ARRÊT
DU
22 Janvier 2025
AB/CH
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N° RG 23/00948 -
N° Portalis DBVO-V-B7H-DFK6
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S.C.I. MM [O]
C/
S.A.S.
THIRIET MAGASINS
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GROSSES le
aux avocats
ARRÊT n° 26-2025
COUR D'APPEL D'AGEN
Chambre Civile
LA COUR D'APPEL D'AGEN, 1ère chambre dans l'affaire,
ENTRE :
S.C.I. MM [O] prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
RCS de [Localité 3]
487 974 123
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me
Erwan VIMONT, SELARL LEX ALLIANCE, avocat au barreau d'AGEN
APPELANTE d'un jugement rendu par le Président du Tribunal Judiciaire d'AGEN, à compétence commerciale en date du 06 Novembre 2023, RG 21/00014
D'une part,
ET :
S.A.S.
THIRIET MAGASINS prise en la personne de son représentant légal
RCS D'[Localité 7]
421 098 088
[Adresse 11]
[Localité 2]
représentée par Me
David LLAMAS, avocat postulant au barreau d'AGEN et par Me
Jérôme BARBET, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE
D'autre part,
COMPOSITION DE LA COUR :
l'affaire a été débattue et plaidée en audience publique le 02 Décembre 2024, sans opposition des parties, devant la cour composée de :
Président : André BEAUCLAIR, Président de chambre, qui a fait un rapport oral à l'audience
qui en a rendu compte dans le délibéré de la cour composée outre lui-même de :
Pascale FOUQUET, Conseiller
Anne Laure RIGAULT, Conseiller
en application des dispositions de l'article
945-1 du code de procédure civile et après qu'il en a été délibéré par les magistrats ci-dessus nommés,
Greffière : Catherine HUC
ARRÊT :
prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile
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EXPOSÉ DU LITIGE.
Vu l'appel interjeté le 21 novembre 2023 par la SCI MM [O] à l'encontre d'un jugement du juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'AGEN, en date du 6 novembre 2023.
Vu les conclusions de la SCI MM [O] en date du 16 août 2024.
Vu les conclusions de la SAS
THIRIET MAGASINS en date du 7 octobre 2024.
Vu l'ordonnance de clôture du 23 octobre 2024, pour l'audience de plaidoiries fixée au 2 décembre 2024.
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Suivant acte sous seing privé en date du 22 octobre 2007, la SCI MM [O] a consenti à la Société
THIRIET MAGASINS un bail commercial portant sur un local commercial dénommé lot n°2 d'une superficie de 352 m² situé à l'intérieur de la [Adresse 10], à l'angle de l'[Adresse 5] et de l'[Adresse 6] à BOE (47 550) en vertu des articles
L145-1 et suivants du code de commerce. Le loyer annuel consenti et accepté était alors de 38.720 euros HT révisable à l'expiration de chaque période annuelle à la date d'anniversaire du bail en fonction de la variation de l'indice trimestriel du coût de la construction.
Le 31 août 2016, ce bail est arrivé à échéance et a été tacitement prolongé.
Le 28 juin 2019, la Société
THIRIET MAGASINS a demandé le renouvellement de ce bail en application des dispositions de l'article
L.145-10 du code de commerce, avec effet au 1er juillet 2019, pour une durée de 9 années aux mêmes clauses et conditions que le bail précédent, sauf faculté de résiliation et indice de révision. Ainsi, elle a demande à ce que :
- l'indice national des loyers commerciaux soit substitué à celui du coût de la construction ;
- la fixation du loyer à la somme de 40.000 euros à la place de la somme de 46.715,61 euros en application de l'article
L.145-39 du code de commerce, somme réglée au titre du dernier loyer annuel hors taxes, expliquant que le loyer avait augmenté de plus de 20,6 % par rapport a la prise d'effet du bail ;
- la possibilité de résilier le bail à tout moment en respectant un préavis de six mois.
Par acte extrajudiciaire en date du 28 août 2019, la SCI MM [O] a fait connaître qu'elle consentait au principe du renouvellement du bail sollicité au 1er juillet 2019, mais contestait les modifications sollicitées par la Société
THIRIET MAGASINS. Elle s'est opposée à ce que le preneur :
- puisse donner congé à tout moment moyennant un préavis de 6 mois ;
- fasse valoir la non application des dispositions de l'article
L.145-39 du code de commerce relatif au montant du loyer.
La SCI MM [O] a informé son locataire de sa volonté de solliciter le déplafonnement du loyer motifs pris que les facteurs locaux de commercialité avaient notablement évolué. Elle a proposé de fixer le montant du loyer renouvelé à celui de la valeur locative qu'elle estime à la somme de 68.640 euros HT par an, avec lissage des effets du déplafonnement.
