Tribunal de grande instance de Paris, 26 août 2009, 2008/14215

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2008/14215
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : RICARD ; DUVAL 1798 PASTIS DE MARSEILLE
  • Numéros d'enregistrement : 4164026 ; 4206421 ; 3407114
  • Parties : PERNOD RICARD SA ; RICARD SA / LA FAMILLE DES GRANDS VINS ET SPIRITUEUX SAS ; MAISON DUVAL SA

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARISJUGEMENT rendu le 26 Août 2009 3ème chambre 3ème section N° RG : 08/14215 DEMANDERESSES S.A. PERNOD RICARD 12 Place des États-Unis 75016 PARIS S.A. RICARD [...] 13014 MARSEILLE représentée par Me Annick LECOMTE - FALQUE & Associés, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R026 DÉFENDERESSES S.A.S LA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX Passage Montgolfier 21700 NUITS SAINT GEORGES S.A. MAISON DUVAL [...] 13008 MARSEILLE représentées par Me Sylvie SZILVASI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire G.789 COMPOSITION DU TRIBUNAL Elisabeth B, Vice-Président AgnèsTHAUNAT, Vice-Président Florence GOUACHE. Juge assistées de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, lors des débats et de Léoncia BELLON, Greffier lors de la mise à disposition DEBATS A l'audience du 16 Juin 2009 tenue publiquement devant Elisabeth B et Florence GOUACHE, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, ont conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé par mise à disposition de la décision au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSE DU LITIGE : Le groupe PERNOD RICARD a pour activité, par l'intermédiaire de ses filiales, l'élaboration et la commercialisation de boissons et en particulier d'une boisson anisée : le pastis "RICARD". La société PERNOD RICARD est titulaire des marques protégeant la désignation et la présentation du pastis "RICARD". La société RICARD commercialise quant à elle le pastis "RICARD". En 2002-2003, le pastis "RICARD" perdant des parts sur le marché des spiritueux, la société PERNOD RICARD a revu la présentation de sa bouteille et opté pour une présentation plus moderne: • la réduction de la taille de ses étiquettes et la séparation par une étiquette à coins biseautés du bloc marque "RICARD" sur la bouteille du reste de l'étiquette également biseautée afin d'accroître son impact visuel, • la dynamisation du graphisme par la diminution de la typographie et de la feuille d’acanthe, • l'embossement d'un soleil sur la bouteille soulignée de la mention "depuis 1932", • l'allégement et l'ajout d'un liserait jaune sur la collerette, • l'introduction de la couleur jaune dans le cadre intérieur de l'étiquette principale à l'appui du gris et le rayonnement de lignes fines et grisées sur le fond de l'étiquette. Cette nouvelle bouteille a été commercialisée en France à partir de 2004. Afin de protéger sa création, la marque communautaire figurative en couleur représentant la nouvelle bouteille a été déposée par la société PERNOD RICARD, le 03/12/2004 et enregistrée le 28/11/2005, sous le numéro 00414026, pour désigner des boissons alcooliques (à l'exception de bières) en classe 33. Cette marque est représentée ainsi: Par ailleurs, la marque communautaire figurative en couleur suivante a été déposée par la société PERNOD RICARD, le 13/12/2004 et enregistrée le 05/09/2006, sous le numéro 004206421, pour désigner des "boissons alcooliques (à l'exception de bières)" en classe 33 : La société MAISON DUV AL est héritière de la plus ancienne distillerie de boisson à base d'anis fondée en 1798. Elle a été rachetée le 01/02/2004 par la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX et détient pour sa marque "DUVAL" 5.5 % du marché français pour ce type de boisson. Fin décembre 2005, la société FAMILLE DES GRANDS VINS ET SPIRITUEUX (FGVS) et la MAISON DUVAL ont adopté une nouvelle présentation de leur bouteille de pastis "DUVAL". Cette bouteille a substitué à son étiquette unique deux étiquettes aux coins biseautés et aux dimensions plus réduites. Les feuilles ont été simplifiées et supprimées sur le pourtour de l'étiquette pour styliser davantage la feuille d'acanthe, et la placer tel un blason avec le dauphin dans la partie supérieure de l'étiquette principale qui présente un nouveau fond rayé de gris. La typographie a été allégée. La mention "45° a dis paru du centre de l'étiquette