Tribunal de grande instance de Paris, 30 mars 2017, 2015/18655

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2015/18655
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : AUTEUR DE VUE ; AUTEURDEVUE
  • Classification pour les marques : CL09 ; CL16 ; CL38 ; CL41
  • Numéros d'enregistrement : 3600791 ; 4079469 ; 4079467
  • Parties : GALAADE ÉDITIONS SAS ; D (Me Isabelle, en qualité d'administrateur judiciaire de la Sté GALAADE ÉDITIONS) ; D (Me Florence, ès-qualité de mandataire judiciaire de la Sté GALAADE ÉDITIONS) / SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIAS (SCAM)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 30 mars 2017 3ème chambre 1ère section N° RG : 15/18655 Assignation du 17 décembre 2015 DEMANDEURS S.A.S. GALAADE EDITIONS représentée par son Président Mme Emmanuelle COLLAS [...] 75018 PARIS Maître Isabelle D, administrateur judiciaire, ès-qualité d'administrateur judiciaire de la société GALAADE EDITIONS, assistant la société GALAADE EDITIONS, fonctions auxquelles il a été nommé par décision du Tribunal de commerce de Paris du 20 septembre 2016, partie intervenante Maître Florence DAUDE, ès-qualité de mandataire judiciaire de la société GALAADE EDITIONS fonctions auxquelles il a été nommé par décision du Tribunal de commerce de paris du 20 septembre 2016, partie intervenante Tous les trois représentés par Maître Marc BENSIMHON de la SCP BENSIMHON Associés, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0410 DÉFENDERESSE SOCIETE CIVILE DES AUTEURS MULTIMEDIAS (SCAM), prise en la personne de son représentant légal [...] 75008 PARIS représentée par Me Michèle SALCZER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1035 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge Aurélie JIMENEZ, Juge assistée de Léa ASPREY, Greffier DÉBATS À l'audience du 28 février 2017 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

La société GALAADE EDITIONS se présente comme étant une maison d'édition littéraire indépendante créée en 2005 par Madame Emmanuelle COLLAS, qui en est la présidente, et dont le catalogue est constitué de textes de fictions françaises et étrangères ainsi que d'essais. Par contrat en date du 13 mars 2014, régulièrement inscrit au registre national des marques le 24 mars 2014, la société GALAADE EDITIONS est devenue titulaire de la marque verbale française « Auteur de vue » déposée par Madame Emmanuelle COLLAS le 25 septembre 2008 et enregistrée sous le n°3 600 791 en classes 16 et 41 pour désigner les produits et services suivants : - 16 Produits de l'imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; caractères d'imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boîtes en carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; instruments d'écriture ; objets d'art gravés ou lithographies ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ; dessins ; instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; couches en papier ou en cellulose (à jeter) ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l'emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ; - 41 Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; services de loisir ; publication de livres ; prêts de livres ; dressage d'animaux ; production de films sur bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d'enregistrements sonores ; location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision ; location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; service de jeux d'argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro- édition. La société GALAADE EDITIONS indique exploiter la marque « Auteur de vue » pour désigner une de ses collections majeures ayant pour thématique les livres « entre fiction et non-fiction, regroupant des textes exigeants, audacieux et en prise directe avec notre époque » ainsi que pour l'organisation de conférences et de colloques promouvant des livres et auteurs de la collection « Auteur de vue ». La société civile des auteurs multimédia (ci-après SCAM), créée en 1981, est une société civile de perception et de répartition des droits d'auteur régie par les articles L.321-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle ayant pour membres des auteurs d'œuvres de toutes catégories et plus particulièrement des auteurs d'œuvres audiovisuelles. En conformité avec l'article L 321-9 du code de la propriété intellectuelle, elle mène une action culturelle sous la forme d'actions de formation, d'aide à la création, de prix, de soutien à diverses manifestations ou d'organisation de colloques. La société GALAADE EDITIONS indique s'être aperçue que la SCAM avait reproduit à l'identique la marque « Auteur de vue » dans différentes communications, notamment pour dénommer une newsletter et pour désigner un colloque annuel consacré à des problématiques culturelles. Par un courrier en date du 14 octobre 2013, la société GALAADE EDITIONS a demandé à la SCAM de cesser toute utilisation de la marque «Auteur de vue » dont elle est propriétaire. Expliquant avoir, à la suite de ce courrier, vainement tenté d'entrer en contact avec la présidente de la société GALAADE EDITIONS, la SCAM a déposé auprès de l'INPI le 24 mars 2014 la marque verbale française n°4079469 « Auteur de vue » et la marque semi-figurative française n°4079467 : dans les classes 9, 16, 38 et 41 pour désigner les produits et services suivants : - 9 Supports d'enregistrement d'œuvres audiovisuelles ; - 16 Affiches ; albums ; cartes ; brochures ; catalogues ; circulaires ; revues ; magazines ; comptes-rendus de colloques, congrès, conférences ; -38 Diffusion de programmes audiovisuels ; - 41 Activités culturelles. Informations en matière de divertissement ou d'éducation; promotion des œuvres de l'esprit. Production de films. Filmages sur bande vidéo; montage de bandes vidéo. Services de photographie. Publication de comptes rendus de colloques, de séminaires, de débats. Organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, séminaires, symposiums, débats. Organisation et conduite d'ateliers de formation. Par courrier du 15 avril 2014, le conseil de la société GALAADE EDITIONS a mis en demeure la SCAM de cesser tout usage de la marque « Auteur de vue » et de formuler une proposition sérieuse d'indemnisation pour réparer le préjudice subi, outre le paiement de la somme de 2.400 € au titre du remboursement de ses frais d'avocats. Les échanges ultérieurs entre les parties n'ont pas permis de mettre fin au litige naissant. C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 17 décembre 2015, la société GALAADE EDITIONS a assigné la SOCIETE CIVILE DES AUTEURS MULTIMEDIAS (SCAM) devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de droit de marque et en concurrence déloyale et parasitaire. Par jugement en date du 20 septembre 2016, le tribunal de commerce de Paris a placé la société GALAADE EDITIONS en redressement judiciaire, a désigné Maître Isabelle D (SELARLU CID & ASSOCIES) en qualité d'administrateur judiciaire avec mission d'assistance et Maître Florence DAUDE (SCP BROUARD DAUDE) en qualité de mandataire et a ouvert une période d'observation expirant le 20 mars 2017. Au terme de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 9 février 2017, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société GALAADE EDITIONS assistée de Maître Isabelle D (SELARLU CID & ASSOCIES) en qualité d'administrateur judiciaire et Maître Florence DAUDE (SCP BROUARD DAUDE) en qualité de mandataire demande au tribunal, au visa de l'article L713-1, L713-2, L711-4 et L714-3 du code de la propriété intellectuelle et l'article 1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire : - de dire et juger que la société GALAADE EDITIONS assistée de Maître Isabelle D en qualité d'administrateur judiciaire est recevable et bien fondée en ses demandes à rencontre de la SCAM ; - de dire et juger que la marque « Auteur de vue » n° 3600791 bénéficie de la protection conférée par les dispositions du livre VII du code de la propriété intellectuelle ; - de dire et juger que la SCAM s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon en reproduisant à l'identique la marque « Auteur de vue » n° 3600791 ; - de dire et juger que la SCAM a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire distincts, et, à tout le moins des agissements fautifs, au préjudice de la société GALAADE EDITIONS

; En conséquence

, - de condamner la SCAM à payer à la société GALAADE EDITIONS assistée de Maître Isabelle D en qualité d'administrateur judiciaire la somme globale de 240.000 (deux cent quarante mille) € à titre de dommages et intérêts en réparation, des préjudices subis et se décomposant comme suit : * 150.000 (cinq cinquante mille) € au titre de l'atteinte portée aux droits de propriété intellectuelle ; * 40.000 (quarante mille) € au titre de l'atteinte à l'image ; * 50.000 (cinquante mille) € au titre des actes de concurrence déloyale et parasitaire. - d'interdire à la SCAM de faire usage de la marque « Auteur de vue » ; - d'ordonner le transfert de propriété des marques n°4079469 et n°4079467 au profit de la société GALAADE EDITIONS assistée de Maître Isabelle D (SELARLU CID & ASSOCIES) en qualité d'administrateur judiciaire; À titre subsidiaire de dire et juger que les marques n°4079469 et n°4079467 ont été déposées en fraude aux droits de la société GALAADE EDITIONS, et en conséquence: - de prononcer la nullité des marques n°4079469 et n°4079467 ; - d'ordonner, conformément aux articles R. 714-2 et R. 714-3 du code de la propriété intellectuelle, que le jugement à intervenir et la nullité des marques n°4079469 et n°4079467 soit inscrit au registre national des marques à l'initiative du greffe ou de l'une des parties à la présente procédure, aux frais de la SCAM ; À titre infiniment subsidiaire, de prononcer la déchéance des droits de la SCAM sur la marque n°4079469 et la marque n°4079467 pour les produits et services suivants : * support d'enregistrement d'œuvres