Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Béziers 20 avril 2009
Cour d'appel de Montpellier 11 mai 2010

Cour d'appel de Montpellier, 11 mai 2010, 2009/03382

Mots clés contrefaçon de marque · imitation · dépôt de marque · validité de la marque · droit antérieur · marque · contrats · protocole d'accord · transaction · manquement aux obligations contractuelles · résiliation · concurrence déloyale · fait distinct des actes de contrefaçon · préjudice · dommages-intérêts · somme forfaitaire · poursuite des actes incriminés

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Montpellier
Numéro affaire : 2009/03382
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : CANTEPERDRIX ; CANTE PERDRIX ; LES VINS DU DOMAINE DE CANTE PERDRIX
Classification pour les marques : CL33
Numéros d'enregistrement : 1014802 ; 99777013 ; 99777012
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Béziers, 20 avril 2009, N° 2007/01855
Parties : H (Vérena, épouse W, exerçant sous l'enseigne DOMAINE DE CANTEPERDRIX) / CAVE DE CANTEPERDRIX COOPÉRATIVE AGRICOLE
Président : Monsieur Daniel BACHASSON

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Béziers 20 avril 2009
Cour d'appel de Montpellier 11 mai 2010

Texte

COUR D'APPEL DE MONTPELLIER ARRET DU 11 MAI 2010

2° chambre Numéro d'inscription au répertoire général : 09/03382

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 AVRIL 2009 TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BEZIERS N° RG 07/1855

APPELANTE : MadHena HELBW épouse WYSS, exerçant sous l'enseigne Domaine de CANTEPERDRIX représentée par la SCP CAPDEVILA - VEDEL-SALLES, avoués à la Cour assistTalie TRUEL-CASTCLARL TRUEL CASTELLI CABRILLAC), avocats au barreau de BEZIERS

INTIMEE : CAVE DE CANTEPERDRIX COOPERATIVE AGRICOLE immatriculée au RCS de CARPENTRAS sous le n° 783 233 380 prise en la personne de son repré sentant légal en exercice domicilié ès qualités au siège social Route de Caromb 84380 MAZAN représentée par la SCP ARGELLIES - WATREMET, avoués  Sur assistée de Me LNNIER loco Me Christian LE STANC, avocat au barreau de MONTPELLIER ORDONNANCE DE CLOTURE DU 31 Mars 2010

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 AVRIL 2010, en audience publique, Monsieur Daniel BACHASSON, Président ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du Code de Procédure Civile, devant la Cour composée de : Monsieur Daniel BACHASSON, Président Monsieur Hervé CHASSERY, Conseiller Madame Noële-France DEBUISSY, Conseiller qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SABATON

ARRET : -contradictoire -prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile ; -signé par Monsieur Daniel BACHASSON, Président, et par Madame Sylvie SABATON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCEDURE

' MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

La société coopérative agricole La cave de Canteperdrix (la société coopérative), située sur la commune de Mazan (84380), est titulaire de la marque nominale Canteperdrix, numéro 1.014.802, déposée le 18 avril 1977 et régulièrement renouvelée depuis lors, pour désigner, en classe 33, notamment des vins, qu'elle commercialise sous cette dénomination. Constatant qu'un domaine viticole situé à Gabian (34320) se présentait comme le Domaine de Canteperdrix, la sociétHve s'est manifestée, le 4 mars 1998, auprès de sa propriétaire, Mme Helbling- Wyss, pour faire état de ses droits de marque et l'inviter à prendre contact avec elle.

Mme Helbling- Wyss n'ayant pas donné suite à ce courrier et ayant commencé à commercialiser du vin dénommé Domaine de Canteperdrix, la société coopérative l'a de nouveau alertée le 19 mars 2001 sur ses droits de marque.

H'font-family:Arial'>Par ailleurs, la société coopérative devait, constater que Mme Helbling- Wyss avait déposé, le 10 février 1999, auprès de l'INPI la marque nominale Cante Perdrix, numéro 99.777.013, et la marque nominale Les vins du domaine de Cante Perdrix, numéro 99.777.012, pour désigner, en classe 33, des vins de pays. Par lettre recommHemande d'avis de réception de son conseil du 15 mai 2001, la société coopérative a sommé Mme Helbling-Wyss de cesser tout usage et toute référence à la marque Canteperdrix et de procéder au retrait immédiat de cette marque déposée en fraude de ses droits.

