Tribunal administratif de Bordeaux, 6ème Chambre, 19 décembre 2022, 2004322

Mots clés hospitalier · centre · requérant · mutualité sociale agricole · préjudice · réparation · expertise · sécurité sociale · santé · rente · expert · perte de chance · préjudice d'agrément · rapport · requête

Synthèse

Juridiction : Tribunal administratif de Bordeaux
Numéro affaire : 2004322
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Président : M. Philippe Delvolvé
Rapporteur : Mme Mariane Champenois
Avocat(s) : SCP MONEGER-ASSIER-BELAUD

Texte

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 septembre 2020 et le 23 avril 2021, M. A E, représenté par Me Patrick Belaud, demande au tribunal :

1°) de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme globale de 66 678,30 euros en réparation des préjudices subis résultant de l'accident médical qu'il a subi le 11 juillet 2015 ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bergerac, la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner à supporter les dépens de l'instance et les frais des expertises judiciaires.

Il soutient que :

- la responsabilité pour faute du centre hospitalier de Bergerac est engagée en raison d'une insuffisance de diagnostic qui a conduit à un geste inapproprié du chirurgien lors de l'intervention du 11 juillet 2015 et en raison d'un défaut d'information, alors qu'il n'y avait pas d'urgence à l'opérer ;

- il est fondé à demander l'indemnisation des dépenses de santé, frais de déplacement et frais d'assistance médicale restés à sa charge pour des montants respectifs de 887,50 euros, 2 859,80 euros, et 2 880 euros, des dépenses de santé futures pour un montant de 3 700 euros ainsi que 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle, 6 811 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire, 23 550 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 4 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, 3 000 euros pour son préjudice sexuel et la réparation de son préjudice moral pour lequel il réclame une somme de 5 000 euros.

Par deux mémoires, enregistrés le 15 octobre 2020 et le 29 septembre 2022, la mutualité sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne, représentée par son directeur général, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui rembourser la somme totale de 3 517,91 euros au titre des débours exposés pour son assuré ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Bergerac une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2020, le centre hospitalier de Bergerac, représenté par Me Charlotte de Lagausie, conclut au rejet de la requête et des demandes de la Mutualité sociale agricole.

Il soutient :

- à titre principal, que sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'il n'a pas été commis d'erreur technique durant la chirurgie, ni de défaut d'information en lien avec le dommage dont se plaint M. E ;

- à titre subsidiaire, que les demandes d'indemnisation formulées par M. E et la Mutualité sociale agricole doivent être rejetées.

Vu :

- l'ordonnance du 22 septembre 2017 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 680 euros ;

- l'ordonnance du 29 août 2019 par laquelle le président du tribunal administratif de Bordeaux a liquidé et taxé les frais et honoraires de l'expert à la somme de 1 890 euros ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mariane Champenois, rapporteure,

- les conclusions de Mme Clara Passerieux, rapporteure publique,

- et les observations de M. E, et de Me de Lagausie, représentant le centre hospitalier de Bergerac.


Considérant ce qui suit

:

1. Le 11 juillet 2015, M. A E, alors âgé de 53 ans, a été hospitalisé au centre hospitalier de Bergerac pour y subir en urgence une opération de thrombectomie. Dans les suites de cette intervention chirurgicale, il a présenté des douleurs importantes en raison d'une ulcération surinfectée qui a nécessité une nouvelle opération réalisée le 22 juillet 2015 par un proctologue. Ce dernier est également intervenu le 11 mai 2016 pour traiter les deux pédicules hémorroïdaires restants. Souffrant de séquelles d'incontinence, M. E a sollicité auprès du tribunal administratif de Bordeaux qu'une expertise soit ordonnée, demande à laquelle il a été fait droit par une ordonnance du 9 juin 2017. Dans son rapport déposé le 11 septembre 2017, le docteur F B, expert désigné, n'a pas fixé de date de consolidation et a préconisé qu'une nouvelle expertise soit réalisée au printemps 2018 en présence des deux chirurgiens ayant opéré le patient. Une seconde expertise a été confiée par le tribunal administratif de Bordeaux au même expert le 31 décembre 2018, et menée, selon une ordonnance du 25 mars 2019 du tribunal de grande instance de Bordeaux, au contradictoire du chirurgien libéral. L'expert a déposé ses rapports les 25 juin et 9 juillet 2019. Par la présente requête, M. E demande au tribunal de condamner le centre hospitalier de Bergerac à lui verser la somme globale de 66 678 ,30 euros en réparation des préjudices résultant de l'accident médical qu'il a subi le 11 juillet 2015.

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Bergerac :

En ce qui concerne le défaut d'information :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. () Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. () En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ". Il résulte de ces dispositions que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.

3. En cas de manquement à cette obligation d'information, si l'acte de diagnostic ou de soin entraîne pour le patient, y compris s'il a été réalisé conformément aux règles de l'art, un dommage en lien avec la réalisation du risque qui n'a pas été porté à sa connaissance, la faute commise en ne procédant pas à cette information engage la responsabilité de l'établissement de santé à son égard, pour sa perte de chance de se soustraire à ce risque en renonçant à l'opération. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction, compte tenu de ce qu'était l'état de santé du patient et son évolution prévisible en l'absence de réalisation de l'acte, des alternatives thérapeutiques qui pouvaient lui être proposées ainsi que de tous autres éléments de nature à révéler le choix qu'il aurait fait, qu'informé de la nature et de l'importance de ce risque, il aurait consenti à l'acte en question.

4. Il n'est pas contesté qu'aucune information n'a été délivrée à M. E sur les risques de complications liées à la thrombectomie qu'il a subie le 11 juillet 2015, ni qu'aucune alternative ne lui a été proposée avant cette intervention, alors que selon l'expert, " il n'y avait aucune urgence en dehors du bien fondé de vouloir soulager au plus vite le patient ". S'il résulte de l'instruction que M. E a signé un consentement après s'être entretenu avec le chirurgien, le centre hospitalier de Bergerac n'établit pas que durant cet entretien, le patient aurait reçu l'information prévue par les dispositions précitées ni que l'intervention pratiquée le jour même était impérieusement requise. Il s'ensuit un manquement à l'obligation d'information de nature à engager sa responsabilité.

En ce qui concerne la faute médicale :

5. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute () ".

6. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertises ordonnées par le tribunal administratif de Bordeaux que l'incontinence anale partielle dont souffre M. E est due à une rupture latérale du sphincter anal interne sur 110 degrés. Si l'expert avait initialement estimé, dans son rapport du 7 septembre 2017, appuyé sur une manométrie rectale, que cette lésion se trouvant à droite et non en regard avec la première zone opératoire qui était à gauche, elle ne pouvait dès lors avoir été réalisée lors de la thrombectomie initiale du 11 juillet 2015, il conclut, après une nouvelle expertise et une nouvelle manométrie rectale avec échographie endo-anale avec vérification de la latéralisation, que la rupture en litige du sphincter interne est située à gauche et est en relation avec le geste chirurgical effectué au centre hospitalier de Bergerac. Cette localisation à gauche, qui a été confirmée par une IRM du canal anal réalisée le 13 juin 2019, n'est d'ailleurs pas contestée par le centre hospitalier de Bergerac. Il résulte de l'expertise que, en raison d'une insuffisance de diagnostic, le chirurgien a réalisé un geste trop profond par l'usage du bistouri électrique, ce qui a traumatisé le sphincter interne. Si le centre hospitalier de Bergerac fait valoir qu'il n'y a aucune certitude quant au caractère fautif du geste, il se borne à relever, d'une part, la contradiction apparente des expertises, laquelle s'explique, ainsi qu'il vient d'être rappelé, par la réalisation d'examens complémentaires ayant permis de rectifier l'analyse, et, d'autre part, l'existence d'une colopathie diarrhéique dont il ne résulte aucunement des éléments versés au dossier qu'elle aurait pu avoir une quelconque incidence sur la lésion du sphincter anal interne. Ainsi, le geste pratiqué lors de l'opération du 11 juillet 2015 constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Bergerac.

7. Il résulte de ce qui précède que la responsabilité du centre hospitalier de Bergerac est engagée également en raison de cette faute.

Sur les préjudices :

8. Il résulte de l'instruction et, notamment, des rapports d'expertise du docteur B des 25 juin et 9 juillet 2019 que la date de consolidation de l'état de santé de M. E, né le 12 février 1962, doit être fixée au 11 avril 2018.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :

9. Il résulte de l'instruction que l'incontinence dont souffre M. E rend nécessaire l'utilisation de protections hygiéniques dont il demande l'indemnisation à raison de deux protections par jour depuis le mois de novembre 2015. Si le centre hospitalier de Bergerac discute l'ampleur de ce préjudice, il résulte des pièces produites par le requérant que ce dernier justifie de son besoin et de l'achat de ce matériel non remboursé pour un montant non contesté par paquet de 14 protections de 7,10 euros. Il convient ainsi de fixer à 1 euro le coût journalier de ces protections dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été pris en charge par la MSA, soit pour la période allant du mois de novembre 2015 à la consolidation de son état de santé, une somme de 892 euros qui doit être mise à la charge du centre hospitalier.

10. Il résulte de l'instruction que M. E a dû effectuer des déplacements pour se rendre à plusieurs consultations à la clinique Tivoli à Bordeaux les 16 et 22 juillet, 20 août et 23 novembre 2015, ainsi que les 29 avril, 11 mai, 2 juin et 5 décembre 2016. Ces déplacements sont en lien direct avec la faute. Il justifie s'être rendu à vingt séances de kinésithérapie dans un cabinet situé à Bergerac, séances directement liées à la rééducation rendue nécessaire par les séquelles subies en raison de la faute commise. En revanche, les frais de déplacement pour se rendre aux réunions d'expertises judiciaires ne peuvent donner lieu à indemnisation au titre des préjudices patrimoniaux dès lors qu'ils relèvent des dépens de l'instance. Les pièces de l'instruction permettent d'établir que l'ensemble des déplacements en lien direct et certain avec la faute a représenté une distance totale de 2 592,80 kilomètres. En conséquence, sur la base de la distance ainsi parcourue et du barème kilométrique moyen applicable au titre des années en litige pour un véhicule de huit chevaux fiscaux, soit 0,595 euro par kilomètre, ces déplacements représentent une somme de 1 543 euros, que le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser au requérant.

11. Les frais de l'expertise judiciaire, ordonnée par ordonnance du 25 mars 2019 du président du tribunal de grande instance, consignés par M. E, taxés et liquidés à hauteur de 1 500 euros, ainsi que les frais d'huissier à hauteur de 48,19 euros, justifiés par une facture du 13 février 2019, supportés par le requérant, sont au nombre des préjudices, d'ailleurs non contestés par le défendeur, dont le requérant peut obtenir réparation. Le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser au requérant la somme de 1 548,19 euros à ce titre.

En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :

12. Il résulte de l'instruction et notamment des rapports d'expertise du docteur B des 29 juin et 9 juillet 2019 ainsi que d'une attestation médicale du 24 février 2021, que l'état de santé de M. E nécessite toujours l'utilisation de protections hygiéniques dont le coût s'élève, ainsi qu'il a été dit au point 9, à un euro par jour. Il sera fait une exacte appréciation de la somme à laquelle il peut prétendre au titre de ces frais, depuis la consolidation, à la date du présent jugement, en la fixant à 1 713 euros. Par ailleurs, le requérant, qui demande l'indemnisation de ce préjudice pendant une période de dix années depuis la date de consolidation, doit être regardé comme demandant le versement d'une rente annuelle, dans la mesure où son état de santé nécessite le port de protection à titre permanent. Le centre hospitalier de Bergerac sera condamné à verser au requérant une rente annuelle payable à terme échu de 365 euros, dont le montant sera revalorisé en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

