LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 mars 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 289 F-D
Pourvoi n° A 20-19.285
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 MARS 2022
La société Galileo France, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 20-19.285 contre l'arrêt rendu le 24 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [K] [M], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lanoue, conseiller référendaire, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société Galileo France, après débats en l'audience publique du 19 janvier 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lanoue, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 juin 2020), M. [M] a été engagé le 6 février 2007 par la société Worldspan Services Limited selon contrat de travail à durée indéterminée en qualité de commercial.
2. Il a été élu délégué du personnel titulaire dans cette société le 12 mars 2008.
3. Son contrat de travail a été transféré le 1er janvier 2009 à la société Galileo France (la société).
4. Il a été licencié le 31 juillet 2009.
5. Estimant ce licenciement infondé et notamment nul pour violation de son statut protecteur de délégué du personnel, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. La société fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié est intervenu en violation du statut de salarié protégé et de la condamner en conséquence à lui verser une certaine somme à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur, alors :
« 1°/ que l'indemnité pour violation du statut protecteur est égale a la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'a l'expiration de la période de protection ; que dès lors que le salarié a été licencié après l'expiration de la période de protection, il ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié a la perte d'un mandat qui n'est plus en cours ; que la cour d'appel a constaté que le mandat de M. [M] avait cessé le 1er janvier 2009, que la protection légale afférente à ce mandat s'était achevée le 30 juin 2009 et que son licenciement lui avait été notifié le 3 août 2009 ; qu'en lui accordant néanmoins la somme de 116 613,60 € a titre d'indemnité pour violation du statut protecteur quand, faute de la perte effective d'un mandat qui n'était plus en cours, il ne pouvait obtenir une indemnisation a ce titre, la cour d'appel a violé l'article
L. 2411-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article
L. 2411-5 du code du travail, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 :
7. L'indemnité pour violation du statut protecteur est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection, dans la limite de 30 mois. Il en résulte que le salarié licencié en méconnaissance de son statut protecteur après l'expiration de la période de protection, ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte du mandat.
8. Après avoir relevé que le mandat du salarié avait expiré lors du transfert d'activité le 1er janvier 2009, que la période de protection avait pris fin le 30 juin 2009, que le salarié avait été licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail le 31 juillet 2009 pour des faits d'insuffisance professionnelle commis pendant la période de protection, après avoir été convoqué à un entretien préalable par lettre du 10 juillet 2009, l'arrêt retient que le salarié est fondé à obtenir une indemnité pour violation de son statut protecteur égale à 30 mois de salaire.
9. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article
1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles
L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et
627 du code de procédure civile.
11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
12. La cassation du chef de dispositif condamnant la société à verser au salarié une somme à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant la société aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article
700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celle-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Galileo à payer à M. [M] la somme de 116 13,60 euros à titre d'indemnisation pour violation du statut protecteur l'arrêt rendu le 24 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi ;
Déboute M. [M] de sa demande au titre de l'indemnité pour violation du statut protecteur ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Galileo France ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société Galileo France
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société Galileo reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [M] était intervenu en violation du statut de salarié protégé et de l'avoir en conséquence condamnée à lui verser les sommes de 116 613,60 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et de 2 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
1/ ALORS QUE l'indemnité pour violation du statut protecteur est égale à la rémunération que le salarié aurait perçue depuis son éviction jusqu'à l'expiration de la période de protection ; que dès lors que le salarié a été licencié après l'expiration de la période de protection, il ne peut bénéficier de cette indemnité qui couvre le préjudice lié à la perte d'un mandat qui n'est plus en cours ; que la cour d'appel a constaté que le mandat de M. [M] avait cessé le 1er janvier 2009, que la protection légale afférente à ce mandat s'était achevée le 30 juin 2009 et que son licenciement lui avait été notifié le 3 août 2009 ; qu'en lui accordant néanmoins la somme de 116 613,60 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur quand, faute de la perte effective d'un mandat qui n'était plus en cours, il ne pouvait obtenir une indemnisation à ce titre, la cour d'appel a violé l'article
L. 2411-5 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige ;
2/ ALORS (subsidiairement) QUE bien que retenant que le mandat du salarié avait cessé au moment du transfert du contrat de travail le 1er janvier 2009 et que la période de protection s'était achevée le 30 juin 2009 (arrêt p. 3 § 5), la cour d'appel a accordé à M. [M] une indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur de 30 mois de salaire à compter du licenciement notifié le 3 août 2009 (arrêt p. 3, § 15) ; qu'en retenant que la période de protection avait cessé le 30 juin 2009 pour accorder une indemnisation jusqu'au 3 février 2012, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires et a ainsi méconnu les exigences de l'article
455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION (SUBSIDIAIRE)
La société Galileo reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que le licenciement de M. [M] était intervenu en violation du statut de salarié protégé et de l'avoir en conséquence condamnée à lui verser les sommes de 116 613,60 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur et de 2 000 € au titre de l'article
700 du code de procédure civile.