Le 19 mars 2002, les deux parties ont conclu un accord aux termes duquel Mme Helbling-Wyss s'obligeait à :

-procéder au retrait de la marque Cante Perdrix,

- ne pas employer, à compter du 15 juillet 2001, le signe Domaine de Canteperdrix pour désigner commercialement ses vins,

- n'utiliser, à compter de la même date, le signe Domaine de Canteperdrix que pour identifier, sous certaines conditions, le domaine dont elle est propriétaire,

-soumettre à la société coopérative, préalablement à toute utilisation, les signes de substitution qu'elle pourrait être amenée à apposer sur les étiquettes de ses bouteilles,

et, en contrepartie, la société coopérative a : -permis à Mme Helbling- Wyss d'écouler ses stocks de bouteilles litigieuses dans la limite de 60 000 cols, à la condition qu'elle communique un état précis et justifié de son stock à la date du 31 juillet 2001 et que, au-delà du 30 juin 2002, les bouteilles non encore commercialisées soient démarquées afin de supprimer toute référence au signe Canteperdrix,

- renoncé, sous réserve de la bonne exécution des clauses de l'accord, à toute poursuite ou réclamation en contrefaçon de marque ou en concurrence déloyale.

Si Mme Helbling-Wyss a bien procédé, le 27 mai 2002, au retrait de la marque Cante Perdrix, elle n'a pas respecté les autres stipulations de cet accord, en sorte que la société coopérative l'a fait assigner, selon exploit du 22 mai 2006, en contrefaçon et en concurrence déloyale devant le tribunal de grande instance de Montpellier, lequel s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Béziers.

Par jugement contradictoire du 20 avril 2009 assorti partiellement de l'exécution provisoire, cette juridiction a :

- constaté la résiliation de plein droit du protocole d'accord conclu entre les parties le 19 mars 2002 du fait du non- respect par Mme Helbling-Wyss de ses obligations,

- constaté que la marque nominale Canteperdrix, enregistrée à l'INPI sous le numéro 1.391.437 en classe 33, vins, est antérieure à la marque nominale Les vins du Domaine de Canteperdrix numéro 99.777.01, classe 33, vins de pays,

-en conséquence, rejeté la demande d'annulation de la marque Canteperdrix formée par Mme Helbling- Wyss,

-dit que Mme Helbling-Wyss a commis des actes de contrefaçon,

- prononcé l'annulation de la marque Les vins du Domaine de Canteperdrix numéro 99.777.01 en classe 33 vins de pays, déposée par Mme Helbling-Wyss,

-condamné Mme Helbling-Wyss à payer à la société coopérative la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,

-interdit à Mme Helbling- Wyss de faire usage de la dénomination Canteperdrix ou Cave de Canteperdrix et de toute dénomination similaire, sous quelque forme que ce soit à quelque titre que ce soit, en relation avec une activité viticole, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, que le tribunal s'est réservé expressément le pouvoir de liquider,

- ordonné la publication par extraits de ce jugement,

-rejeté la demande en concurrence déloyale, -condamné Mme Helbling- Wyss à payer à la société coopérative la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Mme Helbling-Wyss a régulièrement interjeté appel de ce jugement en vue de son infirmation, demandant à la cour de :

-rejeter l'ensemble des demandes de la société coopérative,

-déclarer nul le protocole d'accord du 19 mars 2002,

-dire qu'elle peut valablement utiliser le signe Domaine de Canteperdrix,

- reconventionnellement, prononcer la nullité du dépôt de la marque Canteperdrix par la société coopérative et condamner cette dernière à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.

Elle soutient que :

- l'accord du 19 mars 2002 a été signé par elle seule, alors que le domaine de Canteperdrix est également la propriété de son mari, lequel ne l'avait pas mandatée pour agir en son nom,

-il y a eu erreur sur l'objet de la transaction puisqu'elle détenait des droits sur l'utilisation du nom de son domaine, ainsi que l'en a informée le service de la répression des fraudes,

- l'enregistrement de la marque Canteperdrix par la société coopérative n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-1 à L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, notamment en ce que ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs,

-elle n'a pas enfreint le protocole d'accord,

- l'action en concurrence déloyale n'est recevable qu'à la condition de reposer sur des faits autres que ceux qui constitueraient une contrefaçon, et, par ailleurs, il n'est démontré aucun préjudice de ce chef.

