LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Joint les pourvois n° F 14-18. 576 et E14-25. 866 ;
Sur la recevabilité du pourvoi n° F 14-18. 576 :
Vu l'article
613 du code de procédure civile dans sa rédaction alors applicable ;
Attendu qu'il résulte de ce texte que le délai de pourvoi en cassation ne court, à l'égard des décisions rendues par défaut, même pour les parties qui ont comparu devant les juges du fond, qu'à compter du jour où l'opposition n'est plus recevable ;
Attendu que M. et Mme X... se sont pourvus en cassation, le 3 juin 2014, contre l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2014), rendu par défaut et susceptible d'opposition ; qu'il n'est pas justifié de l'expiration du délai d'opposition à la date de ce pourvoi ;
D'où il suit que le pourvoi est irrecevable ;
Sur le pourvoi n° E 14-25. 866 :
Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 janvier 2014), que M. et Mme X... sont propriétaires d'une grange à Champigny-sur-Yonne ; que la toiture de cette grange est imbriquée dans celle contigüe appartenant à Mme Y...et à M. Emmanuel Y...nus-propriétaires, et à leur père M. Michel Y..., usufruitier (les consorts Y...), le mur séparatif entre les deux granges faisant fonction de mur pignon ; que le 19 juin 2007, le maire de la commune a pris un arrêté de péril en raison de l'état de dégradation du bâtiment appartenant aux consorts Y...; qu'un désaccord étant intervenu entre les consorts Y...sur les précautions à prendre, une expertise a été ordonnée au contradictoire de M. et Mme X... ; que les consorts Y...ont alors procédé à la démolition de leur grange sans respecter les préconisations de l'expert d'étayer au préalable la toiture X... et le mur séparatif entre les deux granges ; que ce mur pignon menaçant toujours de s'effondrer, M. et Mme X... ont assigné les consorts Y...afin de les voir déclarer responsables de la déstabilisation du mur pignon ainsi que d'une partie de la toiture de la grange, et en indemnisation ;
Attendu que M. et Mme X... font grief à l'arrêt de les débouter de leurs demandes tendant à voir condamner les consorts Y...à leur payer diverses sommes ;
Mais attendu que sous le couvert des griefs non fondés de violation de l'article
1134 du code civil, de défaut de base légale au regard de l'article
1382 du même code, et de méconnaissance des dispositions de l'article
455 du code de procédure civile, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve par la cour d'appel, qui, hors de toute dénaturation du rapport d'expertise judiciaire, sans avoir à entrer dans le détail de l'argumentation des parties et sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle décidait d'écarter, a souverainement retenu comme non probantes les pièces produites par M. et Mme X... qui avaient pour objet de contredire les conclusions de l'expert ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
DÉCLARE irrecevable le pourvoi n° F 14-18. 576 ;
REJETTE le pourvoi n° E 14-25. 866 ;
Condamne M. et Mme X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quinze.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit au pourvoi n° E 14-25. 866 par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils pour M. et Mme X...
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les époux X... de leurs demandes tendant à voir condamner les consorts Y...à leur payer les sommes de 48. 192, 56 ¿ au titre des coûts de restructuration de leur propriété, 150 ¿ par mois à compter du 1er juin 2009 et jusqu'au jour de l'exécution du jugement au titre de la perte de jouissance de la grange, 80 ¿
par mois à compter du 1er juin 2007 et jusqu'au jour de l'exécution du jugement au titre du préjudice de jouissance de leur jardin, et 1. 554 ¿ pour la remise en état du jardin ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'il ressort des dispositions de l'article
9 du code de procédure civile qu'il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et de celles de l'article
146 du même code qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve ; qu'en l'espèce, les appelants soutiennent que la responsabilité des consorts Y...peut être engagée sur le fondement de l'article
1382 du code civil excipant de ce que ceux-ci ne pouvaient ignorer « suite à l'intervention des experts, que la démolition de la grange allait déstabiliser le mur séparatif, et ceux-ci ayant alors commis une faute en procédant à cette démolition, sans se préoccuper de consolider le mur pignon » et de ce qu'« il est certain que c'est la démolition de la grange Y...qui a déstabilisé le mur pignon, ainsi qu'une partie de la toiture de cette grange, ce risque n'existant pas antérieurement » ; qu'il ressort du rapport d'expertise contradictoire de M. Z..., dont les constatations techniques seront retenues par la cour dans la mesure où elles procèdent d'une analyse minutieuse et cohérente et dans la mesure où elles ne sont remises en cause par aucune autre pièce technique contraire suffisamment probante, qu'il n'existe plus de menace d'éboulement, que la partie supérieure du mur du pignon des consorts X..., côté propriété Y..., a été reprise et que les travaux de démolition de la grange Y...n'ont causé aucun dommage aux consorts X... ; qu'il s'ensuit de ces constatations que les époux X... ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, d'une faute des consorts Y...qui leur aurait causé un préjudice ; que les époux X... ne rapportent pas davantage la preuve que la suppression des pannes de la toiture de leur grange servant de support et d'appui au mur séparatif a déstabilisé celui-ci ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE le rapport d'expertise établit en effet que « le mur situé entre les deux granges (parcelles n° 1470 et 1471) est maintenu par les pannes des deux toitures, celles des consorts X... et celles des nus-propriétaires Y...» (p. 8) ; que l'expert prescrit en conséquence « qu'avant même la démolition de la grange Y..., il est impératif d'étayer la toiture X... et le mur séparatif des deux granges » (p. 12), et d'ajouter que « dès lors que les étaiements du mur ainsi que de la toiture sont faits, la grange peut être démolie ; que les travaux nécessaires pour éviter toute aggravation du bâtiment X... consistent en la démolition et reconstruction du mur pignon ainsi que l'about de toiture » (p. 13) ; qu'en premier lieu, en application des articles
