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Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème Chambre, 16 mars 2020, 19MA00027

Mots clés
fonctionnaires et agents publics • harcèlement • service • ressort • requête • préjudice • menaces • rejet • réparation • saisine • soutenir • absence • condamnation • immeuble • injures • saisie

Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Marseille
16 mars 2020
Tribunal administratif de Nîmes
22 octobre 2018

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Marseille
  • Numéro d'affaire :
    19MA00027
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Rapporteur public :
    M. THIELÉ
  • Rapporteur : M. Philippe GRIMAUD
  • Nature : Texte
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Nîmes, 22 octobre 2018
  • Identifiant Légifrance :CETATEXT000041741480
  • Président : Mme MASSE-DEGOIS
  • Avocat(s) : MAZZA
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Nîmes, d'une part, d'annuler l'arrêté du 20 mai 2016 du recteur de l'académie de Corse la plaçant en congé de maladie ordinaire, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le recteur sur son recours gracieux formé le 27 juillet 2016 contre cette décision ainsi que la décision implicite du recteur de l'académie de Corse rejetant sa demande tendant à ce que lui soit reconnu le bénéfice de la protection fonctionnelle et, d'autre part d'enjoindre au recteur de l'académie de Corse de la placer de manière rétroactive en congé de longue maladie et de procéder à la reconstitution de sa carrière, de lui octroyer le bénéfice de la protection fonctionnelle et de saisir le comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, enfin de condamner l'Etat à lui payer une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice moral, de santé et de carrière subi, la somme de 5 012 euros correspondant au paiement des frais et honoraires de procédure au titre de la protection fonctionnelle et la somme de 5 000 euros en raison du manquement à son obligation de saisine du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail et à son obligation de protection. Par un jugement n° 1603731 du 22 octobre 2018, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Procédure devant la Cour : Par une requête enregistrée le 3 janvier 2019, Mme D..., représentée par Me A..., demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et ses conclusions à fin d'injonction et de condamnation ; 2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le recteur de l'académie de Corse lui a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle ; 3°) d'enjoindre au recteur de l'académie de Corse de lui attribuer la protection fonctionnelle ; 4°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice, une somme de 5 012 euros au titre des frais et honoraires de procédure relevant de la protection fonctionnelle et la somme de 5 000 euros en raison du manquement à son obligation de saisine du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail et à l'obligation de protection ; 5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 car, victime de harcèlement moral, le bénéfice de la protection fonctionnelle devait lui être accordé alors même que les faits de harcèlement étaient intervenus dans le cadre sa vie privée ; - elle pouvait également obtenir le bénéfice de la protection fonctionnelle en raison des attaques dont elle a été l'objet même dans l'hypothèse où elles ne pourraient être qualifiées de harcèlement moral ; - le recteur a manqué à l'obligation de protection et d'enquête mise à sa charge par les dispositions de l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982. Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, le ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par Mme D... ne sont pas fondés. Par ordonnance du 7 octobre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 28 octobre 2019. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ; - le décret n° 82-453 du 28 mai 1982 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. E... Grimaud, rapporteur, - les conclusions de M. C... Thiele, rapporteur public, - et les observations de Me A..., représentant Mme D....

