LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 18 février 2016), que dans le cours de deux instances l'opposant à la société Crédit lyonnais et à M. et Mme X... devant un tribunal de commerce, la société Le Rich (la société) a formé deux demandes de renvoi devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime ; que le président du tribunal de commerce s'est opposé à ces demandes et a transmis le dossier au premier président de la cour d'appel ;
Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes ;
Mais attendu que la procédure de récusation, qui ne porte pas sur le bien-fondé d'une accusation en matière pénale et ne concerne pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil, n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Et attendu que selon les articles
351 et
359 du code de procédure civile, il est statué sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties ; qu'il en résulte qu'en l'absence de débat et de toute disposition en ce sens, le ministère public n'a pas à communiquer ses conclusions ou à les mettre à la disposition des parties ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Le Rich aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille dix-sept.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Le Rich
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société Le Rich de ses demandes de renvoi devant une autre juridiction pour cause de suspicion légitime des 25 septembre 2015 et 27 novembre 2015 dirigées contre le tribunal de commerce d'Avignon ;
AUX MOTIFS QUE « les demandes ayant le même objet, une bonne administration de la justice conduit à en ordonner la jonction et à statuer par une seule décision ; que dans des conclusions communes aux deux affaires et remises l'audience, la SNC Le Rich sollicite tout d'abord un sursis à statuer au motif qu'elle a introduit trois appels nullité à l'encontre des ordonnances rendues par le président du tribunal de commerce d'Avignon dans les demandes de dessaisissement et de récusation de juge dont il a été saisi et qu'à défaut la cour commettrait le même excès de pouvoir qu'a commis le magistrat consulaire ; qu'il convient de rappeler que par arrêt du 15 octobre 2015 (RG 15/ 3703), cette cour statuant sur l'ordonnance de transmission du 17 juillet 2015 a déclaré Irrecevable la première demande de renvoi pour suspicion légitime soutenue par la SNC Le Rich et que par arrêt du 28 janvier 2016 (RG 15/ 5532) la cour a rejeté une demande de sursis à statuer et de récusation de la présidente du tribunal de commerce ; qu'aux termes de l'article
359 du code de procédure civile, la cour doit statuer dans le délai d'un mois et il ressort également des termes non contestés des décisions rendues par le président du tribunal de commerce d'Avignon que les deux procédures dont le renvoi à une autre juridiction est demandé datent de 2009 el 2012 et ont connu respectivement 23 et 12 renvois successifs avant d'aborder l'audience et fond ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer ; qu'aux termes de « Conclusions sur l'application des principes directeurs du code de procédure civile et du principe du procès équitable à la procédure de renvoi à une autre juridiction pour cause de suspicion légitime », la SNC Le Rich plaide que la procédure de demande de renvoi pour cause de suspicion légitime et que la procédure de récusation différentes et qu'en tout état de cause les dispositions des articles
14 et
16 du code de procédure civile lui sont applicables ; qu'elle sollicite la communication des conclusions du ministère public et un renvoi de l'affaire pour y répondre ; qu'enfin, dans des « conclusions subsidiaires », elle expose que par ordonnance du 7 octobre 2015, « le président du tribunal de commerce s'exprimant au nom de la juridiction avait créé un véritable climat d'antagonisme, faisant du tribunal une véritable partie opposée à la SNC Le Rich » et que dans sa décision du 7 octobre 2015 « une fois de plus il a présumé la mauvaise foi de la SNC Le Rich » ; qu'aux termes de l'article
356 du code de procédure civile : « la demande de renvoi pour cause de suspicion légitime est assujettie aux mêmes conditions de recevabilité et de forme que la demande de récusation » ; que les requêtes ont été formées par actes remis au secrétariat de la juridiction ; elles sont motivées et accompagnées de pièces, elles sont donc recevables en la forme ; que l'article
359 du code de procédure civile précise « cette juridiction [en l'occurrence la cour d'appel] statue dans le mois, en chambre du conseil, le ministère public entendu et sans qu'il soit nécessaire d'appeler les parties » ; que la SNC Le Rich ne peut donc exiger un débat contradictoire que le législateur a expressément exclu en organisant une procédure particulière qui l'emporte sur les dispositions générales ; que par ailleurs, la demande ne concerne pas une contestation sur un droit ou une obligation de caractère civil et n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme ; qu'il est constant que l'ordonnance du président du tribunal de commerce d'Avignon du 17 juillet 2015 par laquelle il s'est opposé à la première demande de renvoi pour cause de suspicion légitime fonde les deux nouvelles demandes de renvoi similaires dont est saisie la cour ; qu'il appartient à la requérante d'établir que la suspicion de partialité qu'elle impute à la juridiction dont elle demande le dessaisissement repose sur des motifs précis, sérieux et particulièrement graves ce qui exclut nécessairement tonte pétition de principe ; qu'en l'espèce, la cour a déjà eu connaissance de cette ordonnance dans ses arrêts précités des 15 octobre 2015 et du 28 janvier 2016 et force est de constater que les demandes actuelles se présentent dans les mêmes termes, en effet, « les motifs de son refus » (art. 359 CPC) que doit transmettre le président du tribunal de commerce à la cour n'induisent pas nécessairement la partialité des autres membres de la juridiction appelés à statuer et plus généralement de l'ensemble de la juridiction consulaire ainsi qu'il ressort des conclusions de la requérante ; que la SNC Le Rich ne développe aucun autre argument tendant à suspecter l'impartialité objective de la juridiction ou subjective de ses membres dans l'application du droit ; qu'il faut encore rappeler que la première demande de dessaisissement pour suspicion légitime du tribunal de commerce d'Avignon est intervenue le 10 juillet 2015 au seul motif du refus d'un nouveau renvoi de l'affaire au fond après 12 renvois successifs et que la SNC Le Rich était disposée à plaider devant la même composition en cas de renvoi ; qu'elle a ensuite systématiquement renouvelé sa demande en y associant au passage une demande de récusation dont elle a été déboutée et sauf à considérer que la réitération d'une prétention injustifiée au final la valide, la seule conséquence qui résulte de la stratégie procédurale de la SNC Le Rich est la paralysie de de la juridiction consulaire ; que les demandes sont rejetées ; qu'en application des articles
353 et
363 du code de procédure civile, la SNC Le Rich est condamnée à une amende civile de 2000 euros » ;
ALORS QUE le requérant au dessaisissement pour cause de suspicion légitime, qui est partie à la procédure de renvoi pour cause de suspicion légitime initiée par sa propre requête, doit pouvoir prendre contradictoirement connaissance des conclusions du ministère public ; qu'en retenant néanmoins que la société Le Rich ne pouvait exiger un débat contradictoire que le législateur a expressément exclu en organisant une procédure particulière qui l'emporte sur les dispositions générales et que la demande n'entre pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, la cour d'appel a privé la société Le Rich d'un débat contradictoire et violé les articles
14,
16 et
359 du code de procédure civile, ensemble l'article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.