SUR LA RECEVABILITE
de la requête No 11424/85
présentée par Patrick DEVINEAU
contre la France
__________
La Commission européenne des Droits de l'Homme, siégeant en
chambre du conseil le 13 mars 1989 en présence de
MM. C.A. NØRGAARD, Président
S. TRECHSEL
F. ERMACORA
G. SPERDUTI
E. BUSUTTIL
A.S. GÖZÜBÜYÜK
A. WEITZEL
J.C. SOYER
H.G. SCHERMERS
H. DANELIUS
G. BATLINER
J. CAMPINOS
H. VANDENBERGHE
Mme G.H. THUNE
Sir Basil HALL
MM. F. MARTINEZ
C.L. ROZAKIS
Mme J. LIDDY
M. L. LOUCAIDES
M. H.C. KRÜGER, Secrétaire de la Commission ;
Vu l'article 25 de la Convention de Sauvegarde des Droits de
l'Homme et des Libertés fondamentales ;
Vu la requête introduite le 15 février 1985 par Patrick
DEVINEAU contre la France et enregistrée le 20 février 1985 sous le No
de dossier 11424/85 ;
Vu les observations présentées par le Gouvernement défendeur
en date du 30 septembre 1986 et les observations produites en réponse
par le requérant le 20 novembre 1986 ;
Vu le rapport prévu à l'article 40 du Règlement intérieur de
la Commission ;
Après avoir délibéré,
Rend la décision suivante :
EN FAIT
Les faits de la cause tels qu'ils ont été exposés par les
parties peuvent se résumer comme suit :
Le requérant, de nationalité française, est né en 1959 à
Chateauroux et a son domicile à Nice.
Il est représenté dans la procédure devant la Commission par
Maîtres A. Lestourneaud et Ch. Dieterle, avocats au barreau de Nice.
1. A la suite d'un contrôle de police effectué à Nice le
22 novembre 1982, trois personnes furent arrêtées après la découverte,
dans le véhicule qu'ils utilisaient, d'armes, de munitions et d'une
somme d'argent de 10.310 FF. Parmi les personnes appréhendées par les
services de police, figurait le requérant.
Lors de l'enquête de police, l'une des personnes interpellées,
A. P., précisa qu'elle s'était évadée environ un mois et demi
auparavant d'un pénitencier suisse (Thorberg) en compagnie de deux
autres détenus, dont un certain "Paolo". Indépendamment de cette
première circonstance, fut interpellé dans le cadre de l'enquête un
certain A. M. qui confirma s'être évadé d'un pénitencier en compagnie
de Senis Pietro Paolo (1). Selon sa déclaration, les faits remontaient au
15 octobre 1982. Il insista également sur le fait qu'ils restèrent
quinze jours cachés dans la montagne avant de franchir la frontière
française.
Toujours dans le cadre de l'enquête, une perquisition fut
effectuée dans une villa de Saint-Laurent-du-Var le 22 novembre 1982.
Plusieurs armes, munitions, des affaires personnelles ainsi que des
sommes d'argent en devises furent saisies selon procès-verbal de
saisie et mises sous scellés en date du 23 novembre 1982.
2. Suivant ordonnance du juge d'instruction du 23 novembre 1982,
le requérant fut inculpé d'infractions à la législation sur les
armes : détention irrégulière et transport d'armes et munitions.
Le 1er février 1983, l'administration des douanes porta
plainte pour infractions à la législation et à la réglementation des
relations financières avec l'étranger.
_______________
(1) Auteur de la requête No 11423/85.
L'administration des douanes indiquait dans sa plainte qu'elle
agissait par application d'une présomption légale d'importation en
contrebande de marchandises circulant dans le rayon des douanes (armes
et munitions).
L'administration des douanes, dans ses conclusions de première
instance déposées à l'audience du 22 avril 1983, ajoutait que "Attendu
qu'aux termes de l'article
197 du Code des douanes et de l'arrêté du
17 novembre 1969, les marchandises circulant dans le rayon des douanes
doivent être munies d'un passavant ou de justifications prévues par
l'article
198 paragraphe 2 du Code des douanes. Attendu qu'à défaut
de cette justification, les marchandises sont réputées avoir été
introduites en contrebande (article 418 paragraphe 1 du Code des
douanes). Attendu que cette présomption est irréfragable et qu'en
l'absence d'un cas de force majeure les prévenus ne sauraient
bénéficier d'aucune excuse".