audiovisuelles; * affiches, albums ; cartes ; brochures ; catalogues ; circulaires ; revues ; magazines : compte-rendu de colloques, congrès, conférence ; * diffusion de programmes audiovisuels ; * information en matière de divertissement ou d'éducation ; promotion culturelle des œuvres de l'esprit ; production de film ; filmage sur bande vidéo ; montage de bandes vidéo ; services de photographe ; publication de comptes rendu de colloques, de séminaires, de débats : organisation et conduite d'ateliers de formation ; - d'ordonner la publication du jugement à intervenir, en intégralité ou par extraits, dans cinq (5) journaux ou revues françaises, aux choix de la société GALAADE EDITIONS, mais aux frais avancés et exclusifs de la SCAM, sans que le coût global de ces insertions n'excède la somme de 20.000 € HT. ; - de déclarer la SCAM irrecevable dans sa demande reconventionnelle de déchéance partielle de la marque « Auteur de vue » n° 3600791 appartenant à GALAADE EDITIONS ; - de débouter la SCAM de sa demande de déchéance partielle ; - de condamner la SCAM à verser à la société GALAADE EDITIONS, la somme de 15.000 (quinze mille) € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; - de condamner la SCAM à l'intérêt légal avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil, à compter du 15 avril 2014, sur l'intégralité des condamnations à intervenir ; - de condamner la SCAM aux entiers dépens. En réplique, dans ses dernières écritures, notifiées par la voie électronique le 12 janvier 2017. auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la Société Civile des Auteurs Multimédias (SCAM) demande au tribunal, au visa de l'article L 622-3 du code de commerce, du jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 septembre 2016 ayant prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire de la société GALAADE EDITIONS, des articles L 713-3, L 714-5, L 714-7, R 714-2 et R 714-3 du code de la propriété intellectuelle et sous le bénéfice de l'exécution provisoire de: - de constater la nullité des conclusions signifiées le 12 décembre 2016 par M DIDIER et D en qualité d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société GALAADE EDITIONS, et par voie de conséquence la nullité de l'ensemble de la procédure. À TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE : - de dire la société GALAADE EDITIONS tant irrecevable que mal fondé en son action et en l'ensemble de ses demandes. En conséquence, de l'en débouter purement et simplement ; - de dire la SCAM recevable et bien fondée en ses demandes reconventionnelles. En conséquence, de prononcer la déchéance partielle des droits de la société GALAADE EDITIONS sur la marque « Auteur de vue » n° 3600791 déposée le 25 septembre 2008, ce à compter du 26 septembre 2013 et pour les produits et services suivants: * en classe 16 : affiches ; albums ; cartes ; journaux ; brochures ; * en classe 41 : activités culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; production de films sur bandes vidéo ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; - d'ordonner l'inscription au registre national des marques du jugement à intervenir et de la déchéance partielle des droits de la société GALAADE EDITIONS sur la marque n°3600791, sur réquisition du greffe ou sur requête de l’une des parties, et au frais de la société GALAADE EDITIONS ; - de condamner la société GALAADE EDITIONS à payer à la SCAM la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ; - de la condamner en tous les dépens, dont distraction au profit de Maître Michèle SALCZER, avocat aux offres de droit. L'ordonnance de clôture a été rendue le 24 janvier 2017, puis révoquée à l'audience de plaidoirie du 6 février 2017 pour permettre à la société GALAADE EDITIONS de régulariser ses conclusions en son nom, les précédentes ayant été signifiées au nom de Maître D et de Maître D, et de produire le jugement du tribunal de commerce du 20 septembre 2016. La clôture a à nouveau été prononcée à l'audience du 28 février 2017. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DU JUGEMENT À titre liminaire, il convient de constater que la demande formulée par la SCAM en nullité des conclusions signifiées le 12 décembre 2016 par M DIDIER et D en qualités d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire de la société GALAADE EDITIONS est sans objet, la procédure ayant été régularisée par la signification le 9 février 2017 de conclusions au nom de la société GALAADE EDITIONS assistée de Maître D en qualité d'administrateur judiciaire. 