déposé le 14 avril 2015. Un désaccord entre les deux experts a conduit au dépôt, le 14 février 2018, d'un rapport d'arbitrage réalisé par le docteur E. La société CNA Insurance a présenté une offre d'indemnisation prévisionnelle à M. C, d'un montant de 30 000 euros, qui a été acceptée. Par un courrier du 10 août 2020, M. et Mme C ont formé une demande préalable d'indemnisation auprès du centre hospitalier de Mont-de-Marsan, qui a implicitement rejeté leur demande. Par leur requête, les consorts C et la société
Groupama d'Oc demandent au tribunal de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan ainsi que son assureur, la société CNA Insurance, à leur verser des sommes en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait des manquements commis par cet établissement lors de la prise en charge de M. B C.
Sur les conclusions indemnitaires :
Sur la responsabilité :
2. Aux termes du I de l'article
L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute () ".
3. Il résulte de l'instruction que M. B C s'est présenté au service des urgences du centre hospitalier de Mont-de-Marsan le 1er février 2014 en raison d'un déficit sensitivomoteur de l'hémicorps gauche survenu aux alentours d'une heure du matin. Il a été admis au sein de ce service à 11h08 en raison d'une suspicion d'accident vasculaire cérébral, et a été autorisé à regagner son domicile le même jour après qu'ait été posé un diagnostic de sinusite. Dans la nuit du 8 au 9 février 2014, M. C a présenté une hémiplégie droite et une aphasie, et a été à nouveau admis au service des urgences du centre hospitalier de Mont-de-Marsan. La réalisation d'un scanner cérébral et d'un examen d'imagerie par résonance magnétique (IRM) ont mis en évidence la survenance d'un accident vasculaire cérébral. Après réalisation d'une thrombolyse intraveineuse, M. C a été transféré quelques heures pour surveillance au service de réanimation du centre hospitalier universitaire de Bordeaux, avant d'être hospitalisé le soir-même au centre hospitalier de Mont-de-Marsan et ce jusqu'au 6 mars 2014. M. C a ensuite été hospitalisé à l'hôpital de Saint-Sever jusqu'au 7 avril 2014, avant d'être admis au service de médecine physique et de réadaptation à l'hôpital Nouvielle de Bretagne de Mont-de-Marsan jusqu'au 30 juin 2014, date à laquelle il a regagné son domicile.
4. Il résulte des termes du rapport de l'expertise diligentée par les assureurs respectifs de M. C et du centre hospitalier de Mont-de-Marsan que, dès le 27 janvier 2014, l'intéressé avait été victime d'accidents ischémiques transitoires pouvant être annonciateurs d'un accident vasculaire cérébral. Au regard de ces éléments, et malgré la circonstance que les résultats des examens menés le 1er février aux urgences aient été normaux, les experts relèvent que M. C, qui avait fait état lors de sa première admission aux urgences de ce qu'il avait, dans les jours précédents, présenté des céphalées et un épisode de cécité de l'œil gauche, aurait dû être hospitalisé au centre hospitalier de Mont-de-Marsan en service de neurologie afin que des explorations complémentaires puissent être réalisées, et consistant au minimum en la réalisation d'un bilan sanguin détaillé, d'un doppler cervical, et d'une IRM cérébrale. Dès lors, le centre hospitalier de Mont-de-Marsan, en ne tenant pas compte du faisceau d'éléments, liés notamment aux troubles visuels, sur lesquels son attention avait été attirée et qui auraient dû le conduire à envisager la possibilité d'un accident vasculaire cérébral, et en ne procédant pas en temps utile aux examens neurologiques complémentaires que l'état du patient appelait de toute urgence, n'a pas pris en charge M. C dans la soirée du 1er février 2014 dans des conditions conformes aux règles de l'art. Ces manquements ont entraîné un retard dans la prise en charge de l'intéressé, constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Mont-de-Marsan.
Sur l'évaluation de la perte de chance :
5. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
6. Il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise que les deux médecins respectivement mandatés par les parties étaient en désaccord sur le taux de perte de chance qu'il convenait de retenir en l'espèce. Dans ce cadre, un troisième médecin a été désigné en tant qu'arbitre, et a retenu, après analyse, un taux de perte de chance de 20 % qui n'est pas contesté par les parties. Dans ces conditions, il y a lieu de retenir que le retard dans la prise en charge de M. C a fait perdre à ce dernier une chance d'éviter la survenue de l'accident vasculaire cérébral dont il a été victime et d'en limiter les conséquences, qui peut être évaluée dans les circonstances de l'espèce à 20 %. La responsabilité du centre hospitalier de Mont-de-Marsan est donc engagée à hauteur de cette fraction du dommage.