3. Parallèlement aux poursuites concernant les armes et sur la
base d'un réquisitoire supplétif du 24 janvier 1983, le 4 mars 1983 de
nouvelles inculpations furent notifiées au requérant et de nouvelles
mesures d'instruction furent ordonnées pour recels de vols, recels de
malfaiteurs et infractions à la législation et à la réglementation
des relations financières avec l'étranger, sur la base de l'article 5
du décret No 68-1021 du 24 novembre 1968.
Sur le terrain des infractions douanières, l'administration
des douanes reprochait au prévenu, sous la sanction de l'article 459
du Code des douanes et par application d'une circulaire du 9 août
1973, de ne pas avoir cédé contre des francs et auprès d'un
intermédiaire agréé les devises importées et cela, au plus tard dans
le délai d'un mois suivant l'importation.
L'affaire fut évoquée dans son ensemble à l'audience du
tribunal de grande instance de Nice le 4 mai 1983.
Par jugement du 11 mai 1983, le tribunal prononça la nullité
de la procédure relative à la réglementation des changes en
application de l'article
458 du Code des douanes, relaxa le prévenu du
chef de recel de vols (concernant les numéraires saisis en sa
possession ou les objets acquis à l'aide de ces espèces), déclara le
requérant coupable de recel de malfaiteurs, de port et détention
d'armes et le condamna à 6 mois de prison et 5.000 francs d'amende.
4. Le jour du jugement, soit le 11 mai 1983, l'administration des
douanes, dont la première poursuite venait d'être annulée, déposa une
nouvelle plainte en visant à nouveau l'importation des devises en
France.
L'instruction de cette nouvelle plainte fut confiée au même
magistrat ayant connu de la précédente plainte, dont la procédure
avait été sanctionnée de nullité par jugement précité du 11 mai 1983.
Le juge d'instruction renvoya à nouveau le dossier devant la
chambre correctionnelle près le tribunal de grande instance de Nice
par ordonnance en date du 8 juin 1983. L'affaire fut évoquée devant
ce tribunal le 6 juillet 1983.
L'administration des douanes déposa des conclusions aux fins
que soient condamnés :
- Senis Pietro Paolo comme auteur d'une infraction à la
législation des changes : importation sans déclaration de moyens de
paiement,
- Devineau Patrick en tant qu'intéressé à la fraude par
application de l'article 399 par. 2 b) du Code des douanes.
Au cours des débats les prévenus ont contesté la matérialité
des faits reprochés et fait valoir "des présomptions irréfragables de
culpabilité" non compatibles avec les notions de "procès équitable" et
de "présomption d'innocence" retenues par l'article 6 de la
Convention.
5. Le tribunal de grande instance de Nice, dans son jugement du
16 septembre 1983, déclara les prévenus coupables en application des
articles 5 du décret No 68-1021 du 24 novembre 1968 et 459 du Code des
douanes ainsi que de diverses dispositions du Code pénal et du Code de
procédure
pénale.
Senis fut condamné à un mois d'emprisonnement. Le requérant
Devineau fut dispensé de peine. Tous deux furent conjointement et
solidairement condamnés au paiement de la somme de 148 006 F (valeur
des devises non saisies) et de la somme de 292 756 F à titre d'amende.
Le tribunal prononça en outre la confiscation des devises et objets
saisis.
Ils relevèrent appel de ce jugement les 20 et 22 septembre
1983. La cour d'appel d'Aix-en-Provence confirma, par arrêt du 14
décembre 1983, la décision attaquée en retenant, en outre, les
articles
399 et
435 du Code des douanes.
La Cour de cassation, par un arrêt en date du 19 novembre
1984, rejeta le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour d'appel.
La plus haute instance judiciaire considéra quant au point soulevé par
le requérant au regard de la Convention que "la preuve de
l'introduction clandestine des devises trouvées dans la villa où
résidaient les prévenus résultant de leurs propres déclarations et
non d'une quelconque présomption de culpabilité, il n'y a pas lieu à
l'annulation des poursuites pour une prétendue violation de la
Convention de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés
fondamentales ; ... qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance
et de contradictions, la cour d'appel loin d'encourir les griefs
allégués aux moyens, a donné une base légale à sa décision ... ".