1/ ALORS QUE le salarié licencié en violation de son statut protecteur et qui ne demande pas sa réintégration, peut prétendre soit à une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection s'il présente sa demande d'indemnisation avant cette date, soit à une indemnité dont le montant est fixé par le juge en fonction du préjudice subi lorsqu'il introduit sa demande après l'expiration de sa période de protection sans justifier de motifs qui ne lui soient pas imputables ; qu'en accordant à M. [M] une indemnité forfaitaire égale au montant des salaires qu'il aurait dû percevoir jusqu'à la fin de sa période de protection, alors qu'elle avait constaté que le statut protecteur du salarié, licencié le 3 août 2009, avait pris fin le 30 juin 2009 (arrêt p. 3, § 5) ou le 3 février 2012 (arrêt p. 3 § 15) et qu'il avait introduit sa demande le 24 juin 2015, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article
L. 2411-5 du code du travail ;
2/ ALORS QUE le salarié qui ne présente sa demande d'indemnisation qu'après l'expiration de sa période de protection ne peut prétendre à une indemnisation forfaitaire que s'il justifie que le caractère tardif de cette demande ne lui est pas imputable ; qu'en accordant à M. [M] 24 mois de salaire augmentés de 6 mois, sans qu'il ait justifié des raisons pour lesquelles sa demande avait été formulée plusieurs années après l'expiration de sa protection légale, la cour d'appel a encore violé l'article
L. 2411-5 du code du travail ;
3/ ALORS (subsidiairement) QU'à supposer même que l'indemnisation accordée par la cour ait pu l'être, non à titre forfaitaire, mais au titre du préjudice subi, la réalité et l'ampleur de ce préjudice devait être démontré par le salarié ; que M. [M] n'avait développé dans ses écritures (p. 13, § 10 à 14, § 5) aucune argumentation tendant à démontrer l'ampleur du préjudice qu'il aurait subi au titre de la méconnaissance du statut protecteur ; qu'en lui accordant néanmoins la somme de 116 613,60 € à ce titre, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 2411-5 du code du travail ;
4/ ALORS (subsidiairement) QU'à supposer même que l'indemnisation accordée ait pu l'être, non à titre forfaitaire, mais au titre du préjudice subi, les revenus de remplacement perçus par le salarié durant la période litigieuse devaient être déduits des sommes réclamées ; que M. [M] admettait avoir perçu des indemnités journalières de Pôle emploi pendant sa période de chômage du 1er décembre 2009 au 31 octobre 2011 et indiquait en première page de ses conclusions d'appel récapitulatives n° 2 qu'il exerçait "la profession de consultant", sans justifier des sommes reçues à ce titre ; qu'en lui accordant néanmoins la somme globale de 116 613,60 €, sans rechercher si le salarié justifiait du montant des revenus de remplacement perçus qui devaient être déduits de cette indemnisation, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 2411-5 du code du travail.