et est apparu la signature "F.DuvaP'en lettres de type manuscrites. Un soleil embossé avec les mentions DUVAL " 1798" a été apposé dans un ovale en haut de la bouteille. Une collerette argentée avec un seul bandeau bleu marine remplace la collerette argentée entièrement rayée de bleu marine de l'ancien conditionnement. Les sociétés PERNOD RICARD et RICARD considèrent que cette modification a considérablement rapproché les bouteilles afin de neutraliser ses efforts pour se singulariser de ses concurrents et que ce choix est constitutif de contrefaçon et de concurrence déloyale à son encontre. Elles ont donc fait réalisée un constat d'achat le 06/01/2006 de la bouteille litigieuse. Par ailleurs, la société MAISON DUVAL a déposé le 31/01/2006 une demande d'enregistrement à l'Institut National de la propriété industrielle de la marque représentant ce nouvel étiquetage enregistrée le 10/03/2006, sous le numéro 063407114, pour désigner des "boissons alcooliques (à l'exception de bières)" en classe 33 et se présentant ainsi : REPRESENTATION DES NOUVELLES BOUTEILLES RICARD .ET DUVAL Les sociétés PERNOD RICARD et RICARD ont assigné la FGVS et la MAISON DUVAL le 29/03/2006. Par dernières conclusions en date du 03/10/2008, elles sollicitent du Tribunal au visa des articles L717-1 du code de la propriété intellectuelle, 9b du règlement CE 40/94 du 20/12/1993,1382 du code civil, de : • dire que la bouteille pastis "DUVAL" et la demande d'enregistrement de la marque française 063407114 constituent des contrefaçons par imitation des marques communautaire 004164026 et 004206421 ; • déclarer nulle la demande d'enregistrement de la marque française 063407114 et transmettre le jugement aux fins de transcription au Registre National des marques ; • condamner les agissements de la MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX au titre de la concurrence déloyale ; et en conséquence : • interdire l'emploi de la bouteille pastis DUVAL litigieuse sous quelque forme que ce soit à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir sous astreinte de 500€ par jour de retard et par infraction ; • condamner in solidum la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à leur verser 150.000€ pour l'atteinte à leurs droits et 200.0006 au titre de leur préjudice, outre 10.0006 à chacune au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les frais de constat ; • ordonner la publication de la décision ou de son dispositif in extenso ou par extrait dans trois revues au choix des demandeurs et aux frais in solidum de la MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à concurrence d'une somme de 8.000€ HT par publication ; • condamner in solidum la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX aux entiers dépens dont distraction conforme à l'article 699 du Code de procédure civile . Par conclusions récapitulatives en date du 22/05/2007, la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX demandent au Tribunal de : • débouter les demandeurs ; • surseoir à statuer sur la nullité de la demande d'enregistrement de la marque française semi-figurative 063407114 dans l'attente des décisions de l'INPI relatives aux oppositions formées sur ces marques ; • condamner la société PERNOD RICARD à verser à chacune des sociétés la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX une indemnité de 10.000€ pour procédure abusive ; • ordonner l'exécution provisoire de la décision; • condamner in solidum les sociétés PERNOD RICARD et RICARD aux dépens dontdistraction conforme à l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à chacune des sociétés la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX la somme de 10.000€ en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

