Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Le Clos des Vignes a demandé au tribunal administratif de Toulon de la décharger des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1200426 du 3 avril 2014, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés le 4 juin 2014, le 23 novembre 2015 et le 4 décembre 2015, la SCI Le Clos des Vignes, représentée par la société d'avocats AFFIS, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 3 avril 2014 ;
2°) de la décharger du rappel de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de l'année 2008 et subsidiairement d'en réduire le montant. ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
-s'agissant de la livraison d'immeubles à construire, la taxe sur la valeur ajoutée est exigible lors de chaque versement des sommes correspondant aux différentes échéances du contrat ;
-en l'espèce, la construction de l'immeuble litigieux s'est achevée le 9 février 2009, et non en 2008 comme l'estime l'administration ;
-c'est au titre de 2009, année du versement du prix de vente, que la taxe sur cet encaissement est devenue exigible et c'est donc à tort que cette taxe lui a été réclamée au titre de 2008 ;
-subsidiairement, elle est fondée à demander la prise en compte d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre des travaux réalisés en 2008 et 2009.
Par des mémoires, enregistrés le 16 octobre 2014 et le 4 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut à un non-lieu à statuer à hauteur de la somme de 2 251 euros dégrevée en cours d'instance et au rejet du surplus des conclusions de la requête.
Il soutient que :
- il fait droit à la demande de la prise en compte de la taxe sur la valeur ajoutée déductible 2008 à hauteur des sommes justifiées par les factures produites en cours d'instance ;
- aucun des autres moyens soulevés par la requérante n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la sixième directive 77/388/CE du Conseil du 17 mai 1977 ;
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code civil ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt du 8 février 1990, n° 320/88, SAFE Rekencentrum BV de la Cour de justice des Communautés européennes ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guidal, président ;
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public.
1. Considérant que la SCI Le Clos des Vignes, dont l'intégralité du capital social était détenu par M. DiGiorgioet son épouse, avait pour objet social la construction d'immeubles en vue de leur vente ; qu'elle a fait construire sur le territoire de la commune de Grimaud (Var) une villa, vendue aux termes d'un acte du 30 décembre 2005 en l'état futur d'achèvement à la SCI du Golf, dont les associés étaient également M. et Mme DiGiorgio, et destinée à devenir leur habitation principale ; que la SCI Le Clos des Vignes a choisi d'acquitter la taxe sur la valeur ajoutée sur ses encaissements, selon le régime prévu alors à l'article 252 de l'annexe II du code général des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité effectuée au titre de la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2007, l'administration a estimé que la société restait redevable, au titre de l'année 2007, d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 142 866 euros correspondant à l'encaissement d'une fraction du prix de vente de la villa fixé à 1 436 500 euros, lequel était payable selon les termes du contrat, à hauteur de 85 % lors de l'achèvement des travaux et à hauteur de 15 % lors de la mise à disposition des locaux ; qu'à la suite du recours hiérarchique formé par la société, l'administration a abandonné ce rappel, estimant au vu des indications apportées par la contribuable, que ce montant de taxe n'était pas exigible au titre de l'année 2007, mais seulement au titre de l'année 2008 ; qu'elle a en conséquence adressé, le 24 mars 2009, à la SCI Le Clos des Vignes une nouvelle proposition de rectification ; que la société relève appel du jugement du 3 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à cette rectification ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par une décision en date du 7 décembre 2015 postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé le dégrèvement des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée en litige et des pénalités correspondantes pour la somme de 2 251 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2008 correspondant à de la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que, par suite, les conclusions de la requête sont, à concurrence de cette somme, devenues sans objet ; qu'il n'y a pas lieu, dans cette mesure, d'y statuer ;
Sur le surplus des conclusions de la requête :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises au paragraphe 1 de l'article 14 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 : " est considéré comme " livraison d'un bien " le transfert du pouvoir de disposer d'un bien corporel comme un propriétaire " ; qu'aux termes du 2 de l'article 10 de la même directive du 17 mai 1977, dont les dispositions ont été reprises en substance aux articles 64 et 65 du 28 novembre 2006 : " Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment de la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. Les livraisons de biens autres que celles visées à l'article 5 § 4 b et les prestations de services qui donnent lieu à des décomptes ou à des paiements successifs sont considérés comme effectuées au moment de l'expiration des périodes auxquelles ces décomptes ou paiements se rapportent. / Toutefois, en cas de versement d'acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l'encaissement à concurrence du montant encaissé. / (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article
269 du code général des impôts dans sa rédaction applicable à la période d' imposition en litige : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : / (...) / c) Pour les mutations à titre onéreux ou les apports en société entrant dans le champ d'application du 7° de l'article 257, à la date de l'acte qui constate l'opération ou, à défaut, au moment du transfert de propriété ; / (...) / 2. La taxe est exigible : / (...) / a. Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et au c du 1, lors de la réalisation du fait générateur." ; (...) " ; qu'aux termes de l'article 252 de l'annexe II du même code alors en vigueur : "Lorsque le règlement du prix se fait par acomptes, le paiement de la taxe peut se faire au fur et à mesure de leur encaissement, dès lors que le redevable a présenté des garanties...." ;
5. Considérant, ensuite, qu'aux termes de l'article
1601-3 du code civil : " La vente en l'état futur d'achèvement est le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l'acquéreur ses droits sur le sol ainsi que la propriété des constructions existantes au fur et à mesure de leur exécution ; l'acquéreur est tenu d'en payer le prix à mesure de l'avancement des travaux. " ;
6. Considérant, enfin, que par un arrêt du 8 février 1990, n° 320/88, SAFE Rekencentrum BV, la Cour de justice des Communautés européennes a jugé qu'il résulte du libellé de l'article 5, paragraphe 1, de la sixième directive du 17 mai 1977 " que la notion de livraison d'un bien ne se réfère pas au transfert de propriété dans les formes prévues par le droit national applicable mais qu'elle inclut toute opération de transfert d'un bien corporel par une partie qui habilite l'autre partie à en disposer en fait comme si elle était le propriétaire de ce bien " ;
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de cet arrêt que l'acquéreur d'un bien à édifier ne peut matériellement jouir de sa propriété qu'après l'achèvement des travaux ; que dans le cas d'une vente effectuée en l'état futur d'achèvement, la livraison de l'immeuble intervient au fur et à mesure de l'avancement des travaux ; que pour l'application combinée des dispositions des articles
269 du code général des impôts et 252 de son annexe II, qui ont entendu assurer la transposition des dispositions de la sixième directive relatives au fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée, notamment de son article 10, l'exigibilité de la taxe intervient dans ce cas au moment de l'encaissement des acomptes réclamés pendant la période de construction de l'immeuble ; que le reliquat de la taxe due au titre de la vente de l'immeuble en l'état futur d'achèvement devient exigible au plus tard à la date de sa livraison et doit ainsi être acquittée à cette même date ;
8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la déclaration d'achèvement des travaux de la villa " Virginia " a été effectuée le 22 décembre 2006 et un certificat de conformité établi le 23 juillet 2007 ; qu'une déclaration modèle H1 relative à la villa en cause a été souscrite le 25 mai 2007 par M. DiGiorgio, en sa qualité de représentant de la SCI du Golf ; que cette déclaration indiquait en regard de la mention " date d'achèvement des travaux permettant une utilisation effective du bien ", celle du 25 mai 2007 et précisait " que le local est occupé par le propriétaire " ; qu'à la suite du recours hiérarchique exercé par la SCI Le Clos des Vignes, M. DiGiorgioa toutefois déclaré au supérieur hiérarchique du vérificateur, le 10 mars 2009, que des travaux importants avaient été réalisés dans la villa au cours des deuxième et troisième trimestres de l'année 2008 en vue de la rendre habitable, lesquels travaux n'avaient permis son achèvement qu'en octobre 2008 et non pas en 2007, contrairement aux indications portées sur la déclaration modèle H1 ; qu'une visite sur place du service le 9 août 2008 a néanmoins permis d'établir, qu'à cette date, la villa était habitée ;
