Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 27 mars 2019, 17-28.213

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2019-03-27
Cour d'appel de Paris
2017-06-20

Texte intégral

COMM. IK COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 27 mars 2019 Cassation Mme MOUILLARD, président Arrêt n° 249 F-D Pourvoi n° T 17-28.213 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société Clinique Laboratories LLC, société de droit américain constituée selon les lois de l'Etat du Delaware, dont le siège est [...] , contre l'arrêt rendu le 20 juin 2017 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société WB Technologies, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 5 février 2019, où étaient présentes : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mme Labat, greffier de chambre ; Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat de la société Clinique Laboratories LLC, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société WB Technologies, l'avis de M. Debacq, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, pris en sa première branche :

Vu

les articles 9, paragraphe 2, c) du Règlement (CE) 2007/2009 du 26 février 2009 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, rendu en matière de référé, qu'étant propriétaire de la marque de l'Union européenne « Clinique » enregistrée afin de désigner différents produits et services se rapportant à la toilette, aux soins et aux cosmétiques, la société Clinique Laboratories LLC (la société Clinique), se prévalant de la renommée de cette marque, a, sur le fondement de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, assigné la société WB Technologies (la société WBT), qui se consacre à la conception, à la réalisation et à la commercialisation de produits technologiques, en demandant d'interdire à cette dernière, en raison d'une atteinte ou d'un risque d'atteinte imminente à cette marque, de faire usage sur son site internet des signes « Clinique digitale » et « La Clinique digitale » et notamment d'y proposer une application utilisant le terme « Clinique digitale » ; Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que, si l'application en question a notamment pour but de proposer des « solutions beauté sur-mesure et simplifiée » et renvoie ainsi à une appréciation sur des produits cosmétiques, les mentions figurant sur le site internet précisent que les données appartiennent à l'internaute, que la société WBT revendique sa neutralité et que ces solutions sont proposées, non par cette société, mais par la communauté des clients, qui trouveront dans cette application un vecteur pour échanger leurs conseils et pratiques, de sorte qu'il n'en résulte qu'un lien indirect entre les produits désignés dans l'enregistrement de la marque invoquée et les services ainsi proposés, et que si la société Clinique affirme utiliser les nouvelles technologies pour promouvoir, commercialiser et communiquer tant sur ses produits cosmétiques que sur des outils en lien avec ces derniers, c'est à juste titre que la société WBT observe qu'il s'agit de supports de promotion de vente de ses produits cosmétiques ;

Qu'en se déterminant ainsi

, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les services ou produits proposés par l'utilisation de nouvelles technologies par la société WBT et ceux désignés à l'enregistrement de la marque invoquée ne présentaient pas un caractère complémentaire pouvant conduire le public à leur attribuer une origine commune, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 20 juin 2017, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ; Condamne la société WB Technologies aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à la société Clinique Laboratories LLC la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-sept mars deux mille dix-neuf.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Bernard Hémery, Carole Thomas-Raquin, Martin Le Guerer, avocat aux Conseils, pour la société Clinique Laboratories LLC Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'ensemble des demandes de la société Clinique Laboratories LLC ; AUX MOTIFS PROPRES QUE, « sur l'atteinte à la marque renommée, pour bénéficier de la protection de l'article 9 du règlement 207/2009 modifié sur la marque de l'Union Européenne, le titulaire de la marque renommée doit d'abord établir que le public concerné fait un lien entre sa marque et la reproduction ou l'imitation qui en est faite ; qu'il doit en outre prouver que l'usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque ou lui porte préjudice ; que la Cour de Justice de l'Union Européenne précise que cinq facteurs doivent notamment être pris en compte pour identifier ce lien : • le degré de similitude entre les marques en conflit, • la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, • l'intensité de la renommée de la marque antérieure, • le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l'usage, de la marque