: Sur le sursis à statuer dans l'attente de l'enregistrement de la marque française 063407114 et la recevabilité des demandes relatives à cette marque : L'article L712-4 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "pendant le délai mentionné à l'article L. 712-3, opposition à la demande d'enregistrement peut être faite auprès du directeur de l'Institut national de la propriété industrielle par le propriétaire d'une marque enregistrée ou déposée antérieurement ou bénéficiant d'une date de priorité antérieure, ou par le propriétaire d'une marque antérieure notoirement connue. Le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation dispose également du même droit, sauf stipulation contraire du contrat. L'opposition est réputée rejetée s'il n'est pas statué dans un délai de six mois suivant l'expiration du délai prévu à l'article L. 712-3. Toutefois, ce délai peut être suspendu : a) Lorsque l'opposition est fondée sur une demande d'enregistrement de marque ; b) En cas de demande en nullité, en déchéance ou en revendication de propriété, de lamarque sur laquelle est fondée l'opposition ; c) Sur demande conjointe des parties, pendant une durée de trois mois renouvelable une fois. En l'espèce, la société PERNOD RICARD a formé deux oppositions à la demande d'enregistrement de la marque 063407114, par acte du 10/05/2006, à l'INPI, le délai de réponse de l'ESfPI a été suspendu par notification en date du 26/05/2006. Dès lors, la marque n'a pas été déclarée enregistrée et n'est pas réputée l'être. Aussi, l'article L714-3 du code de la propriété intellectuelle dispose qu'est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 711-l à L. 711-4. En l'espèce, la marque 063407114 n'est pas enregistrée et ne peut donc être déclarée nulle par le juge judiciaire. La demande de non enregistrement qui relève du pouvoir administratif est irrecevable. Le dépôt contrefaisant emportera toute conséquence sur l'enregistrement lors de l'appréciation du Directeur de l'INPI, mais le Tribunal n'est pas tenu de surseoir à statuer pour outrepasser ses compétences au moment des débats. De la sorte, la demande de sursis à statuer est rejetée et les demandes relatives à la marque 063407114 sont déclarées irrecevables. Sur la contrefaçon par imitation de la marque communautaire 004164026 : II a été précédemment exposé que la société PERNOD RICARD est titulaire de la marque communautaire figurative en couleur enregistrée le 28/11/2005, sous le numéro 00414026, pour désigner des boissons alcooliques (à l'exception de bières) en classe 33 II résulte des pièces versées aux débats et du constat d'achat du 06/01/2006 que la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX ont fait usage d'une bouteille de pastis "DUVAL"sur laquelle apparaît deux étiquettes aux coins biseautés et aux proportions similaires à celle de la marque opposée, comportant la feuille d'acanthe telle un blason avec un dauphin dans la partie supérieure de l'étiquette principale qui présente un fond rayée de gris, et revêtue d'une typographie légère et de la signature "F.DuvaF'en lettre de type manuscrites. La bouteille comporte en outre un soleil embossé avec les mentions DUVAL " 1798" dans un oval en haut de la bouteille et une collerette argentée avec un seul bandeau bleu marine. L'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", l'article 9, § 1 du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, ajoute que " la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, défaire usage dans la vie des affaires :(...) b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque" Pour apprécier la demande en contrefaçon, il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné . En l'espèce, les produits commercialisés dans les bouteilles "DUVAL" sont identiques, ou à tout le moins similaires, aux produits visés dans l'enregistrement de la marque numéro 00414026 s'agissant de boisson alcoolisées et plus précisément de pastis. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La société DUVAL soutient à l'appui de sa défense que l'élément verbal dominant de la marque opposée est '"RICARD", alors que le sien est "DUVAL". Cependant, le signe opposé ne comporte pas de mention "RICARD" puisqu'il n'est constitué que d'une combinaison d'éléments décoratifs sur une bouteille. La société DUVAL ajoute que son blason est visuellement très distinctif, néanmoins, si le dauphin est différent du point rouge du signe opposé, il apparaît également sur fond à moitié rouge et encadré par une feuille d'Acanthe stylisée aux contours bleu qui estompent la présence du dauphin qui disparaît quasiment dans la partie rouge. La société DUVAL établit en outre par sa pièce 23 que le choix d'étiquettes biseautés est technique et limite le risque de déchirure de l'étiquette, sans pour autant justifier le choix d'une étiquette en deux parties plus fragile. Cependant, elle ajoute que de nombreux concurrents ont une étiquette en deux parties ce qui vu les pièces produites