Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 avril 2023 et 27 mars 2024, Mme A C, représentée par la SELARL Noûs Avocats demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 13 février 2023 par laquelle le directeur du centre hospitalier (CH) d'Aubagne a prorogé son stage pour une durée de six mois à compter du 1er novembre 2022 en précisant que cette durée ne sera pas prise en compte dans le calcul de son ancienneté ;
2°) d'enjoindre au directeur du CH d'Aubagne à titre principal, de la titulariser à compter du 1er novembre 2022 et de procéder à la reconstitution de sa carrière afférente, et ce dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans le même délai
3°) de mettre à la charge du CH d'Aubagne une somme de 2 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la signataire de la décision attaquée n'était pas compétent pour ce faire ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit ;
- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 février 2024, le CH d'Aubagne, représenté par la SELARL PAP avocats, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le décret n°91-129 du 31 janvier 1991 ;
- le décret n°97-487 du 12 mai 1997 ;
- le décret n°2020-791 du 26 juin 2020 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
-le rapport de Mme B, magistrate rapporteure,
-les conclusions de Mme Lourtet, rapporteure publique,
- et les observations de Me Leturcq du cabinet Noûs avocats pour Mme C.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme C a été initialement recrutée au CH d'Aubagne en qualité de psychologue contractuelle, sous couvert d'un contrat à durée déterminée, en décembre 2007. Ce contrat a été régulièrement renouvelé avant d'être transformé en 2008 en contrat à durée indéterminé, l'intéressée occupant un poste répondant à un besoin permanent. Par une décision du 13 janvier 2022, elle a été nommée dans le grade de psychologue stagiaire de classe normale à temps incomplet (50%) à compter du 1er novembre 2021 pour une durée d'un an. Par la décision attaquée du 13 février 2023, le CH d'Aubagne a prorogé la durée de son stage à compter du 1er novembre 2022 jusqu'au 1er mai 2023, soit de six mois supplémentaires, et lui a indiqué que cette période ne sera pas prise en compte dans le calcul de son ancienneté. Mme C demande l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 7 du décret du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par le statut particulier du corps dans lequel l'agent stagiaire a vocation à être titularisé. Sous réserve de dispositions contraires des statuts particuliers et du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. Sauf disposition contraire du statut particulier, le stage ne peut être prolongé d'une durée excédant celle du stage normal. La prorogation du stage n'est pas prise en compte dans le calcul de l'ancienneté à retenir lors de la titularisation. ". Par ailleurs, l'article 9 du décret du 31 janvier 1991 portant statut particulier des psychologues de la fonction publique hospitalière : " la durée du stage prévu à l'article 37 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée auquel sont astreints les agents nommés dans les conditions énoncées à l'article 8 ci-dessus est fixée à douze mois. Elle peut être prolongée, à titre exceptionnel, pour une durée qui ne peut être supérieure à une année par l'autorité ayant pouvoir de nomination. Cette autorité prononce à l'issue du stage la titularisation (). ". Enfin, aux termes de l'article 5 du décret du 26 juin 2020 fixant les dispositions applicables aux fonctionnaires occupant un emploi à temps non complet dans la fonction publique hospitalière : " les fonctionnaires recrutés dans un emploi à temps non complet effectuent le stage exigé par le statut particulier du corps dans lequel ils ont été recrutés dans les mêmes conditions que les fonctionnaires occupant des emplois à temps complet. ".
3. Pour apprécier la légalité d'une décision de prorogation de stage, il incombe au juge de vérifier qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts, qu'elle n'est entachée ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste dans l'appréciation de l'insuffisance professionnelle de l'intéressé, qu'elle ne revêt pas le caractère d'une sanction disciplinaire et n'est entachée d'aucun détournement de pouvoir et que, si elle est fondée sur des motifs qui caractérisent une insuffisance professionnelle mais aussi des fautes disciplinaires, l'intéressé a été mis à même de faire valoir ses observations. Par ailleurs, une insuffisance professionnelle ne saurait résulter d'un acte ponctuel et isolé ou de difficultés passagères, mais d'une manière de servir, qui, prise dans son ensemble, révèle l'incapacité de l'agent stagiaire à accomplir correctement les missions qui lui sont confiées dans le cadre normale des fonctions auxquelles il peut être appelés.
4. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision en litige, le directeur du CH d'Aubagne s'est fondé sur l'insuffisance professionnelle et la manière de servir Mme C et non de sa quotité de travail comme elle le soutient. Toutefois, s'il lui est reproché une année de stage non concluante avec des points d'amélioration attendus concernant sa posture dans ses relations avec la hiérarchie directe ou fonctionnelle, ce grief, formulé uniquement de façon générale, n'est étayé par aucune pièce alors que la requérante exerce depuis près de quinze ans en tant que psychologue contractuel au sein du CH d'Aubagne, a fait l'objet d'excellentes évaluations et d'un avis très favorable de son supérieur hiérarchique à sa CDIsation dès 2008. Dans ces conditions, en décidant de proroger le stage de Mme C d'une durée de six mois, le directeur du CH d'Aubagne a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme C est fondée à solliciter l'annulation de la décision du 13 février 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation de la décision attaquée, le présent jugement implique nécessairement qu'il soit enjoint au directeur du CH d'Aubagne de titulariser Mme C à compter du 1er novembre 2022 et ce dans le délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CH d'Aubagne le versement d'une somme de 1 500 euros à Mme C au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du directeur du CH d'Aubagne du 13 février 2023 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au directeur du CH d'Aubagne de titulariser Mme C à compter du 1er novembre 2022 dans le délai de trois mois à compter de la date de notification de la présente décision.
Article 3 : Le CH d'Aubagne versera une somme de 1 500 euros à Mme C au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme A C et au centre hospitalier d'Aubagne.
Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Simon, présidente,
M. Alexandre Derollepot, premier conseiller,
Mme Ludivine Journoud, conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juillet 2024.
La rapporteure,
signé
L. B
La présidente,
signé
F. Simon
La greffière,
signé
A. Vidal
La République mande et ordonne au directeur général de l'agence régionale de santé de Provence-Alpes-Côte d'Azur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Pour la greffière en chef,
La greffière,