La SCI MM [O] a notifié son mémoire le 13 octobre 2020 en application des articles
R.145-24 et
R.145-26 du code de commerce. En l'absence de réponse du preneur, le bailleur l'a assignée par acte en date du 31 décembre 2020 aux fins de voir :
- constater que le bail commercial en date du 22 octobre 2007 a été renouvelé avec effet au 1er juillet 2019 pour une durée de neuf ans aux mêmes clauses et conditions que le bail échu, excepté en ce qui concerne le recours à l'indice national des loyers commerciaux qui sera substitué à l'indice national du coût de la construction ;
- dire que la SCI MM [O] est fondée à invoquer le déplafonnement en raison de la modification notable des facteurs locaux de commercialité ;
- dire que le loyer déplafonné sera fixé suivant la valeur locative d'un montant de 68.640 euros TH annuel ;
- dire que le loyer au 1er juillet 2019 s'élèvera à la somme annuelle de 11.287,36 x 4 + 10 % = 49.664,38 euros HT ;
- dire que le loyer augmentera de 10 % chaque année au 1er juillet ;
- condamner la Société
THIRIET MAGASINS à lui payer le rappel de loyers depuis le 1er juillet 2019, entre le dernier loyer en vigueur et le nouveau loyer fixé, et ce jusqu'au jour de la décision à intervenir, le tout, majoré des intérêts au taux légal ;
* donner son avis sur d'éventuels motifs de déplafonnement du loyer en question, au regard des dispositions des articles
L.145-33 et
L. 145-34 du code de commerce ;
* fixer la nouvelle valeur locative des lieux loués
- débouter la SAS
THIRIET MAGASINS de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
- rejeter toute demande de suspension de l'exécution provisoire ;
Par jugement en date du 6 novembre 2023, le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire d'AGEN a notamment :
- dit que les règles de plafonnement du loyer prévues à l'article
L. 145-34 du code de commerce sont applicables au cas d'espèce ;
- débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes, y compris au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
- dit que le loyer du bail renouvelé doit être fixé conformément aux termes de l'article
L.145-34 du code de commerce au montant régulièrement indexé et plafonné ;
- condamné par moitié la SCI MM [O] et la SAS
THIRIET MAGASINS aux dépens dont il sera fait masse et comprendront le coût de l'expertise judiciaire ;
Pour statuer en ce sens le premier juge a retenu que :
- les conditions du déplafonnement du loyer ne sont pas réunies ;
- les éléments recueillis par l'expert ne permettent pas de faire droit à la demande de fixation du loyer à un montant inférieur à celui du loyer plafonné de renouvellement.
Tous les chefs du jugement sont expressément critiqués dans la déclaration d'appel.
La SCI MM [O] demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris des chefs visés à la déclaration d'appel ;
- statuant à nouveau,
- la déclarer recevable et bien-fondée en ses demandes ;
- homologuer le rapport déposé par M.[M] le 17 novembre 2022 ;
- constater le renouvellement du bail du bail en cours pour une nouvelle durée de neuf ans depuis le 1er juillet 2019 aux mêmes charges et conditions que le bail expiré, sauf les ajustements nécessaires aux dispositions impératives de la Loi Pinel;
- dire qu'elle est fondée à invoquer le déplafonnement du loyer en raison de la modification notable des facteurs locaux de commercialité ;
- fixer le loyer annuel renouvelé à la somme de 65.000 € HT ;
- fixer le loyer dû au 1er juillet 2019 à la somme annuelle de 49.664,38 € HT;
- ordonner que le loyer augmente chaque année de 10 % au 1er juillet ;
- débouter la SAS
THIRIET MAGASINS de ses demandes plus amples ou contraires ;
La SAS
THIRIET MAGASINS demande à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a l'a déboutée de sa demande de fixation du loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 42.750 euros HT, correspondant au montant de la valeur locative, inférieure au plafond légal d'augmentation du loyer ;
- statuant à nouveau sur ce point,
- fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 42.750 euros HT euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er juillet 2019 ;
- condamner la SCI MM [O] à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Il est fait renvoi aux écritures des parties pour plus ample exposé des éléments de la cause, des prétentions et moyens des parties, conformément aux dispositions de l'article
455 du code de procédure civile.
MOTIFS
DE LA
DÉCISION
.
1- Sur le déplafonnement :
Aux termes de l'article
L145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
À défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1 Les caractéristiques du local considéré ;
2 La destination des lieux ;
3 Les obligations respectives des parties ;
4 Les facteurs locaux de commercialité ;
5 Les prix couramment pratiqués dans le voisinage ;
Aux termes de l'article
L145-34 du même code, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article
L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
En cas de renouvellement postérieur à la date initialement prévue d'expiration du bail, cette variation est calculée à partir du dernier indice publié, pour une période d'une durée égale à celle qui s'est écoulée entre la date initiale du bail et la date de son renouvellement effectif.
Les dispositions de l'alinéa ci-dessus ne sont plus applicables lorsque, par l'effet d'une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans.
En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article
L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
Conformément au 21 II de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les présentes dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.
La SCI MM [O] qui sollicite le déplafonnement du loyer commercial doit rapporter la preuve d'une modification notable au cours du bail échu, des éléments listés à l'article
L 145-33 de nature à avoir eu un intérêt pour le commerce considéré.