est exact concernant d'autres spiritueux mais pas pour des pastis. Enfin, la société DUVAL prétend avoir déjà utilisé cette présentation avec en haut sur fond vert la mention "UN DUVAL", ce qui est erronée d'après sa pièce correspondante qui montre une étiquette unique en deux tableaux. La signature "F.DuvaL' ne ressort que très peu et n'a pas de caractère distinctif du signe pris dans son ensemble. Enfin, il est impossible pour l'observateur de faire la différence entre une feuille de Badiane et un soleil. De la sorte, d'un point de vue visuel, la société DUVAL propose une bouteille dont les caractéristiques distinctives sont : • une collerette argentée avec à sa base une bande bleu, • en dessous un soleil, • en dessous une étiquette biseautée sur fond bleu marine à pourtour blanc et bande grise avec une inscription en blanc ; • en dessous une seconde étiquette détachée de la première avec une partie basse bleu marine et une partie haute sur fond de lignes fines grisées qui comprend en sa partie haute un écusson à dominante rouge entouré d'une feuille de badiane et comprenant un dauphin blanc, en dessous des mentions écrites en rouge, toute l'étiquette étant biseauté en ses coins et cerclée de blanc et de bleu. Ainsi, la combinaison reprend pour l'observateur toutes les caractéristiques de la marque communautaire figurative en couleur numéro 00414026, hormis le dauphin qui n'est pas suffisamment distinctif dans le visuel global pour permettre au consommateur moyen de différencier les produits. Par ailleurs, les paramètres phonétiques "DUVAL" ne suffisent pas à écarter le risque de confusion dans Il origine du produit en particulier pour une clientèle qui recherche avant tout un "pastis de Marseilles". II résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune. La contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée. Sur la contrefaçon par imitation de la marque communautaire 004206421 : Par ailleurs, la société PERNOD RICARD a enregistré la marque communautaire figurative en couleur numéro 004206421, pour désigner des "boissons alcooliques (à l'exception de bières)" en classe 33 . Il résulte des pièces versées aux débats que la MAISON DUVAL et la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX ont fait usage d'une bouteille de pastis "DUVAL"sur laquelle apparaît deux étiquettes aux coins biseautés et aux proportions similaires à celle de la marque opposée, comportant la feuille d'acanthe tel un blason avec un dauphin dans la partie supérieure de l'étiquette principale qui présente un fond rayée de gris, et revêtue d'une typographie légère et de la signature "F.DuvaP'en lettre de type manuscrites. L'article 713-3 b) du Code de la Propriété Intellectuelle dispose que "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement", l'article 9, § 1 du règlement (CE) n° 40/94 du 20 décembre 1993, ajoute que " la marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, défaire usage dans la vie des affaires : (...) b) d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque" Pour apprécier la demande en contrefaçon, il y a lieu plus particulièrement de rechercher si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné . En l'espèce, les produits commercialisés dans les bouteilles "DUVAL"sont identiques, ou à tout le moins similaires, aux produits visés dans l'enregistrement de la marque numéro 00414026 s'agissant de boisson alcoolisées et plus précisément de pastis. L'appréciation de la similitude visuelle, auditive et conceptuelle des signes doit être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La société DUVAL soutient à l'appui de sa défense que l'élément verbal dominant de la marque opposée est '"RICARD", alors que le sien est "DUVAL". Le signe opposé certes mentionne les termes "RICARD", mais compris dans une combinaison visuelle dont l'élément distinctif ne se limite pas au terme "RICARD" ou "DUVAL». Par ailleurs, les paramètres phonétiques "DUV AL" ne suffisent pas à écarter le risque de confusion dans l'origine du produit en particulier pour une clientèle pouvant être étrangère et qui recherche avant tout un "pastis". La société DUVAL ajoute que son blason est visuellement très distinctif, néanmoins, si le dauphin est différent du point rouge du signe opposé, il apparaît également sur fond à moitié rouge et encadré par une feuille d'Acanthe stylisée aux