1°) Sur la demande de déchéance partielle de la marque « Auteur de vue » n °3 600 791 de la société GALAADE EDITIONS - Sur l'intérêt à agir de la SCAM La société GALAADE EDITIONS fait valoir, au visa des articles L 714-5 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 31 du code de procédure civile que la SCAM ne démontre pas exercer une activité dans les domaines d'activité concernés par la demande en déchéance, si ce n'est pour l'organisation de colloques, conférences ou congrès , et n'a donc pas intérêt à agir en déchéance pour les produits « affiches, albums, cartes, journaux, brochures » de la classe 16 et pour les services « activités culturelles, informations en matière de divertissement ou d'éducation, production de films sur bande vidéos, montage de bandes vidéos, services de photographie » de la classe 41. En réponse, la SCAM souligne que son intérêt à agir naît des demandes en contrefaçon de marques formulées à son encontre et de la préservation des droits qu'elle détient sur ses marques AUTEUR DE VUE n°04079469 et 4079467. Sur ce L'article 31 du code de procédure civile dispose que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé. En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Conformément à l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, la déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. Au sens de cette disposition, l'intérêt à agir en déchéance existe dès lors que le monopole constitué par une marque constitue ou est susceptible de constituer une entrave à l'exploitation en France de l'activité économique du demandeur à l'action. Il appartient à ce dernier de caractériser cette entrave, en démontrant notamment qu'il exploite ou envisage d'exploiter sur le territoire français un signe identique ou similaire pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement de la marque. En l'espèce, la SCAM est titulaire des marques françaises verbales et semi-figuratives « Auteur de vue » déposées le 24 mars 2014, soit avant l'introduction de la présente instance, dans les classes 9, 16, 38 et 41 pour les produits et services suivants : * 9 : Supports d'enregistrement d'œuvres audiovisuelles ; * 16 : Affiches ; albums ; cartes ; brochures ; catalogues ; circulaires ; revues ; magazines ; comptes-rendus de colloques, congrès, conférences ; * 38 : Diffusion de programmes audiovisuels ; * 41 : Activités culturelles. Informations en matière de divertissement ou d'éducation ; promotion des œuvres de l'esprit. Production de films. Filmages sur bande vidéo; montage de bandes vidéo. Services de photographie. Publication de comptes rendus de colloques, de séminaires, de débats. Organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, séminaires, symposiums, débats. Organisation et conduite d'ateliers de formation. Ces titres lui ouvrent donc la possibilité d'agir en déchéance à l'encontre d'une marque susceptible d'entraver leur exploitation. La marque « AUTEUR DE VUE » n°3 600 791 de la société GALAADE EDITIONS désigne les produits et services suivants : * 16 Produits de l'imprimerie ; articles pour reliures ; photographies ; articles de papeterie ; adhésifs (matières collantes) pour la papeterie ou le ménage ; matériel pour les artistes ; pinceaux ; machines à écrire et articles de bureau (à l'exception des meubles) ; matériel d'instruction ou d'enseignement (à l'exception des appareils) ; caractères d'imprimerie ; clichés ; papier ; carton ; boîtes en carton ou en papier ; affiches ; albums ; cartes ; livres ; journaux ; prospectus ; brochures ; calendrier ; instruments d'écriture ; objets d'art gravés ou lithographies ; tableaux (peintures) encadrés ou non ; aquarelles ; patrons pour la couture ; dessins : instruments de dessin ; mouchoirs de poche en papier ; serviettes de toilette en papier ; linge de table en papier ; papier hygiénique ; couches en papier ou en cellulose (à jeter) ; sacs et sachets (enveloppes, pochettes) en papier ou en matières plastiques pour l'emballage ; sacs à ordures en papier ou en matières plastiques ; * 41 Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; services de loisir ; publication de livres ; prêts de livres ; dressage d'animaux ; production de films sur bandes vidéo ; location de films cinématographiques ; location d'enregistrements sonores ; location de magnétoscopes ou de postes de radio et de télévision ; location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; service de jeux d'argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro- édition. Les parties sont donc titulaires de marques constituées de signes identiques déposées en partie pour les mêmes produits et services, de sorte que la SCAM dispose de ce premier chef d'un intérêt à agir en déchéance à rencontre de la marque de la demanderesse pour les produits et services qui sont communs avec ceux désignés par ses propres marques « Auteur de vue ». De plus, la marque « Auteur de vue » de la société GALAADE EDITIONS lui étant opposée pour l'intégralité des produits et services qu'elle désigne dans le cadre des demandes en contrefaçon formulées à son encontre, la SCAM dispose de ce seul chef d'un intérêt, né des besoins de sa défense, à soulever la déchéance de la marque qui lui est opposée. En conséquence, la SCAM est recevable en sa demande en déchéance partielle de la marque 'Auteur de vue" n°3 600 791 dont est titulaire la société GALAADE EDITIONS. - Sur l'usage sérieux de la marque "Auteur de vue" n°3 600 791 Au soutien de sa demande en déchéance, la SCAM expose que la marque "Auteur de vue" n°3 600 791 de la société GALAADE EDITIONS n'est utilisée que pour désigner une collection de livres, soit pour les produits « livres » de la classe 16 et pour un service de « publication de livres » de la classe 41, et encourt la déchéance pour tous les autres produits et services de ces classes. Elle affirme notamment qu'aucun usage de cette marque pour l'organisation de colloques conférences ou congrès n'est démontré par la demanderesse, qui soit n'est pas organisatrice des événements dont elle se prévaut, soit justifié de reproduction du signe dans la documentation relative à ces événements, non à titre de marque mais en tant que nom d'une collection de livres. Sur ce Conformément à l'article L 714-5 du code de propriété intellectuelle, encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage : a) L'usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque ou, pour les marques collectives, dans les conditions du règlement ; b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; c) L'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation. La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu'aux produits ou aux services concernés. L'usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans visée au premier alinéa du présent article n'y fait pas obstacle s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens. La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu. Pour échapper à la déchéance, la société GALAADE EDITIONS doit donc rapporter la preuve d'une exploitation sérieuse et non équivoque de la marque, à titre de marque, sur le territoire français, à compter du 31 octobre 2008 date de publication de l'enregistrement de la marque conformément à l'article R 712-23 du code de propriété intellectuelle et le 31 octobre 2013, et en toutes hypothèses durant les cinq années précédant l'introduction de l'action en déchéance, soit entre le 17 décembre 2010 et le 17 décembre 2015, étant précisé qu'en cas d'interruption de l'usage sérieux, la reprise ou le commencement de cet usage visé par l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle est privé d'effet utile s'il a été entrepris dans les trois mois précédant la demande de déchéance et après que le propriétaire a eu connaissance de l'éventualité de cette demande. À cet égard, doit seul être considéré comme sérieux l'usage de la marque dans la vie des affaires et dans sa fonction de garantie d'identité d'origine des produits et services pour lesquels elle est déposée, aux fins de créer, de développer ou de conforter ses parts de marché dans le secteur économique considéré. Cet usage doit donc être suffisant et non seulement symbolique et au seul but de maintien des droits conférés par la marque. L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque s'apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l'étendue et de la fréquence de l'usage de la marque. La marque doit donc en premier lieu être utilisée à titre de marque, c'est à dire pour indiquer l'origine du produit ou du service en cause. La marque doit également être utilisée soit par le titulaire, soit par un tiers agissant avec son consentement pour tous les produits et services indiqués dans le certificat d'enregistrement. En l'espèce, la marque « Auteur de Vue » dont la déchéance est demandée a été enregistrée pour des produits ou services des classes 16 et 41 tels que rappelés ci-dessus. La demande de déchéance est circonscrite aux produits et services suivants : * en classe 16 : affiches ; albums ; cartes ; journaux ; brochures ; * en classe 41 : activités culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; production de films sur bandes vidéo ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès. Il est établi que la marque « Auteur de vue » de la société GALAADE EDITIONS est utilisée pour désigner une collection de livres et la déchéance n'est pas demandée pour les produits et services s'y rapportant. La société GALAADE EDITIONS expose qu'elle utilise également sa marque dans le cadre de l'organisation d'événements culturels, colloques et conférence pour la promotion des livres de la collection éponyme. Si elle se prévaut ce faisant d'un usage de la marque pour désigner les services correspondants de la classe 41, elle n'allègue en revanche aucune utilisation du signe pour les autres produits et services visés au dépôt et notamment pour les produits « affiches ; albums ; cartes ; journaux ; brochures » de la classe 16 et « informations en matière de divertissement ou d'éducation ; production de films sur bandes vidéo ; montage de bandes vidéo ; services de photographie » de la classe 41. La déchéance de ses droits sur sa marque sera dès lors ordonnée pour ces derniers. S'agissant des services « activités culturelles » et « organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès. » de la classe 41, elle produit pour établir l'usage sérieux de sa marque des articles de presse relatifs à des interviews d'auteurs d'ouvrages parus dans la collection « Auteur de vue » ou à des événements dans lesquels ces auteurs sont intervenus ainsi que des invitations ou des documents de présentation de colloques ou conférences auxquels ils participent. Si ces documents reproduisent parfois le signe « Auteur de Vue », cet usage d'une part n'est pas fait à titre de marque pour garantir l'identité de l'organisateur de l'événement en cause puisqu'il s'agit uniquement de rappeler le nom de la collection dans laquelle est parue l'ouvrage de l'auteur, et d'autre part n'est pas le fait de la demanderesse s'agissant des articles de presse comme des colloques, conférences ou salons littéraires qui sont organisés le plus souvent par des tiers sans liens avec celle-ci (pièce 9 : colloque « combat pour une presse libre » organisé par « Bourges démocratie » (pièce 9), foire internationale du livre de Jérusalem (pièce 11), « marathon des mots » ou forums du quotidien Libération (pièce 12, 13 et 15), « festival des idées » organisé par Villa Gillet (pièce H). Au total, il n'est démontré par la société GALAADE EDITIONS aucun usage de sa marque « Auteur de vue » dans sa fonction essentielle d'identification de l'origine des services d'activités culturelles ou d'organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès. La déchéance partielle de la marque verbale française « Auteur de vue » n°3 600 791 sera dès lors prononcée pour les produits et services visés au dispositif, et ce à compter du 31 octobre 2013. 2°) sur la contrefaçon de marque Fondant ses demandes en contrefaçon sur les articles L713-2 a) et L. 713-3 a) du code de la propriété intellectuelle, la demanderesse reproche à la SCAM d'avoir fait usage en 2012 et 2013 du signe « Auteur de vue » reproduisant à l'identique celui déposé à titre de marque pour désigner des colloques consacrés à des problématiques culturelles, soit des événements culturels de la classe 41 couverts par sa marque. Elle considère comme également contrefaisant le dépôt le 24 mars 2014 par la SCAM de ce signe à titre de marque pour désigner en partie des produits et services identiques à ceux couverts par sa marque. Bien que reprochant à la SCAM une reproduction à l'identique de sa marque pour des produits identiques à ceux désignés dans l'enregistrement, elle insiste néanmoins sur le risque de confusion en résultant dans l'esprit du public. La SCAM conteste en réplique l'identité de la reproduction du signe, soulignant qu'elle a fait usage, pour communiquer sur les colloques « Auteur de vue » litigieux, d'un graphisme spécifique correspondant à la charte graphique qu'elle utilisait bien avant la création de la société demanderesse. Elle souligne ainsi les différences entre ce graphisme et celui sous lequel la société GALAADE EDITIONS exploite sa marque. Elle réfute également toute imitation de la marque en faisant valoir qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les signes, le public des colloques organisés par la SCAM, constitué des membres de la SCAM, des partenaires et acteurs du monde culturel n'étant pas le même que celui auquel s'adressent les livres de la société GALAADE EDITIONS. Elle ajoute que le dépôt de ses marques « auteur de vue » pour des services différents de ceux visés à l'enregistrement de la marque de la société GALAADE EDITIONS ou pour lesquels la déchéance est sollicitée ne peut constituer une contrefaçon. Sur ce Conformément à l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l'article L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code. En vertu de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée. Enfin, aux termes de l'article L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. Il n'est pas contesté que la SCAM a fait usage du signe « Auteur de vue » pour désigner les colloques qu'elle a organisés les 24 septembre 2012 et 14 octobre 2013 et a, pour la promotion de ces événements, reproduit ce signe sur différents supports de communication en version papier ou électronique. Ces colloques ayant eu lieu avant la date de prise d'effet de la déchéance des droits de la société GALAADE EDITIONS sur la marque « auteur de vue » n° 3600791 pour les services « événements culturels » et « organisation de colloques » de la classe 41, cet usage est bien effectué pour désigner des services identiques à ceux qui étaient alors visés à l'enregistrement de la marque. La contrefaçon s'appréciant par référence à l'enregistrement de la marque, les conditions d'exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes. La marque « Auteur de vue » opposée est une marque verbale, identique au signe « Auteur de vue » utilisé par la SCAM pour désigner des colloques. À cet égard, dès lors que le signe constituant la marque verbale opposé est reproduit sans adjonction ni modification, quel que soit le graphisme utilisé à cette fin, la reproduction de la marque verbale est constituée, peu important