AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par :
1°/ M. Roland X..., demeurant Moulin des Sablons à Maletable (Orne),
2°/ M. Jean-Claude Y..., demeurant ... (Essonne),
3°/ M. Claude A..., demeurant ... (Seine-et-Marne),
en cassation d'un arrêt rendu le 25 février 1988 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre, section D), au profit :
1°/ de la société civile immobilière Port de l'Orb dont le siège social est sis à Sérignan (Hérault),
2°/ de M. René Z..., syndic, demeurant à Béziers (Hérault), ..., pris en sa qualité de syndic du règlement judiciaire de la SCI Port de l'Orb,
défendeurs à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 23 octobre 1990, où étaient présents : M. Defontaine, président, M. Le Dauphin, conseiller référendaire rapporteur, M. Hatoux, conseiller, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Le Dauphin, conseiller référendaire, les observations de Me Choucroy, avocat de MM. X..., Y... et A..., de Me Brouchot, avocat de la SCI Port de l'Orb et de M. Z..., ès qualités, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen
unique, pris en ses diverses branches :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 25 février 1988), que le préfet de la région Languedoc-Roussillon a accordé à la société civile immobilière du Port de l'Orb (la SCI) la concession de l'établissement et de l'exploitation d'un bassin de plaisance dans une convention du 12 mars 1973 et dans le cahier des charges annexé à cette convention ; que par actes des 18 décembre 1975 et 1er janvier 1977 la SCI a accordé trois autorisations d'occupation longue durée de postes d'accostage à MM. X..., Y... et A... (les consorts X...) à titre de dation en paiement de créances dont ceux-ci étaient titulaires envers la SCI ; que celle-ci a été mise en règlement judiciaire le 25 février 1980 ; que les consorts X... ont produit leurs créances au passif et qu'ils ont assigné la SCI, assistée de son syndic, pour faire déclarer valides les contrats portant autorisation d'occupation de postes d'accostage ; que la cour d'appel, considérant que ces contrats étaient soumis à approbation préfectorale en vertu de l'article 26 du cahier des charges de la concession, a décidé que, faute d'avoir été autorisés par le préfet, les contrats litigieux n'étaient pas "valables" et qu'ils ne pouvaient, de ce fait, être opposés au syndic du règlement judiciaire de la SCI ;
Attendu que les consorts X... font grief à
l'arrêt d'avoir ainsi statué, alors, selon le pourvoi, d'une part, que comme le
faisaient valoir les consorts X... dans leurs conclusions d'appel en page 2, l'article 26 du cahier des charges de la concession accordée à la SCI stipulait seulement que : "les conditions de ces amodiations seront déterminées par les modèles de contrats proposés par le préfet et soumis à l'agrément du ministre de l'Equipement", de sorte que c'est au prix d'une dénaturation de ces termes clairs et précis qui ne visent aucune autorisation préfectorale, en violation des dispositions de l'article
1134 du Code civil, que la cour d'appel a considéré que cet article énonçait que "les conditions générales de ces amodiations doivent être conformes aux clauses des contrats types d'amodiation. Les contrats d'amodiation sont approuvés par le préfet", alors, d'autre part, que, subsidiairement, même si l'on admet que les conventions passées entre la SCI et les consorts X... le 17 décembre 1975 et le 1er janvier 1977 auraient dû faire l'objet d'une autorisation préfectorale alors qu'aucune demande à cet effet n'avait formulée, ces conventions emportaient de toute façon en l'état accord définitif entre les parties, de sorte que viole les dispositions des articles
1101 et suivants du Code civil l'arrêt attaqué qui déclare que faute d'autorisations préfectorale avant la déclaration de la SCI en réglement judiciaire le 25 février 1980, ces conventions n'auraient pas été valables entre les parties et ne seraient pas opposables à la masse des créanciers ; alors, en outre, que, subsidiarement encore, par jugements du 4 mai 1982 le tribunal de grande instance de Beziers a décidé que les créances des consorts X..., dérivant des concessions d'autorisation d'occupation de longue durée du 17 décembre 1975 devaient être admises à titre provisoire au passif de la SCI au motif que ces créances sont subordonnées à l'obtention ou au refus de l'autorisation préfectorale, de sorte qu'en déclarant, avant toute démarche auprès de l'autorité préfectorale, que lesdites créances ne seraient pas valables, l'arrêt attaqué a méconnu, en violation de l'article
1351 du Code civil, l'autorité de chose jugée attachée au jugement sus-mentionné du 4 mai 1982 du tribunal de grande instance de Beziers ; alors, au surplus, que
subsidiairement aussi, en l'état, faute de connaître la décision de l'autorité préfectorale si une demande d'autorisation litigieuses lui était soumise, manque de base légale au regard des dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 l'arrêt attaqué qui, sur le fondement de ce texte, déclare les conventions des 17 décembre 1975 et 1er janvier 1977 inopposables à la masse des créanciers de la SCI qui a été déclarée en réglement judiciaire le 25 février 1980 ; et alors, enfin, que, plus subsidiairement encore, le défaut de validité éventuel des conventions litigieuses faute d'autorisation préfectorale posant la question de la responsabilité de la SCI au cas où elle aurait été la seule à devoir opérer des démarches à l'effet d'obtenir cette autorisation préfectorale, manque de base légale au regard des dispositions des articles
1146 et suivants du Code civil, 15 et 29 et suivants de la loi du 13 juillet 1967, l'arrêt attaqué qui déclare qu'il n'était pas nécessaire de rechercher à laquelle des parties incombait cette formalité ;
Mais attendu
, en premier lieu, que, dans leurs conclusions d'appel, les consorts X... ont soutenu qu' "il apparait que seule la SCI
avait l'obligation de requérir les autorisations administratives prévues à l'article 26 du cahier des charges annexé à la concession faite à la SCI de l'établissement et de l'exploitation du port de plaisance du Port de l'Orb sans qu'il soit nécessaire de procéder à son interprétation" ; qu'ayant ainsi reconnu que cette clause du cahier des charges imposait l'obtention d'une autorisation administrative, les consorts X... ne sont pas recevables à faire grief à l'arrêt d'avoir retenu que les contrats litigieux étaient soumis à une telle autorisation, ce moyen étant incompatible avec la position qu'ils ont prise devant la cour d'appel ;
Attendu, en deuxième lieu, qu'il ne résulte ni des conclusions ni de l'arrêt que les consorts X... aient fait valoir devant les juges du second degré l'argumentation développée par les deuxième et troisième branches ; que celles-ci, nouvelles et mélangées de droit et de fait, sont irrecevables ;
Attendu, en troisième lieu, qu'ayant retenu que la formation des contrats était subordonnée à une approbation et constaté que cette approbation n'avait pas été demandée à la date d'ouverture de la procédure collective visant la SCI, la cour d'appel n'avait pas à faire la recherche préconisée par la quatrième branche ;
Attendu, enfin, que, n'étant pas saisie d'une action en responsabilité à l'encontre de la SCI, la cour d'appel n'avait pas davantage à rechercher si celle-ci avait commis une faute en s'abstenant de requérir l'autorisation de l'autorité concédante ;
D'où il suit que le moyen pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
! Condamne les demandeurs, envers la SCI Port de l'Orb et M. Z..., ès qualités, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt six novembre mil neuf cent quatre vingt dix.