La société coopérative agricole Cave de Canteperdrix a conclu à la confirmation du jugement entrepris, sauf à lui allouer 200 000 euros à titre de dommages et intérêts, à élever à 2 000 euros par jour le montant de l'astreinte et à ordonner le transfert du nom de domaine canteperdrix.com à son profit ou, à défaut, prononcer sa radiation sous astreinte, et à la condamnation de l'appelante à lui payer 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que :

-elle justifie être propriétaire, depuis 1977, de la marque Canteperdrix pour désigner du vin, et le fait que Mme Helbling-Wyss ait acquis un domaine baptisé Canteperdrix ne la dispense pas de respecter ses droits de marque préexistants, droits que le courrier de la DGCCRF ne saurait remettre en cause,

-alors qu'elle exploite seule le domaine viticole, qu'elle vit en France depuis 1989, qu'elle était accompagnée d'une amie lors de la signature du protocole et qu'il a été précédé de nombreux pourparlers au cours desquels elle était assistée d'un avocat, Mme Helbling-Wyss n'est pas fondée à soutenir la nullité de cet acte,

-elle a délibérément et gravement enfreint ce protocole et a persisté dans ces violations après que lui eut été signifié le jugement entrepris pourtant assorti de l'exécution provisoire, ce qui justifie sa résiliation et établit la contrefaçon et la concurrence déloyale,

-une telle attitude justifie une augmentation des condamnations pécuniaires.

C'est en cet état que la procédure a été clôturée par ordonnance du 31 mars 2010.


MOTIFS DE LA DECISION


1/ Sur l'action en contrefaçon Attendu que c'est par de justes motifs, que la cour fait siens, que le premier juge a rejeté la demande de Mme Helbling-Wyss d'annulation de la marque Canteperdrix déposée par la société coopérative, a annulé la marque Les vins du domaine de Canteperdrix déposée par Mme Helbling-Wyss et a, en conséquence, condamné cette dernière pour contrefaçon de marque ;

2/ Sur l'accord du 19 mars 2002

Attendu que c'est encore à bon droit que le tribunal de première instance a débouté Mme Helbling-Wyss de sa demande tendant à l'annulation de cet accord et a prononcé sa résiliation, conformément à l'article 7 de cette convention, aux torts de celle-ci, en raison du non-respect des obligations qu'elle avait souscrites ;

3/ Sur l'action en concurrence déloyale

Attendu qu'en l'absence de démonstration, à l'appui de cette action, de faits distincts de ceux invoqués au titre de l'action en contrefaçon, c'est par une juste appréciation que le premier juge l'a rejetée ;

4/ Sur la réparation du préjudice

Attendu que le premier juge a évalué forfaitairement le préjudice de la société coopérative, conformément aux dispositions de l'article L. 716-14, alinéa 2, du code de la propriété intellectuelle ;

Que la société intimée ne conteste pas ce mode de H mais demande que le montant des dommages et intérêts qui lui ont été alloués soit augmenté ;

Attendu que Mme Helbling-Wyss a non seulement utilisé sans droit la marque Canteperdrix, mais encore a, d'une part, délibérément méconnu les obligations qu'elle avait souscrites aux termes d'un protocole d'accord qui lui lui était pourtant favorable, et d'autre part, tout aussi opiniâtrement, persisté dans cette attitude téméraire en ne respectant pas les dispositions du jugement entrepris en dépit de son exécution provisoire ' dont elle n'a pas sollicité l'arrêt ' et qui lui a été signifié le 12 mai 2009 ;

Que la réparation forfaitairHté intimée sera fixée à la somme de 30 000 euros ;

Attendu, par ailleurs, que c'est à bon droit que le premier juge a interdit à Mme Helbling-Wyss de faire usage de la dénomination Canteperdrix ou Cave de Canteperdrix ou de toute dénomination similaire, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

Que cette interdiction de cette dénomination « sous quelque forme que ce soit et à quelque titre que ce soit » inclut nécessairement le nom de domaine canteperdrix.com ;

Que, par ailleurs, il n'y a pas lieu de donner acte de ce qui est un droit, la société coopérative étant libre de solliciter la liquidation de l'astreinte fixée si les conditions lui en paraissent remplies ;

Attendu que sera également confirmée la mesure de publication de la décision ;

Attendu que l'appelante, qui succombe, sera condamnée à payer à la société coopérative intimée la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, verra sa propre demande de ce chef rejetée et supportera les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

,

La cour, statuant publiquement et contradictoirement,

Confirme le jugement entrepris, sauf quant au montant des dommages et intérêts alloués à la société coopérative agricole Cave de Canteperdrix.

L'infirmant de ce seul chef, statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne l'appelante à payer à la société intimée la somme de trente mille euros (30 000) à titre de dommages et intérêts. Condamne l'appelante à payer à la société intimée la somme de cinq mille euros (5 000) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute l'appelante de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Condamne l'appelante aux dépens d'appel, et autorise la S.C.P. Argellies -Watremet, avoués, à en recouvrer le montant aux forme et condition de l'article 699 du code de procédure civile.