que celle-ci soit exploitée par le titulaire de la marque sous une forme particulière différente de celle sous laquelle le signe litigieux est exploité. En présence d'une reproduction de la marque pour des produits identiques à ceux visés à l'enregistrement, la démonstration d'un risque de confusion entre les signes n'est pas requise, les développements des parties sur le sujet étant dès lors sans pertinence. Il y a lieu de souligner également que la SCAM ne conteste pas avoir fait usage du signe « Auteur de vue » en tant que marque dans sa fonction de garantie de l'identité d'origine des colloques en cause. En conséquence, les faits de contrefaçon par reproduction de la marque « Auteur de vue » n° 3600791 de la société GALAADE EDITIONS pour des services « événements culturels » et « organisation de colloques » de la classe 41 sont constitués. En revanche, les marques verbales et semi-figuratives « Auteur de vue » n °4 079469 et 4 079467 de la SCAM ont été déposées le 24 mars 2014, soit à une date postérieure à celle de la prise d'effet de la déchéance, pour des produits et services qui soit ne sont pas visés dans l'enregistrement de la marque opposée par la société GALAADE, soit sont concernés par la déchéance. En conséquence, en présence de produits et services distincts, le simple dépôt de ces marques n'est pas constitutif de contrefaçon. En application de l'article L716-14 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1 ° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée. Et, en vertu de l'article L 716-15 du code de propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur. La société GALAADE EDITIONS sollicite l'allocation à son profit des sommes de 150 000 € au titre de l'atteinte portée à ses droits de propriété intellectuelle outre 40 000 € au titre de l'atteinte à l'image. Il est néanmoins établi que la marque n°0 36 00791 de la société GALAADE EDITIONS n'est exploitée que pour désigner une collection de livre mais non pour désigner des services d'événements culturels ou d'organisation de colloque, exclusivement concernés par les agissements constitutifs de contrefaçon. Or, la reproduction de la marque par un tiers pour désigner des services, certes visés à l'enregistrement mais non exploités n'est susceptible d'engendrer aucun préjudice financier pour le titulaire ni d'emporter une banalisation de la marque susceptible de diminuer la valeur patrimoniale de celle-ci. De plus, la demanderesse ne produit aucun élément de nature à établir la réalité de l'atteinte à l'image prétendument subie. En conséquence, les demandes d'indemnisation seront intégralement rejetées, y compris la mesure de publication qui constitue une mesure d'indemnisation complémentaire. 3°) Sur les demandes en revendication, en nullité et en déchéance des marques verbales et semi-figuratives « Auteur de vue » n °4 079469 et 4 079467 de la SCAM L'article L.712-6 du code de la propriété intellectuelle prévoit que si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d'un tiers, soit en violation d'une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut revendiquer sa propriété en justice. À moins que le déposant ne soit de mauvaise foi, l'action en revendication se prescrit par cinq ans à compter de la publication de la demande d'enregistrement. Un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu'il est effectué dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité présente ou ultérieure. Le caractère frauduleux du dépôt s'apprécie au jour du dépôt et ne se présume pas, la charge de la preuve de la fraude pesant sur celui qui l'allègue. La notion de fraude, d'interprétation stricte, s'apprécie au regard de tous les facteurs pertinents propres au cas d'espèce et notamment la connaissance qu'avait le déposant de l'usage antérieur par un tiers d'un signe identique ou similaire, l'intention du déposant d'empêcher ce tiers de continuer à utiliser ce signe et le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l'enregistrement est demandé. Les marques verbales et semi-figuratives « Auteur de vue » n °4 079469 et 4 079467 de la SCAM ont été déposées le 24 mars 2014, soit à une date postérieure à celle de la prise d'effet de la déchéance, pour des produits et services qui soit ne sont pas visés dans l'enregistrement de la marque opposée par la société GALAADE EDITIONS, soit sont concernés par la déchéance. En conséquence, le dépôt par la SCAM d'un signe identique à celui constituant la marque de la société GALAADE EDITIONS pour désigner des produits et services différents que ceux couverts par cette marque est dénué de fraude et la demande principale en revendication formulée sur le fondement de l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle sera rejetée. En l'absence de similarité entre les produits et services visés de part et d'autre, la demande subsidiaire en nullité des marques de la SCAM pour indisponibilité du signe sur le fondement des articles L.711-4, L.713-2 et L.714-3 du code de la propriété intellectuelle sera également rejetée. Enfin, la demande en déchéance partielle des droits de la SCAM sur ses marques n°4079469 et 4079467 sera rejetée dès lors que la période de 5 ans prévue à l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle pour apprécier l'absence d'usage sérieux de la marque n'est pas expirée. La société GALAADE EDITIONS sera dès lors également déboutée de sa demande d'interdiction d'usage du signe « Auteur de vue ». 