Vu la procédure suivante
:
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 30 mars 2020, 26 juillet 2021 et 20 décembre 2021, Mme B C, représentée par Me
Faure-Bonaccorsi, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler la délibération du 14 octobre 2019 par laquelle le conseil municipal d'Etrembières a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à la commune d'Etrembières d'engager la procédure de modification du classement de sa parcelle ;
3°) de mettre à la charge de la commune d'Etrembières une somme de 4 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conseillers municipaux n'ont pas été régulièrement convoqués, en méconnaissance de l'article
L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ;
- ils n'ont pas bénéficié d'une information adéquate, en méconnaissance de l'article
L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;
- le commissaire enquêteur n'a pas rendu un avis personnel motivé, en méconnaissance de l'article
R. 123-19 du code de l'environnement ;
- l'avis du commissaire enquêteur doit être analysé comme un avis défavorable et le conseil municipal n'a pas pris de délibération motivée, en méconnaissance de l'article
L. 123-16 du code de l'environnement ;
- des modifications importantes du projet de PLU ont été approuvées sans être soumises à enquête publique, en méconnaissance de l'article
L. 153-21 du code de l'urbanisme ;
- le classement de la parcelle cadastrée section B n° 2835 n'est pas cohérent avec le projet d'aménagement et de développement durable ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 mai 2021, le 24 septembre 2021 et 24 décembre 2021, la commune d'Etrembières, représentée par son maire, par Me
Duraz, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article
L. 600-9 du code de l'urbanisme et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante une somme de 4 000 euros application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions à fin d'injonction sont irrecevables ;
- les moyens soulevés par Mme C ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Beytout,
- les conclusions de Mme Bedelet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Angot représentant Mme C, et de Me
Duraz, avocate de la commune d'Etrembières.
Considérant ce qui suit
:
1. Par une délibération du 11 juin 2012, le conseil municipal d'Etrembières a prescrit la révision du plan local d'urbanisme de la commune. Le projet de plan local d'urbanisme a été arrêté par une délibération du 11 juin 2018 et soumis à enquête publique du 23 avril 2019 au 31 mai 2019. Par une délibération du 14 octobre 2019, le conseil municipal de la commune d'Etrembières a adopté le plan local d'urbanisme de la commune. Par courrier du 9 décembre 2019, reçu par la commune le 10 décembre 2019, Mme C a formé un recours gracieux contre cette délibération, implicitement rejeté par une décision du 10 février 2019. Par la présente requête, elle demande l'annulation de la délibération du 14 octobre 2019, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction :
2. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est transmise de manière dématérialisée ou, si les conseillers municipaux en font la demande, adressée par écrit à leur domicile ou à une autre adresse ". Et aux termes de l'article
L. 2121-11 du même code : " Dans les communes de moins de 3 500 habitants, la convocation est adressée trois jours francs au moins avant celui de la réunion () ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, le 8 octobre 2019, a été adressé aux conseillers municipaux un courriel auquel était jointe une convocation mentionnant notamment comme point à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal du 14 octobre 2019 l'approbation de la révision du plan local d'urbanisme. Mme C n'apporte aucun élément de nature à démontrer qu' un ou plusieurs conseillers municipaux n'ont pas reçu ce courriel. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des articles
L. 2121-10 et
L. 2121-11 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article
L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ". Il résulte de ces dispositions que les membres du conseil municipal appelés à délibérer de la révision du plan local d'urbanisme doivent disposer, avant la séance, de l'ensemble du projet de plan local d'urbanisme que la délibération a pour objet d'approuver, et que s'ils doivent pouvoir obtenir communication des autres pièces et documents nécessaires à leur information sur la révision de ce plan, notamment du rapport du commissaire enquêteur. Aucun texte ni aucun principe n'impose toutefois au maire de leur communiquer ces pièces et documents en l'absence d'une demande de leur part.
5. Il ressort des pièces du dossier que, d'une part, les conseillers municipaux ont été informés dès la séance du 9 septembre 2019 de l'approbation de la révision du plan local d'urbanisme lors de la séance du 14 octobre 2019 et de la disponibilité du dossier en mairie et que, d'autre part, un courriel leur a été adressé le 10 octobre 2019 auquel était joints les avis des personnes publiques associées, les remarques formulées au cours de l'enquête publique et les réponses proposées par la commune et enfin l'avis du commissaire enquêteur. Si l'avis du commissaire enquêteur sur les différentes demandes de modification émises au cours de l'enquête publique ne figurait pas dans le document remis avec le courriel du 10 octobre 2019, la requérante ne soutient pas que le rapport d'enquête ne figurait pas parmi les documents consultables en mairie ou que des conseillers municipaux ont sollicité en vain la communication de cette pièce. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article
R. 123-19 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. / Le rapport comporte le rappel de l'objet du projet, plan ou programme, la liste de l'ensemble des pièces figurant dans le dossier d'enquête, une synthèse des observations du public, une analyse des propositions produites durant l'enquête et, le cas échéant, les observations du responsable du projet, plan ou programme en réponse aux observations du public. / Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête consigne, dans une présentation séparée, ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet ".