contours bleu qui estompent la présence du dauphin qui disparaît quasiment dans la partie rouge. La société DUVAL établit en outre par sa pièce 23 que le choix d'étiquettes biseautés est technique et limite le risque de déchirure de l'étiquette, sans pour autant justifier le choix d'une étiquette en deux parties plus fragile. Cependant, elle ajoute que de nombreux concurrents ont une étiquette en deux parties ce qui vue les pièces produites est exact concernant d'autres spiritueux mais pas pour des pastis. Enfin, la société DUV AL prétend avoir déjà utilisé cette présentation avec en haut sur fond vert la mention "UN DUV AL", ce qui est erronée d'après sa pièce qui montre une étiquette unique en deux tableaux. La signature "F.DuvaT' ne ressort que très peu et n'a pas de caractère distinctif du signe pris dans son ensemble. De la sorte, d'un point de vue visuel, la société DUV AL propose une bouteille dont les étiquettes se présentent en deux parties : • la première biseautée sur fond bleu marine à pourtour blanc et bande grise avec une inscription en blanc ; • en dessous une seconde étiquette beaucoup plus grande détachée de la première avec une partie basse bleu marine et une partie haute sur fond de lignes fines grisées qui comprend en sa partie haute un écusson à dominante rouge entouré d'une feuille d'acanthe et comprenant un dauphin blanc, en dessous des mentions écrites en rouge, toute l'étiquette étant biseauté en ses coins et cerclée de blanc et de bleu. Ainsi, la combinaison reprend pour l'observateur toutes les caractéristiques de la marque communautaire figurative en couleur numéro 00414026, hormis le dauphin, la signature et la dénomination "DUVAL" qui ne sont pas suffisamment distinctifs dans le visuel global pour permettre au consommateur moyen de différencier les produits. Il résulte de ces éléments que l'identité ou la similarité des produits concernés alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d'attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune. La contrefaçon par imitation est ainsi caractérisée. Sur la concurrence déloyale II est établi que le pastis "RICARD" a été créé en 1932 et que cette boisson occupe le 8eme rang mondial des marques de spiritueux, et détient près de 36 % des parts de marché français, tandis que le pastis "DUVAL" en détient 5.4 % et se situe en 3eme position des vendeurs de pastis sur le marché français. La renommée du pastis "RICARD" et sa position sur le marché français est démontrée par les études de 2004 de l'agence EPSY et de 2002 de l'agence DESDOIGTS et Associés. L'utilisation du soleil reprise par la bouteille DUVAL est un élément phare des campagnes publicitaires de RICARD. Les pastis "DUVAL" ont lancé leur nouvelle bouteille un an après la sortie du nouveau graphisme de leur concurrent. Il est également démontré par les sociétés PERNOD RICARD et RICARD qu'ils ont engagés des frais de recherche et de développement afin de parfaire leur positionnement marketing par une présentation plus attractive de leur produit. Si la société DUVAL présente des études qu'elle a fait réaliser, en décembre 2004 et février 2005 par le Cabinet EPSY BOISSET, elle n'établit pas le lien exact entre ces études et la bouteille finalisée mise sur le marché, mais plutôt son positionnement par rapport à ses concurrents. En choisissant son nouveau packaging, les pastis DUVAL se sont ainsi placés dans le sillage des pastis "RICARD" et ont voulu profité de leur renommée et surtout de leurs investissements publicitaires et de recherche d'identité pour ne pas se laisser distancer par une image désuète sur un marché très concurrentiel sur lequel ils affichent un prix plus bas que le pastis "RICARD". De la sorte, les pastis DUVAL ont commis des actes de concurrence déloyale au détriment des pastis "RICARD" Sur la réparation des préjudices : II est fait interdiction à la MAISON DUVAL et à la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX d'employer la bouteille pastis DUVAL litigieuse sous quelque forme que ce soit à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement sous astreinte de 500€ par jour de retard et par infraction. Il résulte des pièces du dossier que le produit a été lancé par le 3eme acteur du marché du pastis détenant 5.4 % de part de marché, un an après son concurrent direct et qu'il y a été maintenu aux termes de plusieurs