En ce qui concerne la réparation des préjudices de M. C :
S'agissant des préjudices patrimoniaux temporaires :
Quant aux dépenses de santé actuelles :
7. M. C sollicite l'indemnisation de dépenses de santé actuelles à hauteur de 177,90 euros. Si les requérants ne produisent aucun élément de nature à justifier des dépenses ainsi alléguées, le centre hospitalier et son assureur ne s'opposent pas à l'octroi d'une indemnité à hauteur de ce montant. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance à verser à M. C la somme de 177,90 euros à ce titre.
Quant aux frais divers :
8. M. C justifie avoir exposé une somme de 133,48 euros pour obtenir des copies de son dossier médical. Après application du taux de perte de chance retenu au point 5, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance à verser à M. C la somme de 26,70 euros à ce titre.
9. En revanche, si M. C sollicite, au titre des frais divers, le remboursement de sommes correspondant aux frais d'hospitalisation de son épouse, il ne produit aucun élément de nature à justifier que ce préjudice serait en lien direct et certain avec les manquements commis par le centre hospitalier de Mont-de-Marsan. Ce poste de préjudice doit, dès lors, être écarté.
Quant à l'assistance par tierce-personne :
10. D'une part, lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer, augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
11. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune. Ces règles ne trouvent à s'appliquer que dans la mesure requise pour éviter une double indemnisation de la victime. Par suite, lorsque la personne publique responsable n'est tenue de réparer qu'une fraction du dommage corporel, notamment parce que la faute qui lui est imputable n'a entraîné qu'une perte de chance d'éviter ce dommage, la déduction ne se justifie, le cas échéant, que dans la mesure nécessaire pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne.
12. En outre, lorsqu'au nombre des conséquences dommageables d'un accident engageant la responsabilité d'une personne publique, figure la nécessité pour la victime de recourir à l'assistance d'une tierce personne à domicile pour les actes de la vie courante, la circonstance que cette assistance serait assurée par un membre de sa famille est, par elle-même, sans incidence sur le droit de la victime à en être indemnisée. Le principe de la réparation intégrale du préjudice impose que les frais liés à l'assistance à domicile de la victime par une tierce personne, alors même qu'elle serait assurée par un membre de sa famille, soient évalués à une somme qui ne saurait être inférieure au montant du salaire minimum augmenté des charges sociales, appliqué à une durée journalière, dans le respect des règles du droit du travail.
13. Il résulte des termes du rapport d'expertise que l'état de santé de M. C a nécessité, durant la période du 30 juin 2014 au 15 avril 2016, une assistance par tierce personne non spécialisée à raison de 24 heures par jour, tous les jours de la semaine, lesquelles sont ventilées sur 19 heures de surveillance et 5 heures d'aide active journalières. L'état de santé de M. C a donc nécessité, sur la base d'une durée annuelle de 412 jours, une assistance par tierce personne durant 655 jours, dont il y a lieu de déduire 15 jours durant lesquels il a été hospitalisé entre le 6 et 20 août 2014. Il y a lieu d'évaluer cette assistance par tierce personne requise par M. C pendant cette période en retenant une base horaire forfaitaire de 13 euros par heure, soit un total de 191 360 euros. Il résulte toutefois de l'instruction que M. C a bénéficié, sur la période considérée, de 51 heures mensuelles d'aide humaine octroyées par les services du département, pour un montant qu'il convient d'évaluer à 14 586 euros, et que la société
Groupama d'Oc lui a versé, au titre de ce poste de préjudice, une somme de 6 641 euros. Il suit de là que le montant pouvant être alloué à M. C au titre des besoins d'assistance par tierce personne temporaire jusqu'à la consolidation de son état de santé, doit être fixé à la somme de 170 133 euros, soit une somme de 34 026,60 euros après application du taux de perte de chance retenu au point 6 du présent jugement, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan et de la société CNA Insurance.