L'expert [M] conclut son rapport dans les termes suivants : nous estimons au regard du commerce considéré qu'il existe ici une modification notable des facteurs locaux de commercialité permettant de fixer le loyer à la valeur locative. L'expert retient :
- renforcement commercial : l'enseigne historique locomotive Géant Casino est devenue moins attractive ; arrivée de [Localité 9] en 2015-16 (200 m) ; ALDI en 2020-21 et ADA EWIGO (véhicules) en 2017-18 (- de 100 m) ; création d'une zone de synergie aux abords de l'ATRIUM début des années 2010, regroupant plusieurs dizaines de bureaux et cellules commerciales à environ 400 m ; installation des Comptoirs Bio en 2018, qui ont périclité après l'épidémie de COVID.
- infrastructures : refonte complète de la voirie, amélioration globale de l'[Adresse 5], création de trottoirs et de stationnements sur la totalité de la voie.
- caractère notable des modifications du fait de la création de plusieurs milliers de m² de surface commerciale, bureaux et services, et refonte de l'[Adresse 5] avec la création de stationnements.
- intérêt pour le commerce considéré : amélioration de la desserte de l'accessibilité avec la création de stationnement désengorgeant le parking de l'immeuble considéré.
La SAS THIRIET produit un rapport d'expertise non contradictoire établi par Mme [F] qui a assisté aux opérations de l'expert judiciaire et qui conclut que l'étude des facteurs locaux de commercialité sur la durée du bail échu ne permet pas de constater une modification notable ayant bénéficié au commerce de vente de produits surgelés permettant un déplafonnement du loyer renouvelé et retient une dégradation de conditions d'exercice de l'activité depuis 2007 :
- l'activité de la zone commerciale s'est développée et l'offre commerciale s'est renforcée à l'ouest et au sud mais pas sur la zone Trenque nord. Le flux principal ne passe pas devant les locaux
- la clientèle qui achète des produits surgelés pour des raisons pratiques évidentes n'appartient pas au flux issu des bureaux et donc l'implantation de l'Atrium n'a pas bénéficié au commerce exercé
- l'environnement ancien de cette zone plutôt dédiée aux concessions automobiles et aux commerces accessoires n'est pas particulièrement évolutif, et n'a pas été particulièrement entretenu
- il n'y a pas de modifications notables constatées sur le PAC commercial qui n'offre pas de synergie avec les autres cellules commerciales.
Ce rapport a été soumis à l'expert judiciaire qui maintient ses conclusions sans répondre aux éléments apportés par Mme [F] solidement motivés en particulier sur les flux commerciaux entre les deux zones commerciales proches du commerce considéré et comportant des locomotives pour ledit commerce et dont THIRIET est exclu. L'implantation de [Localité 8] Frais paraît isolée et n'est pas de nature à modifier la commercialité du lieu dédié au commerce d'automobiles.
C'est donc à bon droit que le premier juge a considéré que ne sont pas réunies les conditions permettant un déplafonnement du loyer commercial.
Le jugement est confirmé sur ce point.
2- Sur le montant du bail renouvelé :
Le bail porte sur un local consistant en la deuxième cellule d'un bâtiment de 6 cellules commerciales en enfilade, le terrain attenant étant aménagé pour la circulation et le stationnement. Ce local, mesuré par l'expert judiciaire, est d'une surface de 345 m² dont 270 m² de surface de vente en façade, et 75 m² en arrière comportant une chambre froide, une réserve, un bureau et un vestiaire. Le bail est conclu pour neuf ans ; la destination est celle de tous commerces en dehors des activités bruyantes et/ou polluantes, optique, boulangerie, activités concernant la politique ou les religions. Il comporte une clause d'accession des travaux d'amélioration en fin de jouissance ; le preneur supporte la charge de l'impôt foncier soit 20 % du montant total de la taxe foncière.
Le preneur réclame l'application d'une pondération à la surface louée. Le bien se situe dans une zone commerciale en périphérie d'[Localité 3]. La pondération dont la SAS THIRIET demande l'application s'applique aux commerces de centre de ville difficilement comparables entre eux, alors qu'en l'espèce, il s'agit d'une cellule comprise dans une série de six locaux commerciaux pour lesquels la pondération n'est pas appliquée. Il ne peut être reproché à l'expert de n'avoir pas accompli sa mission, alors qu'il y a répondu en indiquant qu'aucune pondération n'était applicable.
Le transfert sur le locataire de la charge de l'impôt foncier n'est pas sans contrepartie et est pratiqué dans les baux en vigueur alentours.
Les motifs de diminution du montant du loyer ne sont donc pas fondés et c'est à bon droit que le premier juge a rejeté la demande de ce chef.
Le jugement est confirmé en toutes ses dispositions.
3- Sur les demandes accessoires :
Le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance et aux frais d'expertise qui découlent de sa décision eu fond.
Chacune des parties succombe devant la cour, chacune d'elle supporte la charge des dépens d'appel par elle avancés, l'équité commande qu'il ne soit pas fait application de l'article
700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
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La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions et y ajoutant,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile.
Dit que chacune des parties supporte la charge des dépens d'appel par elle avancés.
Le présent arrêt a été signé par André BEAUCLAIR, président, et par Catherine HUC, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT