Chronologie de l'affaire
Conseil de Prud'hommes de Strasbourg 10 mars 2022
Cour d'appel de Colmar 06 décembre 2022

Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 A, 6 décembre 2022, 22/01347

Mots clés Demande de requalification du contrat de travail · procédure civile · statuer · société · caducité · compétence · délai · prud'hommes · recours · cas · contrat · requête · court · pouvoir · représentation · saisine

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Colmar
Numéro affaire : 22/01347
Dispositif : Irrecevabilité
Décision précédente : Conseil de Prud'hommes de Strasbourg, 10 mars 2022
Président : Mme la première

Chronologie de l'affaire

Conseil de Prud'hommes de Strasbourg 10 mars 2022
Cour d'appel de Colmar 06 décembre 2022

Texte

EP/KG

MINUTE N° 22/924

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 06 Décembre 2022

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/01347

N° Portalis DBVW-V-B7G-HZ2F

Décision déférée à la Cour : 10 Mars 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE STRASBOURG

APPELANT :

DEMANDEUR AU DEFERE :

Monsieur [I] [Y]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Abba Ascher PEREZ, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIMEE :

DEFENDERESSE AU DEFERE :

Société COURT SIDE EUROPE B.V.

Prise en la personne de son représentant légal

N° SIRET : 816 953 387

[Adresse 4]

[Localité 3] (PAYS BAS)

Représentée par Me Claire DERRENDINGER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. PALLIERES, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre

M. LE QUINQUIS, Conseiller

Mme GREWEY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par M. PALLIERES, Conseiller, faisant fonction de Président

- signé par M. PALLIERES, Conseiller faisant fonction de président et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [I] [Y] exerce les fonctions d'agent dans le milieu sportif, selon le statut d'entrepreneur individuel, immatriculé au registre du commerce et des sociétés, licencié à la fédération française de basket-ball et à la fédération internationale de basket-ball.

Par requête du 25 octobre 2018, Monsieur [I] [Y] a saisi le Conseil de prud'hommes de Strasbourg d'une demande requalification de ses relations contractuelles avec la société de droit néerlandais Court Side Europe B.V., en un contrat de travail, et aux fins de requalification d'une rupture du contrat, intervenue en janvier 2018, en licenciement sans cause réelle sérieuse, avec les indemnités conséquentes, ainsi qu'aux fins de remboursement de frais professionnels et de cotisations sociales.

La société Court Side Europe B.V. a soulevé l'incompétence de la juridiction prud'homale.

Par jugement du 10 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Strasbourg, en formation de départage, :

- s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande, a renvoyé Monsieur [I] [Y] à mieux se pourvoir devant les juridictions néerlandaises,

- a dit n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile,

- et condamné Monsieur [Y] aux dépens de l'instance.

Cette décision a été notifiée, à M. [Y], le 22 mars 2022.

Par déclaration du 1er avril 2022, Monsieur [Y] a interjeté appel de cette décision.

L'instance a été enregistrée sous le numéro RG 22/1347.

Par avis du 8 avril 2022, l'appelant a été invité à s'expliquer sur la caducité de la déclaration d'appel au regard de l'article 84 du code de procédure civile, et de son irrecevabilité au regard de l'article 85 du même code.

Par déclaration de saisine du 22 avril 2022, Monsieur [Y] a formé une requête à fin d'appel à jour fixe adressée à Mme la première présidente de la Cour avec un projet d'assignation à jour fixe.

Cette instance a été enregistrée sous le numéro RG 22/1663.

Par déclaration du 28 avril 2022, Monsieur [Y] a interjeté appel, une seconde fois, dudit jugement avec des écritures justificatives d'appel.

L'instance a été enregistrée sous le numéro RG 22/1711.

Par ordonnance du 20 mai 2022, la présidente de la chambre sociale a :

- prononcé la jonction des instances n°RG 22/1663 et n°RG 22/1711 avec l'instance n°RG 22/1347,

- dit et jugé caduque la déclaration d'appel du 1er avril 2022,

- dit et jugé irrecevable la déclaration d'appel du 1er avril 2022,

- dit et jugé irrecevable la déclaration d'appel du 28 avril 2022,

et condamné M. [I] [Y] aux dépens d'appel.