S'agissant des préjudices patrimoniaux permanents :
Quant aux frais liés au handicap :
14. En premier lieu, M. C demande que lui soit allouée, après application du taux de perte de chance retenu au point 5 du présent jugement, une somme de 2 100 euros au titre des frais d'acquisition d'un véhicule et l'adaptation de celui-ci à son état de santé. M. C soutient avoir acquis un nouveau véhicule pour un montant de 11 500 euros, dont il déduit 1 000 euros au titre des frais de reprise de son ancien véhicule. Toutefois, et dès lors que l'acquisition initiale d'un véhicule ne saurait être indemnisée en elle-même, seul le surcoût pouvant l'être, et que la facture d'acquisition produite au dossier n'est relative qu'à l'achat du véhicule du requérant, sans aucune mention relative aux aménagements réalisés et rendus nécessaires par son handicap, ce poste de préjudice doit être écarté.
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. C nécessite d'aménager son logement, en particulier les encadrements de porte, la salle de bains, et la cuisine. Il ne résulte d'aucune pièce du dossier que le requérant aurait effectivement bénéficié d'une aide à ce titre. Eu égard au coût de tels travaux, tel qu'il résulte des factures et du devis estimatif produits par M. C, d'un montant total de 15 808,11 euros, consistant notamment en l'installation d'une douche à l'italienne, en l'adaptation de sa cuisine aux personnes à mobilité réduite, et en l'élargissement des menuiseries, il sera fait une exacte appréciation du préjudice en allouant à M. C, après prise en compte du taux de perte de chance de 20 %, une somme de 3 161,62 euros.
Quant à l'assistance par tierce-personne :
16. Aux termes de l'article
L. 245-1 du code de l'action sociale et des familles : " I. - Toute personne handicapée résidant de façon stable et régulière en France métropolitaine, (), dont l'âge est inférieur à une limite fixée par décret et dont le handicap répond à des critères définis par décret prenant notamment en compte la nature et l'importance des besoins de compensation au regard de son projet de vie, a droit à une prestation de compensation qui a le caractère d'une prestation en nature qui peut être versée, selon le choix du bénéficiaire, en nature ou en espèces.()/Lorsque le bénéficiaire de la prestation de compensation dispose d'un droit ouvert de même nature au titre d'un régime de sécurité sociale, les sommes versées à ce titre viennent en déduction du montant de la prestation de compensation dans des conditions fixées par décret. () ". Aux termes de l'article
L. 245-3 du même code : " La prestation de compensation peut être affectée, dans des conditions définies par décret, à des charges : 1° Liées à un besoin d'aides humaines, y compris, le cas échéant, celles apportées par les aidants familiaux ; (). ". Aux termes de l'article L. 245-4 du même code : " L'élément de la prestation relevant du 1° de l'article
L. 245-3 est accordé à toute personne handicapée soit lorsque son état nécessite l'aide effective d'une tierce personne pour les actes essentiels de l'existence ou requiert une surveillance régulière, soit lorsque l'exercice d'une activité professionnelle ou d'une fonction élective lui impose des frais supplémentaires. / Le montant attribué à la personne handicapée est évalué en fonction du nombre d'heures de présence requis par sa situation et fixé en équivalent-temps plein, en tenant compte du coût réel de rémunération des aides humaines en application de la législation du travail et de la convention collective en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 245-7 du même code : " () Les sommes versées au titre de cette prestation ne font pas l'objet d'un recouvrement à l'encontre du bénéficiaire lorsque celui-ci est revenu à meilleure fortune. () ".
17. Lorsque le juge administratif indemnise la victime d'un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il détermine d'abord l'étendue de ces besoins d'aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il fixe, ensuite, le montant de l'indemnité qui doit être allouée par la personne publique responsable du dommage, en tenant compte des prestations dont, le cas échéant, la victime bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. A ce titre, il appartient au juge, lorsqu'il résulte de l'instruction que la victime bénéficie de telles prestations, de les déduire d'office de l'indemnité mise à la charge de la personne publique, en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d'instruction pour en déterminer le montant. En vertu des principes qui régissent l'indemnisation par une personne publique des victimes des dommages dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance par une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie par ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.
18. La prestation de compensation du handicap a notamment pour objet de couvrir les frais d'assistance par tierce personne et elle ne donne pas lieu à remboursement en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire. Le montant de cette prestation doit être déduit des frais d'assistance à tierce personne à la condition que la victime ait perçu cette prestation ou la perçoit à la date du jugement, la circonstance que la personne puisse la solliciter à l'avenir étant sans incidence sur le montant de l'indemnité ainsi déterminée. En revanche, devront être déduites de la rente annuelle des frais futurs d'assistance par tierce personne, les sommes qui seraient versées après la date du jugement par le département au titre de la prestation de compensation du handicap.
19. Il résulte de l'instruction que l'état de santé de M. C, consolidé au 15 avril 2016, nécessite une aide d'une tierce personne à raison de 24 heures par jour, tous les jours de la semaine, et à titre viager. Il résulte toutefois de l'instruction que M. C est effectivement hébergé en EHPAD depuis le 24 novembre 2016. Ainsi, l'intégralité de l'aide par tierce personne que son état de santé requiert est assurée par cet établissement de manière continue depuis cette date. Il y a lieu, dès lors, d'évaluer l'assistance par tierce personne requise par M. C pour la période du 15 avril 2016, date de consolidation de son état de santé, au 24 novembre 2016, date de son entrée en EHPAD, soit durant 233 jours et en retenant une base horaire forfaitaire de 13 euros par heure, à la somme totale de 69 567 euros. Dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que M. C percevrait la prestation de compensation du handicap, le requérant doit être regardé comme justifiant du préjudice résultant de la nécessité d'une assistance par tierce personne pour la période courant de la date de consolidation de son état de santé au mois de novembre 2016. Dans ces conditions, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance, après application du taux de perte de chance retenu au point 6 du présent jugement, à verser à M. C la somme de 13 913, 40euros à ce titre.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux temporaires :
Quant au déficit fonctionnel temporaire :
20. Il résulte de l'instruction, et notamment des termes du rapport d'expertise, que M. C a connu des périodes de déficit fonctionnel temporaire total d'une durée de 168 jours, soit 5,5 mois, et une période de déficit fonctionnel temporaire partiel de 85 % durant 650 jours, 21,3 mois jusqu'à la consolidation de son état de santé. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de son déficit fonctionnel temporaire durant ces périodes en l'évaluant, sur la base de 400 euros par mois à taux plein, à 2 200 euros s'agissant du déficit fonctionnel temporaire total, et à 8 520 euros s'agissant du déficit fonctionnel temporaire partiel, soit à 9 442 euros au total. Après application du taux de perte de chance retenu au point 6, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et son assureur, la société CNA Insurance, à verser à M. C la somme de 1 888,40 euros à ce titre.
S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux permanents :
21. Il sera fait une juste appréciation du préjudice sexuel subi par M. C, âgé de 67 ans à la date de consolidation de son état de santé et restant atteint d'un taux de déficit fonctionnel permanent de 80 %, en l'évaluant à la somme de 2 000 euros après prise en compte du taux de perte de chance de 20 %.
22. Il résulte de tout ce qui précède que le montant que le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance doivent être condamnés à verser in solidum à M. C s'élève à la somme de 55 192,22 euros.
En ce qui concerne la réparation des préjudices de Mme A C :
23. En premier lieu, l'époux de Mme C n'étant pas décédé, celle-ci n'est pas fondée à demander l'indemnisation de son préjudice d'accompagnement. Sa demande présentée à ce titre doit par conséquent être rejetée.
24. En second lieu, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'affection de Mme C, après prise en compte du taux de perte de chance de 20 %, en l'évaluant à la somme de 2 000 euros.
En ce qui concerne la réparation des préjudices de la société
Groupama d'Oc :
25. Aux termes de l'article
1346 du code civil : " La subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette ". Aux termes de l'article
1346-4 du même code : " La subrogation transmet à son bénéficiaire, dans la limite de ce qu'il a payé, la créance et ses accessoires, à l'exception des droits exclusivement attachés à la personne du créancier ". Et aux termes de l'article L. 121-21 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ".
26. En conséquence de ces dispositions, l'assureur qui a acquitté la dette de son assuré bénéficie d'une double subrogation dans les droits de ce dernier lorsqu'il lui a payé une indemnité d'assurance au titre du contrat conclu avec celui-ci. Par suite, l'assureur a seul qualité pour agir et obtenir, s'il s'y croit fondé, la réparation du préjudice qu'il a indemnisé.
27. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal de transaction pour indemnisation définitive du 28 novembre 2016, que la société
Groupama d'Oc a exposé des dépenses à raison de l'état de santé de M. C en lien avec la faute commise par le centre hospitalier de Mont-de-Marsan à hauteur de la somme totale de 54 861 euros, dont 38 400 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 2 000 euros au titre du préjudice d'agrément, et 6 461 euros au titre des frais d'assistance par tierce-personne. Ce décompte intègre le taux de perte de chance de 20 % pour le calcul du droit à indemnisation accordé par la société
Groupama d'Oc à son assuré. Dans ces conditions, il y a lieu d'allouer à cette société une somme de 54 861 euros, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan et de la société CNA Insurance.
Sur les débours de la caisse primaire d'assurance maladie des Landes :
28. Les caisses de sécurité sociale, qui exercent leurs droits propres en application de l'article
L. 376-1 du code de la sécurité sociale, sont admises à poursuivre le remboursement de l'ensemble des prestations versées à la victime d'un accident résultant d'un acte médical, dans la limite des sommes allouées à ce patient en réparation de la perte de chance d'éviter un préjudice corporel, la part d'indemnité à caractère personnel étant exclue du recours.
29. Par le décompte de ses débours définitifs, arrêté au 9 mars 2023, et l'attestation d'imputabilité de son médecin conseil du 13 mars suivant, la caisse primaire d'assurance maladie des Landes justifie avoir exposé, des suites de l'accident du 1er février 2014 de M. C, des dépenses d'un montant total de 112 566,33 euros, dont 65 875,27 euros de frais hospitaliers, 13 312,76 euros de frais médicaux, 2 177,82 euros au titre des frais pharmaceutiques, 2 107,42 euros de frais d'appareillage, 11 080,53 euros de frais de transport, et 18 012,53 euros de frais futurs.
30. Les débours engagés par la caisse primaire d'assurance maladie sur la période courant à compter du 8 février 2014, dont elle sollicite le remboursement, sont en lien direct avec le dommage résultant des manquements fautifs du centre hospitalier de Mont-de-Marsan, dans la limite d'un taux de perte de chance de 20 %. Par suite, il y a lieu de condamner le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes une somme globale de 22 513,26 euros, après application du taux de perte de chance de 20 %.
Sur les intérêts :
31. Les époux C et la société
Groupama d'Oc ont demandé les intérêts au taux légal dans leur requête introductive d'instance du 23 novembre 2020. Dès lors, ils ont droit, à partir de cette dernière date et à compter de la notification du présent jugement, aux intérêts à taux légal sur les sommes respectives que le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance sont condamnés à leur verser.
Sur les dépens :
32. Les dispositions de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative posent le principe que les dépens, tels que les frais d'expertise, sont mis à la charge de la partie perdante.
33. La présente instance n'ayant pas comporté de dépens, les conclusions des époux C et de la société
Groupama d'Oc tendant à l'application de l'article
R. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
34. Aux termes des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
35. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Mont-de-Marsan et de son assureur, la société CNA Insurance, une somme de 1 500 euros à verser à M. et Mme C ainsi qu'à la société
Groupama d'Oc au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens, ainsi qu'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes.
36. Toutefois, en vertu des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance doivent dès lors être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance verseront à M. B C une somme globale de 55 196,20 euros (cinquante-cinq mille cent quatre-vingt-seize euros et vingt centimes), une somme de 2 000 (deux-mille) euros à Mme A C, et une somme de 54 861 (cinquante-quatre mille huit-cent soixante-et-un) euros à la société
Groupama d'Oc, en réparation de leurs préjudices respectifs liés aux manquements de cet établissement de santé lors de la prise en charge du premier dénommé dans les suites de son accident du 1er février 2014, et sous réserve des provisions qui leur auraient déjà été versées.
Article 2 : Les sommes mentionnées à l'article 1er porteront intérêt au taux légal à compter du 23 novembre 2020.
Article 3 : Le centre hospitalier de Mont-de-Marsan et la société CNA Insurance sont condamnés à verser à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes une somme globale de 22 513,26 euros (vingt-deux mille cinq-cent treize euros et vingt-six centimes), en remboursement de ses débours, sous réserves des provisions qui lui auraient déjà été versées.
Article 4 : Le centre hospitalier de Mont-de-Marsan versera une somme globale de 1 500 euros à M. et Mme C et à la société
Groupama d'Oc, au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi qu'une somme de 500 euros au titre des frais exposés par la caisse primaire d'assurance maladie des Landes.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme B et A C, à la société
Groupama d'Oc, à la caisse primaire d'assurance maladie des Landes, au centre hospitalier de Mont-de-Marsan et à la société CNA Insurance.
Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Sellès, présidente,
Mme Corthier, conseillère,
Mme Neumaier, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 mai 2023.
La rapporteure,
Signé
L. F
La présidente,
Signé
M. D
La greffière,
Signé
P. SANTERRE
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition :
La greffière,