antérieure, • l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public ; que pour dire que l'atteinte à la marque CLINIQUE n'était pas suffisamment caractérisée, le premier juge, de première part, a estimé que la ressemblance entre les signes, née de la seule reprise commune du terme CLINIQUE, n'était pas suffisante, au regard des différences constatées, pour que le public concerné puisse établir un lien entre la marque CLINIQUE et les signes en cause ; de deuxième part, que seul un lien indirect pouvait être fait entre les produits visés par la marque CLINIQUE et les services résultant de l'application LA CLINIQUE DIGITALE ; de troisième part, que le public concerné pour la marque CLINIQUE, consommateur de produits cosmétiques soucieux du bien-être de sa peau, était plus étroit que celui de l'application proposée ; [ ] ; que, ceci étant exposé, il convient de rappeler au préalable que les marques CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE déposées par la Sas WB TECHNOLOGIES ne sont pas enregistrées et que dès lors seul l'usage qui est fait du signe CLINIQUE sur le site Internet www.wired-beauty.com appartenant à la Sas WB Technologies est à prendre en considération pour apprécier l'atteinte à la marque ; qu'en l'espèce, à l'appui de ses demandes, la société Clinique Laboratories LLC revendique dans ses conclusions la protection de ses droits sur la marque de l'Union Européenne CLINIQUE n°54 429, déposée le 1er avril 1996, enregistrée le 11 janvier 1999 et renouvelée depuis lors, pour désigner des produits et des services en classes 3, 14, 25 et 42, et notamment des produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions, dentifrices ; que concernant les atteintes à cette marque renommée, il sera rappelé que la Sas WB Technologies, qui a pour objet social la conception, la réalisation et la commercialisation de produits technologiques innovants, exploite le site Internet www.wired-beauty.com ; que selon le constat d'huissier du 25 août 2016 : • le site s'ouvre par une première page WB, comprendre ce dont votre peau a vraiment besoin ; dans le menu, apparaissent trois liens, MAPO, HELIOSENSE et WIRED RESEARCH ; • le clic sur ce troisième lien conduit à une deuxième page intitulée Wired Research, l'app coach de votre peau et de votre beauté. Véritable auto-coaching personnel pour mieux comprendre, jour après jour, les facteurs (externes et internes) influençant votre beauté et votre peau et améliorer vos gestes de soins ; en bas de page apparaît un lien LA CLINIQUE DIGITALE™ ; • le clic sur ce lien conduit à une troisième page intitulée La Clinique Digitale™, application bientôt disponible sur l'App Store, avec le texte suivant : La Clinique Digitale™ est la solution innovante Une app unique qui vous permet de participer de façon ouverte à la construction de votre beauté. Participez en téléchargeant l'application Wired Beauty et commencez à construire votre profil beauté. Vous pouvez rejoindre La Clinique Digitale™ sur différentes thématiques qui vous concernent : l'hydratation est par exemple le premier sujet sur lequel nous nous concentrons, mais aussi très vite le stress oxydant, facteur lié aux rides, par exemple ; Vos 5 avantages 1. vous comprenez mieux ce dont votre peau et vos cheveux ont besoin 2. vous devenez acteur des développements des produits de votre marque préférée ou d'autres marques 3. vous pouvez créer votre propre Clinique Digitale™ grâce à l'App et y associer d'autres personnes qui partagent les mêmes problèmes que vous 4. vous accédez aux solutions de la WB Communauté 5. vous bénéficiez d'avantages immédiats et dans la durée Nos 5 engagements 1. les données vous appartiennent 2. nous investissons plus de 50 % de nos ressources en Recherche et Développement 3. nous sommes neutres 4. nous croyons au meilleur de la science et de la nature 5. nous construisons ensemble une nouvelle cosmétique ; qu'il ressort encore des conclusions et des pièces non démenties de la Sas WB Technologies, de première part, qu'elle ne fabrique et ne commercialise pas de produits cosmétiques ; de deuxième part, qu'elle a développé les produits technologiques suivants ; en premier lieu, MAPO, masque de beauté connecté qui, grâce à ses capteurs digitaux miniaturisés, permet de mesurer l'hydratation et le stress de la peau du visage, d'analyser l'épiderme et de communiquer le bilan de l'analyse via le smartphone connecté ; en second lieu, HELIOSENSE, bracelet textile, développé en collaboration avec des dermatologues, des patients atteints de cancer de la peau et des designers qui permet de mesurer et de suivre l'exposition UV de celui qui le porte et d'améliorer les comportements au soleil ; de troisième part, que depuis le 4 octobre 2016, seul le signe La Clinique Digitale™ est exploité sur le site internet www.wired-beauty.com, le « 3ème avantage » ci-dessus cité étant dorénavant rédigé : vous pouvez créer votre propre La Clinique Digitale™ grâce à l'App ( ) ; 1. Sur le degré de proximité ou de dissemblance des