Par requête, transmise par voie électronique du 1er juin 2022, Monsieur [Y] a déféré à la Cour cette décision et sollicite :

- l'infirmation de l'ordonnance déférée,

- qu'il soit dit et jugé que Mme la présidente chargée de la mise en état était incompétente pour statuer,

- que sa déclaration d'appel du 1er avril 2022 soit jugée recevable,

subsidiairement,

- que sa déclaration d'appel du 28 avril 2022 soit déclarée recevable.

Par écritures, transmises par voie électronique le 25 juillet 2022, la société Court Side Europe B.V. sollicite la confirmation de l'ordonnance du 20 mai 2022, et la condamnation de Monsieur [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.


MOTIFS

Liminaire

La Cour relève que l'ordonnance du 20 mai 2022 est affectée d'une erreur matérielle.

En effet, le rubrum de l'ordonnance précise que le magistrat a statué es qualité de "Président de la chambre sociale de la Cour d'appel de Colmar, chargée de la mise en état ", alors qu'il résulte clairement des mentions au dispositif de la décision que le magistrat a statué es qualité de " président de la chambre sociale " et non es qualité de magistrat " chargé de la mise en état ".

Sur la compétence du Président de la chambre

Selon l'article 83 du code de procédure civile, lorsque le juge s'est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l'objet d'un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.

La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d'appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d'instruction ou une mesure provisoire.

Selon l'article 84 du même code, le délai d'appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d'une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d'appel, l'appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d'appel, saisir, dans le délai d'appel, le premier président en vue, selon le cas, d'être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d'une fixation prioritaire de l'affaire.

Selon l'article 85 du même code, outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d'appel précise qu'elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d'irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

Nonobstant toute disposition contraire, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l'article 948.

Selon l'article 925 du code de procédure civile, en cas de nécessité, le président de la chambre peut renvoyer l'affaire devant le conseiller de la mise en état.

Monsieur [Y] fait valoir que le magistrat chargé de la mise en état n'a pas le pouvoir de relever d'office la caducité et l'irrecevabilité d'une déclaration d'appel d'un jugement statuant exclusivement sur la compétence, et, que le président de chambre ou le magistrat désigné par le premier président ne peut statuer que sur les cas de caducité et d'irrecevabilité prévus par les articles 905-2 et 930-1 du code de procédure civile.

La société Court Side Europe B.V. fait valoir qu'en application de l'article 84 du code de procédure civile, l'appel d'un jugement statuant sur la compétence est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe, qu'en application de l'article 85 du même code, la déclaration d'appel doit, à peine d'irrecevabilité, être motivé, soit dans la déclaration d'appel, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration que l'appelant n'a pas respecté la procédure, et que l'appelant n'a pas respecté la procédure.

Elle réplique, par ailleurs, que le juge de la mise en état a pouvoir pour statuer sur les exceptions procédure, les incidents mettant fin instance ainsi que les fins de non-recevoir, et qu'en application de l'article 125 du code de procédure civile, les fans recevoir doivent être levé d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment s'agissant des délais de voie de recours.

Il résulte de l'article 85 du code de procédure civile, qu'en cas d'appel d'une décision statuant uniquement sur la compétence, l'appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l'appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d'appel imposent la constitution d'avocat.

Il appartient, dans ce cadre, à la Cour d'appel, de vérifier la régularité de sa saisine (notamment, Cass. Civ. 2ème 11 juillet 2019 n°18-23.617).

Les dispositions des articles 917 et suivants du code de procédure civile ne donne pas compétence au président de chambre pour statuer sur la caducité de l'article 84 du code de procédure civile, ou les cas d'irrecevabilité de l'article 85 du même code, de telle sorte qu'à défaut de renvoi par le président de la chambre au conseiller de la mise en état, seule la Cour d'appel est compétente pour statuer sur une irrégularité de la procédure.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance du 20 mai 2022.

Toutefois, la société Court Side Europe B.V. reprend à hauteur de Cour les arguments du président de chambre en soulevant la caducité de la déclaration d'appel du 1er avril 2022, et l'irrecevabilité des déclarations d'appel du 1er avril 2022 et du 28 avril 2022, de telle sorte que ces moyens sont dans les débats et que Monsieur [Y] a été en mesure de répondre à ces arguments.

Sur la jonction d'instances

En application de l'article 367 du code de procédure civile, il apparaît dans l'intérêt de l'administration d'une bonne justice de juger les 3 instances relatives à la même décision en prononçant la jonction des ces dernières sous le numéro RG le plus ancien.

Sur la régularité de la notification du 22 mars 2022

En application de l'article 680 du code de procédure civile, l'acte de notification d'un jugement à une partie doit indiquer de manière très apparente le délai d'opposition, d'appel ou de pourvoi en cassation dans le cas où l'une de ces voies de recours est ouverte, ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé.

Monsieur [Y] invoque que la notification, par le greffe du conseil de prud'hommes, du jugement d'incompétence, ne précise pas clairement les modalités de l'appel, ni les conditions de représentation, de telle sorte que le délai d'appel n'aurait pas couru.

En l'espèce, la notification du 22 mars 2022 comporte :

- l'indication du délai d'appel : 15 jours,

- la reproduction des articles 528, 668, 643, 644 du code de procédure civile relatifs, notamment, à la computation du délai de recours et son point de départ,

- le lieu de l'exercice du recours : devant la Cour d'appel de Colmar,

- l'indication que l'appel est sur la compétence,

- la reproduction intégrale des textes applicables, soit la mention " l'appel sur la compétence ", à savoir les articles 83, 84, 85 et 91 du code de procédure civile,

- la reproduction de l'article R 1461-1 du code du travail édictant la constitution obligatoire par avocat (hors défenseur syndical).

Il en ressort que la notification en cause est conforme aux dispositions de l'article 680 du code de procédure civile, de telle sorte que le délai d'appel précité a valablement couru à compter du 22 mars 2022 pour Monsieur [Y].

Sur la déclaration d'appel du 1er avril 2022

Monsieur [Y] soutient que le jugement entrepris est un jugement mixte et que la procédure d'appel est la procédure classique.

En tranchant la question de fond, à savoir l'existence ou non d'un contrat de travail, le Conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé sur le fond du litige, mais devait statuer sur cette question de fond pour trancher la question de la compétence, de telle sorte que le jugement rendu ne peut être considéré comme un jugement mixte.

Il en résulte que les dispositions des articles 83 et suivants du code de procédure civile étaient applicables.

Or, si Monsieur [Y] a bien interjeté appel dans le délai de 15 jours prévu par l'article 84 précité, il a saisi, la première présidente de la Cour d'appel, le 22 avril 2022, soit postérieurement à l'expiration du délai de 15 jours, de telle sorte que la déclaration d'appel du 1er avril 2022 est caduque, alors qu'au surplus, cette déclaration d'appel apparaît également irrecevable, en application de l'article 85 du code de procédure civile, pour absence de motivation dans la déclaration ou par conclusions jointes.

Sur l'irrecevabilité de la déclaration d'appel du 28 avril 2022

Monsieur [Y] fait valoir qu'un second appel peut régulariser un premier appel irrégulier sous réserve de l'absence d'expiration du délai d'appel tant que le premier appel n'a pas été déclaré irrecevable, et que son second appel, daté du 28 avril 2002 est intervenu avant l'ordonnance du 20 mai 2022.

La seconde déclaration d'appel apparaît irrecevable, en application de l'article 84 précité, dès lors qu'elle a été formée après l'expiration du délai de 15 jours suivant la notification du jugement.

Elle n'a pas pu régulariser l'irrégularité de la première déclaration d'appel, dès lors que la première présidente de la Cour d'appel n'a pas été saisie dans le délai de 15 jours de la notification du jugement.

Sur les demandes annexes

En application de l'article 696 du code de procédure civile, Monsieur [Y] sera condamné aux dépens d'appel.

En application de l'article 700 du même code, il sera condamné à payer à la société Court Side Europe B.V. la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros).

PAR CES MOTIFS



La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

INFIRME l'ordonnance du 20 mai 2022 de la présidente de la chambre sociale de la Cour d'appel de Colmar ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

SE DECLARE compétente ratione materiae ;

PRONONCE la jonction des instances n°RG 22/1347, RG 22/1663 et RG 22/1711, et ce sous le numéro de l'instance RG n°22/1347 ;

DECLARE caduque la déclaration d'appel du 1er avril 2022 ;

DECLARE irrecevable la déclaration d'appel du 1er avril 2022 ;

DECLARE irrecevable la déclaration d'appel du 28 avril 2022 ;

CONDAMNE Monsieur [I] [Y] à payer à la société Court Side Europe B.V. la somme de 1 500 euros ( mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [I] [Y] aux dépens des procédures d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 06 décembre 2022, signé par M. PALLIERES, Conseiller faisant fonction de Président de Chambre et Madame Martine Thomas, -Greffier.

Le Greffier, Le Président,