4°) sur la concurrence déloyale et parasitaire La société GALAADE EDITIONS considère que la reproduction de la marque « Auteur de vue » lui appartenant est constitutif d'acte de concurrence déloyale ou à tout le moins de parasitisme tenant à l'appropriation du succès commercial et de la réputation acquise par les livres qu'elle édite. La SCAM rétorque d'une part que les deux sociétés ne sont pas en situation de concurrence, elle-même n'intervenant pas sur le marché du livre ou de l'édition, d'autre part que les agissements qui lui sont reprochés sur ce fondement ne sont pas distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon et enfin que la société GALAADE EDITIONS ne justifie pas du succès commercial qu'elle allègue, son activité étant confidentielle. Sur ce En vertu des articles 31 et 32 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable. Et, conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 (devenus 1240 et 1241 ) du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel. L'action en concurrence déloyale, qui échappe aux règles spéciales régissant l'action en contrefaçon qui sanctionne une atteinte à un droit réel privatif et n'est pas un succédané de l'action en contrefaçon, ne peut être invoquée cumulativement à cette dernière qu'en présence d'un fait dommageable fautif distinct du comportement constitutif de la contrefaçon. La sanction du cumul de demandes indemnitaires fondées sur des faits identiques au titre de la responsabilité délictuelle est l'irrecevabilité de la demande présentée à titre complémentaire. Aux termes de ses écritures, la société GALAADE EDITIONS, qui reproche à la SCAM au titre de la contrefaçon d'avoir reproduit la marque « AUTEUR de VUE » pour désigner des colloques organisés sur des thématiques culturelles en 2012 et 2013, allègue exactement les mêmes faits comme étant constitutifs de parasitisme et de concurrence déloyale à son égard. Le fait matériel étant, dans les deux cas, strictement identique ses demandes additionnelles sur le fondement de la concurrence déloyale et parasitaire sont intégralement irrecevables. 3°) Sur les demandes accessoires L'équité commande de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elles ont exposés dans le cadre de la présente procédure. La société GALAADE EDITIONS, qui succombe dans l'essentiel de ses demandes, sera néanmoins seule condamnée à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître Michèle SALCZER. Au regard de la nature du litige et de sa solution, l'exécution provisoire, non nécessaire, ne sera pas ordonnée conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort, Prononce à l'encontre de la société GALAADE EDITIONS la déchéance partielle, pour défaut d'usage sérieux, de ses droits sur sa marque verbale française « AUTEUR DE VUE » enregistrée le 25 septembre 2008 sous le numéro 3600791 pour les produits et services suivants : * en classe 16 : affiches ; albums ; cartes ; journaux ; brochures ; * en classe 41 : activités culturelles ; informations en matière de divertissement ou d'éducation ; production de films sur bandes vidéo ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; Dit que cette déchéance produira ses effets à compter du 31 octobre 2013 ; Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI, à l'initiative de la partie la plus diligente, pour inscription sur ses registres ; Dit qu'en reproduisant la marque « Auteur de vue » n° 3600791 de la société GALAADE EDITIONS pour désigner et promouvoir des colloques organisés les 24 septembre 2012 et 14 octobre 2013, la SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIAS (SCAM) s'est rendue coupable de contrefaçon, Déboute la société GALAADE EDITIONS de sa demande de dommages et intérêts de ce chef, Rejette les demandes de la société GALAADE EDITIONS en revendication, en nullité et en déchéance des marques verbales n °4 079469 et semi-figuratives n°4 079467 « » Auteur de vue » dont est titulaire la SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIAS (SCAM) ; Rejette la demande de publication et d'interdiction d'usage du signe « Auteur de vue » par la SOCIÉTÉ CIVILE DES AUTEURS MULTIMÉDIAS (SCAM) ; Déclare irrecevables les demandes de la société GALAADE EDITIONS au titre de la concurrence déloyale et parasitaire ; Rejette la demande des parties au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société GALAADE EDITIONS à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par Maître Michèle SALCZER conformément à l'article 699 du code de procédure civile.