GRIEFS
Le requérant allègue la violation de l'article 6 par. 1 et 2
de la Convention dans la mesure où il considère que les articles 418
par. 1, 392 par. 1, 373 et 399 par. 2 b) du Code des douanes (1), tels
qu'ils ont été appliqués en l'espèce, ne répondent pas aux exigences
de l'article 6 de la Convention.
Les dispositions, sur la base desquelles le requérant a été
condamné, institueraient de véritables présomptions légales de
culpabilité en matière pénale et inversent la charge de la preuve, ce
qui, pour le requérant, porterait atteinte à l'article 6 de la
Convention à un double titre :
- d'une part, ces présomptions constituent des violations du
principe de la présomption d'innocence visée au paragraphe 2 de
l'article 6 de la Convention.
- d'autre part, elles constituent, dans les rapports du
requérant avec l'administration des douanes, une rupture de "l'égalité
des armes", principe énoncé au paragraphe 1 de l'article 6.
PROCEDURE
Le requête a été introduite le 15 février 1985 et enregistrée
le 20 février 1985.
Le 12 décembre 1985, la Commission a décidé de donner
connaissance de la requête au Gouvernement français, en application de
l'article 42 par. 2 b) de son Règlement intérieur, et d'inviter
celui-ci à présenter par écrit ses observations sur la recevabilité et
le bien-fondé des griefs formulés au titre de l'article 6 de la
Convention.
A l'issue de deux prolongations du délai, imparti pour la
présentation de ses observations sur la recevabilité et le bien-fondé
de la requête, le Gouvernement français a présenté celles-ci en date
du 30 septembre 1986.
____________________
(1)Article
373 du Code des douanes : Dans toute action sur une
saisie, les preuves de non-contravention sont à la charge du saisi.
Article 392 par. 1 du même Code : Le détenteur de marchandises
de fraude est réputé responsable de la fraude.
Article 399 par. 2 b du même Code : sont réputés intéressés :
ceux qui ont coopéré d'une manière quelconque à un ensemble d'actes
accomplis par un certain nombre d'individus agissant de concert,
d'après un plan de fraude arrêté pour assurer le résultat poursuivi
en commun.
par. 3 : L'intérêt de la fraude ne peut être imputé à celui qui a
agi en état de nécessité ou par suite d'erreur invincible.
Le requérant a fait parvenir à la Commission ses observations
en réponse en date du 20 novembre 1986.
Le 7 octobre 1987, la Commission a décidé d'ajourner l'examen
de la requête jusqu'à l'issue de la procédure dans l'affaire SALABIAKU
alors pendante devant la Cour européenne des Droits de l'Homme.
EN DROIT
Le requérant allègue la violation des paragraphes 1 et 2 de
l'article 6 (art. 6-1-2) de la Convention dans la mesure où il
considère que les dispositions du Code des douanes, telles qu'elles
ont été appliquées en l'espèce, ne répondent pas à certaines exigences
de l'article 6 (art. 6) de la Convention. Cette disposition stipule :
"1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue
équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par
un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui
décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations
de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en
matière pénale dirigée contre elle. ...
2. Toute personne accusée d'une infraction est présumée
innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement
établie.
....."
Le requérant estime qu'il ne peut être soutenu en l'espèce
que le principe de l'égalité des armes découlant de la notion de
procès équitable, posé au paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1) de la
Convention, a été respecté lorsqu'est mise à la charge du prévenu une
présomption de culpabilité quasiment irréfragable profitant à
l'administration des douanes, sur la base de la simple détention d'un
objet.
Le requérant estime en outre que l'on ne saurait non plus
soutenir que le principe de la présomption d'innocence, énoncé au
paragraphe 2 de l'article 6 (art. 6-2) de la Convention, a été
respecté dans la mesure où le renversement du fardeau de la preuve
aboutit à ce que, tout en étant accusé, le prévenu doit apporter la
preuve de sa non culpabilité.
Le Gouvernement conteste cette approche. Il a fait valoir que
les dispositions précitées du Code des douanes, telles qu'elles ont
été appliquées, ne contreviennent à aucun des principes énoncés à
l'article 6 (art. 6) de la Convention.