13. Il résulte de l'instruction que M. E, ingénieur au sein du service " génétique physiologie et protection des plantes " depuis le 1er janvier 2015, suite à la modification de son contrat à durée indéterminée par l'entreprise ayant fusionné avec son ancien employeur n'a pas subi d'arrêt de ses activités professionnelles en dehors de ceux liés à ses interventions chirurgicales. S'il a rapporté à l'expert qu'il aurait refusé une promotion qui impliquait des déplacements en voiture par peur de souillures et de fuites anales, les pièces qu'il produit ne permettent pas d'établir la réalité de cette proposition et de sa date, ni celle d'une absence d'évolution professionnelle au sein de l'entreprise en lien avec l'incontinence anale dont il reste atteint depuis l'intervention au centre hospitalier de Bergerac. Sa demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle ne peut, en l'état, qu'être rejetée.

En ce qui concerne les préjudices extra-patrimoniaux :

14. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. E a subi des périodes de déficit fonctionnel temporaire du 11 au 13 juillet 2015 en lien direct avec l'intervention de thrombectomie, et non avec la complication dont il a souffert. Ce préjudice ne peut donc donner lieu à indemnisation. En revanche, le requérant a subi, d'une part, un déficit fonctionnel temporaire total pendant sa deuxième et sa troisième période d'hospitalisation, lesquelles ont été rendues nécessaires par la complication dont il a souffert, soit du 22 au 23 juillet 2015 et du 22 au 23 juillet 2016, et, d'autre part, un déficit fonctionnel temporaire partiel de classe II du 14 au 21 juillet 2015, puis de classe I du 24 juillet au 11 avril 2018, date de consolidation. Il sera fait une juste appréciation du préjudice ayant résulté pour lui de son déficit fonctionnel temporaire, sur la base d'un taux journalier de 21 euros, à la somme de 2 200 euros.

15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que M. E a enduré des souffrances évaluées à 2 sur une échelle allant de 1 à 7 par l'expert judiciaire. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 2 500 euros.

16. En troisième lieu, l'expert désigné par le tribunal a estimé que M. E demeurait atteint après consolidation, d'une incapacité permanente partielle de 15 % en raison du port permanent de protections et en raison du traumatisme psychologique, à l'exclusion de toute autre pathologie. Compte tenu de son âge à la date de la consolidation (56 ans), il sera fait une juste appréciation de son déficit fonctionnel permanent en allouant au requérant la somme de 20 000 euros.

17. En quatrième lieu, si M. E demande l'indemnisation d'un préjudice d'agrément, il n'apporte aucun élément pour justifier de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisirs en particulier qu'il aurait été contraint d'abandonner en raison des séquelles dont il souffre. Il ne démontre ainsi pas la réalité du préjudice d'agrément dont il sollicite la réparation. Sa demande doit par suite être rejetée.

18. En cinquième lieu, il résulte de l'instruction que le dommage consistant en une incontinence partielle aux gaz et matières ainsi que les troubles psychologiques dont le requérant souffre a eu des répercussions sur la vie sexuelle de M. E. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice sexuel reconnu par l'expert en condamnant le centre hospitalier de Bergerac à lui verser une somme de 3 000 euros.

19. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le dommage dont souffre M. E résulte d'une rupture du sphincter anal interne sur 110 degrés est sans lien avec les risques de complications dont il aurait dû être informé en application des dispositions de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique. Dans ces conditions, le manquement du centre hospitalier de Bergerac décrit au point 4 n'est pas à l'origine d'une perte de chance d'éviter les préjudices dont la réparation est demandée et, indépendamment de cette perte de chance, M. E n'est pas fondé à demander réparation du préjudice moral en découlant.