produits et services qu'il ressort de ce qui précède que les produits et services en cause sont essentiellement dissemblables ; que ceux revendiqués ressortant de l'enregistrement de la marque CLINIQUE sont des produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux y compris les lotions, dentifrices ; qu'alors qu'il n'y a pas lieu de prendre en considération les produits et services pour lesquels la marque LA CLINIQUE DIGITALE a été déposée, mais seulement l'usage qui est fait du signe CLINIQUE sur le site internet www.wired-beauty.com, force est de constater que celui-ci n'y désigne pas des produits cosmétiques mais des produits technologiques innovants et particulièrement une application numérique dénommée LA CLINIQUE DIGITALE qui permet à son utilisateur de construire son profil beauté, notamment sur la base des données collectées par le masque de beauté MAPO et par le bracelet HELIOSENSE, puis d'accéder aux solutions de la communauté WB (Web Beauty) ; qu'il est essentiel de noter qu'alors que la Sas WB Technologies affirme dans ses conclusions qu'elle ne fabrique et ne commercialise pas de produits cosmétiques, rien ne vient au soutien de l'assertion de la société Clinique Laboratories LLC selon laquelle tout laisse à penser qu'elle prévoit de se lancer dans la vente directe de cosmétiques ; qu'enfin, si la société appelante affirme que la marque CLINIQUE affirme utiliser le digital et les nouvelles technologies pour promouvoir, commercialiser et communiquer tant sur ses produits cosmétiques que sur des outils en lien avec ces produits cosmétiques, c'est à juste titre que la société intimée observe qu'il s'agit alors de simples supports de promotion de vente de ses produits cosmétiques ; qu'ainsi c'est exactement que le premier juge a pu dire que seul un lien indirect pouvait être fait entre les produits visés par la marque CLINIQUE et les services résultant de l'application LA CLINIQUE DIGITALE ; Sur le public concerné que c'est à juste titre que la société Clinique Laboratories LLC soutient que le public concerné de la marque CLINIQUE est un public consommateur de produits cosmétiques, essentiellement féminin ; que cependant celui de l'application LA CLINIQUE DIGITALE, lui aussi essentiellement féminin, est plus spécifique, puisque nécessairement attiré par les nouvelles technologies dans le domaine de la beauté ; Sur le degré de similitude entre les signes en conflit qu'au préalable, à ce jour, seul le signe LA CLINIQUE DIGITALE est utilisé par la Sas WB Technologies ; qu'à défaut de risque d'atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou de risque de poursuite d'actes de contrefaçon, il n'y a pas lieu d'examiner en référé l'usage du signe CLINIQUE DIGITALE ; que les signes en conflit ont en commun le terme clinique ; que cependant, visuellement, le signe protégé comporte un terme alors que le signe LA CLINIQUE DIGITALE en comporte trois ; que phonétiquement, le premier compte trois syllabes alors que le second en a huit ; que le terme clinique n'est pas en position d'attaque étant précédé par LE [sic]; que, surtout, sur un plan conceptuel, la marque CLINIQUE peut désigner indifféremment un nom ou un adjectif, cependant que le signe LA CLINIQUE DIGITALE évoque explicitement un établissement médical mettant en oeuvre des technologies numériques, lui donnant ainsi une signification substantiellement différente ; qu'ainsi les signes en conflit sont essentiellement dissemblables ; Sur la distinctivité et la notoriété de la marque CLINIQUE qu'il a été examiné que la marque CLINIQUE jouit d'une grande notoriété ; que le terme CLINIQUE, qui ne renvoie pas aux cosmétiques, est distinctif ; Sur le risque de confusion et d'association qu'en définitive, nonobstant la distinctivité et la notoriété de la marque CLINIQUE, et un public concerné en partie commun, en l'état des importantes différences visuelles, phonétiques et conceptuelles entre les signes en cause pris dans leur ensemble, et de la notable dissemblance des produits proposés, le consommateur de produits cosmétiques moyennement attentif, qui ne sera pas amené à croire que le signe LA CLINIQUE DIGITALE serait la déclinaison ou l'adaptation de la marque antérieure, ne fera pas non plus de lien entre les signes en cause ; que sans qu'il y ait lieu d'examiner si l'usage du signe LA CLINIQUE DIGITALE tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque, ou lui porte préjudice, l'ordonnance sera confirmée en ce qu'elle a dit qu'il n'avait pas été porté atteinte à la renommée de la marque CLINIQUE » (cf. arrêt p. 6 à 10) ; ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « une atteinte à la marque renommée suppose que le public concerné établisse un lien entre la marque et les signes en cause, sans pour autant les confondre, étant observé que ce lien peut résulter de la construction identique ou similaire des signes ; En l'espèce, le public concerné doit être considéré comme étant le consommateur de produits cosmétiques soucieux