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Tribunal administratif de Pau, 3ème Chambre, 29 décembre 2022, 1902547

Mots clés
service • rapport • révision • requête • rejet • étranger • filiation • principal • requérant • requis • subsidiaire

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Pau
  • Numéro d'affaire :
    1902547
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Rapporteur : Mme Michaud
  • Nature : Décision
  • Décision précédente :Tribunal administratif de Pau, 16 février 2022
  • Avocat(s) : TANDONNET - LIPSOS LAFAURIE
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Résumé

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Partie demanderesse
Personne physique anonymisée
Partie défenderesse
Ministre des armées

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2019 au greffe du tribunal des pensions militaires d'invalidité et transférée au greffe du tribunal administratif de Pau, et des mémoires enregistrés le 19 avril 2021 et le 22 novembre 2021, M. B F, représenté par Me Tandonnet, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler la décision du 20 mars 2019 par laquelle la ministre des armées a rejeté sa demande d'aggravation de sa pension militaire d'invalidité ; 2°) d'ordonner, avant dire droit, une expertise médicale aux fins de se prononcer sur l'aggravation des infirmités " hypoacousie bilatérale de perception " et " acouphènes bilatéraux permanents " et d'en fixer le taux d'invalidité et de déterminer si l'infirmité nouvelle " baisse auditive bilatérale " est en lien directe, certaine et déterminante avec l'accident de service et d'en fixer le taux ; 3°) à ce qu'il soit statué sur les dépens comme de droit. Il soutient que : - les infirmités dont il souffre ont fait l'objet d'une aggravation médicalement constatée en lien avec son service ; - l'expert désigné n'a pas pris en compte des barotraumatismes survenus pendant son service, le tribunal devra ordonner une expertise médicale ; - la circonstance sur laquelle s'est fondée l'expert désigné selon laquelle les hypoacousies d'origine traumatique ne peuvent plus s'aggraver dans le temps dès lors que le sujet qui en est atteint n'est plus soumis à des traumatismes sonores est médicalement contestée. Par deux mémoires en défense, enregistrés les 2 avril 2020 et 20 mai 2021, la ministre des armées conclut, à titre principal, au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale. Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé. Par un jugement du 16 février 2022 le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 mars 2019 en tant qu'elle rejette la demande d'aggravation de l'infirmité " acouphènes " et ordonné et avant dire droit une expertise médicale portant sur l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception ". L'expert a déposé son rapport le 4 juillet 2022. Par un mémoire, enregistré le 29 septembre 2022, M. F demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 20 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception ; 2°) d'homologuer le rapport d'expertise ; 3°) de juger qu'il a droit à une pension au taux de 100% pour cette infirmité à compter du 29 septembre 2017. Par un mémoire, enregistré le 9 décembre 2022 le ministre des armées conclut au rejet de la requête. M. F a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 mai 2021. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Quéméner, présidente-rapporteure, - et les conclusions de Mme Michaud, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit

: 1. M. F, militaire à la retraite depuis le 1er juillet 1999, s'est vu concéder, par un arrêté ministériel du 2 juin 1995, une pension militaire d'invalidité au titre de trois infirmités " cervico-dorso-lombalgies ", " hypoacousie bilatérale de perception " et " acouphènes bilatéraux permanents " au taux global de 60%, après une régularisation de l'indice au taux de grade équivalent de la marine nationale par une décision du 25 septembre 2017. Il en a demandé, le 29 septembre 2017, la révision pour aggravation de ses infirmités auditives. Par une décision du 20 mars 2019, la ministre des armées a rejeté sa demande. Par un jugement du 16 février 2022 le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 mars 2019 en tant qu'elle rejette la demande d'aggravation de l'infirmité " acouphènes " et ordonné et avant dire droit une expertise médicale portant sur l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception ". L'expert a déposé son rapport le 4 juillet 2022. Dans le dernier état de ses écritures M. F demande au tribunal d'homologuer le rapport d'expertise et de juger qu'il a droit à une pension au taux de 100% + 3 degrés au titre de l'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception " à compter du 29 septembre 2017 Sur les droits à pension au titre de l'aggravation de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale de perception " : 2. Aux termes de l'article L. 121-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre : " Ouvrent droit à pension : /1° Les infirmités résultant de blessures reçues par suite d'événements de guerre ou d'accidents éprouvés par le fait ou à l'occasion du service ; () / 3° L'aggravation par le fait ou à l'occasion du service d'infirmités étrangères au service ; (). " Aux termes de l'article L. 121-2 du même code : " Est présumée imputable au service : / 1° Toute blessure constatée par suite d'un accident, quelle qu'en soit la cause, dans le temps et le lieu du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident du service ; () / 3° Toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1, L. 461-2 et L. 461-3 du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le militaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ces tableaux ; (). " L'article L. 121-2-3 dudit code précise que " La recherche d'imputabilité est effectuée au vu du dossier médical constitué pour chaque militaire lors de son examen de sélection et d'incorporation. Dans tous les cas, la filiation médicale doit être établie entre la blessure ou la maladie ayant fait l'objet de la constatation et l'infirmité invoquée ". 3. En vertu de l'article L. 154-1 du même code : " Le titulaire d'une pension d'invalidité concédée à titre définitif peut en demander la révision en invoquant l'aggravation d'une ou plusieurs des infirmités en raison desquelles cette pension a été accordée. / Cette demande est recevable sans condition de délai. / La pension ayant fait l'objet de la demande est révisée lorsque le pourcentage d'invalidité résultant de l'infirmité ou de l'ensemble des infirmités est reconnu supérieur de 10 points par rapport au pourcentage antérieur. / Toutefois, l'aggravation ne peut être prise en considération que si le supplément d'invalidité est exclusivement imputable aux blessures et aux maladies constitutives des infirmités pour lesquelles la pension a été accordée. / La pension définitive révisée est concédée à titre définitif ". 4. Il résulte de ces dispositions que lorsque le titulaire d'une pension militaire d'invalidité pour infirmité sollicite sa révision du fait de l'aggravation de ses infirmités, l'évolution du degré d'invalidité s'apprécie à la date du dépôt de la demande de révision de la pension, comparativement à l'état de cette invalidité à la date de la dernière décision de concession en fixant le taux. Le droit à pension est destiné à réparer toutes les conséquences des faits de service dommageables telles qu'elles se révèlent par suite de l'évolution physiologique, pour autant qu'aucune cause étrangère, telle qu'une affection distincte de l'affection pensionnée, ne vienne, pour sa part, aggraver l'état de l'intéressé. Au cas où une première infirmité reconnue imputable au service a concouru, avec une affection ou un fait étranger au service, à provoquer, après le service, une infirmité nouvelle, celle-ci n'ouvre droit à pension que s'il est établi que l'infirmité antécédente a été la cause directe et déterminante de l'infirmité nouvelle. Ainsi, l'aggravation de l'infirmité initiale, si elle est seulement due au vieillissement, peut justifier une révision du taux de la pension. En revanche, si le vieillissement cause une nouvelle infirmité, distincte de l'infirmité pensionnée, qui contribue à l'aggravation de celle-ci, les dispositions précitées de l'article L. 154-1 du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre font obstacle à cette révision, dès lors que l'aggravation est due à une cause étrangère à l'infirmité pensionnée. 5. Il est constant que M. F a été victime en 1991 et 1992 de deux traumatismes sonores. Il résulte du rapport du Dr. Jean-Pierre Auria, expert judiciaire désigné par le tribunal que le requérant souffrait d'une perte auditive moyenne de 86 dB pour l'oreille droite et de 92 dB pour l'oreille gauche, correspondant à un taux d'invalidité de 100% sur le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive figurant à la page 162 du guide-barème. Par ailleurs, selon ce rapport, l'aggravation de cette infirmité, entre 1995 et 2017 résulte du traumatisme sonore subi en 1992, sans que la perte auditive physiologique qu'il est possible d'évaluer à 1 à 2 dB par an à compter de l'âge de 50 ans, ne puisse être regardée comme ayant eu une incidence significative en l'espèce. D'une part, la circonstance invoquée en défense que l'expert n'a pas joint à son rapport les audiogrammes réalisés lors de l'examen de M. F ne saurait permettre de remettre en cause la sincérité du rapport. D'autre part, la ministre des armées invoque, sans toutefois le documenter, les connaissances médicales généralement admises qui reconnaissent le caractère stationnaire, voire régressif, des hypoacousies d'origine sono traumatique lorsque le sujet n'est plus soumis à des agressions sonores répétées. Elle ne justifie cependant pas de ces allégations, alors que, comme il vient d'être dit, l'expert ne fait état d'aucune autre cause pouvant être à l'origine de l'aggravation de l'hypoacousie dont souffre M. F. Dans ces conditions, en l'absence d'éléments médicaux de nature à invalider la proposition de l'expert et démontrant l'apparition d'une nouvelle pathologie indépendante liée uniquement au vieillissement, il doit être considéré comme établi que l'aggravation de l'hypoacousie bilatérale dont est atteint M. F est exclusivement imputable aux blessures subies en 1992. 6. Le tableau d'évaluation des diminutions d'acuité auditive, présent au guide barème des pensions militaires d'invalidité, prévoit qu'une perte d'acuité auditive égale ou supérieure à 80 dB correspond à un taux d'invalidité de 100 %. L'expert a proposé un taux d'invalidité de 100 %. Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause cette évaluation. Dès lors, le taux d'invalidité de l'hypoacousie bilatérale dont souffre M. F doit être porté à 100 %. En revanche la prise en compte par l'expert, à hauteur d'un taux d'invalidité de 30% d'un phénomène d'acouphène associé sera écarté. 7. Il résulte de ce qui précède que M. F est fondé à demander l'annulation de la décision du 20 mars 2019 en tant qu'elle a rejeté sa demande d'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception ". Il y a lieu en conséquence, compte tenu de ce qui précède, de juger que les droits à pension de M. F au titre de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale de perception " doivent être fixés à 100 % à compter du 29 septembre 2017, sans qu'il soit besoin de faire droit à la demande d'homologation du rapport d'expertise. Sur les dépens : 8. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'État. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. / L'État peut être condamné aux dépens. ". 9. Il y a lieu de mettre à la charge définitive de l'Etat le montant des frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme 2 000 euros par une ordonnance 12 juillet 2022 de la présidente du tribunal administratif de Pau.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 20 mars 2019 de la ministre des armées est annulée en tant qu'elle a rejeté la demande de M. F d'aggravation de l'infirmité " hypoacousie bilatérale de perception ". Article 2 : Les droits à pension militaire d'invalidité de M. F au titre de l'infirmité " Hypoacousie bilatérale de perception " sont ouverts au taux d'invalidité fixé à 100 %, à compter du 29 septembre 2017. Article 3 : Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 2 000 euros sont mis à la charge de l'Etat. Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. F est rejeté. Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B F et au ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient : Mme Quéméner, présidente, Mme Duchesne, conseillère, M. Diard, conseiller. Lu en audience publique, le 29 décembre 2022. La présidente-rapporteure, Signé : V. QUEMENER L'assesseure la plus ancienne, Signé : M. D La greffière, Signé : M. A La République mande et au ministre des armées en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement. Pour expédition, La greffière, N°1902547

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