605 et
606 du code civil, « l'usufruitier n'est tenu qu'aux réparations d'entretien ; les grosses réparations demeurent à charge du propriétaire » ; qu'au regard de leur nature, les travaux préconisés incombent en l'espèce aux seuls nus-propriétaires indivis à l'exclusion de M. Michel Y..., usufruitier ; que la portée des droits de chacun des consorts Y...en l'occurrence parfaitement connue des époux X..., leur est donc opposable ; qu'en tout état de cause, la responsabilité de M. Michel Y...ne saurait être engagée des suites de travaux dont il n'a pas à supporter la charge ; qu'en second lieu, il incombait, lors des travaux de démolition de la grange, à M. Emmanuel Y...et Mme Béatrice Y...épouse A...de procéder à la consolidation du bâtiment des époux X... par un système d'étaiement de la toiture et du mur pignon ; qu'en l'espèce, suivant facture du 2 juillet 2009, il apparaît que les travaux réalisés par l'entreprise de maçonnerie SOUYEH ont inclus « l'étaiement du pignon côté n° 43 » ainsi que « l'arrasement de pointe pignon, la fourniture et pose de lattes en sapin et tuiles manquantes, la pose de rives en ciment le long de la toiture du pignon, 5 faîtières en ciment » (annexe C) ; que dans son rapport du 23 septembre 2009, M. Z...a pris acte, au vu des factures et photographies produites, que la démolition est terminée, qu'il n'y a plus de menace d'éboulement et que la partie supérieure du mur pignon des consorts X..., côté propriété Y..., a été reprise (p. 15), sans qu'aucune contestation n'ait alors été émise par les époux X... ; que dès lors, les époux apparaissent mal fondés à se plaindre par courrier du 29 décembre 2009 d'un défaut d'étaiement du mur pignon de leur grange, d'une part ; que d'autre part, il apparaît que l'état de dégradation avancée du mur séparatif est antérieur à tous travaux réalisés par les consorts Y...(p. 7) ; que le relevé cadastral a permis d'établir que la totalité dudit mur appartenait exclusivement aux époux X... ; qu'en outre, le courrier des époux X... du 29 décembre 2009 traduit leur incertitude quant à l'imputabilité de la prise en charge éventuelle des travaux de démolition et reconstruction du mur litigieux ; que dès lors, la responsabilité de M. Emmanuel Y...et Mme Béatrice Y...épouse A...ne saurait être valablement engagée des suites des travaux de démolition de leur grange ; qu'il est légitime d'affirmer par ailleurs qu'il incombe ensuite aux époux X... de procéder aux travaux rendus ultérieurement nécessaires pour préserver l'état de leur propre bâtiment ;
1°/ ALORS QUE le rapport de l'expert Z...indiquait qu'avant de démolir la grange Y..., il était « impératif d'étayer (¿) le mur séparatif entre les deux granges » (cf. prod. rapport, p. 12 point 5) et que « les travaux nécessaires pour éviter toute aggravation du bâtiment X... consistent en la démolition et reconstruction du mur pignon, ainsi que de l'about de la toiture » (rapport précité, p. 13 point 6) ; que l'expert a constaté qu'en cours d'expertise, les consorts Y...avaient fait réaliser, selon facture du 2 juillet 2009, des travaux de démolition portant uniquement sur la toiture et le mur du fond de la grange des consorts Y..., prévenant tout risque d'éboulement sur le passage privatif des époux X... et que « la partie supérieure du mur pignon des consorts X..., côté propriété Y..., a été reprise » (p. 15 § 1) ; qu'en retenant qu'il résultait de ce rapport qu'il n'existait plus de menace d'éboulement et que les travaux de démolition de la grange Y...n'avaient causé aucun dommage aux consorts X..., cependant que l'expert Z...s'était uniquement prononcé sur le risque d'éboulement « du mur du fonds de la parcelle n° 1471 », la cour d'appel a dénaturé le rapport de l'expert Z...et ainsi violé l'article
1134 du code civil ;
2°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont soumis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, les époux X... versaient aux débats deux notes techniques ainsi qu'une expertise, toutes postérieures au rapport d'expertise judiciaire contradictoire de M. Z..., et dont il résultait que leur mur pignon risquait de s'effondrer en raison de la démolition de la grange des consorts Y...;
qu'en se bornant à considérer que les époux X... ne produisaient aucune pièce suffisamment probante pour remettre en cause le rapport de l'expert judiciaire Z..., sans analyser, fût-ce sommairement, les pièces produites par les époux X..., la cour d'appel a violé l'article
455 du code de procédure civile ;
3°/ ALORS QU'en relevant, pour juger qu'il n'existait plus de menace d'éboulement et que les époux X... n'avaient subi aucun dommage du fait de la destruction de la grange des consorts Y..., que la partie supérieure de ce mur avait été reprise, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée (conclusions signifiée le 28 octobre 2013, p. 10 § 7), si ces travaux avaient suffi à stabiliser le mur, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du code civil ;
4°/ ALORS QUE, en tout état de cause, constitue un préjudice réparable le dommage résultant du risque que se produise un événement défavorable, alors même que ce risque aurait disparu au jour où le juge statue ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande des époux X... tendant à la réparation du préjudice résultant de la destruction, par les consorts Y..., de leur grange, sur le fait que le risque d'effondrement du mur pignon avait disparu, cependant qu'une telle circonstance, à la supposer avérée, n'était pas de nature à exclure l'existence du préjudice dont réparation était demandée, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article
1382 du code civil.