du bien-être de sa peau. Sur la comparaison des signes : La comparaison porte sur la marque « CLINIQUE » et les signes « CLINIQUE DIGITALE » et « LA CLINIQUE DIGITALE ». S'agissant de la comparaison entre « CLINIQUE » et « CLINIQUE DIGITALE », le terme commun CLINIQUE ne parvient pas à annihiler la différence visuelle et phonétique entre les deux signes, l'un comportant un seul terme, l'autre deux, et chacun ayant un nombre de syllabes différent (deux pour CLINIQUE, cinq pour CLINIQUE DIGITALE) étant observé que si le terme commun CLINIQUE est positionné en attaque, l'ajout du terme DIGITALE atténue cette reprise en conférant au signe une sonorité finale nettement distincte. Conceptuellement enfin, l'adjonction du terme DIGITALE au mot CLINIQUE confère une nouvelle signification à ce terme, que seul il n'emporte pas, d'autant que ce dernier est relativement banal et commun, et forme ainsi une expression d'ensemble qui parvient à acquérir un sens propre et différent de celui porté par le seul terme CLINIQUE, incitant le public concerné à appréhender le signe comme un tout. Ces mêmes observations ont vocation à s'appliquer pour le signe LA CLINIQUE DIGITALE, lequel, par l'ajout de l'article LA créé une différence conceptuelle supplémentaire avec le terme CLINIQUE en désignant non plus seulement un examen du patient, mais aussi un établissement dans lequel serait pratiquée une observation clinique du patient à l'aide de produits de haute technologie, accentuant ainsi la différence entre les deux signes. Il ressort de ces éléments que la ressemblance entre les signes, née de la seule reprise commune du terme CLINIQUE, ne paraît pas, au regard des différences constatées, suffisante pour que le public concerné, puisse établir un lien entre la marque CLINIQUE et les signes en cause. Sur la comparaison des produits : En l'espèce, la marque de l'Union européenne « CLINIQUE » n° 54429 a été déposée pour désigner divers produits et services en classes 3, 14, 25 et 42 et notamment les « produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, services de conseils de beauté en matière de sélection et d'utilisation de cosmétiques, produits de toilette ». L'usage des signes LA CLINIQUE DIGITALE ou CLINIQUE DIGITALE, qui est reproché par la société Clinique Laboratories LLC et la société Elco à la société WB Technologies, résulte, conformément au procès-verbal de constat d'huissier dressé le 25 août 2016 produit par les demanderesses, de l'utilisation de ces signes sur le site Internet www.wired-beauty.com de la société WB Technologies dont la page d'accueil s'ouvre sur une page invitant l'internaute à « comprendre ce dont votre peau a vraiment besoin » renvoyant au produit « MAPO », non concerné par la présente procédure, puis donne accès à un onglet LA CLINIQUE DIGITALE qui renvoie sur une page d'accueil mentionnant qu'il s'agit d'une « application bientôt disponible sur l'App Store » et qu'il s'agit d'une « solution innovante. Une App unique qui vous permet de participer de façon ouverte à la construction de votre beauté. Participez en téléchargeant l'application Wired-beauty et commencer à construire votre profil beauté. Vous pouvez rejoindre « La Clinique Digitale » sur différentes thématiques qui vous concernent : l'hydratation est par exemple le premier sujet sur lequel nous nous concentrons, mais aussi très vite le stress oxydant, facteur lié aux rides, par exemple ». Il convient de constater en premier lieu que seul le signe LA CLINIQUE DIGITALE est utilisé par la société WB Technologies sur le site litigieux, la seule référence distincte étant une utilisation des termes « sa clinique digitale » au sein d'un commentaire d'une internaute indiquant que « ma marque de cosmétique préférée m'a invitée à sa Clinique Digitale rides pour tester un nouveau capteur et inventer une nouvelle formule avec elle » ne pouvant suffire à caractériser une reprise du signe CLINIQUE DIGITALE sans l'article « LA ». En outre, l'usage du signe LA CLINIQUE DIGITALE n'est pas prioritairement destinée à proposer à la vente des produits cosmétiques, même si l'application indique offrir la possibilité de bénéficier de promotions exclusives sur « mes cosmétiques préférés », mais a principalement vocation, en lien avec une application web, à permettre l'accès aux « objets connectés beauté et bien être » ainsi qu'à son profil et à sa communauté par sujet dermo-cosmétique. Si cette application se présente aussi comme ayant pour but de proposer des « solutions beauté sur-mesure et simplifiée », et que ce faisant cette application n'offre pas qu'un produit technologique mais renvoie aussi à une appréciation sur des produits cosmétiques, dont la commercialisation constitue le coeur de l'activité de la société Clinique Laboratories LLC et la société Elco, il ressort des mentions portées sur le site que cette application précise aussi que les données qui y sont insérées appartiennent à l'internaute, que la société WB Technologies revendique