7. En l'espèce, le commissaire enquêteur a formulé une analyse circonstanciée et personnalisée dans ses conclusions, d'une part, sur le contenu du dossier d'enquête et le déroulement de l'enquête et, d'autre part, sur la question de la consommation de l'espace naturel et agricole, sur la question de la préservation de l'environnement, sur la prise en compte de la mixité sociale et enfin sur la prise en compte des textes réglementaires. Il a rendu un avis favorable assorti de deux réserves et d'une recommandation. Par suite, ses conclusions satisfont à l'obligation de motivation et le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
R. 123-19 du code de l'environnement doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article
L. 123-16 du code de l'environnement : " () Tout projet d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public de coopération intercommunale ayant donné lieu à des conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête doit faire l'objet d'une délibération motivée réitérant la demande d'autorisation ou de déclaration d'utilité publique de l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement de coopération concerné ". L'article
L. 123-16 du code de l'environnement n'impose pas que l'examen des conclusions défavorables du commissaire enquêteur fasse l'objet d'une réunion distincte de celle au cours de laquelle le conseil municipal approuve la modification du plan local d'urbanisme ni d'une délibération matériellement distincte de la délibération approuvant le projet. Il n'exige pas non plus que l'organe délibérant débatte spécifiquement des conclusions du commissaire-enquêteur, mais lui impose seulement de délibérer sur le projet, y compris lorsqu'il relève de la compétence de l'exécutif de la collectivité, en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur.
9. En l'espèce, si les conclusions du commissaire enquêteur, assorties de réserves non levées, doivent être considérées comme des conclusions défavorables, le conseil municipal a adopté la délibération en litige en ayant eu connaissance du sens et du contenu des conclusions du commissaire enquêteur. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article
L. 123-16 du code de l'environnement doit être écarté.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article
L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : / () / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8 ". Il résulte de ces dispositions qu'il est loisible à l'autorité compétente de modifier le plan d'occupation des sols après l'enquête publique, sous réserve, d'une part, que ne soit pas remise en cause l'économie générale du projet et, d'autre part, que cette modification procède de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête.
11. Mme C soutient que la suppression des OAP chemin de l'Arve et les Iles d'une part et la création d'une nouvelle OAP imposant une densité de quarante logements à l'hectare dans le secteur dit A, qui modifient les possibilités de construction dans ces zones, sont susceptibles de remettre en cause le parti d'aménagement de la commune. Elle relève également d'autres modifications, tenant au reclassement de la zone 1AU du chemin de l'Arve en zone agricole, à l'ajout d'une trame sur la partie ouest de la zone 1AUc du chemin des Grandes Iles et enfin à la modification du règlement s'agissant de la hauteur des constructions. Toutefois il ne ressort pas des pièces du dossier que ces modifications, qui procèdent de l'enquête publique, remettent en cause l'économie générale du projet de plan local d'urbanisme initialement soumis à enquête. Par suite, le moyen doit être écarté.
12. En sixième lieu, aux termes de l'article
L. 151-5 du code de l'urbanisme : " Le projet d'aménagement et de développement durables définit : / 1° Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques ; / 2° Les orientations générales concernant l'habitat, les transports et les déplacements, les réseaux d'énergie, le développement des communications numériques, l'équipement commercial, le développement économique et les loisirs, retenues pour l'ensemble de l'établissement public de coopération intercommunale ou de la commune./ Il fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ". Aux termes de l'article
L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3 ". Et enfin aux termes de l'article
R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ".
13. D'une part, pour apprécier la cohérence exigée au sein du plan local d'urbanisme (PLU) entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement (PADD), il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le PADD, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du PLU à une orientation ou à un objectif du PADD ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet
14. D'autre part, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste, fondée sur des faits matériellement inexacts ou entaché d'un détournement de pouvoir.
15. En l'espèce, la parcelle cadastrée section B n° 2835, de 4 785 m², est vierge de toute construction, entourée sur trois côtés par des parcelles également vierges de construction, dans un secteur excentré de la commune d'Etrembières d'aspect encore rural et présentant un potentiel agricole. Dès lors, il ne s'agit pas, contrairement à ce qui est soutenu, d'une dent creuse et son classement en zone agricole répond aux objectifs du projet d'aménagement et de développement durable de préservation des terres agricoles et du cadre de vie. Par suite, les moyens tirés de l'incompatibilité de ce classement avec le projet d'aménagement et de développement durable et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme C doivent être rejetées, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions accessoires à fin d'injonction, sans qu'il soit besoin d'en examiner la recevabilité.
Sur les frais de l'instance :
17. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Etrembières, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la Mme C au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
18. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de Mme C le versement à la commune d'Etrembières d'une somme de 1 000 euros à ce titre.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C est rejetée.
Article 2 : Mme C versera à la commune d'Etrembières une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et à la commune d'Etrembières.
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Thierry, président,
M. Hamdouch, premier conseiller,
Mme Beytout, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2023.
Le rapporteur,
E. BEYTOUT
Le président,
P. THIERRY Le greffier,
P. MULLER
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.