tentatives de négociations. Il y a lieu compte tenu de ces éléments de condamner in solidum la MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à verser à la SA PERNOD RICARD la somme de 50.0006 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque 004164026 et de 50.000€ à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque 004206421 commis à son encontre ainsi qu'à la société RICARD la somme de 100.000€ en réparation du préjudice subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale commis à son préjudice . Il convient, à titre de complément d'indemnisation, d'autoriser la publication de la décision ou de son dispositif in extenso ou par extrait dans trois revues au choix des demandeurs et aux frais in solidum de la MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à concurrence d'une somme de 4.500€ HT par publication Sur les autres demandes : La société MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX sont déboutées de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, l'action engagée à leur encontre ayant prospéré. Il y a lieu de condamner in solidum la MAISON DUVAL et à la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX , partie perdante, aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et comprendront les frais de constat. En outre, les sociétés la MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX doivent être condamnées à verser à la SA PERNOD RICARD et à la société RICARD, qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme totale de 10.000€ outre les frais de constat. Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire, qui est en outre compatible avec la nature du litige, sauf pour ce qui concerne la mesure de publication.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et rendu en premier ressort, - REJETTE la demande de sursis à statuer ; - DÉCLARE irrecevables les demandes relatives à la marque en cours d'enregistrement à l'INPI numéro 063407114 ; - DIT qu'en faisant fabriquer et en mettant en vente des bouteilles de pastis imitant les marques communautaires 004206421 et 004164026 dont la société SA PERNOD RICARD est titulaire, les sociétés MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX se sont rendues coupable d'actes de contrefaçon ; - DIT qu'en profitant des investissements et en se situant dans le sillage de la société RICARD, les sociétés MAISON DUVAL et de la FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX ont en outre commis des actes de concurrence déloyale ; En conséquence, - FAIT INTERDICTION aux sociétés SAMAISON DUVAL et SA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX d'employer la bouteille pastis "DUVAL" litigieuse sous quelque forme que ce soit à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du présent jugement sous astreinte de 500€ par jour de retard et par infraction ; - DIT que le Tribunal se réserve la liquidation de l'astreinte ; - CONDAMNE in solidum les sociétés SA MAISON DUVAL et SA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à verser à la SA PERNOD RICARD la somme de 50.0006 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque 004164026 et de 50.0006 à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de sa marque 004206421 ; - CONDAMNE in solidum les sociétés SAMAISON DUVAL et SA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à verser à la société RICARD la somme de 100.000€ en réparation du préjudice subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale commis à son encontre ; - AUTORISE la publication de la décision ou de son dispositif in extenso ou par extrait dans trois journaux ou revues au choix des demanderesses et aux frais des défenderesses tenues in solidum, sans que le coût de chaque publication n'excède, à la charge de celles- ci, la somme de 4.500,006 H.T. par publication ; - CONDAMNE les sociétés SA MAISON DUVAL et SA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX à verser à la SA PERNOD RICARD et à la société RICARD la somme totale de 10.0006. au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi que les frais de constat ; - CONDAMNE les sociétés SA MAISON DUVAL et SA FAMILLE DES G VINS ET SPIRITUEUX aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile ; - ORDONNE l'exécution provisoire, sauf pour ce qui concerne la mesure de publication ; - DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.