une neutralité et que si des solutions beauté sont proposées, celles-ci le sont, non par la société WB Technologies, mais par la communauté des clients de l'application qui trouveront dans cette application un vecteur pour échanger leurs conseils et pratiques. Il convient ainsi de considérer que seul un lien indirect peut être fait entre les produits visés par la marque CLINIQUE et les services résultant de l'application LA CLINIQUE DIGITALE. Sur le public concerné : Si comme indiqué ci-dessus, le public concerné par la marque CLINIQUE doit être considéré comme étant le consommateur de produits cosmétiques soucieux du bien-être de sa peau, celui visé par l'application proposée par la société WB Technologies apparaît comme plus étroit puisqu'il s'adresse certes au consommateur de produits cosmétiques mais aussi à celui qui souhaite mettre à profit tous les dispositifs innovants proposés par les nouvelles technologies pour l'aider à mieux se connaître et maîtriser son profil de peau et qui, étant animé par un désir de partage, souhaite accéder à des conseils de soin par l'intermédiaire d'une communauté d'utilisateurs qui ne sont pas des conseils de professionnels de la beauté ou liés à des grandes marques du secteur. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la faible similarité des signes en cause, alliée au lien indirect et donc faible entre le service proposé par l'application LA CLINIQUE DIGITALE et l'activité de la société Clinique Laboratories LLC et la société Elco, et un public concerné qui n'est que partiellement identique, conduisent à considérer qu'en l'espèce la preuve d'un lien par le public concerné entre la marque CLINIQUE et l'usage du signe LA CLINIQUE DIGITALE (ou CLINIQUE DIGITALE) n'est pas suffisamment rapportée de telle sorte que la société Clinique Laboratories LLC et la société Elco ne justifient pas d'une atteinte vraisemblable à sa marque au sens de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle » (cf. jugement p. 10 à 12) ; 1°/ ALORS QUE pour apprécier la similarité entre des produits ou services, il convient de prendre en compte tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou services et en particulier leur nature, leur destination ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ; qu'en retenant en l'espèce que les produits visés par la marque CLINIQUE, à savoir des « produits de toilette et produits de soin pour le corps, savons, parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, antiperspirants, talc, produits de soin pour les cheveux, y compris les lotions, dentifrices » et les produits ou services pour lesquels il est fait usage du signe CLINIQUE sur le site de la société WB Technologies, à savoir « des produits technologiques innovants et particulièrement une application numérique [ ] qui permet à son utilisateur de construire son profil beauté, notamment sur la base des données collectées par la marque de beauté MAPO et par le bracelet HELIOSENSE, puis d'accéder aux solutions de la communauté WB (Web Beauty) » sont essentiellement dissemblables et que seul un lien indirect peut être fait entre eux, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions de la société Clinique (cf. p. 30, avant-dernier §), s'ils ne présentent pas un caractère complémentaire, la cour d'appel, qui a ainsi omis de s'interroger sur l'un des facteurs pertinents à prendre en compte pour apprécier la similitude des produits ou services, a privé sa décision de base légale au regard des articles 9 § 2 c) du Règlement (CE) 2007/2009 du 26 février 2009 et L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle ; 2°/ ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en application de l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle, le prononcé de mesures provisoires est subordonné à la condition que « les éléments de preuve raisonnablement accessibles au demandeur rendent vraisemblable qu'il est porté atteinte à ses droits ou qu'une telle atteinte est imminente » ; qu'en l'espèce, pour justifier de la vraisemblance d'une atteinte imminente à sa marque CLINIQUE, la société Clinique Laboratories LLC invoquait dans ses conclusions d'appel les deux demandes d'enregistrement des marques « LA CLINIQUE DIGITALE » et « CLINIQUE DIGITALE » désignant l'une et l'autre des « cosmétiques » (cf. conclusions p. 30 § 5 à 8) ; qu'en retenant que, pour apprécier le bien-fondé des mesures provisoires sollicitées, il convenait de ne prendre en compte que l'usage du signe CLINIQUE fait sur le site Internet de la société WB Technologies, et en refusant ainsi de prendre en compte les demandes d'enregistrement des marques CLINIQUE DIGITALE et LA CLINIQUE DIGITALE déposées par la société WB Technologies et de rechercher, comme elle y était invitée, si ces demandes ne rendaient pas vraisemblable une atteinte imminente aux droits de la société Clinique Laboratories LLC sur sa marque CLINIQUE, la cour d'appel a violé l'article L. 716-6 du code de la propriété intellectuelle.