Pour le Gouvernement ces dispositions n'édictent pas une
présomption de culpabilité mais une présomption de responsabilité qui
n'implique que la recherche de l'imputabilité matérielle de
l'infraction. Il s'agit donc d'un aménagement de la preuve spécifique
au droit douanier. D'autre part, l'allègement de la charge de la
preuve incombant à la partie poursuivante peut s'inscrire dans le
cadre d'un procès équitable, en conformité avec l'article 6 par. 1
(art. 6-1). Au demeurant, la Convention n'exige pas que toute la
preuve soit à la charge de la partie poursuivante.
En l'espèce, la responsabilité du requérant n'avait pas à être
démontrée dès lors qu'il était établi que le prévenu avait été
intéressé à l'introduction irrégulière en France de devises
étrangères, encore fallait-il apporter la preuve de la détention
frauduleuse de ces devises et de cet intéressement. Il appartenait à
la partie poursuivante (l'administration des douanes et le ministère
public) d'y pourvoir.
Enfin, pour le Gouvernement, les présomptions des articles
précités du Code des douanes ne sont pas contraires à la présomption
d'innocence posée à l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention et en
aucun cas ne s'y substituent.
A la lumière de la jurisprudence des organes de la Convention,
l'article 6 par. 2 (art. 6-2) de la Convention ne vise que les accusations
portées contre un individu et non les moyens de preuve utilisés devant
un tribunal.
Présumé innocent, le requérant a conservé ses droits jusqu'à
ce que les juges du tribunal correctionnel de Nice, puis ceux de la
cour d'appel d'Aix-en-Provence l'aient déclaré coupable de détention
de devises étrangères après avoir constaté l'existence des éléments
constitutifs de l'infraction au vu des preuves mises à leur
disposition dans le dossier et à l'audience.
Quant aux constatations matérielles relatées dans le
procès-verbal de douane, l'exactitude et la sincérité des aveux et
déclarations que ce procès-verbal mentionne, le requérant pouvait en
rapporter la preuve contraire conformément aux dispositions de
l'article
373 du Code des douanes.
Le Gouvernement ajoute que le prévenu pouvait s'exonérer de sa
responsabilité en établissant la preuve "d'un cas de force majeure ne
pouvant résulter que d'un événement non imputable à l'auteur de
l'infraction que celui-ci était dans l'impossibilité absolue d'éviter"
ou d'une "erreur invincible", conformément à la jurisprudence de la
Cour de cassation applicable aux articles 418, 392 et
399 du Code des
douanes.
A la lumière de ces considérations, le Gouvernement conclut au
rejet de la requête pour défaut manifeste de fondement.
La Commission relève tout d'abord que l'applicabilité de
l'article 6 de la Convention ne prête pas à controverse en l'espèce.
De toute manière les dispositions répressives du droit douanier
français relèvent de la "matière pénale" tel que l'entend l'article 6
(art. 6) (voir Cour Eur. D.H., arrêt Salabiaku du 7 octobre 1988,
série A n° 141-A, par. 24).
En l'espèce, la question qui se pose est de savoir si, ainsi
que le prétend le requérant, l'application faite en l'occurrence des
dispositions précitées du Code des douanes, a engendré une inégalité
des armes entre les parties au procès et porté atteinte au principe de
la présomption d'innocence, en violation de l'article 6 par. 1 et 2
(art. 6-1-2) de la Convention.
Ainsi que la Cour l'a relevé dans l'arrêt précité (par. 28) :
"Tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de
droit ; la Convention n'y met évidemment pas obstacle en
principe, mais en matière pénale elle oblige les Etats
contractants à ne pas dépasser à cet égard un certain seuil
......
L'article 6 paragraphe 2 (art. 6-2) ne se désintéresse donc pas des
présomptions de fait ou de droit qui se rencontrent dans les
lois répressives. Il commande aux Etats de les enserrer dans
des limites raisonnables prenant en compte la gravité de
l'enjeu et préservant les droits de la défense."
La Commission recherchera ici si ces limites ont été franchies
au détriment du requérant.