20. Il résulte de ce tout qui précède que le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser à M. E une somme de 33 396,19 euros ainsi qu'une rente annuelle de 365 euros revalorisée chaque année au 1er avril par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

Sur les droits de la Mutualité sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne :

21. La Mutualité sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne justifie des dépenses de santé exposées pour le compte de son assuré comprenant des frais médicaux et pharmaceutiques du 16 juillet 2015 au 11 avril 2018, des frais correspondant à des soins au centre hospitalier universitaire de Bordeaux le 22 mars 2017, au centre hospitalier de Bergerac le 19 novembre 2015 et le 11 avril 2018 au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, des frais d'hospitalisation et des indemnités journalières du 16 juillet 2015 au 26 janvier 2018 pour un montant total de 3 517,91 euros. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge du centre hospitalier de Bergerac.

22. La Mutualité sociale agricole a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 114 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale.

Sur les dépens :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge définitive du centre hospitalier de Bergerac, les frais des expertises réalisées par le docteur B, taxés et liquidés à la somme de 1 680 et 1 890 euros par les ordonnances du président du tribunal administratif de Bordeaux des 22 septembre 2017 et 29 août 2019, soit la somme totale de 3 570 euros à ce titre.

24. M. E justifie avoir exposé des frais d'assistance par le Dr D lors des opérations d'expertise judiciaire, comprenant des honoraires à hauteur de 2 880 euros et de frais de déplacement pour se rendre à quatre rendez-vous préparatoires avec ce dernier, évalués à 610 euros, sur la base de la distance ainsi parcourue correspondant à 1 024 km, et du barème kilométrique moyen applicable au titre des années en litige pour un véhicule de huit chevaux fiscaux, soit 0,595 euro par kilomètre. Le requérant justifie également de frais de déplacement pour se rendre aux trois examens demandés par l'expert désigné par le tribunal (d'IRM et de manométrie) et à deux réunions d'expertise auxquelles il a été convoqué le 30 août 2017 et le 21 juin 2019, à hauteur de 632 kilomètres. La somme de 224 euros doit être mise à la charge du centre hospitalier de Bergerac au titre des dépens sur la base de la distance ainsi parcourue, et du barème kilométrique moyen applicable au titre des années en litige pour un véhicule de huit chevaux fiscaux, soit 0,595 euro par kilomètre. L'ensemble de ces dépens s'élève à la somme totale de 3 714 euros.

Sur les autres frais liés au litige :

25. Il y a lieu, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Bergerac, partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. E et non compris dans les dépens. En revanche, la Mutualité sociale agricole ne justifie pas avoir exposé de frais. Ses conclusions présentées à ce titre seront, par suite, rejetées.

D É C I D E :



Article 1er : Le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser à M. E une somme de 33 396,19 euros en réparation de ses préjudices.

Article 2 : Le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser à M. E à compter du présent jugement une rente annuelle de 365 euros, laquelle sera revalorisée chaque année au 1er avril par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale, en remboursement des protections quotidiennes.

Article 3 : Le centre hospitalier de Bergerac est condamné à verser à la Mutualité sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne la somme de 3 517,91 euros au titre de ses débours.

Article 4 : Le centre hospitalier de Bergerac versera à la Mutualité sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne la somme de 1 114 euros au titre de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 5 : Le centre hospitalier de Bergerac versera à M. E la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme totale de 3 570 euros par les ordonnances du président du tribunal des 22 septembre 2017 et 29 août 2019 sont mis à la charge du centre hospitalier de Bergerac.

Article 7 : Le centre hospitalier de Bergerac est condamné à rembourser à M. E la somme de 3 714 euros au titre des dépens.

Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 9 : Le présent jugement sera notifié à M. A E, au centre hospitalier de Bergerac et à la Mutuelle sociale agricole Dordogne-Lot-et-Garonne.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Philippe Delvolvé, président,

Mme Mariane Champenois, première conseillère,

Mme C de Gélas, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2022.

La rapporteure,

M. CHAMPENOIS

Le président,

Ph. DELVOLVÉLa greffière,

A. JAMEAU

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière,