Vu :
- les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code
de la santé publique ;
- le code des marchés publics ;
- le code
de la commande publique ;
- le code
de justice administrative.
Vu la décision en date du 1er septembre
2022, prise en application
de l'article
L. 511-2 du code
de justice administrative, par laquelle le président du Tribunal a désigné M. Bauzerand, vice-président, en qualité
de juge des référés.
Les parties ont été régulièrement averties du jour
de l'audience publique qui a eu lieu le 28 novembre
2022 à 14 heures 00, le magistrat constituant la formation
de jugement compétente siégeant au tribunal administratif
de Saint Denis
de La Réunion, dans les conditions prévues à l'article L. 781-1 et aux articles
R. 781-1 et suivants du code
de justice administrative, M. B A, étant greffier d'audience au tribunal administratif
de Mayotte.
Au cours
de l'audience publique, M. C a lu son rapport et entendu :
- les observations
de Me Maillot pour la société requérante qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
- les observations
de Me Romanet-Duteil pour le centre hospitalier
de Mayotte qui reprend ses écritures en défense.
La clôture
de l'instruction a été prononcée à l'issue
de l'audience.
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes des dispositions
de l'article
L. 551-1 du code
de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas
de manquement aux obligations
de publicité et
de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs
de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution
de travaux, la livraison
de fournitures ou la prestation
de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat. ". L'article
L. 551-2 du même code dispose que : " Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement
de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution
de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération
de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment
de l'intérêt public, que les conséquences négatives
de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations " ;
2. Il appartient au juge administratif, saisi en application
de l'article
L. 551-1 du code
de justice administrative,
de se prononcer sur le respect des obligations
de publicité et
de mise en concurrence incombant à l'administration. En vertu
de cet article, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations
de publicité et
de mise en concurrence sont celles qui sont susceptibles d'être lésées par
de tels manquement. Il appartient, dès lors, au juge des référés précontractuels
de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut
de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade
de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles
de l'avoir lésé ou risquent
de le léser, fût-ce
de façon indirecte en avantageant un opérateur économique concurrent.
3. Par avis d'appel à la concurrence publié le 25 mars
2022 au Bulletin officiel des annonces des marchés publics (BOAMP) et au Journal officiel
de l'Union européenne (JOUE), le centre hospitalier
de Mayotte (CHM) a lancé une consultation en vue
de la passation d'un accord-cadre
de prestations
de services d'analyses médicales d'une durée
de 12 mois reconductible. Par un courrier en date du 24 octobre
2022, le centre hospitalier a informé la
SELARL de Pathologie que son offre n'était pas retenue et que l'offre proposée par le Laboratoire CERBA était celle qui était retenue. Par la présente requête, la
SELARL de Pathologie demande au juge des référés précontractuels l'annulation
de la procédure
de passation
de ce marché public.
Sur les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction :
4. Aux termes
de l'article
L. 2113-10 du code
de la commande publique: " Les marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification
de prestations distinctes. ". Aux termes des dispositions
de l'article
L. 2113-11 du même code : " L'acheteur peut décider
de ne pas allotir un marché dans l'un des cas suivants : 1° Il n'est pas en mesure d'assurer par lui-même les missions d'organisation,
de pilotage et
de coordination / ; 2° La dévolution en lots séparés est
de nature à restreindre la concurrence ou risque
de rendre techniquement difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des prestations. / Lorsqu'un acheteur décide
de ne pas allotir le marché, il motive son choix en énonçant les considérations
de droit et
de fait qui constituent le fondement
de sa décision ".
5. Saisi d'un moyen tiré
de l'irrégularité
de la décision
de ne pas allotir un marché, il appartient au juge
de déterminer si l'analyse à laquelle le pouvoir adjudicateur a procédé et les justifications qu'il fournit sont, eu égard à la marge d'appréciation dont il dispose pour décider
de ne pas allotir lorsque la dévolution en lots séparés présente l'un des inconvénients que les dispositions précitées mentionnent, entachées d'appréciations erronées.
6. La société requérante soutient que le centre hospitalier
de Mayotte a méconnu les dispositions précitées en n'allotissant pas les prestations distinctes, objet du marché. Elle précise que cet allotissement devait notamment séparer les trois types d'analyse faisant l'objet du marché. En l'espèce, l'article 1er du cahier des clauses techniques particulières relatif à l'objet
de la consultation indique qu'il concerne la réalisation d'actes
de biologie médicale spécialisée et prestations associées et distingue entre les analyses, la biologie médicale spécialisée, la cytogénétique ou génétique moléculaire et l'anatomo-
pathologie.
7. L'article 1-4 du règlement
de la consultation indique, sans justification, qu'il n'est pas prévu
de décomposition en lots. Toutefois, eu égard à la nature des prestations objet du contrat dont il n'est pas contesté à la barre qu'elles sont techniquement très distinctes et sont d'ailleurs sous-traitées pour certaines habituellement, l'absence d'allotissement n'est justifié par le CHM par aucune circonstance objectivement établie. Les circonstances alléguées selon lesquelles le centre hospitalier
de la Martinique aurait procédé
de cette manière, que le caractère insulaire du département constituerait un frein à l'allotissement du marché litigieux, qu'il existerait un usage en la matière ou que ce serait plus pratique sont sans incidence sur la régularité
de la procédure d'appel d'offres. Dans ces conditions, la société requérante est fondée à soutenir que le pouvoir adjudicateur a méconnu le principe posé par les dispositions
de l'article
L. 2113-10 du code
de la commande publique.
8. Il résulte
de tout ce qui précède que le centre hospitalier
de Mayotte a manqué à ses obligations
de mise en concurrence en recourant à un contrat global. Eu égard à sa nature, ce vice a été susceptible
de léser la société requérante qui a été privée
de la possibilité d'obtenir l'attribution d'un ou plusieurs lots. Compte tenu
de la portée du manquement précité, il y a lieu d'annuler en son entier la procédure litigieuse, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués par la société requérante.
Sur les frais du litige :
9. Les dispositions
de l'article
L. 761-1 du code
de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge
de la
SELARL de Pathologie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier
de Mayotte demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
10. Il y a lieu, en revanche,
de faire application
de ces mêmes dispositions et
de mettre à la charge
de ce centre hospitalier une somme
de 3 000 euros à verser à la
SELARL de Pathologie au titre des mêmes frais.
ORDONNE :
Article 1er : La procédure
de passation du marché " Réalisation d'actes
de biologie médicale et prestations associées pour le centre hospitalier
de Mayotte " est annulée.
Article 2 : Les conclusions du centre hospitalier
de Mayotte tendant à l'application des dispositions
de l'article
L. 761-1 du code
de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier
de Mayotte versera à la
SELARL de Pathologie une somme
de 3 000 (trois mille) euros au titre des dispositions
de l'article
L.761-1 du code
de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la
SELARL de Pathologie, au centre hospitalier
de Mayotte et à la SELAFA CERBA.
Fait à Mamoudzou, le
9 décembre 2022 .
Le juge des référés,
Ch. C
La République mande et ordonne au préfet
de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires
de justice à ce requis en ce qui concerne les voies
de droit commun contre les parties privées,
de pourvoir à l'exécution
de la présente décision.