Celui-ci a été poursuivi pour détention de devises étrangères
importées illégalement sur le fondement des articles 5 du décret No
68-1021 du 24 novembre 1968 et
459 du Code des douanes relatifs à la
responsabilité pénale.
Il était présumé innocent jusqu'à ce que les juges du tribunal
de grande instance de Nice, puis ceux de la cour d'appel
d'Aix-en-Provence l'aient déclaré coupable de détention de devises
étrangères importées illégalement et après avoir constaté l'existence
des éléments constitutifs de l'infraction au vu des preuves mises à
leur disposition dans le dossier et à l'audience.
Le tribunal de grande instance de Nice a noté que le
requérant avait accueilli au domicile de sa compagne ses co-prévenus,
qui s'étaient évadés d'un pénitencier suisse et avaient franchi
clandestinement la frontière franco-suisse. Dans cette villa, les
enquêteurs avaient trouvé des devises étrangères. Le tribunal en a
conclu que la preuve de l'introduction clandestine des devises
trouvées en possession des prévenus, dont le requérant, résultait des
déclarations faites par "ses amis" et non d'une quelconque présomption
de culpabilité.
Le tribunal n'a pas manqué de relever en particulier que le
requérant avait admis s'être chargé de convertir en francs français
les devises étrangères que "ses amis" lui avaient confié à cet effet,
mais il avait contesté avoir eu connaissance tant de leur évasion que
de la façon dont cet argent avait été introduit en France. Il
entendait toutefois se voir exonérer de toute responsabilité aux
motifs qu'il aurait ignoré l'évasion de "ses amis" du pénitencier
helvétique et l'introduction illégale des capitaux. Compte tenu de ce
que le requérant avait été détenu, par le passé, en leur compagnie, la
possession de sommes d'argent aussi importantes devait inciter le
requérant à suspecter, sinon l'origine frauduleuse de ces fonds, tout
au moins les conditions d'introduction sur le territoire national. En
se chargeant de convertir ces devises en monnaie française et en
profitant largement de ces sommes, le requérant a bien commis le délit
pour lequel il a été poursuivi.
Ce point a été confirmé par la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Dans son arrêt du 19 novembre 1984, la Cour de cassation a
relevé que les juges du fond ont exercé leur pouvoir d'appréciation au
vu des éléments de preuve mis à leur disposition dans le dossier et
contradictoirement débattus devant eux, et qu'en tout état de cause la
preuve de l'introduction clandestine des devises résultait des
déclarations des co-inculpés, et non d'une quelconque présomption de
culpabilité, et qu'il n'y avait pas lieu dès lors à annulation des
poursuites pour une prétendue violation de la Convention de Sauvegarde
des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales.
Par conséquent, les juridictions françaises n'ont pas, en
l'espèce, appliqué les dispositions invoquées du Code des douanes,
d'une manière portant atteinte à la présomption d'innocence visée au
paragraphe 2 de l'article 6 (art. 6-2) de la Convention.
Au titre du paragraphe 1 de l'article 6 (art. 6-1) de la
Convention, le requérant formule des griefs qui recoupent dans une
large mesure ceux qu'ils présente sur la base du paragraphe 2 (art.
6-2) ; ils consistent pour l'essentiel, à dénoncer la présomption que
les dispositions précitées du Code des douanes instituaient "au
profit" de la partie poursuivante. La Commission n'aperçoit donc, en
l'espèce, aucun motif de s'écarter, au nom du principe général du
procès équitable, de la conclusion à laquelle elle arrive en se
plaçant sur le terrain spécifique de la présomption d'innocence.
Quant au surplus, l'examen du dossier ne révèle, aux yeux de
la Commission, nul manquement aux diverses exigences de l'article 6
par. 1 (art. 6-1). En particulier, la procédure a revêtu en première
instance, en appel et en cassation, un caractère pleinement
contradictoire et judiciaire qui n'est pas contesté par le requérant.
Il suit de ce qui précède que la requête est quant à
l'ensemble des griefs soulevés par le requérant manifestement mal
fondée et doit être rejetée en application de l'article 27 par. 2
(art. 27-2) de la Convention.
Par ces motifs
, la Commission
DECLARE LA RREQUETE IRRECEVABLE.
Le Secrétaire Le Président
de la Commission de la Commission
(H.C. KRÜGER) (C.A. NØRGAARD)