9. Considérant que si la SCI Le Clos des Vignes conteste désormais la teneur des indications données par son associé et soutient que la mise à disposition des locaux au profit de l'acquéreur n'est intervenue que le 9 février 2009 et que la taxe n'est donc exigible qu'au titre de ladite année, ses allégations ne sont pas corroborées par les résultats de l'instruction ; qu'à cet égard, si la société requérante se prévaut d'un procès-verbal de réception de travaux, daté du 9 février 2009, signé du vendeur et de l'acquéreur, produit pour la première fois devant le tribunal administratif de Toulon et dont les énonciations sont en contradiction avec l'ensemble des éléments relevés au point 8, ce document, dont la société n'a jamais fait état dans son recours hiérarchique et lors de sa rencontre avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, le 10 mars 2009, qui est dépourvu de date certaine, ne présente aucun caractère d'authenticité ; qu'il ne saurait, dès lors, constituer la preuve des faits allégués ; que s'il résulte, par ailleurs, de l'instruction qu'un tiers a contesté en 2004, devant le tribunal administratif de Nice, le permis de construire accordé à la SCI Le Clos des Vignes pour la réalisation de l'opération litigieuse, ce requérant s'est désisté de sa demande le 18 octobre 2007 et la société en a été informée au plus tard le 27 octobre 2007, date à laquelle elle a présenté devant le tribunal ses observations sur ce mémoire en désistement ; qu'elle ne saurait, dès lors, sérieusement soutenir que ce contentieux en cours, en 2008, aurait fait obstacle à l'achèvement des travaux au cours de ladite année, motif pris que l'ordonnance du 3 janvier 2008 donnant acte de ce désistement ne lui a été notifiée que le 1er octobre 2008 ; qu'ainsi, la livraison de l'immeuble litigieux doit être regardée comme intervenue au cours de l'année 2008 comme le fait valoir l'administration et non en 2009 comme allégué par la requérante ;
10. Considérant, en troisième lieu, que si la société fait valoir que le paiement des travaux, à hauteur d'un montant de 845 000 euros, n'est intervenu qu'en février 2009 par virement bancaire du 10 février 2009 et par compensation le même jour du compte courant et du compte client de la SCI du Golf, cette circonstance est sans incidence, la taxe étant exigible comme il a été dit au point 7 au plus tard à la livraison de l'immeuble, laquelle est intervenue en l'espèce, en 2008, ainsi qu'il a été rappelé au point 9 ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que si la SCI Le Clos des Vignes persiste à demander, à titre subsidiaire, la prise en compte d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible au titre des travaux réalisés en 2008, il résulte de l'instruction que l'administration a fait droit à sa demande, en cours d'instance, à hauteur de la somme de 2 251 euros réclamée à ce titre ; que, comme il a été indiqué au point 2, les conclusions de la requête sont, à concurrence de cette somme, devenues sans objet ; que si, par ailleurs, la requérante soutient avoir exposé des dépenses en 2009 pour les besoins de la finition de la villa " Virginia " et sollicite la prise en compte d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible de 25 845 euros à ce titre, celle-ci n'est, en tout état de cause, pas déductible au titre de la période d'imposition antérieure de 2008, seule en litige dans la présente instance ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI Le Clos des Vignes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté le surplus de sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2008 ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'accueillir les conclusions de l'appelante présentées sur le fondement de l'article
L.761-1 du code de justice administrative ;
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la SCI Le Clos des Vignes à concurrence du dégrèvement de 2 251 euros prononcé en cours d'instance.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la SCI Le Clos des Vignes est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Le Clos des Vignes et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal sud-est.
Délibéré après l'audience du 8 décembre 2015, où siégeaient :
- M. Lascar, président de chambre,
- M. Guidal, président assesseur,
- M.L'hôte, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 décembre 2015.
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N° 14MA02416
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