Considérant ce qui suit

: 1. Mme D..., professeure des écoles affectée au réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté de Porto-Vecchio à compter de 2005, soutient avoir subi deux incidents survenus le 7 décembre 2012 et le 19 janvier 2015 au cours de l'exécution de son service. Elle a sollicité le 27 juillet 2016 le bénéfice de la protection fonctionnelle auprès du recteur de l'académie de Corse afin d'être protégée du harcèlement moral dont elle estimait être l'objet en raison de ces faits et d'autres attaques dont elle estimait avoir été l'objet. Le recteur de l'académie de Corse a rejeté implicitement cette demande. Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / (...) ". En vertu de l'article 11 de cette loi dans sa rédaction alors en vigueur : " I.-A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) / IV.- La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. (...).". 3. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme D... a résidé de 2005 à novembre 2014 dans un logement communal inclus dans un bâtiment collectif rattaché à l'école Joseph Pietri de Porto-Vecchio, où étaient également logés plusieurs autres enseignants affectés à cette école ou à d'autres établissements. Il ressort également des pièces du dossier et il n'est nullement contesté que Mme D... a connu à compter de l'année 2009 un conflit de voisinage particulièrement dur l'opposant à trois de ses voisins, qui s'est traduit par de nombreuses insultes, provocations et violences verbales à son encontre et notamment, le 7 décembre 2012, par des menaces proférées par le compagnon de l'une des enseignantes habitant l'immeuble alors que l'intéressée, en service, sortait de la salle réservée au réseau d'aide spécialisée aux élèves en difficulté. Si ce dernier fait constitue un accident de service, il est demeuré isolé et ne peut, dans ces circonstances, être regardé comme révélant à lui seul une situation de harcèlement moral. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, et notamment de la récapitulation de l'ensemble des faits effectuée par Mme D... dans la plainte qu'elle a déposée auprès du procureur de la République le 29 avril 2015, que les manifestations dans le service de ce profond antagonisme se sont limitées, dans la mesure où l'emploi de la requérante l'amenait à fréquenter les établissements d'affectation de ses voisins, hormis l'événement survenu le 7 décembre 2012, à des marques de froideur ou d'ignorance, du reste invoquées en termes assez imprécis, dont le caractère répété ne ressort pas des pièces du dossier et dont aucune ne semble avoir revêtue la forme d'une agression caractérisée ou d'une attitude délibérément hostile assimilable à une telle agression. Il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment, que l'échange entretenu le 19 janvier 2015 avec la conseillère pédagogique de l'inspecteur de l'éducation nationale chargé de la circonscription, qui s'est borné à des salutations empreintes d'hostilité, ait été particulièrement violent ou de nature à déstabiliser psychologiquement la requérante. Il en va de même de l'organisation d'une réunion en son absence le 12 janvier 2015, et de l'attribution, à sa demande, d'une nouvelle salle de travail bruyante et peu commode en l'absence non sérieusement contestée par la requérante d'autre salle disponible. Il en résulte que les seuls faits invoqués par Mme D... susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité ou d'altérer sa santé physique ou mentale sont ceux qu'elle a subis en dehors du service, à son domicile ou dans les parties communes de l'immeuble où elle résidait, lesquels n'ont pu avoir pour objet ou pour effet une dégradation de ces conditions de travail. Si ces faits peuvent éventuellement être regardés comme constitutifs de harcèlement au sens des dispositions de l'article 222-33-2-2 du code pénal, la seule circonstance qu'ils aient été commis par des fonctionnaires appartenant à la même administration, placés sous la même autorité hiérarchique et amenés à travailler ensemble ne saurait les faire regarder comme constituant des faits de harcèlement moral au travail au sens des dispositions de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, faute de lien les rattachant aux fonctions de l'intéressée et à l'exécution du service, ce lien ne pouvant davantage résulter du logement des intéressés dans le même immeuble dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ceux-ci, n'étant pas instituteurs, sont logés non à titre professionnel en vertu des dispositions de l'article L. 921-1 du code de l'éducation mais en vertu de simples conventions domaniales conclues avec la commune. 4. En second lieu, si Mme D... fait valoir que les faits qu'elle invoque lui ouvraient droit à la protection fonctionnelle alors même qu'ils n'étaient pas constitutifs d'un harcèlement moral au travail, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces faits survenus en dehors du service aient été commis à raison de ses fonctions, de telle sorte qu'ils n'entraient pas, en tout état de cause, dans le champ d'application des dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983. 5. Il résulte de ce qui précède que, bien que particulièrement regrettables en ce qu'ils émanent d'agents publics, et particulièrement d'enseignants, devant conserver une attitude exemplaire y compris en dehors du service et en ce qu'ils n'ont donné lieu à aucune intervention de la part de la hiérarchie de l'intéressée, pourtant prévenue à de multiples reprises par la requérante, les faits invoqués par Mme D... ne sont pas au nombre de ceux susceptibles de justifier l'octroi de la protection fonctionnelle. Mme D... n'est par suite pas fondée à soutenir que la décision implicite rejetant sa demande tendant à l'octroi de cette protection méconnaîtrait les dispositions précitées ou serait entachée d'erreur de droit. En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation : 6. Il résulte de ce qui précède que le recteur de l'académie de Corse n'a commis aucune illégalité fautive en refusant d'octroyer la protection fonctionnelle à Mme D.... Ses conclusions tendant à l'octroi d'une indemnité de 15 000 euros et d'une somme de 5 012 euros ne peuvent dès lors qu'être rejetées. 7. Si les dispositions de l'article 5-7 du décret du 28 mai 1982 imposent au chef de service de procéder immédiatement à une enquête lorsque le représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail constate qu'il existe une cause de danger grave et imminent, il résulte des termes mêmes de ces dispositions qu'elles ont pour objet d'encadrer les suites à donner à l'exercice du droit d'alerte et de retrait des fonctionnaires et ne concernent donc que les dangers émanant du cadre professionnel des agents. Aucun danger de cet ordre n'étant caractérisé en l'espèce, le recteur de l'académie de Corse ne peut être regardé comme ayant commis une faute en s'abstenant de faire application de ces dispositions et la demande de 5000 euros formulée sur ce point par Mme D... doit être rajoutée. 8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle et ses conclusions tendant à l'indemnisation des conséquences de ce refus et du manquement aux obligations de protection et d'enquête mises à la charge de l'Etat par le décret du 28 mai 1982. Sa requête doit dès lors être rejetée. En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction : 9. Aux termes des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution.". 10. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D.... Il n'implique dès lors aucune mesure d'exécution et il convient, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions à fin d'injonction présentées par la requérante. Sur les frais liés au litige : 11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que la somme réclamée par Mme D... sur leur fondement soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., au ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse et au recteur de l'académie de Corse. Délibéré après l'audience du 2 mars 2020, où siégeaient : - Mme F... G..., présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, - M. E... Grimaud, premier conseiller, - M. Allan Gautron, premier conseiller. Lu en audience publique, le 16 mars 2020. 6 N° 19MA00027

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